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Full text of "Mémoires de la Société d'agriculture, sciences, belles-lettres et arts d'Orléans"

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MEMOIRES 

DE LA 

SOCIÉTÉ D’AGRICULTURE, 

SCIENCES, BELLES LETTRES ET ARTS 

D’ORLÉANS 


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NOTE SUR LES PUBLICATIONS DE LA SOCIÉTÉ 


Les travaux publiés par la Société comprennent, au i ar janvier 1891. 60 volumes 
complets, divisés en quatre séries : 

La première, sous le titre de Bulletin delà Société des Sciences physiques, etc. ; 
comprend tout ce qu elle a publié depuis son établissement, en avril 18O9. jusqu’aux 
événements politiques de la tin de i 8 i 3 , par suite desquels ses réunions ont cessé. 

Ce Bulletiin, dont les exemplaires complets sont rares, se compose de 7 volumes 
formés de 43 numéros qui ont paru de mois en mois, le premier en juin 181O, et le 
dernier en décembre i8i3 Chaque volume comprend six cahiers. Seul le tome III 
a de plus un supplément ou un septième numéro, ce qui éléve le nombre de pages 
de ce tome à 304. La pagination du tome IV recommence pour les deux derniers 
numéros. 

Dans la seconde série, dont le premier volume a pour titre : Annales de la So¬ 
ciété des Sciences Belles-Lettres et Arts , et dont le second et les suivants portent 
celui d'Annales de la Société Royale , etc , sont contenus tous les travaux que la 
Société a mis au jour depuis sa réorganisation en janvier 1818, jusqu'au 3 Mars 1837. 

Les Annales forment 14 volumes composés chacun de six numéros, dont le 
premier a paru en juillet 1818. Le premier et le troisième volumes ont chacun une 
planche, le quatrième en a deux, le sixième une, le septième trois, le neuvième 
deux, le onzième sept, le douzième neuf, le treizième huit et le quatorzième une. 

Le titre du premier volume, qu'on trouve en tète du sixième ou dernier cahier, 
porte, par erreur, la date de 18I9; c'est 1818 qu'il faut lire. 

La troisième série comprend iO volumes et s’étend jusqu’à l'année i 852 . Les 
sept premiers volumes de cette série portent le titre de (Mémoires de la Société 
royale, etc. ; les trois derniers sont intitulés : (Mémoires de la Société des 
Sciences, etc. De ces dix volumes, le premier renferme cinq planches, le deuxième 
en a huit, le troisième une, le quatrième trois, le cinquième sept, le sixième deux, 
le sepitème une, le huitième trois, le neuvième deux et le dixième sept. 

Enfin, la quatrième série, publiée dans un format un peu plus grand que les trois 
précédentes et sous le titre de : Mémoires de la Société d'Agriculture, Sciences , 
belles-Lettres et Arts d'Orléans , comprenait au i' r janvier 1891, vingt-neuf volumes: 
le premier commencé au 2 avril i 853 , porte la date de i 8 Z >3 ; le dernier porte la 
date de 1889. Cette série se continue. 

Son premier volume contient sept planches ; le second huit, le troisième et le 
quatrième chacun trois, le cinquième deux, le sixième cinq, le septième dix-sept, 
le huitième cinq, le neuvième dix-neuf, le dixième sept planches et trois tableaux, 
le onzième une seule planche le douzième quatre, le treizième deux, le quator¬ 
zième deux aussi, le quinzième et le seizième chacun une seulement, le dix- 
huitièm six, le dix-neuvième huit, le vingtième cinq, le vingt et unième sept, le 
vingt-deuxième une eau forte et 8 planches, le vingt-troisieme une planche de 
musique, le vingt-quatrième n’en a pas, le vingt-cinquième en a huit, le vingt- 
sixième une sèule, le vingt-septième une seule aussi, le vingt-huitième dix-neul, le 
vingt-neuvième n’en a pas 

Après le tome XV de la 4* série des Mémoires, la Société a publié une table 
générale des matières contenues dans les 46 premiers volumes de la collection de 
ses travaux. 


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MEMOIRES 

DELA 

SOCIÉTÉ D’AGRICULTURE, 

SCIENCES, 

BELLES-LETTRES ET ARTS 
D’ORLÉANS 


TOME TRENTIÈME 


4® Série des Travaux de la Société. — 61® volume de la collection. 


ORLÉANS 

Imprimerie Georges MI CH AU et C ie , 

9, Rue de la Vieille-Poterie, 9 

1891 


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T 41* /**• 


Harvard Gollege Library 

Ou^&*¥& ) 3 , 1912 

C. Loweli fund 


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ANDRÉ-GASPARD-PARFAIT 


DE BIZEMONT ÎMNELÉ 

GRAVEUR ORLÉANAIS 

ET SON ŒUVRE 

Par M. Émile DAVOUST. 


Séances de Février, Mars et Juin 1890. 


L’art de la gravure est un art éminemment français ; la 
gravure à l’eau forte, en particulier, et la plupart des 
genres qui dérivent de ce procède, semblent s’accommoder 
merveilleusement avec le caractère de notre pays ; elle en 
est la véritable expression par sa légèreté, par sa fantaisie, 
son originalité et son indépendance. 

Aussi, à côté de tous les artistes qui se sont illustrés 
dans la pratique de cet art, se rencontrent des amateurs 
et des hommes du monde, tout acquis à la culture du 
dessin, qui se sont voués avec passion à l'étude de la gra¬ 
vure, et un grand nombre d’entre eux se sont fait une 
réputation méritée. 

La ville d’Orléans, à toutes les époques, a tenu une place 
respectable dans l’histoire des arts en France ; et, pour ne 
citer que les plus connus, Androuet du Cerceau, Etienne 
Delaulne, Michel Corneille, Étienne Baudet, Charles et 


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— 6 — 


Louis Sinnonneau, François et Jacques Chereau, Gabriel 
Huquier, Jean Moyreau, Aignan Desfriches et Beauvais 
de Préau, forment un groupe nombreux d’artistes de 
talent. 

A ces noms, célèbres à juste titre, il convient d’ajouter 
celui de M. le comte André-Gaspard-Parfait de Bizemont- 
Prunelé, qui fut un appréciateur distingué du talent des 
artistes, un de leurs bienfaiteurs et un de leurs plus grands 
amis, qui fut lui-même un dessinateur de premier ordre, et 
et qui sut, grâce à la souplesse de son talent, pratiquer 
avec honneur et succès presque tous les procédés de la gra¬ 
vure. 

Le suivre pas à pas dans ses travaux et dans ses produc¬ 
tions diverses, étudier son œuvre complet, c’est passer en 
revue les différentes méthodes de l’art du graveur, c’est 
s’initier à tous les secrets du métier qui ont passionné les 
artistes les plus éminents comme les plus modestes des 
amateurs. 

Est-il rien de plus séduisant, en effet, pour un artiste, 
un peintre, un dessinateur, que d’être soi-même le propre 
vulgarisateur de son œuvre, que de rester soi-même dans 
les nombreuses épreuves issues d’une planche de cuivre 
gravée avec tous les soins amoureux de l’artiste, que de 
reproduire un portrait, une composition un souvenir, en 
autant d’originaux qu’il conviendra de le faire? 

C’est ce que la gravure, et particulièrement la gravure à 
l’eau forte, et les méthodes qui en découlent, mettent à la 
disposition des artistes qui les pratiquent. 

Le comte de Bizemont eut, au plus haut degré, cette pas¬ 
sion de la gravure, qu’il pratiqua avec un incontestable 
talent. Il cultiva cet art aux temps heureux de sa vie, et, 
dans la mauvaise fortune, au cours de ses longues années 
d’exil, il lui dut les consolations morales, et aussi la vie 
matérielle et le pain de chaque jour. Au retour dans ses 


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— 7 — 


foyers, il lui consacrera la part la meilleure de sa vie, il 
perfectionnera son talent, il travaillera sans relâche jus¬ 
qu’à faire à son art de prédilection le sacrifice de sa vue. 

M. le comte André-Gaspard-Parfait de Bizemont-Pru- 
nelé est né en 1752, au château de Tignonville, en Beaure, 
résidence héréditaire de l’ancienne et noble famille de 
Prunelé. 

Le château de Tignonville est aujourd’hui détruit ; il a 
été rasé à l’époque de la Révolution ; seule une partie des 
souterrains et des caves subsiste au milieu d’un jardin. 

Il ne reste qu’un seul souvenir de la famille de Prunelé 
dans la commune de Tignonville, c’est une inscription 
gravée à l’entrée du chœur de l’église, où l’on distingue, 
sur une pierre tombale, les noms de * Parfait... » et 
* Pronelé >, avec la date de 1794. 

La famille de Bizemont, dont il est fait mention dès 1459, 
était originaire de Picardie ; elle devint Orléanaise en se 
fixant dans le Hurepoix. 

Elle porte pour armes : d’azur au chevron d’or, accom¬ 
pagné en chef de deux croissants d’argent, et en pointe 
d’une molette d’éperon d’or, avec la devise : Jungat stem - 
mata virtus. 

Ses alliances principales furent : Parent, en 1536 ; de 
Neufville, en 1581 ; Cranson, en 1640; du Noyer, en 1684; 
de Sanixe, en 1718; de Lannoy, en 1750, et Prunelé, 
en 1750. 

Ses fiefs étaient : le Buisson, Mondeville, le Tertre, 
Chalambier, Eoutteville, la Roche-Corbeau (1). 

. La maison de Prunelé était l’une des plus anciennes et 
des plus illustres familles de l’Orléanais. Il est fait men¬ 
tion d’elle dès 1180. Elle a donné au clergé (2), à l’armée 
et à la cour les personnages les plus éminents. 

(1) Manuscrits du chanoine Hubert, vol. II, 2. (Bibl. d’Orléans.) 

(2) Guy de Prunelé, évêque d’Orléans au xiv« siècle. 


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Le prénom de Parfait, qu’elle transmit sans interruption 
à sa descendance mâle, par ordre de priraogéniture, lui fut 
donné par Philippe-Auguste, qui avait qualifié l’un des 
membres de cette famille à la croisade de Invictus, Pius 
et Perfectus. 

Elle a pour armes : de gueules à 6 annelets d’or, 3, 2 et 1. 

Au château d’Yèvre, on voit encore le blason de cette 
famille, avec lettres initiales I. P. P., qui ont été inter¬ 
prétées à tort Jean-Parfait Prunelé. Ces initiales doivent 
être rapprochées, au contraire, des épithètes Invictus , 
Pius et Perfectus, qu’elles rappellent et qui sont insépa¬ 
rables des armoiries. 

Les alliances de la maison de Prunelé dans cette longue 
période de six siècles de 1180 à 1780 furent nombreuses et 
illustres. Les principales sont Agnès, Jeanne, d’Averton, 
de Patay, le Baveux de Macherie, d’Illiers, de la Chapelle, 
de Beauveau (1470), Le Roy, de Dreux, le Veneur, Pinard, 
de Marolles, de Theillay, de Mornay, de Refuge, de Fon- 
tenil.de Liouville, Lange, de la Barre , d’Anouville, de 
Tusssay, 1452; du Plessis, 1465; de Ballu, 1486; de 
Mesange, de Gaudin, 1570 ; de Riolle, 1598 ; de Graffard, 
de Boulchard, de Mervilliers, de Montdoré, de Rigué, 1656; 
de Grouche, des Ligneris, 1525 ; de Monceau, 1567 ; de 
Saint-Paul, de la Taille, de la Lande, 1606 ; de Cormont, 
1625; de Jaucour, de Savoie, des Acres, de Pavielle, de 
Frouville, d’Ardenay. 

Les alliances des filles se. firent dans les maisons de 
Chambray, de Laval, Le Bouteiller, de la Chapelle, de 
Villiers, de Beauvilliers, 1404 ; des Hayes, de Boissy, 
d’Allouville, de la Taille, de Verdun, Douard, Raimbert, 
des Moustiers, de Lescot, 1592; de Champgrand, de Saint- 
Simon, de Lautrec, de Tascher, de Villezan, de la Taille, 
1645, Hérouard, 1652; de la Ferrière, 1654; de Leviston, 
1654 ; de Bizemont, 1750 ; de Morogues, 1758. 


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Ses fiefs étaient : Herbaut, la Porte, Châteauvieux, Cour- 
banton, Beraut, Gondreville, La Rivière, Mervilliers, 
Prunelé, La Salle, le jPeray, Tignonville, Liouvile, Rou- 
vray-Sainte-Croix, Romainville et Méréville (1). 

Le jeune André-Gaspard-Parfait de Bizemont quitta de 
bonne heure le toit paternel et fut envoyé au collège de 
Meung-sur-Loire, célèbre alors par la renommée de ses 
professeurs. Il y fit ses premières études et les continua 
jusqu’en rhétorique , puis il termina ses humanités à 
Orléans. 

Doué d’un esprit souple, profondément observateur des 
hommes et des choses, il dut à sa nature élevée d’arriver à 
l’âge d’homme avec une instruction complète, et des dispo¬ 
sitions artistiques naturelles dont il avait preuve dès ses pre¬ 
mières années de jeunesse, s’il est permis d’en juger par 
les dessins fantaisistes et variés dont il se plaisait à illus¬ 
trer les pages de ses livres d’études. 

Le moment étant venu de choisir une carrière, il suivit 
d’instinct la tradition de sa famille, et se fit soldat comme 
tout bon gentilhomme, avide d’indépendance personnelle 
et d'activité. 

Il atteignit rapidement le grade de capitaine de cava¬ 
lerie et fut bientôt pourvu d’une charge d’écuyer du roi. Il 
dut alors résider à Paris, et poursuivit brillamment sa car¬ 
rière militaire, au cours de laquelle il mérita d’être reçu 
chevalier de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont- 
Carmel et chevalier de Saint-Louis. 

Mais ni la situation élevée qu’il occupait, ni les agita¬ 
tions du train de vie dans lequel il était emporté, ni les 
exigences de sa charge, n’avaient étouffé chez l’écuyer du 
roi son amour pour les arts ; il se plaisait à rechercher la 
société des artistes, à s’éclairer de leurs conseils, à parta- 

(1) Manuscrits du chanoine Hubert, vol. I, f» 236. (Bibl. d'Orléans.) 


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— lo¬ 


ger leurs travaux. Particuliérement lié avec Charles Gau¬ 
cher, le célèbre et délicat graveur des portraits de l’avocat 
du Paty, Du Dauphin de France, du duc de Brissac et de 
tant d'autres planches remarquables, Bizemont se fit son 
élève, et fréquenta assidûment son atelier. C’est sous l’œil 
de ce maître qu’il fit ses premiers essais, c’est dans son 
amical commerce qu’il fut initié à la connaissance de tous 
les procédés si variés de la gravure, de la gravure à l’eau- 
forte, et des diverses méthodes qui en dérivent. C’est grâce 
à ces excellentes leçons que, secondé par une audacieuse 
facilité, il put aborder tous les genres, avec la même con- 
naissance du procédé et avec le même esprit. 

L'armée, la cour et la ville, ne devaient point cependant 
le retenir longtemps à Paris, et, après peu d'années, mal¬ 
gré la carrière brillante qui s'ouvrait devant lui, Bizemont 
revint à Orléans. Il s'adonna alors tout entier à l’étude et 
à la pratique des arts. 

Particulièrement lié avec Haudry, le célèbre collection¬ 
neur, et avec Desfriches, dont il se plaisait à graver les 
dessins, il prêta à ce dernier son concours le plus dévoué 
pour la fondation de l’école de dessin d’Orléans. Il mit à sa 
disposition toute son influence, et il obtint par lettres du 
15 juillet 1786 que l’école académique d’Orléans fût affiliée 
à l’Académie de peinture et sculpture de Paris, et il en fut 
nommé à l’unanimité le trésorier perpétuel. 

Les relations suivies qu'il avait conservées à Paris dans 
le monde des arts, [avec M. Cochin, le célèbre graveur, 
M. Coustou, le sculpteur, M. Soyer, l’ingénieur des turcies 
et levées, qui fut aussi un artiste de talent, avec des ama¬ 
teurs, comme M. L. C. de Carmontelle (1), le comte de 

(1) M. L.-C. de Carmontelle traça les portraits d’un grand nombre 
de personnages de son temps, et grava lui-même, à l'eau forte, des 
planches spirituellement touchées, 


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Caylus (1) et tant d’autres, avaient contribué à développer 
ses heureuses dispositions, à former son goût et à le placer 
au rang le plus distingué dans la ville d’Orléans. Sa solli¬ 
citude constante pour les beaux-arts, ses études et ses 
recherches spéciales, auxquelles il semblait vouloir consa¬ 
crer tout son temps, le [firent appeler, en 1787, au sein de 
l’Académie Royale des sciences, belles-lettres et arts d’Or¬ 
léans. C’est à cette occasion qu’il grava le joli cartouche 
destiné à servir de cadre au diplôme de cette Compagnie. 

* Déjà, du reste, l’année précédente, en 1786, son talent 
avait été consacré par M. Cochin, dans une longue lettre 
adressée à Desfriches au sujet de la nomination de 
M. Bardin aux fonctions de professeur à l’école gratuite de 
dessin d’Orléans. M. Cochin n’ignorait pas le dévouement 
de Bizemont à la cause des arts, il savait qu’il avait secondé 
Desfriches de tous ses efforts dans la fondation de cette 
école, et se plaisait à rendre hommage à sa haute compé¬ 
tence. 

Les planches dont il est question dans la lettre de 
M. Cochin sont des sujets d’ornement ; elles avaient été 
offertes par Bizemont au directeur de la nouvelle école 
pour servir de modèles aux élèves. 

Après des considérations sur le choix de M. Bardin 
comme professeur à l’école gratuite, M. Cochin s’exprime 
en ces termes : 

« J’ai vu avec la plus parfaite satisfaction les talents de 
M. le comte de Bizemont. J’avoue que j’ai été surpris du 
degré de talent qu’il a acquis dans la gravure ; il a fallu 
une furieuse ténacité pour acquérir ce degré de propreté 

(1) Le comte de Caylus, archéologue et écrivain distingué, dessi¬ 
nateur et graveur, fut un des premiers qui remirent en honneur les 
chefs-d'œuvre de l’antiquité, par ses écrits comme par ses gravures. 
Il contribua pour une large part au grand mouvement artistique de la 
fin du xvm e siècle, et prépara les voies à Louis David, qui devait 
fonder la nouvelle école. 


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— 12 — 


dans l’exécution qui paraît dans les deux * Vases » ; c’est 
être graveur dans toute l’étendue du mot. Il est certain 
qu’on vivrait à Paris, et très honnêtement, avec ce degré 
de talent. Cela passe l’amateur. J’ai sans doute été très 
satisfait du « Confessionnal * ; cela est dessiné et gravé 
avec goût, mais quelques amateurs sont arrivés à peu près 
à ce degré. Ici, il y a de l’art, mais dans les « Vases >, le 
métier est uni avec l’art, et ce sont deux choses dont la 
réunion ne me semble être facile que pour ceux qui en font 
profession... » 

Bizemont s’était ainsi fait une place honorable parmi ses 
concitoyens. Il partageait sa vie entre ses études favorites 
et les voyages. Il avait une prédilection pour le Midi ; 
l’Italie l’attirait particulièrement, avec tous ses monu¬ 
ments magnifiques et les chefs-d’œuvre de ses galeries 
publiques et privées. 

Il y fit un long séjour, d’où il rapporta de nombreux 
souvenirs, et il y compléta ses connaissances artistiques 
par l’étude la plus approfondie des diverses écoles. 

Mais cette heureuse quiétude devait être troublée. L’ar¬ 
tiste, généreux et dévoué, allait déposer son burin, sa 
pointe et son crayon, pour redevènir le soldat qu’il avait 
été dans sa jeunesse, et se trouver de nouveau mêlé à la 
vie publique. 

En effet, l’année 1789 venait de s’écouler. — Les grands 
événements qui l’avaient marquée avaient produit partout 
la plus profonde émotion, et à Paris comme dans les pro¬ 
vinces, l’agitation était vive dans tous les esprits. 

A Orléans, dés le 17 juillet 1789, au lendemain de la 
convocation des états-généraux, s’était formée spontané¬ 
ment et par enthousiasme la garde civique volontaire; 
M. de Cypierre, intendant de la province, l’avait divisée 
en sept compagnies, sous le commandement de M. Dulac 
de la Varenne, colonel. 


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— 13 - 


Cette garde civique volontaire avait pris un rapide déve¬ 
loppement pour former bientôt le corps important des 
volontaires nationaux Orléanais. Mais en même temps Tin- 
discipline avait pénétré dans les rangs. Il fallut donner au 
commandement plus d’importance et de force, et bien que 
Bizemont eut cherché d’abord à se tenir à l’écart, la sym¬ 
pathie et la confiance qu’il inspirait, ainsi que son passé 
militaire, le firent désigner en 1790 pour le grade de lieu¬ 
tenant-colonel afin de seconder le commandant de la 
Yarenne. Le choix dont il était l’objet avait été fait dans 
les circonstances les plus flatteuses. 

En effet, le 15 mars 1790, les officiers de la garde natio¬ 
nale d’Orléans, désirant nommer pour leur lieutenant- 
colonel un militaire brave, sévère et instruit, qui pût 
donner à cette garde volontaire la discipline qui lui man¬ 
quait, vinrent en masse trouver le comte de Bizemont, 
pour le prier de vouloir bien accepter cette fonction impor¬ 
tante. 

Il refusa d’abord par modestie l’honneur qui lui était 
offert ; néanmoins, sur les instances des délégués, n’écou¬ 
tant que sa générosité et son dévouement à son pays, il 
consentit à remplir leur vœu, mais il y mit des conditions 
qu’il leur donna par écrit : 

1° La garde nationale serait dissoute sur-le-champ et 
réorganisée par quartiers, suivant la division qu’il en ferait 
lui-même sur le plan de la ville, colorié par comparti¬ 
ments ; 

2° Les compagnies, une fois formées, seraient assem¬ 
blées séparément, aux lieux indiqués, à l’effet de nommer 
elles-mêmes leurs officiers et sous-officiers. 

3° La plus sévère discipline serait observée, et les délits 
jugés par un conseil dont il serait le président. 

4° Tous les jours, les sous-officiers de service des com- 


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— 14 — 


pagnies se rendraient à l’ordre chez lui, ou sur la place 
du Martroi, à l’heure de la parade. 

Toutes ces conditions, acceptées avec empressement, 
furent exécutées de suite, et le nouveau chef sut, par son 
autorité, fermer la bouche aux plus turbulents. 

Cependant l’effervescence qui régnait dans les esprits, 
rendait chaque jour la tâche plus difficile. Composé d’élé¬ 
ments divers, formé de compagnies dont chacune avait 
son siège dans un quartier, dans une paroisse ou dans une 
commune différente, ce corps des volontaires nationaux 
manquait de cohésion et d’unité ; c’était un désaccord 
constant entre les diverses compagnies. Les rivalités de 
clocher entretenaient l’esprit d’indiscipline et de révclte, 
et il fallait au commandement tout le tact et toute l’autorité 
possibles. 

Les volontaires de Meung-sur-Loire et ceux de Beau- 
gency particulièrement, résistaient à toute injonction ; la 
rivalité existant entre les deux compagnies était poussée à 
l’extrême et portait à la discipline une atteinte telle qu’on 
dut songer au licenciement, après l’application des peines 
disciplinaires les plus sévères. Une tentative de réconcilia¬ 
tion fut confiée aux soins du lieutenant-colonel de Bize- 
mont, et grâce à la justesse de son caractère et à l’autorité 
de sa personne, les compagnies de Beaugency et de 
Meung-sur-Loire firent taire leurs rivalités, oublièrent les 
différends qui les séparaient et rentrèrent dans l’ordre. 

Afin d’assurer dans l’avenir le maintien de la discipline, 
le lieutenant-colonel de Bizemont convoque à la maison de 
Ville une assemblée des députés de chaque compagnie, 
pour la formation d’un conseil de discipline de la garde 
civique d’Orléans et l’élection des membres de ce conseil. 

Furent élus : de Bizemont, président ; Dulac de la Va- 
renne, colonel, le major, les deux aides-majors, et deux 
officiers ou sous-officiers par compagnie, membres. 


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— 15 — 


Les séances de ce conseil de discipline se tinrent ensuite 
régulièrement à la maison commune le vendredi de chaque 
semaine. 

Non content d’avoir garanti le prestige de l’autorité, 
Bizemont voulut encore assurer l’administration et l’ins¬ 
truction de ses compagnies. Il s’adjoignit M. Colas de 
Brouville, capitaine, et plusieurs des officiers qu’il avait 
sous ses ordres, et rédigea un projet de division des gardes 
nationales en douze compagnies, avec une instruction par¬ 
ticulière pour régler provisoirement l’organisation des 
volontaires jusqu’à ce que l’assemblée nationale ait décrété 
des règlements définitifs. Ces projets furent présentés à la 
municipalité. Le conseil approuva unanimement ces ins¬ 
tructions et divisions dans sa séance du 16 avril 1790, et 
en réclama la prompte exécution, comme tendant au main¬ 
tien du bon ordre ; de plus il arrêta qu’on ne pourrait 
choisir pour officiers dans la milice nationale que des 
citoyens actifs et influents. 

En quelques semaines, le lieutenant-colonel avait su 
garantir l’autorité du commandement, donner aux nou¬ 
velles troupes un accroissement rapide, rendre plus facile 
leur administration et favoriser leur instruction, et ce fut 
ainsi, par sa fermeté et par des mesures intelligemment 
comprises, qu’il parvint à relever le zèle des volontaires, 
et à faire de la garde nationale d’Orléans la plus belle 
troupe citoyenne des provinces du centre de la France. 

On en put juger, du reste, lors de l’assemblée fédérative 
des gardes nationales des différents départements, qui 
devaient se réunir les 6, 7, 8, 9 et 10 mai 1790. 

Sous l’impulsion de son colonel et de son lieutenant- 
colonel, la garde nationale d’Orléans, après avoir obtenu 
l’autorisation des officiers municipaux, avait invité les 
gardes nationales des provinces de Touraine, du Berry, du 
Nivernais et du pays chartrain à se réunir à elle « pour 


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c s'associer mutuellement, dans une fédération, aux senti- 

< ments de concorde, d’union et de fraternité dont ils ne 
* devraient jamais se départir, pour se livrer de concert 
« à l’expression de l'allégresse que la génération du 
c royaume devait inspirer à tous les citoyens français. » 
Elle les conviait « à assurer la nouvelle constitution, à 
t consacrer tous leurs efforts à l’exécution des décrets de 
« l’Assemblée nationale, à faire éclater de la manière la 
« plus solennelle, leur amour et leur reconnaissance pour 
« l’auguste souverain, restaurateur de la liberté, à sceller 
c du sceau sacré de la religion l’engagement inviolable 

< d’une fidélité sans bornes à la nation, à la loi, et au 
« roi » (1). 

135 villes ou bourgs répondirent à cette invitation, et 
donnèrent leur adhésion à la fédération. Ils envoyèrent à 
Orléans 1,074 députés représentant 42,293 gardes natio¬ 
naux. 

Le comte de Bizemont avait été élu député par les gardes 
nationaux d’Orléans, et la réunion préliminaire qui pré¬ 
céda les assemblées de la fédération, il fut à l’unanimité 
élevé à la dignité de président. En cette qualité, il prit la 
plus large part à la préparation de la fête des Quatre- 
Vents. Il en régla tous les détails, et ce fut lui qui, devant 
l’autel de la patrie, le 9 mai 1790, en présence du clergé, 
du corps municipal, des officiers des régiments de Royal- 
Comtois, de Roussillon, de la Maréchaussée, et d’une foule 
innombrable de citoyens de toutes classes, prononça le 
serment solennel dont la formule avait été rédigée à l'a¬ 
vance par les députés dans leurs réunions précédentes (2). 

(1) Lettre d’invitation adressée à toutes les gardes nationales des 
provinces du Centre. 

(2) Voir à l’appendice le détail des fêtes de la fédération orléanaise, 
et les différents discours prononcés à cette occasion par le comte de 
Bizemont. 


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— 17 — 


Le comte de Bizemont avait tenu une place considérable 
dans ces importantes journées. Son dévouement et son 
patriotisme l’avaient placé au premier rang parmi ses con¬ 
citoyens. Il avait composé le dessin d'une médaille com¬ 
mémorative des événements qui venaient de s’accomplir à 
Orléans. 

N'écoutant que son profond attachement à la cité orléa- 
naise, et ne voulant que le nom d'aucune autre ville ne 
soit mêlé même aux plus petits détails de cette fête de la 
fédération d'Orléans, il envoya une adresse à la municipa¬ 
lité, afin de la prier de solliciter de l’Assemblée nationale 
que la médaille commémorative dont il avait conçu le 
projet fût frappée à la Monnaie d’Orléans. 

Le Conseil municipal arrêta unanimement qu'il serait 
écrit à ce sujet à l’Assemblée nationale, et, le 6 juillet, 
M. Salomon de la Saugerie, député du Loiret, annonça au 
procureur de la commune que l'autorisation demandée 
avait été accordée. 

Le 14 juillet suivant, le lieutenant-colonel de Bizemont, 
à la tête de ses Compagnies, prenait part à la fête civique 
que la ville d’Orléans célébrait pour s’unir à la confédéra¬ 
tion nationale et « en mémoire de l'anniversaire de la 
régénération française ». Mais les épithètes trompeuses 
données à cette fête avaient semblé froisser le culte pro¬ 
fond que Bizemont avait voué à la monarchie, et depuis 
lors, redoutant de glisser sur la pente fatale où la France 
était engagée, il se tint écarté de toute autre manifesta¬ 
tion jusqu'au moment où, le 10 mars 1791, il donna sa dé¬ 
mission de lieutenant-colonel de la garde nationale d'Or¬ 
léans, au grand regret de toutes ses troupes et de tous les 
habitants. 

Quelques mois plus tard, en octobre 1791, de plus en 
plus inquiet, et mécontent de la marche de la Révolution 
française, il quitta sa famille et sa patrie, émigra volon- 

2 


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tairement, et gagna la Suisse d'abord, puis, peu après, 
l’Autriche, où il attendit les événements. 

Cependant, la situation devenait chaque jour plus grave 
en France, et les princes émigrés s’alliaient aux puissances 
étrangères pour tenter de sauver le roi. Ils firent alors 
appel à tous les fidèles de la monarchie, et c’est ainsi que 
Bizemont rejoignit leur armée, où il obtint un grade de 
capitaine dans un régiment de mousquetaires. 

Il suivit avec résignation le sort malheureux des troupes 
durant ces tristes campagnes, compromises par les ambi¬ 
tions des puissances étrangères, qui refusaient de laisser 
aux émigrés leur indépendance nationale, et voulaient en 
faire des soldats de la Prusse ou de l’Autriche. 

Puis, bientôt, comme presque tous les émigrés, aban¬ 
donnés par ceux-là mêmes qui les avaient appelés et encou¬ 
ragés, le comte de Bizemont se sentit seul, vaincu, loin de 
sa patrie, sans ressources, exilé. 

Mais Bizemont était un homme de cœur et de volonté ; 
il avait mis déjà, durant de longues années, et dans des 
circonstances bien diverses, sa personne et son dévoue¬ 
ment au service de ses compatriotes, et il ne redoutait ni 
le travail, ni la lutte, ni le sacrifice. Il réagit donc contre 
la mauvaise fortune qui brisait son cœur et sa vie, et 
demanda asile à l’Angleterre. 

Il se fixa à Londres, espérant trouver dans la vaste capi¬ 
tale des facilités plus grandes pour se créer des ressources. 
Il loua, dans une des rues les plus retirées du West End, 
au n° 19 de Norton-Street, un modeste logement, et se mit 
au travail. L’outillage du dessinateur et du graveur avait 
été vite réuni, et il eut la satisfaction de trouver à donner 
quelques leçons de dessin. 

C'était la vie matérielle, mais 6i précaire encore qu'il 
pensa à mettre à profit son talent de graveur. 


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— 19 — 


Il grava d'abord pour lui-même une carte de visite. Elle 
était formée d'un cartouche très simple, orné de clous aux 
angles ; sur l’un des côtés, une draperie était relevée avec 
élégance, et on lisait au milieu : 

M' BIZEMONT 

DRAWING-M ASTER 

N° 19, Nortonstreet, near Portlandstreet. 

Bizemont sculpsit . London , 1794. 

La mode était alors à Londres à remploi de ces cartes de 
visite ornementées, et cette honnête réclame lui attira de 
nombreuses commandes, pour lesquelles il sut varier les 
ornements et les attributs suivant les goûts ou la position 
sociale de ses clients. Il est à regretter que la plupart de 
ces planches, pour ne pas dire presque toutes, soient 
dispersées. Les épreuves en sont d'une grande rareté. Il 
faut le constater à regret, car Bizemont avait dépensé une 
somme considérable de talent dans la gravure de ces 
planches. 

Il vivait ainsi honorablement. Sa haute éducation, la 
distinction de son esprit et la nature éminemment sociable 
de son caractère, ne tardèrent point à lui créer des relations 
dignes de sa personnalité, soit dans la haute société 
anglaise, soit parmi les émigrés plus heureux que lui, 
fixés à Londres, qui attendaient avec patience le retour à 
des temps meilleurs. Il fut ainsi de nouveau mis en rapport 
avec les représentants des princes et mêlé à leurs intrigues, 
et il accepta de faire partie d'une importante mission qu'ils 
envoyaient en Turquie. 

Bizemont quitta alors l’Angleterre et il s’embarqua pour 
la Turquie avec les envoyés des princes. La tentative faite 
auprès de la Porte devait échouer. Mais les membres qui 
composaient la mission n'en avaient pas moins été accueillis 


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— 20 — 


par le sultan Abdul-Hamed, par ses favoris et par les 
Ambassadeurs étrangers, avec tout le respect dû à leur 
personne et à leur rang. 

Le comte de Bizemont se fit distinguer parmi eux par 
son intelligence supérieure, ses hautes capacités et par sa 
connaissance profonde du métier militaire. Il s’attira la 
confiance du sultan, qui, depuis longtemps, formait le 
projet de discipliner et d’exercer à la française quelques- 
unes de ses troupes. Abdul-Hamed l’éleva à un poste émi¬ 
nent, qui pouvait répondre à celui d’officier général, et le 
chargea spécialement de l’organisation, de la direction 
et de l’instruction nouvelles qu’il voulait donner à son 
armée. 

Voici donc Bizemont avec une situation digne de lui, 
haut fonctionnaire militaire à la solde du Grand Seigneur. 
Il remplissait sa tâche avec zèle et dévouement, entretenant 
autour de lui les relations les plus amicales et les plus 
distinguées, occupant ses loisirs à parcourir les rives du 
Bosphore et les rues de Constantinople, et à fixer ses sou¬ 
venirs par la pointe et par le crayon, lorsque l’arrivée d’un 
député de la Convention, Auber du Bayel, vint lui susciter 
de cruels embarras. Il fut menacé des rigueurs de la Con¬ 
vention. Sous le coup d’une arrestation, il allait être 
incarcéré à la prison des Sept-Tours. 

Emus par les dangers qui menaçaient leur ami, les 
favoris du sultan et les ambassadeurs étrangers employaient 
toute leur influence pour sauver la liberté du comte de 
Bizemont. Ils y réussirent et l’engagèrent à quitter la 
Turquie sans retard. 

Au cours de ces années d’aventures et de vicissitudes, 
l’amour des arts n’avait pas abandonné un instant le comte 
de Bizemont. Il n’était point éloigné de la Grèce et se sentit 
attiré vers elle pour étudier sur place ses ruines magni¬ 
fiques. Il chercha donc à y pénétrer ; mais ce voyage fut 


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difficile, et le touriste émigré dut s’arrêter vaincu par la 
fatigue et par la maladie. Il put cependant reprendre sa 
route avec une caravane de marchands, et déjà depuis 
quelque temps il foulait le sol de la Grèce lorsque son 
voyage fut de nouveau interrompu. Une bande de brigands 
assaillit la petite troupe pendant la nuit, la dévalisa, et 
emmena Bizemont prisonnier. 

Il mit, pour rançon, son talent à la disposition du chef 
de la bande, et put ainsi, bientôt après, recouvrer sa 
liberté. 

Encore une fois dénué de ressources, il ne vit d’autre 
parti à prendre que de regagner Constantinople. Il y trou¬ 
verait du moins des amis. 

Son espérance ne fut pas déçue, et à son retour il fut 
chaleureusement accueilli par l’entourage du sultan. 

Mais à cette époque troublée, les représentants du peuple 
français à l’étranger subissaient les contre-coups des 
agitations de la mère patrie, et l’envoyé de la Convention 
près de la Porte, Auber du Bayel, était devenu avec les 
personnages qui l’avaient accompagné en Turquie, victime 
des vicissitudes de la politique. Remplacé lui-même à 
Constantinople par un représentant nouveau, ce dernier 
n’avait apporté avec lui d’autro lettre de rappel pour son 
prédécesseur et ses secrétaires qu’un ordre d’incarcération 
à la prison des Sept-Tours. 

Le malheureux Auber du Bayel gémissait de sa captivité 
et craignait de voir sa disgrâce se terminer par un dénoue¬ 
ment fatal. 

Il apprit le retour de Bizemont, dont il n’ignorait pas les 
hautes et amicales relations à Constantinople ; il lui fit 
connaître ses souffrances et ses inquiétudes, et le pria 
de faire intervenir en sa faveur le gouvernement de la 
Porte. 


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- 22 - 


Le comte de Bizemont, toujours bon et généreux, ne vit 
en lui qu’un compatriote malheureux, et contribua autant 
qu'il le put à le faire mettre en liberté avec les autres 
Français qui subissaient le même sort. 

Bizemont avait été remplacé dans ses hautes fonctions 
militaires, et bientôt il reçut une mission dans les posses¬ 
sions asiatiques du Sultan, pour continuer de l’autre côté 
du détroit l’œuvre qu’il avait heureusement commencée en 
Europe. 

Il s’embarqua donc, au Bosphore, avec une suite d’offi¬ 
ciers nombreux qui, déjà, étaient rompus aux nouvelles 
manœuvres et devaient le seconder. Comme prédestiné aux 
aventures et aux dangers de toutes sortes, il eut à supporter 
la plus rude et la plus émouvante traversée. Le navire qui 
le portait fut, en effet, assailli par une tempête violente, 
balloté sur les flots en tous sens, et jeté à la côte, où il se 
brisa sur les récifs. Conservant devant la mort menaçante 
son song-froid et son courage, Bizemont sut trouver la 
seule planche de salut ; il était perdu sans ressource s’il 
eût faibli un instant. U fit appel à toute son énergie, se 
soutint sur une épave, et put enfin aitérir au milieu des 
difficultés les plus grandes. 

Ce fut ainsi qu’il put regagner son nouveau poste et 
remplir avec honneur la mission nouvelle qui lui avait été 
confiée. 

Son séjour en Asie-Mineure ne fut point de longue durée; 
Rappelé à Constantinople, le comte de Bizemont reçut du 
sultan les plus hauts témoignages de sa reconnaissance. 

Honoré de l’amitié d’Âbdul-Hamed, il était quotidienne¬ 
ment admis à cette cour, fermée pour ainsi dire à tout ce 
qui n’est point musulman ; il en devient, grâce à ces con¬ 
naissances artistiques, comme le conseiller intime en 
matière de goût, d’ornementation ou d’architecture, et il 
s’acquit à tel point la confiance du sultan qu’il fut chargé 


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— 23 — 


de dessiner, en parterre à la française, une partie des jar¬ 
dins du sérail et de les faire exécuter tels qu’on les retrouve 
encore aujourd’hui. 

Cependant Bizemont, malgré la situation qu’il occupait 
en Turquie et les honneurs dont il était comblé, pensait à 
se rapprocher de la France. Il semblait pressentir la fin 
prochaine de ses longues années d’aventures et d’exil. 

Il résigna donc ses hautes fonctions et prit congé du 
sultan pour venir se fixer en Belgique, à Liège, où, comme 
amateur, cette fois, il reprit la pointe et le burin. 

Au cour de ces événements, à une époque où il y avait 
un véritable courage à affirmer sa sympathie pour un 
émigré, Bizemont avait été l'objet, de la part de ses conci¬ 
toyens, d'un haut et touchant témoignage d’estime. Une 
pétition en sa faveur avait été adressée aux membres du 
gouvernement pour demander sa rentrée en France. 

Cette adresse, datée du 15 février 1795, était ainsi 
conçue : 

c Nous, soussignés, artistes et habitants de la commune 
d'Orléans, exposons et attestons que Gaspard-Parfait 
Bizemont sest toujours distingué par ses talents dans l’art 
du dessin et de la gravure ; qu'il en a constamment fait son 
unique occupation, et qu’à la suite de travaux aussi péni¬ 
bles qu'utiles, il a, par une confiance aussi bien acquise 
que méritée, été le fondateur d’une école gratuite de pein¬ 
ture, gravure sculpture, architecture et autres arts dépen¬ 
dant du dessin, qui fut approuvée sous le titre d'école aca¬ 
démique d’Orléans, et affiliée à l’Académie de peinture- 
sculpture de Paris, par lettre du 15 juillet 1786. 

« Le fait ci-dessus est tellement véridique que le citoyen 
Bizemont, à l’unanimité des artistes, fut nommé trésorier 
perpétuel de ladite académie, comme le plus propre à sou¬ 
tenir et consolider un établissement aussi précieux aux 
riches qu'aux indigents. 


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€ Le citoyen Bizemont, pour acquérir de nouvelles con¬ 
naissances, forma le projet de voyager en Suisse et en 
Grèce, et, en 1790, sans consulter que le goût du bien 
public qui l*a toujours animé, il partit, et son absence 
qui ne pouvait et ne devait être que momentanée, ne l’em¬ 
pêcha pas d’être porté sur la liste des émigrés, sous le nom 
de Louis-Gaspard-Parfait Bizemont. 

« Ils attestent encore qu'il n’est pas moins de notoriété 
publique que ledit Bizemont, de tous les temps, sest consa¬ 
cré exclusivement à l’étude des arts et des sciences, et 
qu’il en faisait sa profession ; que le but de ses voyages, 
qui devaient lui procurer de plus grandes connaissances, 
le rendait plus utile à cette première académie dont il était 
regardé, à juste titre, comme le père et U plus ferme appui. 

« Puisse donc l’autorité républicaine rendre à sa patrie 
un citoyen aussi distingué dans les arts et dans les sciences 
et qui ne cesse de lui offrir les hommages de sa reconnais¬ 
sance ; il est également réclamé par ceux que la fortune 
n’avait pas favorisés, puisqu’il en était le soutien, et par 
toute sa famille, dont il était l’unique appui. 

« Signé : Mingre-Noras, associé et manufacturier ; 
Dufaur ; G.-P. Baguenault, négociant ; Soyer, associé de 
l’Ecole ; Bigot de la Touane ; Hènon ; Desfriches/ direc¬ 
teur de l’Ecole ; F. Hanapier, orfèvre ; Bordier, fils, hor¬ 
loger ; Cahouet ; Greniel, élève de l’Ecole de dessin ; 
Colas-Brouville ; Tassin ; Egrot ; Gabriel Baguenault; 
Lottin, élève de l’Ecole de dessin ; Lambert-Cambray ; 
Nicolas Ruet, élève ; Jacques Bordier, horloger ; Leclerc, 
orfèvre; Langlois, élève; Cahouet-Marolles; Denis, 
chaudronnier ; Desfrancs, associé ; Seurrat-Güilleville ; 
Lambert, peintre ; Tascher; A. Brouville; Michonneau, 
serrurier; Armand-Léon de Sailly ; Tristan; Dupuis, 
élève (1). » 

(1) lmp., man. et aut. de la bibliothèque d’Orléans. 


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Cette pétition devait malheureusement rester sans effet ; 
mais il est curieux de rapprocher les termes de cette adresse 
des événements auxquels Bizemont avait pris part. Il émi¬ 
gra seulement en octobre 1791, et non pas en 1790, époque 
à laquelle il se trouva mêlé, à Orléans, à tous les événe¬ 
ments qui accompagnèrent rétablissement de la garde na¬ 
tionale et la fédération d’Orléans, et, à peine sur le sol 
étranger, il se hâta de rejoindre l’armée des princes pour 
combattre la Révolution. 

Mais tant était grande la sympathie qu’il avait inspirée à 
ses concitoyens, si profond était dans l'esprit de tous le 
souvenir de son dévouement, de sa générosité et de son 
talent, qu’aucun des signataires de l’adresse n’avait hésité 
à porter atteinte à la vérité pour faire ouvrir à Bizemont 
les portes de sa patrie. 

Cependant, depuis le jour où le comte de Bizemont était 
passé à l’étranger, huit années s'étaient écoulées ; Bona¬ 
parte avait pris les rênes du gouvernement avec le titre do 
premier consul, et l'horizon politique s’était éclairci en 
France. 

Auber du Bayel et ses amis, les anciens prisonniers des 
Sept-Tours, à Constantinople, avaient pu rentrer dans leur 
patrie, et leur disgrâce passagère, qu’ils avaient su faire 
habilement valoir, n’avait été pour eux qu’un marche¬ 
pied pour parvenir aux plus hautes situations administra¬ 
tives. Ils se souvinrent de leur libérateur et sollicitèrent 
auprès du gouvernement la rentrée en France du comte de 
Bizemont. Le Ministre de la Justice ordonna une première 
enquête, qui fut favorable à la demande de rentrée, et cette 
demande fut adressée, comme il était d’usage, au chef du 
ministère public à Orléans. 

Ces fonctions étaient alors remplies par M. Sezeur, qui 
devint, dans la suite, proccureur général près la cour d’ap¬ 
pel d’Orléans, et fut créé baron de l’empire. 


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— 26 — 


Une nouvelle enquête, concluant en faveur de la rentrée 
de Bizemont, fut ouverte à Orléans, par les soins du mi* 
nistére public, et la demande régulière et officielle fut 
adressée au Ministre avec cette annotation remarquable : 
< M. de Bizemont est un homme de bien et un artiste 
recommandable ; sa rentrée en France est désirée par tous 
les bons citoyens du département du Loiret, où il a rempli 
avec distinction les fonctions de lieutenant colonel de la 
garde nationale en 1790 et diverses autres fonctions utiles 
jusqu’en 1791. » 

La demande fut accordée et le comte de Bizemont rentra 
dans ses foyers. 

Son retour à Orléans fut une fête ; c'était, dans bien des 
familles, comme un parent de plus. Orléans avait été pri¬ 
vilégiée ; la justice révolutionnaire n’y avait fait tomber 
qu'un petit nombre de têtes, nos murs étaient restés pres¬ 
que purs du sang versé ; M. de Bizemont retrouva donc, 
parmi les Orléanais, de nombreux amis et s’en fit de nou¬ 
veaux. 

Malgré son caractère généreux et dévoué, il tint à rester 
à l’écart, car il avait conservé pieusement la religion du 
passé et son attachement aux Bourbons. 

Inébranlable dans ses opinions et sévère pour lui-même, 
il n’eût rien voulu tenir d’un gouvernement dont il réprou¬ 
vait les principes. 

Il se remit donc avec amour à l’étude du dessin et de la 
gravure, et se faisant en même temps l’appui des jeunes 
talents, il encourageait les arts, par son exemple, par ses 
conseils et par ses générosités. 

La mort de Desfriches était survenue en l’année 1800. 
l’Ecole gratuite de dessin d’Orléans avait ou alors pour 
directeur Bardin, et continuait avec honneur à former de 
nombreux et habiles éléves. Bardin en avait conservé la 
direction, avec le même succès, jusqu’en 1809, époque à 


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— 27 — 


laquelle il fut frappé par la mort, le 6 octobre. Bizemont 
lui avait constamment prêté son amical appui, et avait 
contribué pour une large part à la prospérité de l’Ecole par 
son dévouement et sa sollicitude de chaque jour. 

Cependant la pratique des arts de la gravure et du dessin 
et la fréquentation des ateliers ne remplissait point suffi¬ 
samment sa vie ; le comte de Bizemont recherchait en 
même temps les objets d'art de toutes sortes, et devint 
collectionneur. 

Déjà, dans sa jeunesse, au cours de ces années de calme 
qui avaient précédé la Révolution, toutes consacrées aux 
voyages, à l'étude, à la culture des arts, aux relations 
pleines de charme qu'il avait entretenues avec les artistes, 
les littérateurs les plus célèbres et les personnages les plus 
considérables, il avait rassemblé un nombre considérable 
de tableaux, de dessins, d'estampes. A sa rentrée en 
France, il fut assez heureux pour rentrer en leur posses¬ 
sion, grâce à des amis, à des parents dévoués, qui surent 
les conserver. Il s'efforça donc d'en augmenter le nombre, 
et, à cette époque où tous ces objets précieux semblaient 
dédaignés, il eut la bonne fortune d’en sauver un grand 
nombre de l'oubli et de la ruine. 

Il réunit ainsi une intéressante et nombreuse collection 
dont il orna sa demeure en ville, rue de la Bretonnerie (l), 
et sa maison de campagne de Combleux, appelée le Petit - 
Poinville (2). 

En 1822, M. de Bizemont fit lui-même le catalogue de 
ses tableaux et dessins, afin de les partager entre ses deux 

(1) Cette maison porte aujourd’hui le n° 62 de la rue de la Breton¬ 
nerie ; elle fut autrefois restaurée par Bizemont, qui enclava dans la 
façade les sculptures anciennes qui s’y voient encore. 

(2) Cette propriété appartient toujours aux descendants du comte 
de Bizemont. 


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— 28 — 


enfants, M. Adrien de Bizemont et M“ e Gabriel de Bize- 
mont. Il apporta à ce travail le soin le plus religieux et 
Tordre le plus parfait. Chaque pièce est classée suivant son 
école, son genre. Elle est exactement mesurée et numé¬ 
rotée. 

Les peintures des Ecoles italienne, allemande, des Pays- 
Bas, française, étaient au nombre de 98, et parmi elles des 
tableaux du Guide, Brandt, Van Goyen, Temeis, Boilly, 
Biuandet, Fragonard, Lebel, Lepicié, Mignard, Sweback. 

Les dessins à la plume et au crayon, au bistre, les sé¬ 
pias et aquarelles des Ecoles italienne, allemande, des 
Pays-Bas, française, anglaise, russe, grecque et chinoise, 
comprenaient 1884 numéros, et parmi eux des dessins 
de Bernini , Carrache, Giordane, Primatice, Salva- 
tor Rosa, Raphaël Sanzio, le Dominicain, van Bloemen, 
van Goyen, van der Meulen, Rembrandt, Ruysdael, Bou¬ 
cher , Cochin, Desfriches, Fragonard, Greuse, Isaley, 
Lepicié , Natoire , Perronneau , H. Robert, Sweback , 
Vanloo, Yernet, Watteau. De plus, une suite de dessins 
de diverses classes, au nombre de 722, cartonnés sur 
42 grandes feuilles. 

L’ensemble seul des tableaux et dessins formait un total 
de 2,704 numéros. Si l’on ajoute à ce nombre les estampes 
et les objets d’art divers dont Bizemont ne fait pas men¬ 
tion dans le catalogue signalé, il est facile de juger de 
l'importance de cette magnifique collection. 

Chacun des objets, chaque dessin, était timbré de sa 
marque, modestement composée de ses initiales A.-G.-P., 
suivies de la première et de la dernière lettre de son 
nom B.t. 


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— 29 - 


Recueillies au Musée d’Orléans, dispersées 
dans les cabinets des collectionneurs, ou con¬ 
servées dans la famille, les nombreuses pièces 
de cette collection témoignent toutes d’un goût exquis 
et d’un esprit éclectique par excellence. 

Depuis son retour à Orléans jusqu’en 1814, Bizemont 
s’occupait ainsi exclusivement d’art. Il gravait le bois et le 
cuivre, maniant tour à tour le burin ou la pointe, ou dessi¬ 
nait les vues pittoresques de la Loire, du Loiret et du vieil 
Orléans. 

Les événements de 1814 le surprirent en Italie, à Rome, 
où il faisait un séjour afin d’étudier les monuments de l’an¬ 
tiquité et les merveilles des galeries publiques et pri¬ 
vées . 

Il se hâta de rentrer en France pour fêter le retour des 
princes qu’il avait suivi dans l’exil. Ce fut pour lui une 

satisfaction bien vive, et bien qu’âgé déjà de soixante- 

% 

deux ans, il sentit renaître en lui toutes les aspirations 
généreuses de sa jeunesse, et voulut payer de sa personne. 

Appelé à siéger au Conseil municipal, il fit partie de 
l’administration de la cité comme adjoint au maire d’Or¬ 
léans. 

Déjà, en 1810, lors de la construction, à l’extrémité des 
rues de Bourgogne, de Saint-Vincent et de la Madeleine, de 
ces bâtiments accouplés qu’on appelait les portes de la ville, 
M. de Bizemont avait énergiquement et publiquement 
blâmé ces conceptions d’un goût douteux et d’une archi¬ 
tecture manquée, dont la génération suivante devait, du 
reste, faire justice en les supprimant. Il avait pu même 
sauver la porte Saint-Jean, ce joyau de la vieille enceinte, 
dont il a laissé deux gravures, par son intervention person¬ 
nelle auprès delà municipalité. 

Plus tard, il parvint encore à la faire respecter, en plai¬ 
dant chaudement sa cause au sein du Conseil municipal, 


A.-G.-P. 
B.t 


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comme membre de l'administration. Il obtint même de la 
faire réparer. 

Mais en 1830, sa voix devint impuissante, et ce monu¬ 
ment, d’un intérêt archéologique et architectural, disparut 
sans compensation pour jamais. 

Fidèle à son culte pour les choses et les monuments du 
passé, il avait demandé au Conseil municipal l'achat et la 
conservation des bâtiments de l’ancienne Université, édi¬ 
fiés par Louis XII, et, dans son amour des monuments his¬ 
toriques, il avait pensé à acquérir de ses deniers l’Eglise de 
Saint-Pierre-Empont pour en conserver la tour monumen¬ 
tale. 

Ses luttes avec les édiles, à cette époque où commença 
la transformation de l'antique cité d’Orléans, sont inces¬ 
santes. A ses observations judicieuses, à ses chaudes plai¬ 
doiries, une seule objection lui est faite, c’est de n’être 
point l'homme du siècle, de n'être point architecte. Assu¬ 
rément non, M. de Bizemont n’était point architecte comme 
tant d’autres, mais il était instruit, lettré, élevé à l’an¬ 
cienne et bonne école. Il était avant tout artiste, plein de 
discernement, de goût et de désintéressement. 

S’il n’a point eu la consolation de sauver de la ruine les 
monuments du viel Orléans, condamnés à disparaître pour 
répondre aux besoins de la vie moderne et favoriser l’ou¬ 
verture des voies nouvelles, l'assainissement et l’accroisse¬ 
ment de la cité, le comte de Bizemont eut du moins l’hon¬ 
neur et la satisfaction d’être le fondateur, le premier orga¬ 
nisateur et le premier directeur du Musée d’Orléans. 

, Il avait conçu, dès sa jeunesse, le projet de former à 
Orléans une collectiou publique de tableaux et d’objets 
d’art, mais la réalisation en avait été rendue impossible 
par les événements qui s'étaient succédé au cours de sa vie. 
Après son exil, il reprit ce projet, mais le régime exclusi- 


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vement administratif de la période impériale avait paralysé 
l’initiative privée. l’État, cependant, cherchait à favoriser 
lesét-udes artistiques, et des musées départementaux avaient 
été créés dans certaines villes de province. 

< En effet, écrit M. Eudoxe Marcille, l’éminent directeur 
actuel du Musée d’Orléans, dans sa notice historique sur 
le Musée, pendant les dernières années du Consulat, vingt- 
deux musées avaient été créés dans les départements et 
avaient reçu, de 1803 à 1805, de nombreuses toiles prove¬ 
nant du cabinet du roi, des églises de Paris et des conquêtes. 
Plus tard, un décret de l’empereur du 15 février 1812, 
suivi d’une décision du Ministre de l’intérieur du 21 mars 
suivant, accorde une nouvelle livraison de tableaux à six 
villes de l’empire. » 

Orléans n’avait pas été compris dans cette répartition et 
son Musée fut créé seulement en 1823 par une délibération 
du Conseil municipal, sous la présidence de M. de Roche- 
platte, maire, en date du 30 décembre. Le comte de Bize- 
mont en fut nommé le directeur le 30 mars 1824. 

Des dons de la ville en avaient formé le premier fonds. 
Bizemont fit appel à ses concitoyens, donna lui-même 
l’exemple de la générosité en offrant à la ville la plus belle 
part de sa collection, quarante-quatre toiles, sculptures ou 
dessins. 


TABLEAUX. 

, 1. Barbiéri (Giovanni) (copie de), École polonaise, La 
Vierge faisant lire l’enfant Jésus. 

2. Van Cleef (Martin), École flamande, XV* siècles. Un 
paysage historique, représentant Cinninnatits recevant 
les députés de Rome. 

3- Crespin, d’Orléans, Écoles française, XVIII* siècle. 
Notre-Seigneur Jésus-Christ donnant les clés à Saint 
Pierre 


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— 32 — 


4. Jeaüuat (Étienne), École française, xvm* siècle. 
Arténuse au tombeau de Mausole. 

6. Monsiau (Nicolas), École française, xviii* et xix* siè¬ 
cles. La Madeleine dans le désert. 

7. Rubens (Ecole de). Prophétesse. 

8. Andrf.a del Verocehio, maître de Léonard de Vinci 
et du Perugin, Ecole florentine, xv* siècle. Portrait du 
pape Calixte 111. 

Ce portrait est accompagné d’une note de M. de Bize- 
mont ainsi conçue : « L’on peut, avec certitude, attribuer 
à André Verocehio le portrait du pape que je possède. Par 
l'examen du tableau, il sera facile de juger qu’il est digne 
du grand peintre auquel je l’attribue. Je juge que c’est le 
portrait de Calixte III d’après sa parfaite ressemblance 
avec un portrait gravé de ce pape. Vite et effigie di tutti 
li pontifici romani. » 

9. Viani (Dominique), Ecole polonaise, xvn» siècle. 
Saint Jérôme. 

10. Ecole italienne. Saint Charles , saint Antoine , 
sainte Dorothée et un petit ange vêtu de rouge. 

SCULPTURES 

11. Bouchardon (Edme) (d’après), Ecole française, 
xvm* et xix* siècles. Le Silence, statuette en plâtre 
bronzé. 

12. Houdon (Jean-Antoine), Ecole française, xvm* et 
xix* siècles. Portrait du président Haudry, buste en 
plâtre. 


DIVERS 

13. Une paire de vases en marbre. 

14. Plateau en laque. 


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DESSINS, AQUARELLES 


15. Babrou, Ecole française. Femmes assises , aqua¬ 
relle. 

16. Belangé, Ecole française. Les bords de la Saône , 
près Lyon , dessin à l’encre de Chine. 

17. Carrache (Louis), Ecole polonaise, xvn* siècle. 
Silène , dessin à la sanguine. 

18. Champcourtois, Ecole française. Paysage , dessin au 
bistre. 

19. Châtelet (Claude-Louis), Ecole française, xvm® 
siècle. Gi'otle des capucins de Syracuse , dessin à l’encre 
de Chine. 

20. Clerisseau (Charles-Louis), Ecole française, xvin* 
siècle. Fragments d'architecture et de ruines antiques . 

21. Desfriches (Thomas-Aignan), Ecole française, 
xvhi* siècle. Paysage avec personnage, 1715 , dessin à la 
pierre noire. 

22. Jeaurat (Etienne), Ecole française, xviii* siècle, 
Tours et pont , près Saint-Paul , à Rome , dessin au 
crayon rouge et noir sur papier gris. 

23. De Parme (J), 1794. Règulus évitant les regards 
de sa famille à son retour de Carthage , dessin au bistre 
rehaussé de blanc. 

24. Lépicié, Ecole française, xvin* siècle. Vieille 
femme tendant la main , dessin à la sépia. 

25. Van Loo, Ecole française, xvn® siècle. Tète de 
femme , dessin à la sanguine. 

26. Van der Meulen, Ecole flamande, xvn® siècle. 
Louis XIV à cheval , dessin au crayon et lavé. 

27. Van der Neer (attribué à), Ecole flamande, 
xvn® siècle. Vue de Hollande, dessin à la sépia et à l'encre 
de Chine. 

28. Cornelis Van Noorde, Ecole hollandaise. Portrait 
dfhomme, dessin au crayon rouge et noir. 

3 


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— 34 — 


29. Nollin de la Gourdaine, Ecole française, xvm e et 
xtx* siècles. Enfants et chiens , dessin à l'encre de 
Chine. 

30. N**\ Chevaux , au crayon noir et à la sanguine. 

31. Pellegrini (Antonio), Ecole italienne, XVI e siècle. 
Jésus-Christ mort , soutenu par la Vierge et saint Jean , 
dessin à la plume. 

32. Perignon (Nicolas), Ecole française, xvm* siècle. 
Fleurs , gouache. 

33. Primaticcio (Francesco), Ecole italienne, xvi e siècle. 
Le génie du sommeil, dessin au bistre. 

34. Yernet (Carie), Ecole française, xvm« et xix® siè¬ 
cles. Lattelage d'un coucou . 

35. Vigée (Louis), Ecole française, xviii* siècle. Les 
Pifferari , dessin à la mine de plomb. 

36. Watteau (Antoine), Ecole française, xvn® et 
xvm e siècles, Têtes d'enfants et de femmes, dessin à la 
sanguine. 

37. Wkciotter (François), Ecole allemande, xvm e 
siècle. Fontaine monumentale en ruines , dessin au 
crayon rouge. 

38. Ecole française. Corps de garde en 1189 , aqua¬ 
relle. 

39. Ecole française. La marchande de gaufres , dessin 
au bistre. 

40. N*‘\ Entrée de village , dessin à l'encre de Chine. 

41. N***. Tombeau , dessin au bistre. 

42. N**\ Le Christ au milieu de ses bourreaux , des¬ 
sin à la plume. 

43. N"*. Le génie de la paix , dessin à la plume sur 
vélin. 

44. N # *\ Les Sibylles , dessin au bistre. 

De plus, désireux de commencer la formation d’un 
cabinet d’estampes et d en favoriser le développement, le 


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— 35 — 


comte de Bizemont avait donné à la Bibliothèque publique 
d’Orléans une collection choisie parmi ses œuvres de gra¬ 
vure, reliée ou en album, qui contient 148 gravures, et 
dont il ne reste aujourd’hui que 84. Cet album fut, depuis, 
transporté au Musée, en 1856. 

Ce noble exemple de générosité fut suivi ; chacun s’em¬ 
pressa de lui adresser ses offrandes pour le nouvel établis¬ 
sement, et le Musée prit bientôt un accroissement rapide. 

L’inauguration du Musée eut lieu, en grande pompe, le 
4 novembre 1825, fête de saint Charles, où l'on célébrait 
pour la première fois, à Orléans, la fête du roi Charles X, 
en présence du corps municipal, des autorités civiles et 
militaires et des notabilités de la ville. 

Le comte de Bizemont avait tout consacré son talent, 
sa fortune, son temps, à cette œuvre chérie de ses vieux 
jours, à ce legs d’un ami des arts aux artistes Orléanais ; 
son Musée s’enrichissait chaque jour. Le l ,r octobre 1828, 
il eut l’honneur et la haute satisfaction d’y recevoir M me la 
duchesse de Berry. Il l’attendait dans la salle principale, 
au milieu d’une société brillante et nombreuse, parmi la¬ 
quelle se trouvaient la plupart des artistes Orléanais. 

A son arrivée, le comte de Bizemont l’accueillit par le 
discours suivant : 

<i Madame, 

« C’est un jour bien heureax, celui où il est permis à un 
vétéran de la fidélité d’avoir l’honneur de présenter à 
Votre Altesse Royale l’hommage de son profond respect et 
de son dévouement sans bornes. 

c Comme directeur du Musée d’Orléans, il ose supplier 
Votre Altesse Royale de vouloir bien honorer cet établis¬ 
sement de sa bienveillante protection, et d’en agréer le 
livret. * 

La duchesse de Berry a visité ensuite les galeries des 


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- 36 — 


tableaux, dessins et sculptures, -et a témoigné sa surprise 
lorsqu’elle a su que l’existence de cet établissement datait 
à peine de trois années. Elle a rendu hommage au zèle et 
au dévouement du directeur, à sa générosité et à celle des 
Orléanais, et elle s’est montrée heureuse d’accepter le 
patronage du Musée d’Orléans. 

Il jeta également les premières bases d’un Musée archéo¬ 
logique en recueillant dans les salles du Musée les sculp¬ 
tures mutilées de la porte Saint-Jean et différents souve¬ 
nirs du vieil Orléans. 

Malgré toutes ses occupations delà vie publique, auxquel¬ 
les s’étaient jointes toutes celles nécessitées par l’organisa¬ 
tion et l’installation du musée, le comte de Bizemont n’en 
trouvait pas moins le temps de se livrer à ses arts favoris. 
Il dessinait et dirigeait les essais de gravure de sa fille, de 
son fils, de Mlle Olympe Neveu, de Mlle Amélie Coiny. La 
lithographie naissante avait également excité sa curiosité, 
et il s’y adonna avec succès. 

A quatre-vingts ans il maniait encore la pointe, et sa der¬ 
nière planche, Un dragon à cheval , est datée de 1832. 

Son travail, ses soins, ses démarches, son activité, 
furent tels que sa santé en fut altérée. Le mauvais état de 
sa vue et les misères de la vieillesse vinrent affliger cruelle¬ 
ment ses dernières années ; mais il savait supporter avec 
courage toutes ces tristes infirmités, sans rien perdre de 
son aménité ordinaire. Il fut, jusqu’à la fin de sa vie, un 
homme affable et obligeant, charitable, tolérant et géné¬ 
reux envers tous, tout dévoué à sa bonne ville d’Orléans, 
à la cause des arts et à celle des artistes, soucieux de l’ac¬ 
croissement et de la prospérité de son musée. 

« Homme de courage et d’énergie, M. de Bizemont n’a¬ 
vait pas senti son cœur se rider par les ans ; insoucieux du 
danger dans sa jeunesse, à quatre-vingts ans, il vit brave- 


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ment et de sang-froid s’approcher la mort ; il en causait 
froidement, comme d’une compagne qu'on ne peut fuir et 
qui n’a rien d’effrayant pour un chrétien, c Je suis heu- 
c reux, bien heureux d’y penser, disait-il à ceux qui chér¬ 
ie chaient à le distraire, parce que j'espère en la miséri- 
c corde de Dieu. » On ne saurait répéter sans larmes tout 
ce qu’il dit d’affectueux, de paternel à ses amis, à sa fa¬ 
mille, jusqu’à la fin modèle de force, de courage et surtout 
de piété : il avait deux fois réclamé les derniers sacre¬ 
ments (1). * 

Le comte de Bizemont mourut à l’âge de 85 ans, regretté 
de tous, le 22 décembre 1837. 

Il avait épousé, le 5 novembre 1776, Marie-Catherine 
de Hallot, fille de Louis-Charles de Hallot et de Anne- 
Marie Brouillet de la Carrière. 

Il eut pour fils Adrien-Henri de Bizemont, qui fut lui- 
même un dessinateur habile ; Adrien de Bizemont eut un 
fils, André-Maximilien, et deux filles, dont l'une devint 
M me l’amirale de Candé, la généreuse donatrice du musée 
d’Orléans. 

Le comte de Bizemont eut également une fille, Angéli¬ 
que-Marie-Cécile, qui épousa en 1802 son cousin, Louis- 
Sixte-Gabriel de Bizemont. Elle dessinait avec talent, et 
elle est l'auteur d’un portrait de son père au crayon, 
remarquable par l’habileté et la simplicité de la touche et 
la finesse de l'expression. 

Soldat et gentilhomme, Bizemont avait servi sa patrie et 
son roi avec fidélité ; citoyen dévoué, administrateur in¬ 
telligent et zélé, il n'a cessé de rendre autour de lui des 
services. Il aimait à payer de sa personne, à prodiguer ses 
conseils et ses générosités ; mais surtout, et à toutes les 
époques de sa vie, il fut, il est resté un artiste merveil¬ 
leusement doué. 

(1) Extrait d’an article des journaux d’Orléans de décembre 1837. 


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— 38 — 


Dessinateur et graveur, il n’a point visé plus haut dans 
la pratique des arts, mais il a su toujours choisir ces sujets 
avec le goût le plus sûr. Qu’il s’agisse du crayon ou de la 
pointe, le trait, délicat ou vigoureux, suivant les besoins 
de son travail, reste net, juste et harmonieux. 

Tous les genres lui furent familiers: l’ornement, le 
paysage, les animaux, la figure, les personnages. Il a gravé 
tour à tour le bois et le cuivre ; il s’est servi avec la même 
facilité du burin, de la pointe sèche et de l’eau forte, pro¬ 
cédés qui furent l’objet de ses premières études en France; 
il a pratiqué également la manière noire, le lavis et le 
pointillé, dont il connut les secrets en Angleterre, et aussi 
les genres fantaisistes et légers, charmantes distractions 
d’artiste, connus sous le nom de gravure à la plume, et au 
crayon sur le vernis mou. 

Dans chacune de ces manières, le graveur a fait preuve 
d’une même habileté et d’une connaissance profonde des 
procédés. 

Le nom du comte de Bizemont figure honorablement à 
côté de ceux des graveurs célèbres dans les ouvrages spé¬ 
ciaux publiés en France et à l’Etranger. 

Il est cité par Bazan, 1.1, p.69 ; Heinecken, t. II, p. 754; 
Nagler, pp. 515 et 516. 

Michaël Bryau, dans son Dictionnaire biographique et 
critique des Peintres et des Graveurs , publié à Londres 
en 1853, lui a consacré un article où il le qualifie de gra¬ 
veur à la pointe nette et agréable ( neat and pleasing 
style). 

M. Ch. Le Blanc, dans son Manuel de VAmateur d'es¬ 
tampes , publie un catalogue de l’œuvre gravé de Bizemont, 
composé de 109 pièces (1). 

(1) Ce catalogue est précédé d’une courte notice où il est dit que 
Bizemont mourut à Paris en 1820. C'est une erreur qu’il convient de 
rectifier, puisque Bizemont mourut à Orléans le 22 décembre 1837. 


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Dans le Magasin pittoresque , année 1843, au cours 
d’un article intitulé: le musée d’Orléans, un pompeux 
éloge est rendu à son fondateur, et l’auteur se plait à rap¬ 
peler les hautes qualités de l’artiste et du Français. 

Tous ceux qui ont écrit sur l’histoire locale l’ont rangé 
parmi les grands artistes et grands citoyens de notre 
contrée, et ont rendu l’hommage le plus juste à son talent, 
à l’élévation de son esprit et à son dévouement. 

Ainsi, dans les Hommes illustres de V Orléanais , Orléans, 
1852, — dans les Artistes Orléanais , par H. H..., Orléans, 
1863, des notices spéciales ont été consacrées à A.-G -P, 
de Bizeraont. 

A différentes reprises, à propos de l'école de dessin, du 
musée, il est cité avec éloge dans Y Indicateur Orléanais 
de Yergnaud-Romagnési, Orléans 1827. 

Dans les Recherches sur VOrléanais, par Lottin le nom 
du comte de Bizemont apparaît fréquemment, soit au mo¬ 
ment de la fondation de l’école de dessin, soit à l'époque 
troublée des années 1790 et 1791, lors de la fonda¬ 
tion de la garde nationale, soit plus tard où Bizemont; 
faisant partie de l’administration de la cité, se consacre 
tout entier à sa ville, à son musée et à ses concitoyens. 

Dans un article du Moniteur du Loiret , à la date du 
l* r mars 1855, relatif au décés du comte Adrien de Bize¬ 
mont, le souvenir du comte A.-G.-P. de Bizemont, le fon¬ 
dateur du musée, l’Orléanais dévoue à tous et à chacun, 
est rappelé dans les termes les plus touchants. 

L’œuvre du graveur est considérable. 

Le Cabinet des Estampes à la bibliothèque nationale 
conserve un album, offert par l’artiste, qui comprend 127 
gravures dans les différents genres. 

Le musée d’Orléans compte dans sa collection de gravu¬ 
res un album, cité déjà précédemment, composé par Bize¬ 
mont lui-mème, qui comprenait avant sa mutilation 147 


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gravures sur bois et sur cuivre appartenant aux divers pro¬ 
cédés, et de plus un grand album in-folio, comprenant 
169 estampes rangées suivant l’ordre adopté par le gra¬ 
veur, et suivies du catalogue complet de son œuvre dressé 
par lui-même. Il manque à cette collection sept planches 
seulement. 

Cet album a été offert au musée d'Orléans en 1880 parle 
baron LePrieur de Blainvillier, qui le tenait de son grand- 
père, M. Petit-Lesonville, bibliothécaire de la ville d’Or- 
leans à l’époque où le comte de Bizemont était directeur du 
musée. 

A cette collection se trouve annexée une copie du cata¬ 
logue des tableaux et dessins que possédait le comte de 
Bizemont, d’après ses propres manuscrits. 

M. l’abbé Desnoyers a réuni en un même portefeuille 
139 gravures différentes du comte de Bizemont. 

M. Louis Jarry, outre un grand nombre de dessins et de 
gravures, possède plusieurs planches de cuivre d’un haut 
intérêt gravées par l’artiste. 

Les descendants du comte de Bizemont conservent une 
collection des gravures et des albums précieux de dessins 
provenant de son aïeul, et dispersés entre les membres de 
la famille. Enfin le catalogue de l’œuvre du graveur, qui 
suit cette notice biographique, comprend 183 pièces. 

Faut-il ajouter qu’il n’est point un amateur, un collec¬ 
tionneur, si modeste qu’il soit, qui ne tienne à honneur, 
dans notre ville d’Orléans particulièrement, de re recueillir 
et de conserver les dessins et les gravures du graveur 
Orléanais ? 

Le comte de Bizemont fut également écrivain. Comme 
œuvres littéraires il a laissé des notes manuscrites sur ses 
voyages, et de plus différents mémoires sur les arts ; le plus 
important est intitulé : Du vrai beau dans les arts et de 
la manière de distinguer la touche particulière à chacun 


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— 41 — 


des peintres des anciennes écoles. Il fut écrit à l’occasion 
de la candidature du comte de Bizemont & la société 
académique d’Orléans et peu de temps après la fondation 
de l'école gratuite de dessin. 

Les notes manuscrites concernant ce long travail com* 
mencent en ces termes : « L’honneur d’être admis parmi 
vous. Messieurs, m’a fait regarder comme un devoir de vous 
offrir des réflexions relatives aux arts qui ont pour base 
le dessin, et à la manière dont ils doivent être envisagés 
relativement à l’utilité publique, et en particulier, à l'utilité 
que la ville d’Orléans doit retirer de l’établissement d’une 
école gratuite de dessin. » 

Ce mémoire fut imprimé par la Société académique 
d'Orléans , en 1787. Il est fort rare c'est un travail consi¬ 
dérable signalé par l’abbé Pataud, et qui contient un grand 
nombre de jugements personnels sur l’histoire de l’art 
et la manière de faire et les procédés d’exécution des 
peintres anciens. 

Nous avons eu sous les yeux des fragments de ce 
manuscrit qui nous ont été confiés par la famille. Il est 
écrit avec une large facilité au courant de la plume, et les 
considérations personnelles s’y relèvent par l’ampleur de 
la phrase et le courant harmonieux du style. 

11 remonte dans son étude jusqu’aux temps les plus 
reculés, il passe en revue successivement les peuples de 
l’antiquité qui ont tenu une place dans l’histoire. L’énumé¬ 
ration est rapide ; il rappelle succintement les différents 
types des productions artistiques, quelque naïves qu’elles 
soient, et il se complait longuement au contraire sur les 
considérations d’ordre philosophique ou social qui ont 
accompagné l’origine de l’art. < Ainsi, dit il, le langage 
figuré fut le langage naturel des temps primitifs. Les 
figures furent proportionnées aux idées que les hommes se 
firent des objets réels, ou qu’enfanta leur i’V g’.uatiou ; 


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— 42 — 


de là naquit le merveilleux. Le besoin les oblige à se com¬ 
muniquer la représentation des objets et les emblèmes 
devinrent la copie du langage (1). » 

Il approfondit son sujet, l’étudie avec les auteurs anciens 
cite Varron, Aulu-Gelle, Pline et Senèque. Il se fait parfois 
une critique sévère, et s’écrie avecEnnius : t Le sentiment 
de mon cœur contredit l’inspection de mes yeux : Mihi 
neütiquam cor consentit cum oculot'um inspectu 

Il revient sans cesse sur le dessin, sa correction, son 
utilité, son importance. Il le définit à plusieurs reprises, et 
sous des expressions différentes, toujours avec le même 
bonheur. « Le dessin est l’âme de tout ce qui a rapport 
aux arts. » — L’utilité du dessin ne peut point être misr^ 
en doute, puisqu’il a pour but principal d’instruire les 
hommes et qu’il sert aussi à les immortaliser. » « La science 
du dessin est une juste proportion des formes de tout ce 
qui se voit. » — c Le dessin est une expression apparente 
de la pensée que l’âme a conçue. > 

La marche qu’il suit est méthodique et progressive. 
L'amateur passionné devient un historien véritable, sou¬ 
cieux d’instruire ceux de sa génération. C’est alors que, au 
cours des réflexions suscitées par son étude, il met l’idée 
première do la création, d’une collection publique d’objets 
d’art à Orléans, ayant pour but, non point de donner satis¬ 
faction à la curiosité, mais de former le goût des masses par 
la vulgarisation du beau et de favoriser l’étude. 

Un deuxième mémoire manuscrit, intitulé : Extrait sur 
la gravure , et antérieur au précédent, étudie les origines 
de la gravure, passe en revue les plus célèbres gravures, 
et énumère les différents procédés en bois, en taille-douce, 
k l’eau-forte, au pointillé, en marqueterie, en clair-obscur, 
en couleur. 


(I) Fragment des manuscrits de M. le comte de Bizemont. 


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Un autre également manuscrit, porte pour titre ; Ombre : 
C'est un travail très court, théorique et pratique accom¬ 
pagné de considérations scientifiques sur la lumière 
rayonnante et diffuse, sur les corps opaques et sur la 
projection des ombres ; les définitions sont nettes et 
savantes avec de nombreuses figures géométriques pour 
faciliter les explications et fixer les exemples. 

Puis une série de notes, de conseils épars destinés aux 
graveurs et aux dessinateurs. Parmi les plus curieux, il 
recommande particulièrement aux artistes le soin de leur 
vue et les conseils hygiéniques ne font pas défaut. 

« Il y a, dit l’auteur, une infinité de recettes pour éclair¬ 
cir et fortifier la vue, mais en voici quatre^ que M. de 
Laurens, médecin et professeur à l’Université de Montpel¬ 
lier, m’a données pour les plus exquises et les plus expéri¬ 
mentées. * 

Il suffira, à titre de curiosité et de document, de n’en 
citer qu’une seule, les trois autres ne différant que par une 
variante sans importance. 

c Prenez, continue-t-il, des tiges de fenouil, de rue, 
enfraise, verveine, tormentelle, betonie, roses sauvages, 
de l’anagallis mâle, pimprenelle, éclaire, aignemoine, chè¬ 
vrefeuille, hysope des montagnes, de chacune deux bonnes 
poignées; coupez toutes ces herbes, bien menu, et les 
faites infuser, premièrement au vin blanc, puis en l’urine 
d’un jeune garçon, bien sain, et pour la troisième fois dans 
du lait de femme ; enfin dans du bon miel, et après, faites 
distiller tout cela et gardez bien soigneusement cette eau. 
Jetez-en tous les matins une goutte dans l'œil. » 

c J'ai trouvé, ajouta-t-il, ce remède fort bon et le pré¬ 
fère de beaucoup aux trois autres. » 

Bizemont ne fut point seulement un écrivain d’art. Il 
était également un fin lettré doublé d’un profond phi¬ 
losophe. Il aimait les auteurs latins, et parmi eux tous, 


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— 44 — 

Horace était son favori. Il se plaisait à cueillir dans ses odes 
les pensées les plus profondes, à traduire avec justesse et 
élégance ces vers du poète passés pour ainsi dire dans le 
langage usuel et qui ont enfanté comme autant de pro¬ 
verbes. De beaucoup d’entre eux, il se faisait la devise de sa 
vie ; ils sont comme l’expression de son caractère jugé par 
lui-même, et plusieurs trouveront ici leur place et pour¬ 
ront concourir à compléter le portrait de l’homme de cœur, 
du citoyen dévoué, que fut durant sa vie le comte de 
Bizemont. 

Lib. I. O. XI. Ad Leuconoem : 

. Carpe diem> quam minimum crc dut a poster o. 

f Saisissez le jour présent et, par trop de crédulité, ne comptez pai 
sur le lendemain. » 

O. XXII. Àd Aristium Fuscum : 

Fugit inermem. 

« Libre de toute inquiétude. » 

O. XXIV. Ad P. Virgilium maronem : 

. Sed levius fit patientia , 

Quidquid corrigée est nef as. 

« La patience a la vertu d’adoucir un mal sans remède. » 

Lib. II. O. m. Ad Q. Dellium : 

Æquam memento rebus in arduis 

Servare mentem , non secus in bonis 
Ab insolenti temperatam 
Lœtitia , moriture Delli . 

c Songez, Dellius, à conserver une grande égalité d’âme dans la 
prospérité comme dans l’adversité ; ne vous laissez point abattre par 
celle-ci ; ne vous abandonnez point à la vaine et folle joie qu’inspire 
l’autre, car, enfin, vous devez mourir. » 

O. X. Ad Lucinium Murenam : 

. feriuntque summos 

Fulmina montes. 

« La foudre frappe d’ordinaire les plus hautes montagnes. » 


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.iVon, si male nunc % et olim 

Sic erit. 

€ Ne réussissez-vous pas aujourd'hui, vous réussirez une autre 
fois. 9 

0. XI. Ad Quinctium Hirpinum : 

. Quid œternis minorem 

Consiliis animum fatigas / 

€ Pourquoi fatiguer votre esprit de projets éternels, et au delà de 
sa portée? » 

0. XIII. In arborem . 

Quid quisque vitet , nunquam homini salis 
Cautum est in horas . 

« Quelques précautions que l’homme prenne, il ne les prend jamais 
si bien qu'il puisse se répondre d’un moment de vie. » 

0. XVI. Ad Pompeium Grosphum : 

Lœtus in præsens auimus y quod ultra est, 

Cderit curare , et amara lento 
lemperet risu. Nihil est ab omni 
Parte beatum. 

« Content du présent, en repos sur l'avenir, adoucissons par notre 
joie les amertumes de la vie, car il n’y a point de bonheur parfait. » 

L. III. 0. II. Ad Pueros : 

Dulce et décorum est pro patriâ mori . 

< Qu’il est doux, qu'il est beau de mourir pour la patrie ! » 

0. III. Ad Cœsarem Augustum : 

Justum ac tenacem propositi virum 
Non civium ardor prava jubentium , 

Non vultus instantis tyranni 
Mente quatit solida ... 

t Un homme irréprochable et solidement vertueux n’est ébranlé ni 
par la fureur d’un peuple qui le presse d'autoriser de justes lois, ni 
par les instances d’un tyran qui le menace. » 

0. XVI. Ad C. Cilnium Mœcenatem : 

Crescentem sequitur f cura pecuniam 
Majorumque famés . 

« A mesure que les richesses augmentent, les inquiétudes et l’envie 
d’en avoir augmentent aussi, i 


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- 46 — 


. Multa Petentibus 

Desunt multa ... 

« C'est manquer de mille choses que de les souhaiter. » 

. . Bene est % cui deus obtulit 

Parca , quod satis est , manu. 

€ Celui-là est heureux à qui les dieux n'accordent que ce qui suffît 
pour vivre honnêtement. » 

0. XXIX, Ad C. Cilnium Mœcenatem : 

. Quod adest ) memento 

Componere œquus... 

« Ne songez qu'à régler en paix le présent. » 

. Ille potens sut 

Lœtusque deget , eut licet in diem 
Dix iss e : Vixi !... 

« Celui-là sera véritablement maître de lui-même et vivra content, 
qui pourra dire à chaque fin de jour : J'ai passé gaîment ma 
journée (1) ! » 

Si les écrits qu’a laissés après lui le comte de Bizemont 
sont l’image parfaite de sa nature, de ses caractères et de 
ses goûts, il est possible en même temps de se représenter 
le personnage, cas ses contemporains ont pris le soin de 
fixer ses traits sur la toile, la pierre ou le papier. 

Il existe, en effet, plusieurs bons et intéressants portraits 
du comte de Bizemont. 

Au musée d’Orléans, d’abord, un excellent buste en 
marbre blanc, par J.-Auguste Barre, élève de J.-J. Barre, 
son père, et du célèbre Cortot. 

A la première page de l’album qui renferme la collection 
des gravures de Bizemont, un portrait dessiné et lithogra¬ 
phié par A. Colin, d’une fort habile direction. 

De plus, dans la galerie des dessins, au milieu du pan¬ 
neau composé des dessins originaux de l’artiste, d’une par- 

(1) Notes manuscrites du comte de Bizemont. (Archives du château 
de Noriou.) 


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— 47 — 


tie de ses dons, et des dessins ayant fait partie de sa col¬ 
lection, dont ils portent la marque et provenant du legs 
de M m * l'amirale de Candé, sa petite-fille, une bonne copie 
d'après le portrait à l'huile de Gounod. 

Enfin dans ce même panneau, une spirituelle et char¬ 
mante aquarelle due au pinceau d’Henri Monnier, et signée 
H. Monnier, avec cette dédicace : Aux amis Gontier , 
Orléans , août 1833 . Les traits, l'attitude du comte de 
Bizemont, âgé de 81 ans, sont saisis sur le vif. Les yeux 
sont protégés par de larges lunettes ; la barbe est rasée ; 
la bouche, mobile, semble répéter à haute voix les réflexions 
qui occupent l'esprit. Le profil est sec et fin ; les lignes du 
nez et du menton, correctes et aristocratiques. L'attitude 
est d'un vieillard, mais le corps reste droit, à peine appuyé 
sur la longue canne à bec corbin, moins un soutien pour 
le directeur du musée qu’une compagne dans ses prome¬ 
nades d’exploration journalières ; les jambes sont d'aplomb 
les mollets saillants comme à l’époque brillante de la jeu¬ 
nesse. 

Le costume ajoute encore un caractère de cette physio¬ 
nomie origininale. 

Le comte de Bizemont est coiffé du chapeau noir, de 
basse forme, à larges bords, il est vêtu de l’habit bleu 
barbeau, aux longs pans, orné de boutons d'or ; à la bou¬ 
tonnière le large ruban rouge de chevalier de Saint-Louis ; 
il porte la culotte noire étroitement serrée sous le genou ; 
les bas gris sont soigneusement tirés et les souliers soi¬ 
gneusement recouverts par de courtes guêtres noires. 

Cette tenue à la fois correcte et soignée, semble un sou¬ 
venir de l'autre siècle, qui fait oublier chez celui qui la 
porte la vieillesse et les infirmités. 

Cette aquarelle de Monnier représentant le comte de 
Bizemont fut-elle dédiée aux Amis Gontier , et revient-elle 
au musée ? Quels sont ces amis Gontier ? Gontier, celui-là 


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même dont il est question, était le célèbre acteur du 
Gymnase dont la réputation fut si populaire dans les rôles 
de colonel des comédies de Scribe. Lorsqu’il se retira du 
théâtre, il se fixa à Orléans avec sa femme, vers l’extré¬ 
mité du faubourg Saint-Vincent, et c’est là que Monnier, 
son ami, venait souvent le visiter. H. Monnier avait été 
frappé de la physionomie du comte de Bizemont, et avec 
l'esprit et la facilité qui le caractérisaient, il fixa sur le 
papier les traits du vénérable directeur du musée, comme 
ceux d’un type Orléanais et l’offrit à ses hôtes. 

Gontier, dans la suite, fit don de cette aquarelle à son 
médecin et ami le docteur Payen, qui la comprit dans le 
legs généreux qu’il fit à la ville. 

Dans la famille du comte de Bizemont est conservé pieu¬ 
sement le joli portrait à l’huile peint par F. Gounod en 
1811.. Ce portrait a été dessiné et lithographie parC. Pensée, 

M. de la Troussure, arrière petits-fils par alliance 
du comte de Bizemont, possède un charmant dessin à 
la raine de plomb, rehaussé de blanc, représentant 
son aïeul; ce dessin est l’œuvre de M Ue Cécile de Bizemont, 
devenue M me Gabrielle de Bizemont, qui fut, comme son 
père, une artiste de talent et douée de la plus grande 
facilité. 

Enfin, parmi les nombreuses pièces qui composent la 
précieuse collection de M. l’abbé Desnoyers, figure un 
portrait en miniature de M. de Bizemont. Ce portrait, sans 
signature, est du commencement du siècle. 11 est dessiné 
et peint avec talent, mais il ne rappelle qu’imparfaitement 
les traits du modèle. Il n’a point la vie, la physionomie, la 
finesse des portraits précédents. 

Le souvenir du comte de Bizemont n'est donc point près 
de s’effacer parmi nous ; mais si le talent de l’artiste est 
consacré par les écrivains spéciaux qui ont inscrit son nom 
parmi ceux des graveurs célèbres, par la sollicitude de 


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- 49 - 


l’Etat et de la ville d’Orléans, qui conservent précieuse¬ 
ment ses dessins et ses gravures dans leurs collections 
publiques, par les collectionneurs et les amateurs qui 
recherchent ses œuvres, si la ville d’Orléans s’honore de 
le compter parmi les plus utiles de ses serviteurs, il est un 
hommage nouveau que nous avons cherché à lui rendre ; 
c’est de retraçer les grandes lignes de cette longue exis¬ 
tence, toute de travail et de dévouement, si cruellement 
éprouvé par huit années d’exil et de vicissitude, et d’offrir 
ce modeste travail à la Société des sciences, belles-lettres 
et arts d’Orléans dont il fut au siècle dernier, avant la 
Révolution, et depuis son retour dans ses foyers, l’un des 
membres les plus considérables et les plus distingués. 


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APPENDICE 


FÉDÉRATION ORLÉANAISE 

6, 7, 8, 9 et 10 mai 1790 


Les gardes nationaux d’Orléans, sous l’impulsion de leur 
colonel et du lieutenant-colonel, le comte de Bizemont, 
après avoir obtenu l’autorisation des officiers municipaux, 
avaient invité, dans le courant d'avril 1890, les gardes 
nationales des provinces de Touraine, du Berry, du Niver¬ 
nais et du pays chartrain à se joindre à eux dans une fédé¬ 
ration, qui serait tenue, le 6 mai et jours suivants, à 
Orléans, pour assurer la nouvelle constitution. 

Cent trente-cinq villes ou bourgs avaient donné leur 
adhésion, et, dès le 5 mai, 1074 députés, représentant 
42,293 gardes nationaux des différentes localités, arrivaient 
à Orléans. 

Chacune des députations choisit sur le champ deux dépu¬ 
tés particuliers pour former un premier conseil, chargé de 
préparer les opérations de la fédération et de rédiger la 
formule du serment. 

La garde nationale d'Orléans avait élu pour député, son 
lieutenant-colonel de Bizemont et M. Geffrier-Lenormant, 
volontaire de cavalerie. 

Le 6 mai, tous les députés choisis pour former co conseil 
se rendirent au matin en l’église des Jacobins, qui avaient 
été disposée en salle d’assemblée. Le lieutenant-colonel do 
Bizemont et M. Geffrier s y trouvaient à l’avance pour rece¬ 
voir les députés étrangers. Chacun prit alors sa place dans 
l’ordre déterminé par le sort, et MM. de Bizemont et Geffrier 


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- 51 — 


rejoignirent ensuite la leur. L’assemblée constituée, M. de 
Bizemont s’est avancé sur le premier gradin du bureau et 
prononça le discours suivant : 

« Messieurs, camarades et frères, d'armes, 

« Député parmi vous, je cherche en vain des expressions 
pour vous rendre dignement tout ce qui me frappe, tout ce 
qui m’affecte, dans un jour aussi mémorable. Qu’il m'est 
doux d’être témoin de ce que peut inspirer l’émotion géné¬ 
reuse du patriotisme, de la ressentir et de la partager avec 
vous ! Aux vœux que nous allons former en commun pour 
le bonheur et la gloire de la patrie, daignez y joindre, 
Messieurs, tout ce que ce spectacle a d’intéressant pour 
nous et le sentiment de notre reconnaissance. Nous vous la 
devons au plus haut point, pour la démarche que vous faites 
aujourd’hui de venir vous unir à nous pour contracter l’en¬ 
gagement sacré et solennel d’être fidèles à la nation, et 
d’assurer tout ce qui peut la rendre heureuse; d’être les 
défenseurs de la loi ; de repousser ses ennemis et de punir 
ses violateurs; de jurer, enfin, une fidélité inviolable au 
meilleur des rois, dont la bonté pour nous doit être la 
mesure de notre amour pour lui. 

« Loin de nous, Messieurs, l’image affreuse des désastres 
et des brigandages, fruits inséparables de l’Anarchie ; loin 
de nous le déplorable souvenir de ses époques fatales de la 
destruction des peuples et de l’anéantissement de leurs pro¬ 
priétés. Que les armes qui sont dans nos mains, loin de 
répandre du sang etd’enhardirla licence, soutiennent la paix 
et la concorde parmi nous ; qu'elles soient les gages et les 
maintiens de la félicité publique. Puissions-nous voir arri¬ 
ver le temps heureux où le citoyen paisible s’occnpera du 
soin de son commerce, s’intéressera au progrès des arts et 
surtout à la culture des campagnes ! Puissions-nous voir 


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- 52 — 


le fer qui peut servir à les détruire et à les ravager y faire 
couler les sources de l’abondance ! 

« Que ceux d’entre nous qui auraient pu se méprendre sur 
le véritable esprit du patriotisme se renferment, dans l’ave¬ 
nir, dans la juste idée qu’on en doit avoir. Animés de 
l’amour, de l’ordre et du bien, réprimons avec courage 
l’audace et la témérité. Citoyens de la même patrie, veillons 
sans cesse à la conservation de sa tranquillité et de son 
repos. Combattons pour la vérité, mais souvenons-nous qu'il 
faut l’annoncer sans fanatisme, comme sans faiblesse ; que 
son langage soit simple et touchant comme elle. N’insultons 
point avec dédain aux erreurs de ceux qui nous désapprou¬ 
vent ; la force et la violence ne feraient que les aigrir et les 
éloigner de nous ; c’est la douceur qui les conduira au but 
où nous voulons les amener. 

« Nous ne pouvons détourner les yeux des maux qui 
affligent dans ce moment la classe indigente, et retenir les 
expressions de la douleur que ce spectacle nous arrache ; 
mais si notre voix se fait entendre, ce n'est point pour sou¬ 
lever les esprits, c’est pour faire parvenir les plaintes des 
malheureux jusqu’aux oreilles de ceux qui peuvent les sou¬ 
lager. O vous qui veillez aux intérêts de la France, assem¬ 
blée auguste dont nous respectons les décrets, tout un peu¬ 
ple met en vous ses espérances ! Hâtez, s’il se peut son 
bonheur. 

c Religion sainte, tu vas mettre le sceau à cet acte de 
fraternité et de fédération civique ! Dieu de nos pères, c’est 
devant toi que nous allons prononcer ce serment qui doit 
assurer à une nation que tu protèges son bonheur et sa 
prospérité; sois le vengeur de ceux qui oseront l’en- 
feindre! * 

Ce discours excita les plus vifs applaudissements, et l’im¬ 
pression en fut unanimement réclamée et adoptée. 

Le colonel de Bizemont fit ensuite la proposition de pro* 


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— 53 — 

céder à l’élection d’un président. Ce fut alors comme une 
explosion de tous les sentiments que son discours avait ins¬ 
pirés, et l’assemblée ne put les exprimer qu’en lui décer¬ 
nant cette dignité par une acclamation générale. Inutile¬ 
ment sa modestie a réclamé contre cet honneur, il fut 
contraint de céder à l’hommage rendu à ses vertus patrioti¬ 
ques et à ses talents, et au témoignage d’estime que 
l’assemblée voulait donner en la personne de son député à 
la garde nationale d'Orléans, en élevant à cette place hono¬ 
rable le citoyen respectable qu’elle avait si heureusement 
choisi pour son premier interprète. 

A l’issue de cette réunion, toutes les compagnies et tous 
les détachements de gardes nationales d’Orléans et étran¬ 
gères s’assemblèrent en armes sur la place et se rendirent 
à la cathédrale, ayant à leur tête le lieutenant-colonel de 
Bizemont, pour entendre la messe du Saint-Esprit et assis¬ 
ter à la bénédiction des drapeaux. 

Après la messe, les députés se rendirent en corps à la salle 
d’assemblée pour procéder à la vérification des pouvoirs. 

Le lendemain, 7 mai, eut lieu la deuxième séance en 
présence du maire, M. de Tristan et, des officiers munici¬ 
paux, qui prirent place à la droite et à la gauche du prési¬ 
dent M. de Bizemont. 

Le président prit alors la parole, et, s’adressant aux 
représentants de la municipalité, s’exprima en ces termes : 

« Messieurs, 

« La place dont je suis honoré dans ce moment-ci est une 
faveur que je dois à la considération que l’assemblée a eue 
pour cette ville, dont j’ai l’avantage d’être citoyen. Si je 
suis sensible à cette marque de distinction, c’est qu’elle me 
procure les moyens de réunir aux sentiments de ma recon¬ 
naissance pour elle ceux de mes concitoyens dont vous avez 


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— 54 — 


comblé les espérances. Vous serez témoin, Messieurs, du 
zèle patriotique qui nous anime et des efforts que nous 
ferons pour assurer le bonheur du peuple français. Puis¬ 
sions-nous avoir la douce consolation de voir l’olivier de la 
paix planté au milieu de nous ! Puisse cette fédération fra¬ 
ternelle reproduire sans cesse les germes d’une félicité 
permanente et inaltérable ! » 

L'assemblée commença alors ses travaux et décida dans 
cette séance de nommer un état-major dont les officiers 
seraient chargés de préparer la cérémonie de la fédération. 
Elle désigna par acclamation tous les membres de l’Etat- 
major de la garde nationale d’Orléans. 

Le 8 mai, à 4 heures du soir, les députés se réunirent 
pour la troisième fois. Les secrétaires et commissaires- 
adjoints firent lecture de la formule du serment, qui fut 
unanimement adoptée, l’assemblée arrêta que, conformé¬ 
ment à l’ordre établi par MM. les commissaires d’Orléans, 
elle se transporterait le lendemain à la pointe du jour, avec 
toute l’armée fédérée, quelque temps qu’il fît et à pied, au 
camp disposé à la plaine des Quatre-Vents, au-dessus 
d’Olivet, où l’autel était érigé. 

Le 9 mai, dès 5 heures du matin, toutes les troupes se 
trouvaient rassemblées. Les six premières compagnies de 
la garde nationale d’Orléans avaient été placées, la droite 
appuyée à l’entrée du pont, en remontant par la rue 
Royale, les six autres sur la rue Bannier, la droite appuyée 
du côté de la place en remontant vers le faubourg Bannier. 
Les dctachements étrangers occupaient le centre en obser¬ 
vant entre eux l’ordre qui lui avait été assigné par le sort. 
A six heures du matin les députés délégués de l’assemblée 
fédérative se rendirent au lieu de leurs séances. Ses occu¬ 
pations militaires ayant retenu le lieutenant-colonel de 
Bizemont près de ses troupes, la présidence fut déférée b, 


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M. le marquis de Lucker, commandant la garde nationale 
de Beaugency. Alors, accompagnés par un détachement 
d’honneur, 'tous les députés vinrent se joindre au cortège 
et prirent place au centre de la colonne immédiatement 
derrière la 6* compagnie. 

Tout étant disposé, le signal du départ fut donné par une 
décharge de coups de canons, et les cloches des églises 
sonnèrent à toute volée. 

Le corps municipal se rendait de son côté au camp en 
voitures, précédé et suivi d’un détachement de cavalerie. 

L’arrivée au camp fut annoncée par une deuxième salve 
d'artillerie. Les troupes se rangèrent en bataille et formè¬ 
rent ensuite le bataillon carré faisant face au corps muni¬ 
cipal et aux invités de distinction, parmi lesquels se trou¬ 
vaient de nombreux officiers de régiments deRoyal-Comtois, 
de Roussillon, de Piémont, et de la Maréchaussée. 

Une foule innombrable, animée de l'enthousiasme le plus 
patriotique, avait suivi le cortège et envahi la plaine; elle 
se rapprocha compacte, formant autour de l’autel et de cet 
appareil militaire comme une épaisse ceinture humaine, et 
la cérémonie commença. 

Le lieutenant-colonel de Bizemont ayant assuré la posi¬ 
tion régulière de ses troupes, revint prendre sa place à la 
tète des députés de l’assemblée fédérative faisant face à 
l’autel élevé au centre du camp. Get autel était orné de 
branches de lauriers qui encadraient l’inscription: Patrie. 
— Loi. — Roi. — Fidélité. 

A onze heures, le révérend Père Pavy, religieux domi¬ 
nicain, accompagné de l’aumônier de la garde nationale 
de Nogent-le-Rotrou, monta à l’autel, et la messe fut célé¬ 
brée aux accords de la musique militaire. L’attitude de 
tous les assistants était universellement respectueuse. 

Après la messe, M. de Bizemont, président, accompagné 
des deux secrétaires et des commissaires de la fédération. 


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gravit les degrés de l’autel de la Patrie. Là, l’épée nue sur 
l’évangile, il fit à haute voix la lecture de la formule du 
serment, ainsi conçue : 

c Nous, citoyens, soldats nationaux, représentant les 
gardes nationales de différents départements dénommés 
dans le procès-verbal de confédération des séances des 6, 
7 et 8 mai présent mois, réunis sous les murs d'Orléans au 
nombre de 3,474, jurons sur l’honneur de la Patrie, sur 
nos armes et sur les sentiments fraternels et patriotiques 
qui nous animent tous, d'être fidèles à la Nation, à la Loi 
et au Roi. 

« Nousjuronsque l’engagement solennel que nous contrac¬ 
tons aujourd’hui avec la nation, en présence de l’Eternel, 
nous portera sans cesse à surveiller ses ennemis et à les 
combattre, à respecter et à faire respecter la constitution du 
royaume, à exécuter et à faire exécuter tous les décrets de 
notre auguste Assemblée nationale, acceptés ou sanction¬ 
nés par le Roi. 

« Nous nous engageons d’assurer toutes les impositions 
légalement établies ; nous promettons de déployer toutes 
nos forces pour protéger la libre circulation des grains 
dans tout l’intérieur du Royaume. 

« Nousfesons le religieux serment d etre inviolablement 
unis, de nous secourir mutuellement dans toutes les cir¬ 
constances où quelques-unes des gardes nationales de nos 
villes, bourgs ou communautés, pourront être inquiétées 
ou attaquées injustement. 

« Nous jurons enfin de protéger les propriétés particu¬ 
lières contre les individus ou associations quelconques qui 
tenteraient de les violer, et de prêter main forte aux corps 
administratifs et municipaux, toutes les fois que nous en 
serons requis par écrit, pour le maintien de l’ordre et de la 
sûreté publique, conformément aux décrets acceptés ou 
sanctionnés par le Roi. » 


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— 57 — 

Après cette lecture, M. le président, levant son épée, 
prononça ces mots : « Je le jure ! » et tous les corps civils 
et militaires répétèrent aussitôt : « Je le jure ! * 

Après le serment, l’allégresse s’empara de tous les es¬ 
prits ; on chanta d’enthousiasme le Domine , salvum fac 
Regem , et des cris, mille fois répétés, de : vive la Nation ! 
vire la Loi! vive le Roi! vive l’Assemblée nationale! se 
firent entendre de toutes parts. 

L’armée a aussitôt défilé devant l’autel, et tout le peuple 
présent à cette fraternelle effusion s’avança au milieu du 
camp et mêla ses serments à ceux delà troupe. 

L’heure du départ avait sonné, et le retour en ville se 
fit dans l’ordre le plus parfait. 

Le 10 mai, les députés de l’Assemblée fédérative tinrent 
encore deux séances, la première le matin pour rédiger le 
procès-verbal des événements mémorables qui s’étaient 
passés la veille, et la deuxième, le soir, qui fut la séance 
de clôture, pour la rédaction d’une adresse au roi, qui 
furent' signées par le président et tous les membres de ras¬ 
semblée fédérative. 

M. de Bizemont proposa ensuite de faire frapper une 
médaille commémorative en souvenir de la Fédération 
d’Orléans, et il soumet à l’assemblée le projet suivant: 
sur la face, un autel sur lequel s’élève une épée surmon¬ 
tée d’un bonnet, symbole de la liberté ; aux deux côtés de 
cette épée, deux sceptres en forme de croix, 1* un- 
ayant une tête en main, représentant la justice, l'autre 
ayant en tète une fleur de lys, représentant le pouvoir 
exécutif, le tout réuni par un ruban national. Sur l’autel 
sont écrits ces mots : A la liberté ; au-dessous : Pacte fédé¬ 
ratif, à Orléans, mil sept cent quatre-vingt-dix. Comme 
exergue: Fidélité à la Patrie, à la Loi et au Roi. Au re¬ 
vers, le portrait de Louis XYI avec cette légende : « Au 
restaurateur de la liberté française. * 


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— 58 — 


Le projet présenté par le président fut adopté ; et MM. Le 
gros et Callier, artistes et gardes nationaux, offrirent de 
graver gratuitement les coins de cette médaille. 

Les députés de l’Assemblée fédérative avaient terminé 
leurs travaux. Avant de clore cette dernière séance, le 
comte de Bizemont prit la parole en ces termes : 

« Messieurs, 

« La ville d’Orléans ne perdra jamais le souvenir du 
dévouement et de l’amour patriotique dont vous venez de 
lui donner des témoignages si éclatants. Nous n’oublierons 
pas davantage les titres flatteurs dont vous avez honoré les 
chefs de la garde nationale. Cette fédération fraternelle, 
resserrée et consacrée par les liens du même serment, cette 
concorde, cette union si rare des cœurs et des esprits, sera 
une époque aussi glorieuse que mémorable dans les fastes 
de ce département. Mais notre joie serait imparfaite si vous 
n’étiez pas convaincus, Messieurs, des sentiments dont 
nous sommes pénétrés. Je n’ai qu’un regret, c’est de me 
sentir incapable de vous en rendre toutes les expressions. 
Nous osons vous supplier, dans les différentes contrées que 
vous allez parcourir, et surtout quand vous serez arrivés 
au terme et dans le sein de vos familles, de vouloir bien 
être nos interprètes auprès de nos amis, de nos frères, vos 
compatriotes. Assurez-les, Messieurs, que dans tous les 
temps, les Orléanais seront prêts à se réunir à eux pour 
soutenir les fondements de l’édifice de la paix, et à sacri¬ 
fier leur vie pour concourir au bonheur des sujets de cet 
empire (1). * 

(1) Archives municipales. Bibliothèque publique. Procès-verbaux de 
la fédération d’Orléans. 


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RAPPORT PAR M. GUILLON 


SUR 

L’HISTOIRE DE MARIE-ANTOINETTE 

Par M. Maxime DE LA ROCHETERIE. 


Séance du W juin 1890. 


Messieurs, 

La section des lettres ma chargé du rapport sur l’histoire 
de Marie-Antoinette, que notre si distingué et si sympa¬ 
thique collègue, M. de la Rocheterie, a gracieusement offerte 
à la Société. 

Il s’agit d’une œuvre considérable dont l’éloge n’est plus 
à faire ; un de nos excellents collègues en a déjà rendu 
compte dans les Annales religieuses et littéraires du dio¬ 
cèse d’Orléans, en termes parfaits et avec une autorité qui 
rend ma tâche à la fois facile et délicate ; l'Académie fran¬ 
çaise a décerné un prix à l’auteur, au concours Marcellin 
Guérin. 

Votre modeste rapporteur aurait après cela mauvaise 
grâce à insister par une appréciation personnelle du mérite 
de l’œuvre. 

La vie de Marie-Antoinette est un des sujets, où la pas¬ 
sion pour les mémoires, les documents confidentiels ou 
intimes, qui caractérise notre époque, a produit l’ensemble 
des documents les plus importants et les plus complets. La 


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correspondance du comte de Mercy, les papiers du comte 
de Fersen, la correspondance du baron de Staël et bien 
d’autres documents publiés dans les vingt dernières années, 
ont jeté une vive lumière sur cette royale existence. 

M. de la Rocheterie, dès le début de ces publications, a 
fait de ce sujet son domaine propre, étudiant et analysant 
les documents, dans la Revue des questions historiques. Il 
a couronné cette œuvre de quinze années de recherches 
consciencieuses, par cette histoire de Marie-Antoinette, 
écrite d’une plume élégante et facile, œuvre aussi achevée 
dans la forme que sûre dans la méthode et dans la discus¬ 
sion. 

Mais si notre collègue a mis en œuvre tous ces documents 
suivant la méthode de l’école documentaire et critique 
actuelle, il a eu garde de sacrifier à cette mode l’unité de 
son œuvre; et il nous a donné une histoire d’une lecture 
charmante, On y ost aussi ému de la grâce juvénile des 
débuts que de la sombre et tragique grandeur de la fin; on 
éprouve autant d’intérêt dans les récits historiques que 
dans les analyses pshychologiques. 

Et en effet, y a-t-il drame plus complet que la vie de 
Marie-Antoinette? Les tragédies antiques de Sophocle, les 
drames modernes de Shakspeare ne contiennent rien de 
plus tragique. Et l’on songe malgré soi à la fatalité antique. 

Quelle destinée que celle de cette femme, dauphine à 
15 ans, mariée à 19, mère à 23, montant sur l’échafaud à 
39 ans, après avoir épuisé tous les triomphes et toutes les 
amertumes ! 

Que l’éclat des années triomphales, l’auréole de ses mal¬ 
heurs et de son martyre aient inspiré l'enthousiasme 
passionné de certains de ces historiens, comment s’en 
étonner ? 

* M. de la Rocheterie, lui, a tenu à être absolument impar¬ 
tial, « à ne pas dissimuler les défauts et les fautes, n’ayant 


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— 61 — 


d'autre soin que de chercher la vérité et d’autre ambition 
que de la dire ». Il a tenu complètement sa promesse, et se 
montre dans ses récits et ses jugements, il'une honnêteté 
historique absolue. S'il m’était même permis de donner l’im¬ 
pression que j'ai ressentie, je ferais à notre collègue une 
légère chicane, qu’il me pardonnera sans doute. Je trouve 
que son désir d’impartialité l’a rendu peu indulgent dans 
ses jugements. 

J’avais déjà éprouvé une impression du même genre il y 
a plusieurs années, à la lecture de la correspondance si 
intéressante do Mercy avec Marie-Thérèse. Les remon¬ 
trances au jour le jour d’une mère, certes, grande reine, 
mais aussi maman grondeuse, les renseignements intimes 
et presque quotidiens d’une sorte de Mentor, chargé de 
tenir la mère constamment au courant des moindres actions 
de sa fille, sont livrés à la publicité. Il n’y a sans doute 
rien qui nous puisse mieux édifier sur la vie et les senti¬ 
ments de Marie-Antoinette; mais toutes ces gronderies où 
Ton enfle volontairement le ton pour produire un effet, ne 
peuvent être prises à la lettre sans être détournées de leur 
vrai sens. A la lecture de ces documents intimes et presque 
indiscrets, on éprouve à la fois un vif intérêt et un senti¬ 
ment pénible. 

Sans doute, M. de la Rocheterie a fort bien exprimé ce 
sentiment dans la page suivante : 

« Mercy déploya tant de tact dans l’accomplissement de 
f sa délicate mission, il sut si bien déguiser ce qu’elle 
f pouvait sembler avoir d’odieux, que Marie-Antoinette 
« surveillée, espionnée, ne lui en sut jamais mauvais gré. 
f Un tel amour, dans de si difficiles conditions, ne fait pas 
f moins d'honneur à la pupille qu’au Mentor ». 

Mais, notre collègue ne se montre-t-il pas, malgré tout, 
comme une mère inquiète et vigilante, un peu exigeant et 


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— 62 — 


un peu sévère pour les < dissipations » et les inconsé¬ 
quences ? 

Qu’exige-t-on en effet de cette jeune fille transplantée à 
15 ans de la cour patriarcale de Vienne, à cette cour de 
Versailles où la Dubarry fait regretter l’élégance dissolue 
d’autrefois? Elle doit concilier sa dignité et sa pudeur avec 
les égards que de Vienne même on lui recommande pour 
cette femme que l’on ne désigne que par des périphases 
< les gens que le roi a mis dans sa société », et que l’on 
doit ménager e parce qu’ils peuvent nuire ». La grande 
Marie-Thérèse elle-même demande « une parole indiffé¬ 
rente, de certains regards, non pour la dame, mais pour 
votre grand’père >. 

Et, où cette jeune femme, cette enfant plutôt, à qui l’on 
demande tant de tact et de diplomatie, trouvera-t-elle un 
appui ? 

Ce n’est pas auprès du roi, indolent et égoïste, qui fuit 
toute explication. Ce n’est pas auprès de Mesdames, ses 
tantes, ces vieilles filles dont M. de la Rocheterie nous 
dépeint si bien les susceptibilités ombrageuses, les étroi¬ 
tesses d’esprit et les médisances, ni auprès de ses beaux- 
frères et belles-sœurs, jaloux de son avenir et de ses succès. 
Ce n'est pas même auprès de Cet époux d’un extérieur 
fruste et rude c nature en globe, apathique de corps et d’es¬ 
prit », d’une timidité excessive qui ne devint son mari 
qu'aprés sept ans d’union et 3 ans de régne, et qui, malgré 
de solides qualités et les plus droites intentions n’eut 
jamais c ni les goûts ni les vertus d’un monarque ». 

Certes, Marie-Antoinette n’est pas une grande souveraine 
comme sa mère; ce n’est pas non plus une « sainte », mais 
telle que nous la montrent tous ces documents, et telle que 
nous la dépeint si bien M. de la Rocheterie, je la trouve 
bien plus humaine, plus gracieuse et plus touchante. Elle 
a tous les charmes de la femme et de la reine, la grâce, 


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— 63 — 


l’élégance, la dignité sans morgue, la bonté, la sensibilité; 
elle en a quelquefois, aussi la frivolité et la coquetterie 
pendant sa jeunesse triomphante; mais elle grandit avec 
les épreuves ; il ne lui vient pas à la pensée qu’elle puisse 
séparer son sort de celui du roi, même sous le spécieux 
prétexte de sauver ses enfants; elle supporte avec une 
dignité tranquille les humiliations et les tortures. Et c’est 
un spectacle vraiment grand, que cette reine, qui a tenu 
aussi le spectre de l’élégance, reprisant dans son cachot la 
robe qui doit lui servir le lendemain sur l’échafaud. 

Mais je sens, Messieurs, que je me laisse entraîner, et 
qu’au fond j’exprime le sentiment de notre collègue; il a si 
bien pénétré toute cette époque, il est si sûr de la pureté 
des sentiments et de la conduite de la reine, qu’il a tenu à 
ne rien dissimuler et rien affaiblir. 

Du reste, les détracteurs de Marie-Antoinette n’ont plus 
grande créance aujourd’hui; elle a conquis dans l’histoire 
la respectueuse sympathie de tous les cœurs généreux, 
comme elle avait conquis celle de Barnave et des c muni¬ 
cipaux » qui constitués ses geôliers, ont exposé leur vie 
pour la délivrer. 

Et, juste retour de l’opinion, c’est sans conteste aujour¬ 
d’hui, une figure bien française que celle de cette reine que 
les pamphlétaires et les tricoteuses appelaient l’autri¬ 
chienne, ramassant sans le savoir un mot cruel de Mes¬ 
dames, filles de France, bien moins françaises quelle par le 
cœur. 

Maintenant, vous analyserai-je cette histoire de Mapie- 
Antoinette ? 

La plupart d'entre vous l’on déjà lue et goûtée; aux 
autres je dirai; lisez-là; je vous promets des heures déli¬ 
cieuses, une lecture charmante, intéressante comme une 
étude de mœurs, plus vivante qu’un roman, instructive 
comme les plus graves études historiques. Vous y trou- 


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— 64 — 


verez des peintures d’une perfection achevée : la cour où 
grandit la jeune Marie-Antoinette auprès d’une mère qui 
unit dos vertus de famille presque bourgeoises à l’àme virile 
d'un grand souverain ; puis saisissant contraste, la cour de 
Louis XV, où sous la pompeuse étiquette et la brillante 
élégance qui ont survécu au grand roi, se cachent les 
plus mesquines intrigues, et où la jeune Dauphine est en 
butte à toutes les jalousies; les débuts si brillants de la 
jeune reine, les fêtes, les bals masqués, les « dissipations », 
comme dit M. de la Rocheterie, où l’entraîne la société de 
Mad. de Polignac ; le gracieux ermitage de Trianon. Tout 
ce premier volume est d’une lecture souriante. C’est l’i¬ 
dylle. Mais il se termine par l’affaire du collier, qui lait 
pressentir le drame; quel spectacle en effet que ces magis¬ 
trats, ces grands soigneurs, tous*ces puissants de la finance 
et de la mode, prenant parti contre les souverains pour un 
prélat vaniteux dupé par une intrigante de bas étage. 

Le second volume n’offre pas le même genre d’intérêt; 
la vie de Marie-Antoinette est tellement mêlée à l’histoire 
de la Révolution, qu’il a fallu à notre collègue plus d’art 
encore que dans le premier volume pour continuer son récit 
sans que la figure de la reine s’efface devant la sombre 
grandeur des événements. Mais il peint si bien, il élucide 
tellement les questions, que l’on sent à peine ces difficultés. 
La fin approche, nous voici au Temple, puis à la Concier¬ 
gerie. Marie-Antoinette reprend le premier plan; M. de la 
Rocheterie nous dit cette longue agonie en termes touchants, 
mains sans emphase, imitant la reine dans sa tranquille 
dignité et dans son pardon. 

Je le répète, Messieurs, lisez ce bel ouvrage. Vous direz 
avec moi que la Société tout entière est fière de l’œuvre 
d'un de ses membres. 


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NOTICE NÉCROLOGIQUE 

SUR 

m. collin 

Par M. E. BIMBENEÎ. 


Séances de novembre 1890. 


Messieurs, 

Je viens accomplir la tâche que vous avez bien voulu me 
confier, de rendre un dernier hommage à la mémoire de 
notre éminent collègue, M. Pierre-François-Alexandre 
Collin. 

Je n’eusse pas accepté cette mission si je ne m’en étais 
remis au souvenir de chacun de vous, pour suppléer aux 
omissions qu’on pourrait reprocher à cette étude, ou à son 
insuffisance. 

Vous avez suivi M. Collin, pendant le séjour prolongé 
qu’il a fait parmi nous, dans les actes de sa vie publique; 
à ce point de vue votre mémoire vous rappelle un membre 
de la partie scientifique la plus élevée de l’ordre adminis¬ 
tratif, où il a occupé l'une de ses fonctions les plus consi¬ 
dérables. 

Plusieurs d’entre vous ont eu l’inestimable avantage 
d’entreteninavec lui des rapports familiers ; au point de vue 
de la vie privée, votre mémoire vous remet en présence 

5 


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d’une vieillesse active et laborieuse, opposant une éner¬ 
gique résistance aux atteintes de l’àge, que le sentiment 
religieux et patriotique soutenait et fortifiait, que la mort 
seule a pu abattre. 


1 

Nous ne possédons que peu de renseignements sur la 
première jeunesse de M. Collin ; son père appartenait à 
l’administration de l’enregistrement et des domaines ; son 
frère en était, naguère, le directeur au ministère des 
finances ; ces détails, ici d’un ordre secondaire, doivent être 
négligés; il doit suffire de s'arrêter à l’admission de 
M. Collin à l’école polytechnique ; il y entra au cours de 
l’année 1828, dans sa vingtième année. 

Né à Dijon le 29 juillet de l’année 1808. Le 30 no¬ 
vembre 1830, il était élève des ponts et chaussées, le 20 
mai 1850, il était nommé ingénieur en chef. Il exerça cette 
fonction jusqu’au 30 novembre 1867 où il fut élevé à celle 
d'inspecteur général, et enfin, il prit sa retraite le 28 juil¬ 
let 1873. 

Dans ces deux dernières périodes de sa vie administrative 
et même dans celle où il dut résider à Paris il ne cessa de 
conserver son domicile à Orléans. 

Avant de pénétrer dans une vie aussi méditative, il est 
indispensable d’en faire connaître les premiers actes, de les 
rapprocher, desactes de 1 âge mur etde ceux de la vieillesse ; 
tous, malgré les diversités, souvent profondes, qui les ren¬ 
dent inconciliables, ne s’en rattachent pas moins les uns 
aux autres, comme procédant du même principe. 

Les annales religieuses et littéraires du diocèse d’Orléans, 
sous la date du 18 janvier dernier, à l’occasion de la mort 
de M. Collin, contient une notice, à laquelle il serait témé¬ 
raire de rien ajouter, si l’auteur ne s’était maintenu, dans 
l’ordre d’idées qui appartient, surtout, à cette publication ; 


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— 67 — 

on y lit ce passage : « La foi de son enfance n’avait pas sur- 

< nagé au milieu des orages de la jeunesse et de l’incrédulité 

< railleuse qui, malgré le caractère officiel des cérémonies 

< religieuses régnait dans les écoles, où, pendant ses labo- 
• « rieuses études il prépara sa brillante carrière. » 

On doit rappeler, ici, qu’au moment où M. Collin était 
admis à l’école polytechnique, se manifestaient des préludes 
de la révolution qui éclata au mois de juillet 1830. 

On sait quel rôle définitif joua, dans ce mouvement révo¬ 
lutionnaire, la survenance de ces jeunes écoliers revêtus 
de leur uniforme, l’épée à la main, et quelle influence elle 
exerça, non seulement sur la foule ameutée, mais plus 
encore sur les troupes envoyées pour la dissiper et pour 
la combattre. 

C’est à cette survenance que Casimir Delavigne fait 
allusion dans le chant qu’il a consacré à cet événement : 

La mitraille en vain nous dévore ; 

Elle enfante des combattants ; 

Sous les boulets voyez éclore, 

Ces vieux généraux de vingt ans. 

M. Collin céda à l'entraînement général ; il faut considé¬ 
rer qu'à ce moment il n’était qu’à cet âge où la vivacité de 
l’imagination et des sentiments l’emporte sur les règles de 
la prudence. 

En dehors des actes de sa fonction, M. Collin a publié un 
certain nombre d’œuvres et de mémoires ayant tous un 
caractère dominant, le caractère scientifique et pratique. 

Le premier est intitulé : Recherches expérimentales sur 
les glissements spontanés des terrains argileux , accom¬ 
pagnées de considérations sur quelques principes de 
mécanique terrestre. 

Ce titre suffit pour donner une idée du caractère de cette 
étude ; dans un avant propos, l’auteur nous apprend que, 


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— 68 — 


commencée en 1836, elle n’a été soumise à l’Académie des 
sciences qu’en l’année 1840. 

En l’année 1841, M. Legrand, sous-secrétaire d’état des 
travaux publics, invita le corps des ponts et chaussés à 
émettre un avis , sur cette œuvre ; cet avis fut: qu’on l’in¬ 
sérât dans les annales de cette administration ; mais l’auteur 
ayant jugé nécessaire de faire le retranchement de quelques 
passages ne paraissant pas se rattacher à la question prin¬ 
cipale, cette insertion n'eut pas lieu. 

Cependant, en l’année 1844, M. de Beaumont, membre de 
l’Académie des sciences, ingénieur en chef du corps des 
mines, présenta cet ouvrage pour le prix annuel de méca¬ 
nique^ décerné par cette Académie ; mais, dans sa loyauté, 
l’auteur préféra l’exécution d’engagements qu’il avait pris 
et qui ne lui permettaient pas d’attendre la décision à 
cet égard. 

Cependant, l’administration publique ne laissa pas l’édi¬ 
tion se produire sans lui donner un éclatant témoignage 
d’estime; les ministres des travaux publics, de la guerre, de 
la marine, de l’intérieur, de l’instruction publique s’em¬ 
pressèrent d’y souscrire ; ces manifestations émanées d’ap¬ 
préciateurs si compétents, furent en l’année 1844, consa¬ 
crées par celle de 1850 au cours de laquelle M. Collin fut 
élevé au grade d’ingénieur en chef. 

L’ouvrage se présente dans un volume grand in 4°, son 
but y est brièvement et nettement, exposé, il a pour objet : 
une question de mécanique appliquée spécialement à 
Véquilibre des terrains argileux ; les conditions d'équi¬ 
libre quon est habitué de regarder comme suffisantes , 
cessent de Vêtre dans les terrains argileux . 

Ce premier travail contemporain de la direction confiée 
à M. Collin, du canal de Bourgogne et du service hydrauli¬ 
que de la Côte-d : Or, fut, au cours de l’année 1851, suivi 
d’une autre publication ayant pour titre : étude sur quel - 


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ques canaux dirrigation, dans le departement de la 
Côte-d'Or; tel est le sujet d’une brochure de 31 pages, 
accompagnée d'une carte générale de ce département, indi¬ 
quant en largeur et longueur ces réservoirs, au nombre de 
«sept, et celle de leurs réservoirs et rigoles. 

Dans les recherches expérimentales sur les glissements 
des terrains argileux, dont il vient d’être parlé, l’auteur 
mentionne, souvent les observations que lui ont suggéré, 
les terrassements opérés pour établir ces réservoirs et assu¬ 
rer leur fonctionnement. 

Ce nouvel ouvrage n était quun avant-projet, soumis au 
Conseil général de la Côte-d’Or ; il soulevait de graves 
difficultés d’exécution, soit au point de vue financier, soit 
au point de vue de quelques intérêts particuliers, qui toutes, 
sont l’objet d’un chapitre spécial. 

La principale était la diminution de Vutilité des canaux 
par la survenance des voies ferrées; indépendamment des 
facilités que les canaux donnent au commerce et à l’agri¬ 
culture, ditM. Collin, ces voies de communications sont 
destinées à faire un contrepoids salutaire au monopole des 
tramways; l’intérêt public prescrit, impérieusement, que 
les canaux marchent de pair avec les chemins de fer, qu’ils 
soient traités avec la même libéralité. 

Le Conseil général auquel était soumis cet avant-projet 
en l’année 1855, lui a donné sa complète adhésion. 

En 1865, M. Collin ajoutait à ces hautes considérations 
économiques un petit volume ayant pour titre : voies navi¬ 
gables de Vempire français , divisées en deux parties ; la 
première traite des rivières, la seconde des canaux, et une 
subdivision de la première est consacrée à la navigation 
maritime , dans ses rapports avec la navigation des 
rivières. 

' L’œuvre se présente sous formes de tableaux consacrés 
à chacune de ses parties ; chacun de ses tableaux se divise 


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— 70 — 


en colonnes, le premierest consacré aux rivières navigables; 
la première de ces colonnes, par ordre alphabétique, dési¬ 
gne les noms attribués à ces rivières ; les 2* et 3* indiquent 
les latitudes et longitudes aux quelles elles appartiennent; 
la 4 e , le développement de la partie navigable ou fluviale, 
ou maritime, les 5* et 6 e , désignent l’amont et l’aval. 

Le deuxième tableau, consacré à la navigation mari¬ 
time, se présente sur cinq colonnes, les deux premières 
désignent l’amont et l’aval de cette navigation; les troi¬ 
sième et quatrième leurs largeurs et longueurs, et la cin¬ 
quième la nature des ouvrages pour améliorer la 
navigation. 

M. Collin nous avait appris les noms attribués aux 
rivières navigables et leur nombre qui est de 157, il nous 
apprend en observant le même ordre les noms des canaux 
navigables qui est de 172, leur position géographique, et 
les observations particulières qui intéressent chacune de 
ces voies de communication. 

M. Collin complète son œuvre par un dernier chapitre 
intitulé : Désignation des Etals traversés par les voies 
navigables de la Belgique et des provinces de la rive 
gauche du Rhin, il a divisé ce chapitre en deux tableaux ; 
le premier consacré aux rivières navigables, le second 
aux canaux de navigation ; ces deux tableaux ont cha¬ 
cun deux colonnes ; la première de l’un et de l’autre porte, 
dans l'ordre alphabétique, les noms attribués à ces rivières 
qui sont au nombre de 29 ; la seconde la désignation des 
Etats traversés par la partie des rivières navigables et le 
développement kilométrique de chacune d’elles, et le déve¬ 
loppement kilométrique de ces canaux. 

Ces développements établissent les distances pour la 
Belgique, la France, la Hollande, la Suisse, le duché de 
Luxembourg, la province Rhénane, le duché de Bade, la 
Hesse et le duché de Nassau. 


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— 71 — 


L’insistance qui vient d’être observée dans la mention 
de cette production de M. Collin n’est qu’un mode de s’as¬ 
socier à l’idée d’importance qu’il y attachait ; cette impor¬ 
tance se manifeste par cette note mise à la fin de la page 
du titre: Droits de reproduction et de traduction ré¬ 
servés, et dans les conversations familières, à la moindre 
occasion qui se présentait, il en rappelait le souvenir avec 
complaisance. 

Il en était ainsi de l’œuvre qu’il a publiée en l'année 1865, 
et qu’il a communiquée à la Société d’agriculture, sciences, 
belles-lettres et arts d’Orléans, dans sa séance du 25 avril 
dernier; elle a été comprise dans les annales de notre 
Société en l’année 1866. 

Cette œuvre est intitulée : Atmidomôtrie, recherches 
expérimentales sur Vévaporation*, une note nous apprend 
que ce mémoire, couronné par l’Académie des sciences, 
dans sa séance du 6 février 1865, et qui avait obtenu le prix 
au concours de 1863, est détaché d’un travail général com¬ 
mencé en 1850 sous le titre : Hydrognosie de la Bour¬ 
gogne, que l’auteur n’a pu terminer. 

Il semble intéressant de rapporter les premières lignes 
du premier chapitre : Historique des travaux entrepris 
jusqu'à ce jour sur V évaporation*, l’idée de mesurer, par 
des observations directes les quantités d’eau de pluie qui 
tombent annuellement sur les différents points du globe et 
l’intensité de l’évaporation, c’est-à-dire de la transforma¬ 
tion de l'eau en vapeur, ne paraît pas remonter à plus de 
deux ou trois siècles ; ces deux branches de la météorologie 
sont aujourd’hui désignés par les mots udométrie , atmi - 
domètrie v<J«p pcrpov, eau, mesure, évaporation, 

mesure . 

On a fait varier, à l’infini, la forme des instruments 
propres à ces observations ; mais les principes sur lesquels 
ils reposaient étaient, généralement, les mêmes. 


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— 72 — 


L’auteur attribue les premières recherches, sur ces deux 
phénomènes, à la construction des réservoirs destinés à 
l’alimentation des bassins et des jets d’eau composant le 
merveilleux système hydraulique des jardins de Versailles. 
Colbert et Louvois voulurent être renseignés sur les quan¬ 
tités de pluie dont on pourrait disposer pour le remplissage 
de ces réservoirs et suç l’évaporation. 

Louvois chargea particulièrement Sédilleau, membre de 
l'Académie des sciences, d’entreprendre une série d’expé¬ 
riences pour résoudre cette question ; ce savant opéra sur 
la terrasse de l’observatoire pendant les années 1688, 1689 
et 1690. 

A partir de cette date M. Collin suit, par ordre chrono¬ 
logique, toutes les expériences qui ont eu lieu, à cet effet, 
en France et dans les pays étrangers ; mais, ainsi qu’on le 
verra bientôt, il y eut un grand intervalle entre les expé¬ 
riences de Sédilleau et celles qui les ont suivies. 

Ce ne fut qu’au cours du xvm* siècle que les savants 
étrangers entrèrent dans cette voie. On doit placer en pre¬ 
mière ligne les membres de l’Académie des sciences de 
Stockolm, Musschenbrock et Valérius ; Lambert à Berlin x 
et Van Sweinden en Belgique ; ce dernier a été précédé en 
France par le R. P. Cotte, dont il va être bientôt plus 
amplement question. Ce savant Lambert, dont le nom tout 
français indique un réfugié en Prusse, par suite de la révo¬ 
cation de l’édit de Nantes, en l’année 1747, fit, pour ses 
expériences, usage d’appareils autres que ceux employés 
par ses prédécesseurs. 

M. Collin parcourt ensuite les Etats étrangers où des 
expériences furent faites, depuis le xvm e siècle jusqu’au 
moment où lui-même se mit à l’œuvre, la Prusse, la Hol¬ 
lande, l’Italie, la Lombardie, l’Angleterre, et enfin il 
revient en France. 

11 cite les villes de France dans lesquelles ces expé-* 


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— 73 — 


riences furent, il faut en convenir, plus tentées que suivies 
avec méthode et persévérance, Nantes, Lille, les bassins 
de l'Yonne, de la Meuse, de la Meurthe, le département 
de Lot-et-Garonne et celui de la Gironde. 

Il cite les noms de ceux qui s’y sont associés, plus acti¬ 
vement et avec un plus vif sentiment scientifique et, en 
première ligne, le nom de ce religieux qui, sur la terrasse 
de Saint-Germain et dans sa résidence de Montmorency, 
s’y livra de l’année 1765 à l’année 1804: Les célèbres phy¬ 
siciens italiens Calandreli et Conti, Franeker en Hollande, 
Halley en Angleterre, et enfin en France l'illustre agro¬ 
nome Gasparin. 

Ici s’arrête l’examen des premiers et principaux ouvrages 
de M. Collin qui ont marqué son entrée dans la voie qu’il a 
parcourue avec honneur pendant 43 ans. 

Il a paru utile de les faire connaître par nne analyse 
doDt certainement ils sont dignes, reproduisant, sinon 
dans toute leur étendue, au moins en ce qu’ils ont de subs¬ 
tantiel, les recherches, les calculs, les observations et les 
démonstrations qui composent ces œuvres, dans lesquelles 
se rencontrent réunies, par un lien indissoluble, la théorie 
et la pratique. 

Cette analyse a été lé sujet d’un essai, mais elle a semblée 
être considérée comme ne pas devoir entrer dans l’éco¬ 
nomie d’une simple et modeste notice, destinée seulement 
à rappeler, dans leur ensemble plus que dans leurs diffé¬ 
rentes parties, l’importance des œuvres de cet infatigable 
travailleur et son dévouement absolu à la science et à l’u¬ 
tilité publique. 

En regrettant qu’il n’en ait pas été ainsi, il faut s’em¬ 
presser de se livrer & l’examen des œuvres de M. Collin 
depuis qu’il avait fait de la ville d’Orléans celle de son 
adoption et qu’il nous a été attaché, au titre de concitoyen 
et de membre des trois sociétés savantes, qui l’ont accueilli 


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— 74 


avec l’empressement qu'inspiraient son mérite et son hono¬ 
rable caractère. 


n 

On conçoit facilement que l'auteur des travaux qui 
viennent d’être signalés, habitant, en qualité d’ingénieur 
en chef, le chef-lieu d’un département, siège de Sociétés 
savantes, dût être l'objet de leur attention. 

Une occasion considérable se présenta, pour la Société 
archéologique, d'adresser une honorable provocation à ce 
haut fonctionnaire, 

La basilique de Saint-Euverte, l'une des plus anciennes 
de la Gaule chrétienne, d’abord placée sous le vocable de 
Notre-Dame du Mont, après de nombreuses transforma¬ 
tions architectoniques, fermée à l’époque de la Révolution, 
et, dans un intervalle qui s’écoula de l’année 1790 à 
l'année 1838, abandonnée à tous les genres de dégrada* 
tions, fut à cette dernière époque rendue à sa destination. 

Attribuée à l’église de Sainte-Croix, par suite du Con¬ 
cordat de 1801, cette basilique n'avait pu recevoir une res¬ 
tauration qui permit d'y rétablir les cérémonies du culte ; 
cette restauration n'a été terminée qu'en l'année 1857. 

Elle avait deux caractères : la réparation matérielle et la 
réparation artistique ; ces deux ordres eurent, en partie, 
leur satisfaction sous les auspices de Mgr Dupanloup, qui 
intéressa la Société archéologique à cette importante opé¬ 
ration. 

Cette Société nomma une Commission à laquelle elle 
adjoignit quelques personnes qui lui étaient étrangères, 
plusieurs membres de la Congrégation de la miséricorde , 
à laquelle cette église et l'ancienne maison conventuelle 
avaient été cédées, par l’église de Sainte-Croix; et aussi 
M. Collin qu’elle invita à prendre part à la direction de 


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— 75 — 


ces travaux, mission qu’il accepta et qu'il accomplit avec 
empressement et avec zèle. 

Le 13 mars de cette année 1857, M. Collin était élu 
membre de cette Société et, le 9 mai suivant, il la consul¬ 
tait sur: le genre de porte quil convenait d'adopter 
pour fermer la grotte de Saint-Mesmin; ètait-ce une 
grille ou une porte pleine ? 

Cette note rappelle la restauration d'une grotte décou¬ 
verte dans le coteau de la rive droite du fleuve, au-dessus 
de l'église paroissiale du bourg, qui a reçu le nom de : la 
Chapelle-Saint-Mesmin. 

Il est nécessaire de dire ici un mot de la légende du 
dragon , sinon universellement répandue, au moins connue 
par des noms divers, dans un grand nombre de localités, 
depuis le Dragon Boa de la Dalmatie, jusqu'au dragon 
appelé la Tarasque de Tarascon qui désolait les campagnes 
et y répandait une odeur pestilentielle, et dont ces localités 
furent, miraculeusement, délivrées, par le pouvoir de saints 
qui les habitaient. 

La légende du dragon de Saint-Mesmin a laissé des 
traces profondes dans les souvenirs des populations rurales 
des environs d'Orléans. 

Il en est de même de la légende de Saint-Agilus ou 
Agilis ou Saint-Ay, mot prononcé par ce diminutif: 
Saint-Y nom d'un bourg situé à 17 kil. ouest de la ville 
d'Orléans. 

Cet Agilus, seigneur de ce territoire, limitrophe de celui 
de Chaingi, {Cambiacus ), appartenant à la collégiale de 
Mici, et dit-on vicomte d’Orléans, avait un esclave qui, 
pour fuir sa colère, s’était réfugié dans la grotte du dragon, 
détruit par Saint-Mesmin. 

Agilus avait envoyé à sa poursuite des gens de son ser¬ 
vice, mais au moment où ils pénétraient sur les terres de 
Chaingi, eux et leurs chevaux ayant été frappés d’une 


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insurmontable immobilité, après la même tentative; et lui, 
ayant subi le même traitement, il reconnut le signe de l'in¬ 
violabilité du droit d’asyle attribué aux lieux consacrés à la 
religion et, particulièrement à la grotte du dragon où 
reposait le corps de Saint-Mesmin, il pardonna à son 
esclave et se réunit à lui dans le monastère de Mici, 
en prenant l'habit, et tous deux y moururent en odeur de 
sainteté. 

Saint-Mesmin devint le patron de la contrée dont il 
avait été le bienfaiteur par ses travaux évangéliques et de 
défrichements, ces derniers causèrent sa mort dans un âge 
peu avancé ; Agilus devint le patron de la contrée voisine 
qu’il avait édifiée en reconnaissant l’autorité d'une religion 
qui ordonne la clémence et le pardon. 

La grotte du dragon avait disparu, dans la marche des siè¬ 
cles, il a été donné à un membre de la Société archéologique 
de la retrouver ; en l’année 1850, M. Pilon, propriétaire'd'un 
domaine situé dans paroisse de La Chapelle-Saint-Mesmin 
se mit à l’œuvre de la recherche, et en l'année 1856, il 
réussissait dans son entreprise. 

L'évêque d’Orléans fut le premier informé de cette 
découverte et soudain la restauration de la grotte fut 
décidée ; le Prélat obtint facilement de l’autorité adminis¬ 
trative, que les travaux fussent opérés ; M. Collin fut 
chargé de leur direction en sa qualité d’ingénieur du 
service de la Loire. 

Il fit éléver sur la rive gauche, une croix monumentale, 
dont il donna le modèle à Monseigneur l'évêque, qui eût 
l’heureuse idée de la faire composer de quelques débris de 
l'ancien monastère de Mici, trouvés près de l’habitation 
moderne qui le remplace; de sorte que, par une ligne 
droite dirigée du monastère à la croix, de la croix à la 
grotte du dragon, et à l’église, les trois monuments se 
relient pour rappeler le même souvenir. 


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Le 13 iuin de l’année 1858, par la plus belle journée de 
cette belle saison, eut lieu l'inauguration de la grotte et la 
bénédiction de la croix ; le Prélat désira qu'elle fut célébrée 
avec une grande pompe, et se concertant avec M. Collin, 
ses désirs furent complètement satisfaits. 

On doit attribuer à ce dernier la complète réussite du 
programme adopté ; il s'était multiplié dans la direction des 
travaux, il se multiplia dans la direction et dans la marche 
du brillant cortège composé de toutes les autorités ecclé¬ 
siastiques, judiciaires, administratives, escortées par un 
détachement de la garde impériale, alors en garnison à 
Orléans. 

Ce cortège était entouré des habitants de la ville et des 
campagnes environnantes, encombrant le fleuve dans des 
barques, la plupart élégamment pavoisées, et dont une foule 
animée peuplait ses deux rivages. 

On ne peut insister, sur cette solennité terminée par un 
éloquent discours de Monseigneur Dupanloup, prononcé au 
milieu du grand silence de cette multitude, s'unissant au 
calme de l'air et permettant à sa voix de s’étendre au loin, 
dans toutes les directions de l'espace. 

M. Collin alternait ses communications, de notre Société 
d’Agriculture, sciences et arts, à la Société archéologique ; 
il ne s'en tenait pas à ces centres d'études ; lorsqu'elles 
intéressaient l’ordre public, il les adressait au Conseil 
général du département. 

Il reste à le suivre dans l'examen de ces divers travaux ; 
en 1857, il lisait, à la Société archéologique un rapport 
sur un mémoire ayant pour objet de révéler la découverte 
d’ouvrages stratégiques représentés par son auteur, 
M. Boucher de Molandon, comme ayant fait partie du 
système des bastilles et des boulevards, construits par 
les Anglais pendant le siège de 1428. 

. Co terrain est décrit dans tous ses aspects, étendue en 


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longueur, largeur, profondeur; l’auteur en donne les 
mesures métriques et cette description est assez saisis¬ 
sante pour persuader que les dispositions de ces lieux n’ont 
été qu’un travail de main d’hommes ayant, dans les temps 
reculés, servi de camp retranché pour l’attaque et la 
défense. 

Ni les historiens, ni le journal du siège, il est vrai, ne 
signalent dans cette direction, l’existence d’une bastille 
établie entre Saint-Paterne et Saint-Loup. 

Cet espace de 4 kilomètres, sans moyen d’attaque, par 
l’ennemi, permettant aux assiégés des sorties dange¬ 
reuses pour les assiégeants et même le ravitaillement de 
la ville, a semblé difficile à admettre. 

Cette question a été traitée par M. Berriat Saint-Prix, 
professeur à la faculté de droit de Paris, dans un ouvrage 
remarqué, sur Jeanne d’Arc ; il avait été conduit par de 
simples déductions logiques et sans preuves matérielles, il 
est vrai, à exprimer à priori , l'opinion que deux bastilles 
avaient dû être construites dans ce large intervalle. 

Il est inutile d’insister sur les autres moyens de convic¬ 
tion contenues dans le mémoire, il ne doit s’agir, ici, que 
du rapport présenté au nom de la commission par M. Collin, 
et son œuvre, d’autant plus que cette analyse se placerait 
en présence d’un rapport dont les conclusions n’en repous¬ 
sent pas toutes les conséquences, mais néanmoins est loin 
de les admettre explicitement. 

Il est, en effet, évident, que la commission n’a pas ac¬ 
cueilli les conclusions du mémoire, mais que, cependant, 
touchée des considérations sur lesquelles ces conclusions 
reposent et de l’intérêt attaché à la communication de ce 
mémoire, à l’examen et à l’étude des lieux et des travaux 
certainement stratégiques qui étaient signalés à l’attention 
de la Société quelle représentait, elle a provoqué des études 
nouvelles pour qu’une réponse définitive put être rendue. 


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Celle de la commission est, en effet conçue en ces termes: 
« Sur la deuxième question des documents authentiques, 
« il est permis d'insérer qu’il existait, au temps du siège, 
c dans les environs de Fleury, des ouvrages militaires, 
c établis par les anglais, pour compléter le blocus et 
c l'investissement du côté nord. Si les ouvrages militaires 
« élevés par les anglais, au nord de Fleury n'étaient pas 
t ceux dont M. de Molandon à signalé à la Société archéo- 
t logique l'existence, la position et la forme, les vérita- 
« blés ouvrages anglais devaient avoir avec ceux-ci une 
« telle ressemblance qu’il est raisonnable de croire, du 
« moins, jusqu’à preuve contraire, à leur identité. > 

Le rapport se termine ainsi : c La commission s'est 
« pénétrée de l’importance de l'étude qu'elle était chargée 
« d’offrir à la Société, et si elle a dû renoncer à placer 
« sous les yeux la solution, pour ainsi dire matérielle du 
« problème, elle croit n'avoir rien négligé pour dissiper une 
« partie des ténèbres et exciter l'attention et les investi- 
« gâtions des érudits. * 

Il faut attribuer au sentiment d’une réserve exagérée 
le langage par lequel le rapporteur a voulu atténuer le 
caractère négatif de l’opinion adoptée par la Commission. 

Il semble impossible de ne pas voir dans les disposition 0 
des lieux visités, des travaux pratiqués à l’occasion d’un 
siège, et que ce siège ne peut être que celui des anglais; 
les attaques antérieures dirigées contre la ville n’ayant eu 
lieu que par des bandes errantes, dont les procédés straté¬ 
giques se bornaient à l’incendie des portes, à l'escalade et 
à la démolition des murailles. 

C'est sous l'inspiration des détails produits par le mé¬ 
moire et par le raport lui même, quoi qu’il ne concluât pas 
à Tinsertion, dans les volumes publiés par la Société, que 
celle ci a ordonné cette insertion. 

La part prise aux travaux de la Société archéologique 


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80 — 


eut encore pour M. Collin un intérêt historique d’une haute 
importance. Le 23 décembre 1862, M. Bréan, conducteur 
des ponts et chaussées, faisant fonctions d’ingénieur, pour 
l’arrondissement de Gien, publia deux brochures sous ces 
titres : Notice sur la découverte de ruines Gallo-Romai¬ 
nes à Gien-le-Vieux ; Etudes sur Genabum. 

Bientôt deux autres œuvres, traitant ce sujet, vinrent en 
aide à M. Bréan, l’une due à M. Petit, membre correspon¬ 
dant de la Société archéologique, l’autre à M. Eugène 
de Monvel, membre de la Société d’agriculture, lettres, 
sciences et arts. Celle de M. Petit, intitulée : Dissertation 
sur Genabum (Gien), et Vellenaudum (Triguères); celle de 
M. Monvel : Etude sur les expéditions de Jules César 
dans les Gaules. 

La Société archéologique, par la spécialité de son pro¬ 
gramme, ne pouvait rester indifférente, en présence de ces 
publications ; son premier soin a été d’engager un de ses 
membres correspondants, M. Marchand, habitant Ouzouer- 
sur-Trézée, auteur d’un ouvrage considérable sur : La 
ville et les seigneurs de Gien , à étudier cette question, en 
se mettant en rapport direct avec le promoteur de ce nou¬ 
veau conflit ; M. Marchand, répondit à l’invitation qui lui 
avait été faite par un rapport qui témoigne le soin qu’il 
mit à remplir cette mission. 

Enfin, la Société institua une commisssion, composée de 
neuf membres, dont ferait partie M. Collin, et on voit tout 
d’abord, que par sa position, par l’influence qu’il devait 
exercer, il en fut, pour ainsi dire, le directeur et comment 
il en fut le rapporteur. 

Il importe de Axer le véritable et unique siège de la dis¬ 
cussion ouverte, il se concentrait sur les lieux occupés par 
le : Genabum carnulum des commentaires démontré par 
l’existence d’enrochements, de massifs de maçonneries 
ayant l’apparence de pilles d’un ancien pont considéré, 


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par les rapporteurs de cette découverte comme étant une 
construction gauloise; et ces maçonneries, comme les 
vestiges d’un pont, qui a dû relier, en face de Gien-le-Vieil, 
la rive droite à la rive gauche de la Loire. 

Il est à remarquer que ce bourg est distant de la Loire 
par un espace de 1,000 mètres, cette séparation établit une 
si grande différence avec le texte de César, constatant 
l’existence d’un pont sur la Loire, adhérant à la ville qu’il 
assiégeait : oppidum Genabum, pons fluminis Ligeris 
continebat , que cette séparation et la conséquence qu’on 
en devait, nécessairement tirer, n’ont point échappé à 
M. Bréan ; il s’est empressé de faire reculer la Loire, du 
coteau où se montre le bourg de Gien-le-vieil, jusqu’à cette 
distance de 1,000 mètres, par suite, dit-il, des endigue- 
ments du fleuve; et il ajoute que si on veut trouver des 
piles de l’ancien pont, ce nest pas dans le lit et le cours 
de la Loire gu il faut les chercher , mais dans cet espace 
de 1,000 mètres où coulait la Loire, quand César est venu 
assiéger Genabum. 

Cet état de choses ainsi [établi, il ne s’agit plus que de se 
livrer, aussi rapidement que possible, à l’analyse du très 
considérable rapport de M. Collin, qui la divise en trois 
parties : exposé du sujet', opérations des sondages', résul¬ 
tat de Venquête faite par M . Bréan . 

Ce qui vient d’être dit semble autoriser à considérer la 
première partie comme suffisamment connue, et la tâche 
comme accomplie à ce sujet. 

Il faut donc suivre, sans retard, le rapporteur dans tous 
les détails qu’il nous a transmis, des sondages opérés de 
part et d’autres, dans le cours de ces vérifications con¬ 
tradictoires ; il faut essayer de les résumer, ce qui 
semble possible, sans diminuer l’importance des travaux 
et des observations d’un organe aussi compétent que celui 
qui avait été choisi par la commission. 

6 


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Tout ceci se passait en 1863 ; en l’année 1864, M. Bréan 
publia une nouvelle brochure : Jules César dans les Gau¬ 
les ; il fallut recommencer des sondages qui avaient paru 
suffisants pour mettre enfin un terme à ces débats deve¬ 
nus plus inutiles encore que fastidieux. 

Au mois d’août de cette année on dirigea ces opérations 
sur deux lignes, en éventail et sur une ligne intermédiaire, 
distante de 7 mètres, de chacune des deux lignes extrêmes, 
de la rive gauche sur la rive droite de la Loire ; et, de 
4 mètres en 4 mètres, la tige de sondage fut descendue à 
2 mètres, au-dessous du niveau, ou du zéro de l’échelle du 
pont de Gien. 

Le rapporteur de la Commission constate que dans cette 
opération, à laquelle M. Bréan, comme dans les précédents, 
s’est fait représenter , on n'a rencontré aucune résistance 
indiquant la présence de vestiges de maçonnerie , d'en¬ 
rochements et de pilotis. 

Ce n’était pas fini; en 1865, une nouvelle brochure 
signée Bréan, apparut sous le titre : Expédition de Cœsar 
df Agendicum à Avaricum , de Sens à Chartres. 

Il est inutile de dire que dans ces deux dernières produc¬ 
tions, leur auteur, sans tenir compte des expériences de 
sondage qui viennent d’être décrites, revenait sans cesse à 
ces premières propositions. 

Cette fois, cependant, il ne s’agit plus de sondages dans 
le cours du fleuve, pour y trouver les signes palpables , 
comme M. Bréan les qualifiait, de l’existence du pont 
gaulois, il a recours à la ressource des certificats, éma¬ 
nant d’habitants, il est vrai, fort estimables, des deux 
rives de la Loire, dans le voisinage de Gien le Vieil ou 
même dans ce bourg. 

Le rapporteur de la Commission a dû se livrer à l’appré¬ 
ciation de ces actes, soit de complaisance, soit entachés 


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d’un grand vague, d’une grande incertitude et toujours peu 
dignes de confiance. 

Ces dernières observations sont autorisées par l’analyse 
que M. Collin a faite de ces certificats, il les dépouille, 
assez impitoyablement, en faisant ressortir les contradic¬ 
tions et les erreurs contenues dans le plus grand nombre 
d’entr’eux. 

Il cite, entr’autres exemples, les deux suivants: un 
grand propriétaire après avoir donné, comme le sachant 
personnellement, l’attestation de la démolition d’une partie 
des piles du pont qui existait dans la Loire, revient dans 
un second certificat, sur ce ton affirmatif, en reconnais¬ 
sant qu’il n’a rien vu, par lui-même, mais que seulement il 
l’a entendu dire. 

Il en est, absolument de même du certificat d’un curé 
d’Ouzouer-sur-Loire qui, ayant dit : avoir vu et reconnu, 
dans la direction de Gien le Vieux, deux ou trois piles du 
pont, déclare qu’il a vu ces piles qu'on lui a dit être des 
restes de ce pont. 

Le rapporteur fait remarquer que quelques certificats, 
tout en affirmant l’existence des vestiges de es pont, ne 
sont pas d’accord sur l’emplacement que ces massifs de 
maçonnerie avaient occupé, les uns les plaçant à la rive 
droite, les autres à la rive gauche du fleuve (1) ; les uns à 
une dizaine, les autres à une quinzaine de mètres les uns 
des autres ; les uns sur la même ligne, les autres en tra¬ 
vers du courant, et prétendant que les enrochements res¬ 
semblaient à des piliers de pont et présentant leur destruc¬ 
tion comme remontant à cinquante années. 

Il ne néglige aucune observation judicieuse pour faire 
ressortir l’insuffisance de ce mode de constatation et celle 
do ces certificats eux-mêmes, mais il croit devoir, dans un 

(1) Voir, entr’autrea les certificats de MM. Fortin, curé d’Ouzouer- 
sur-Loire, p. 279, Charenton et Rousset-Maîtrasse, p. 283, 


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louable sentiment d’impartialité mentionner deux certifi¬ 
cats, obtenus par M. Bréan de deux habitants de ces loca¬ 
lités ; l’un constate, de la part de celui qui l’a donné, que : 
dans sajeunesse, pêchant & la ligne, il en a vu apparen¬ 
tes au-dessus des basses eaux , plusieurs piles du pont sur 
la rive gauche, au droit du chemin qui monte à Gien le 
Vieil, et que pour se livrer à ce mode de pêche, il se tenait 
sur ces maçonneries ; l’autre dit que travaillant aux brè¬ 
ches faites aux levées par l’inondation de 1856 ; sur le 
massif de la rive gauche, il souleva une roche de ce mas¬ 
sif et qu’il aperçut, sur la face du dessous de cette roche, 
une pièce de monnaie qu’il conserva et qui, aujourd’hui est 
au musée archéologique d’Orléans. 

Cette monnaie porte à sa face- ce mot et ce chiffre : Clé¬ 
ment VIII et ces abréviations pont. max. C’est-à-dire : 
pontificus maxirnus , accompagnés d’un écusson à deux 
clés, surmonté d'une tiare, et au revers ces abréviations, 
oct. car. aquaviva. legaus et ce millésime 1594, que 
M. Collin reproduit dans leur entier, par ceux-ci : octavius 
cardinalis aquaviva legatus . 

Il y ajoute cette irréfutable observation : si comme cet 
ouvrier (qu’il représente comme un très honnête homme), 
l’affirme, cette médaille n’a pu être laissée que par ceux 
qui ont construit le massif d’enrochement (adhérent à la 
levée que l'ouvrier réparait), ce massif n’aurait pas plus 
de deux à trois siècles. 

C’est ainsi que M. Collin recevant des habitants des l’an¬ 
tique cité celtique des descendants des carnutes, dont 
parle César, un témoignage de l’estime que leur inspirait, 
son dévouement à la science et au bien public, en retour 
s’associait à leurs travaux et s'intéressait à la conserva¬ 
tion et au respect des anciens souvenirs toujours chers aux 
générations qui se succèdent au lieu natal. 

Et, cependant comme cette notice est autant l'étude du 


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caractère de celui qui en est l’objet que l’étude de ses actes 
scientifiques, on peut se permettre de faire remarquer le 
caractère d’incertitude et d’hésitation qui semble avoir été 
la règle de son esprit ; après s'être livré à des épreuves 
décisives et, absolument, exclusives du doute, dans leurs 
résultats, c’est avec quelque surprise qu’on le voit en alté¬ 
rer la force et l'énergie par des observations timidement 
exprimées et ne se rattachant que d’une manière incidente 
aux faits les plus certainement constatés. 

Ce défaut des cœurs bienveillant s’est déjà montré à l’oc¬ 
casion des recherches sur les travaux stratégiques du 
quartier de Fleury, il s’en renouvelle quelques marques 
ici, « la Commission n’a pas l’intention de chercher à nier 
« l’existence de vestiges d’anciens ouvrages de nature 
« inconnue à Gien le Vieux, les affirmations des témoins 
« bien que contradictoires, obscures et dénués d’authen- 
« ticité, ne manquent pas d’un certain intérêt. » 

Et plus loin : t La commission demeure convaincue de 
« la nécessité d’agir comme elle l’a expliqué, c’est-à-dire 
« de constater l’état des lieux et la nature des faits, qu’ils 
« soient positifs ou négatifs, laissant à chacun la liberté 
« entière d’examen, d’appréciation et de sentiment. > 

Déjà, et dans les opérations d’examen, confiées à 
M. Marchand, 1,600 coups de sonde, avaient été donnés 
dans la direction du cours de la Loire, indiquée par M. Bréan 
et ceux qui avaient adopté son opinion et voulaient la faire 
prévaloir, lorsque, par une lettre inséréé dans le Journal 
du Loiret , à la date du 28 août 1863, il annonçait que : 
par la dépression des eaux de la Loire , une pile dupont 
qu'il prétendait avoir existé en cet endroit, venait d'être 
luis à jour . 

Ce fut alors et le 28 août que la Commission instituée par 
la Société archéologique se rendit à Gien où elle s’adjoi¬ 
gnit l’ingénieur de la Loire et le conducteur principal de 


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ce service, MM. Sainjon et Diéval, et que le 3 septembre 
on procéda à un nouveau sondage, renouvelé 300 fois, de 
4 mètres en 4 mètres, en faisant descendre la flèche de deux 
mètres au-dessous du niveau d’eau, sans que cette opéra¬ 
tion ait rien fait découvrir de ce, qui avait été affirmé 
avoir existé en ce Lieu . 

Cependant les personnes envoyées par M. Bréan qui n a 
jamais paru dans le cours de ces épreuves, tous gens à ce 
connaissant, se prévalurent d’un plan sur lequel existait 
une ligne représentant l’axe marqué à ce plan, par les let¬ 
tres : A. B. partant d’une culée de ce pont et se prolon¬ 
geant de la rive gauche â la rive droite de la Loire. 

Le rapporteur, sans nier ce massif d’enrochement, et de 
pilotis, comme un point fixe de cet axe, l’apprécie ironi¬ 
quement, en ces termes : libre à chacun de voir dans ces 
vestiges, les fondations d’une culée ou pile d’un pont Gau¬ 
lois, Romain, du moyen-âge, ou les vestiges d’un moulin 
ou d’une usine, d’un estacade, et., et il déclare que la 
Commissionne voit pas dans ces vestiges , la forme dune 
culée de pont. 

Et comme ce réseau de sondage était compris dans les 
1,600 coups de sonde déjà donnés en 1864, ainsi que cela 
résulte du rapport de M. Marchand, ce qui donne un total 
de 1,900 coups de sonde dans ce parcours d’un bord à 
l'autre du fleuve, la Commission se crut autorisée à persis¬ 
ter dans la délibération qui vient d’être rapportée et qu’elle 
exprima par ces mots : on ne trouve ici aucun vestige de 
travaux de main dhomme. 

Des actes pareils à ceux invoqués pour l’affirmative des 
propositions tendant à l'admission de l’existence d’un pont 
52 ans avant l’ère Chrétienne, en présence des opérations 
de sondages multiples, consciencieuses et contradictoires 
qui ont été rapportées, peuvent-ils un seul instant, paraître 
dignes de la moindre prise en considération. 


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— 87 — 


Dans une controverse historique aussi importante, on 
doit à l’aoteur d’une œuvre comme celle qui vient d'être 
analysée, devenue la base la plus fondamentale d’une 
décision définitive et sans retour, de le relever d’une fai¬ 
blesse regrettable, à quelque sentiment honorable quelle 
appartienne. 

M. Collin ne s’en tint pas à ces premières démonstrations 
d’alliance avec la cité de son adoption, il publia, bientôt 
une œuvre d’un intérêt tout à la fois religieux et local, cette 
œuvre porte ce titre : La Cathédrale d'Orléans, de 1849, 
à 1869. 

Dès avant cette époque et depuis longtemps, déjà celui 
qui, par la touchante notice contenue dans Je fascicule des 
annales religieuses et littéraires du diocèse, publié sous la 
date du 19 janvier dernier, nous est représenté dans sa jeu¬ 
nesse et dans les premiers temps de son âge d’homme, 
comme s’étant séparé de la foi de son enfance, y était 
revenu. 

Depuis son séjour à Orléans, il avait eu le bonheur de se 
lier avec l’illustre évêque qui occupait, alors le siège épis¬ 
copal, et leurs fréquentes visites amenèrent le projet qu’ils 
accomplirent en commun, de faire non seulement quelques 
ornementations, mais même quelques changements aux 
dispositions intérieures de la basilique de Sainte-Croix. 

M. Collin associé au plan que le prélat avait pris la réso¬ 
lution d’exécuter, prit, de son côté la résolution de le 
seconder dans l’accomplissement de cette œuvre; et il le 
fit avec l’ardeur qu’il mettait à tout ce qu’il croyait être 
conforme aux sentiments dont sa conscience était animée ; et 
quoique, dans sa modestie, il attribue l’ensemble et les 
détails de la transformation des ailes du transsept de l’é¬ 
glise de Sainte Croix, à Monseigneur Dupanloup, il n’en 
doit pas moins être considéré comme le véritable auteur de 
cette transformation. 


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— 88 — 


Cet acte d'une grande importance, au point du vue archi¬ 
tectural, le seul auquel on doive se placer ici, ne laissait 
pas que d'inspirer de nombreuses et assez sombres préoccu¬ 
pations, et l'éminent auxiliaire que le prélat s’était choisi, 
s’est empressé, aussitôt après l’achèvement de ces derniers 
travaux, de publier une monographie de l’église Sainte 
Croix, dans laquelle descendant des siècles les plus reculés, 
il rappelle que lui-même, il a inspiré et dirigé les travaux. 

Le récit est abondant et cependant rapide, et n'a certai¬ 
nement d’autre but que de combattre les critiques que son 
auteur a entendu s’élever et, même, celles qu'il prévoit dans 
l'avenir. 

Parlant de ceux des travaux récents encore mais qui ont 
précédé cette transformation actuel du transsept et qui, sui¬ 
vant son expression avaient déjà transformé de la manière la 
plus favorable l’intérieur de la cathédrale, il reconnaît que 
les avis sont loin d’être unanimes sur le mérite artistique de 
ces diverses œuvres; il s'en console à la pensée que chacun 
sent la modification avantageuse de la physionomie de la 
cathédrale, par la substitution d'un vaste ensemble de 
ces sérieux et antérieurs travaux à la nudité séculière de 
ces murailles . 

S’occupant de la transformation des deux branches de la 
croix en deux chapelles consacrées l'une au sacré cœur de 
la Vierge, l'autre au sacré cœur de Jésus, dans le IX e chap. 
Observations sur le principe, Vensemble et les détails 
de l'œuvre de la chapelle du Sacré-Cœur ,, il s'exprime 
en ces termes : Aussi satisfaisante dans ses détails que 
paraisse, au premier aspect, l’œuvre de la chapelle du 
Sacré-Cœur, nul ne prétendra qu’elle soit à l’abri et au- 
dessus de la critique; on n’a pas attendu son achèvement 
pour en abaisser le mérite et y signaler des défauts; ceci 
d’ailleurs, n’a rien que d’ordinaire, chaque entreprise 
humaine n'est-elle pas soumise à cette épreuve inévitable? 


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Pour porter un jugement impartial sur l’œuvre complète 
de la chapelle du Sacré-Cœur, il faut distinguer ajoute- 
-t-il, de toute nécessité, la question du principe de la 
question matérielle et d’exécution. 

Ces derniers mots semblent inviter à s’arrêter dans l’étude 
de cette dernière œuvre de M. Collin : Ce qui précédé suffit 
à faire connaître la nature du sentiment qui l’a engagé à 
donner son concours au vénérable auteur de l’édification 
des deux chapelles, en regard l’une de l’autre, dans le tran¬ 
sept de Sainte Croix ; la décision à prononcer sur la ques¬ 
tion de la place qu’elles occupent appartient à tous ceux 
qui fréquentent ou visitent cette église et à tous ceux qui, 
poussés par une curiosité artistique, ou pour rendre hom¬ 
mage à l’illustre évêque, visiteront son tombeau. 

Ici s’arrêtent les communications faites aux sociétés 
savantes, dont M. Collin a fait partie ; si les séparant des 
travaux appartenant à sa fonction et des travaux de même 
nature qu’il a produits depuis l’année 1869, jusqu’à l’année 
1875, on établit une comparaison entre ces mémoires du 
rapport et les œuvres précédemment analysées et celles qui 
vont l’être, on pourra remarquer une grande différence à 
l’avantage de ces dernières. ‘ 

Il reste pour terminer cette tâche longue et laborieuse, 
à s’occuper non plus des souvenirs du passé, mais à se 
mettre en présence d’actes intéressants pour le présent et 
l’avenir, la sécurité des populations répandues sur les 
rivages d’un grand fleuve, depuis sa source jusqu’à son 
embouchure; ce fleuve n’est autre que la Loire. Actes qui 
ont avec quelques autres d'une nature toute exceptionnelle, 
dignement et noblement couronné la carrière de notre 
éminent collègue et concitoyen. 

Le 17 janvier dernier, M. le Vice-Président de notre 
Société d’agriculture, lettres, sciences et arts, à l’ouver¬ 
ture de la séance, entretint ses collègues de la perte qu’ils 


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— 90 — 


venaient de faire dans la personne de M. Collin et cette 
trop courte allocution, énumérait les travaux qui avaient 
occupé la vie de cet homme aussi distingué par la science 
que par la puissante activité de son esprit. 

Entr'autres services rendus, par le concours de ces deux 
qualités, il rappelait que c'était pendant l'exercice de sa 
fonction d'ingénieur en chef de la Loire, à laquelle il avait 
été appelé en l'année 1855, que le département du Loiret 
avait subi les terribles inondations des années 1856 et 1866. 

Qu alors, M. Collin avait fait tout ce, qu'humainement, il 
avait été possible de faire pour atténuer les conséquences 
de cet épouvantable fléau ; que c'était à lui, à son initia¬ 
tive, qu’on devait le service hydrométrique qui existe 
aujourd'hui et qui n’existait alors, en projet ou sans effet 
pratique, que dans les deux bassins de la Seine et de la 
Loire. 

Il ajoutait que témoin des désastres causés par ces deux 
inondations, M. Collin s'occupa des moyens de les conjurer 
pour l’avenir, et, rappelant les paroles prononcées sur sa 
tombe, par M. Sainjon l'un de ses collègues au triple 
titre d’ingénieur en chef de la Loire, dé son successeur au 
fonction d’inspecteur général des ponts et chaussées, et de 
membre de notre Société, il disait : t M. Collin a été un de 
c ces rares privilégiés dont l'œuvre se continue au-delà 
c des limites de notre frêle existence; car c'est lui quia 
c tracé le programme des travaux qui se poursuivent 
< encore en ce momerft, pour la protection de la ville 
c d'Orléans. » 

Ces expressions de gratitude, sont justifiées par un 
rapport sur la marche et les effets de la crue , extraor¬ 
dinaire de septembre et octobre 18Q6, extrait des procès- 
verbaux des séances du Conseil général du département 
du Loiret , en 1861 . 

L’examen attentif de ce rapport, nous désignerait son 


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— 91 - 


auteur, quand même il ne se serait pas nommé; c'est bien 
la même méthode, la même précision, la même abondance 
de démonstrations et de calculs que celles qui distinguent 
les œuvres techniques ci-dessus analysées. 

Ce rapport est divisé en cinq paragraphes. Le premier 
est ainsi intitulé : Histoire de l’inondation de 1866 ; dans 
cette partie de ses observations l’auteur décrit l’élévation 
progressive des eaux, depuis le 25 septembre, date de la 
première dépêche fesant connaître la crue de l'Ailier, à 
Moulins: elle était à 3 mètres, bientôt elle s’élevait à 
4 mètres, le lendemain, au même affluent, elle s'élevait à 
4“ 60, enfin le même jour on télégraphiait que son maxi¬ 
mum avait atteint 4 m 9b. 

Passant de l’Ailier à la Loire, il suit, avec les dépêches, 
la surélévation progressive des eaux à Digoin ; le 25 ello 
était de 3 m 90. Le même jour ou annonçait par ces mots : 
crue probable 5“ 70, et enfin le 28 on signalait la cote 
maximum 5 m 58. 

Il constate la crue des eaux de t jutes les rivières, 
affluents de la Loire, dans les départements auxquels elles 
appartiennent, le Loiret, le Loir-et-Cher, l’Indre-et-Loire, 
Maine-et-Loir et la Loire-Inférieure. 

Il fait remarquer (et cette lacune par lui signalée a été 
comblée) l’interruption des communications existant entre 
les lignes télégraphiques placées sur les rivages du fleuve 
et sur les affluents, qui eut alors pour conséquence de 
jeter l’incertitude dans les mesures éprendre pour protéger 
les basses-terres, de l’envahissement des eaux, et connaître 
la rupture des levées. 

Il décrit tout ce qui s’est passé à ce dernier sujet dans 
tous les départements riverains de la Loire, jusqu’à 
Nantes, et son récit inspire la plus vive reconnaissance 
pour la prodigieuse et courageuse activité déployée par 
l’administration des ponts et chaussées, dont il nomme 


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— 92 — 


tous les chefs, agissant avec le même zèle, dans chaque 
département. 

Il résulte, implicitement, de ce rapport, que c’est à l’ini¬ 
tiative de M. Collin qu’est dû un arrêté du 25 mars 1855, 
rendu pour régulariser la double attribution des ingénieurs, 
du service de la Loire et du service ordinaire des levées- 
routes, en temps ordinaire, en ce qui concerne l’entretien, 
la police, les alignements, la construction des ouvrages 
intéressant la viabilité ; en temps de crue, pour la défense 
des levées, dès que les échelles marquent uae hauteur 
déterminée. 

Il retrace avec rapidité les ouvrages considérables de 
protection qui ont été entrepris pendant la crue de 1866 
qui, tous, ont eu pour résultat de préserver les terres 
basses, les vais, et qui n’ont cédé qu’en amont de Jargeau 
et qui, partout ailleurs, ont exigé la construction de bour¬ 
relets de défense prolongés sur de très longues étendues. 

Ce tableau comprend, non pas seulement ce qui s’est 
passé dans le département du Loiret, mais tout ce qui s’est 
passé dans tous les départements du parcours de la Loire 
et ainsi qu’il a été dit, tout ce qui s’est passé dans les prin¬ 
cipaux de leurs affluents. 

Ce rapport est bien légitimement intitulé : Histoire de 
l'inondation, il en est bien en effet l’histoire la plus sai¬ 
sissante et son caractère pratique, dans un grand nombre 
de passages, s’associe au caractère dramatique de ces évé¬ 
nements solennels de la nature, qui transforment les plus 
belles et les plus gracieuses contrées en un vaste théâtre de 
désolation, de destruction et de ruines. 

M. Collin fait parcourir tous ces rivages, pendant et 
après le passage de ces ondes torrentielles et furieuses, il 
constate toutes les hauteurs qu’elles ont atteintes, il place 
sous nos yeux la distribution des secours apportés aux 
lieux les plus envahis, aux lieux les plus menacés, pour 


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- 93 — 


concourir à l’exécution des travaux des défenses des levées 
et à leur réparation, même au moment de leur rupture, 
l’embrigadement des ouvriers de l'administration, celui 
des militaires et, dans le département d’Indre-et-Loire, des 
jeunes colons de l’école pénitentiaire de Mettrai, auxquels 
on a, ainsi, donné l’occasion de se consoler de leurs fautes 
précoces en leur inspirant un sentiment généreux, et aussi 
celui de tous les habitants de ces lieux qui tous ont 
répondu à cet appel, excepté ceux de Montlouis, près 
Tours, les seuls qui aient opposé un refus inexplicable de 
concourir à ces travaux. 

Quant à notre auteur du rapport, sans cesse en surveil¬ 
lance, il se multipliait dés le début de la croissance des 
eaux jusqu’à leur abaissement, télégraphiant sans cesse à 
ses collègues de son département et à ceux de l’aval du 
fleuve, ce que l’état des eaux supérieures lui fesait prévoir 
pour la préservation des rivages inférieurs. 

Ce texte historique devait, dans le sentiment pratique de 
M. Collin, avoir un complément; il l’offre dans le deuxième 
paragraphe intitulé ; Comparaison des crues , celles de 
1856 et de 1866 ; il tire de cette comparaison les pré¬ 
voyances les plus utiles pour conjurer les désastres des 
inondations à venir ; quelques mots suffiront pour faire 
apprécier les considérations auxquelles il se livre et les 
conséquences qu’il indique devoir en être tirées. 

C’est ainsi qu’en premier lieu, se plaçant dans le dépar¬ 
tement du Loiret en amont d’Orléans, au degré d’altitude 
atteint par les eaux à l’échelle de Gien, il s'exprime ainsi : 
« les deux crues accusent la même hauteur : 7“ 9. La con- 
« séquence que l’on pouvait tirer, immédiatement, au 
« moment où il se réalisait le 27- septembre 1866 à quatre 
« heures et demie du soir est que les levées seraient rom- 
« pues entre Gien et Tours, à peu près comme en 1856. » 

Il poursuit ces observations comparatives des hauteurs 


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-94- 


Ott de l'infériorité de ces hauteurs des eaux, de celles des 
levées entre elles dans tous les départements, depuis celui 
du Loiret jusqu’à celui, inclusivement, de la Loire-Infé¬ 
rieure ; il compare les débits des eaux dans les deux inon¬ 
dations, il en explique les ruptures des levées. 

Il se livre à des démonstrations de ces causes et de leurs 
effets, en parcourant tous les départements; mais ces détails 
sont d’un ordre tellement technique et si nombreux qu’ils 
semblent exclusivement réservés aux praticiens et ne devoir 
être ici l’objet d’une mention que pour ordre et réunir à 
toutes les autres cette partie des utiles et savantes préoc¬ 
cupations de leur auteur. 

Il en doit être de même de celles qui font l’objet du 
troisième paragraphe intitulé: effets observés 'pendant la 
crue sur les ouvrages de la Loire en 1866. 

Ces observations portent plus spécialement sur les déni¬ 
vellations qu’ont éprouvé les ponts de la Loire, depuis le 
département du Loiret jusqu’à celui de la Loire-Inférieure ; 
il est manifeste que ces recherches qui, d’ailleurs, n’ac¬ 
cusent que des résultats relativement d’un mince intérêt, 
doivent être négligés ici. 

Mais il en est une trop considérable pour être passée 
sous silence ; elle est le sujet du quatrième paragraphe 
intitulé : montant des dépenses auxquelles s’élèveront 
les réparations des dommages causés par l’inondation 
de 1866. 

Ces dépenses, suivant l’estimation de M. Collin, doivent 
s’élever à la somme totale de 3,225,233 fr. 94 savoir: 
Loiret, 1,500,000 fr., Loir-et-Cher, 476,300 fr.; Indre-et- 
Loire, 1,100,000 fr.; Maine-et-Loire, 136,233 fr.; Loire- 
Inférieure, 12,7000 fr. 

Enfin, dans le cinquième paragraphe intitulé : mesures 
préventives , M. Collin se pose cette question: Que fera-t-on 
pour prévenir le renouvellement de ce fléau, ou tout au 


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moins pour en atténuer l’importance ? Il y répond : nous 
n’en savons rien. 

L’ingénieur chargé dans le commencement de son exer¬ 
cice du service hydraulique de l’un des départements le 
plus en rapport avec les plus grands fleuves et les plus 
grands cours d’eau : le Rhône, la Saône, la Seine, la Loire 
et l’Yonne, l’auteur de l’étude de 1 ’atmidomètrie, et des 
grands effets des inondations de la Loire devait s’occuper 
de l’étude appelée 1 ’hydrornêtrie, dans le département le 
plus soumis par la disposition de son territoire, à ces graves 
accidents. 

Dès l’année 1853, il soumettait à l’administration supé¬ 
rieure le projet d’organisation d’un service public dont la 
mission serait de prévoir, à l’avance, l’arrivée des crues, 
leur hauteur, et de l'annoncer aux populations riveraines 
entre Rriare et Nantes. Il proposait de qualifier ce service 
d ’hydromè trique. 

Cette proposition fut suivie d’un réglement ministériel 
qui organisa ce service sur le bassin de la Loire. Le 3 fé¬ 
vrier 1854, un autre arrêté ministériel créait un service 
semblable pour le bassin de la Seine ; mais, cependant, et 
malgré l’inondation de 1856, ce ne fut qu’en l’année 1858 
que le règlement, pour la Loire, dont le siège devait être 
à Orléans, fut mis en activité. 

M. Collin rendait compte de cette institution à notre 
Société d’agriculture, lettres, sciences et arts, qui l’inséra 
dans le VIII' volume de ses mémoires. 

Dans cette œuvre, son auteur fait connaître le but prin¬ 
cipal qu’on peut atteindre par l’institution de l'hydromè - 
trie. Cet exercice n’est qu’un moyen, ainsi qu’il vient d’être 
dit, de prévoir l’arrivée des crues et leur hauteur et de 
l’annoncer aux populations riveraines, entre Briare et 
Nantes. 

Pour obtenir ce résultat, c’est-à-dire apprécier, à l’a- 


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vance, les éléments des crues, il fallait installer des obser¬ 
vatoires sur des lieux, choisis dans le bassin du fleuve et de 
ses tributaires, munis d’instruments dont il a été parlé plus 
haut, appelés udomètres, d’une exécution ou forme pres¬ 
crite par le règlement organique du service de l’hydro- 
métrie. 

M. Collin constate, que depuis cinq ans, au moment où il 
écrivait, les observations des hauteurs d’eau mesurées aux 
ponts principaux de la Loire et de ses grands affluents, 
ainsi que celles des tranches de pluie qui tombent sur leurs 
bassins, sont faites, avec la régularité que présentent les 
services administratifs, par les ingénieurs de ces loca¬ 
lités. 

Il ajoute : à la fin de chaque année, on dresse au bureau 
central d’Orléans, à l’aide des documents transmis à Saint- 
Etienne, Clermont, Bourges, Châteauroux et Angers et 
ceux que le bureau central réunit directement, pour le 
cours du fleuve entre Briare et Nantes : 1* le tableau gra¬ 
phique des hauteurs d’eau de la Loire et de ses affluents, 
ces hauteurs mesurées sur la Loire, de Digoin à Nantes; 
2° à Moulins, sur l’Ailier; à Noyers, sur le Cher; sur la 
Creuse, au Blanc; sur la Vienne, à Chatelrault; sur la Sar- 
the, à Sablé. 

Et aussitôt, M. Collin, selon son habitude, dresse, comme 
spécimen, des tableaux à venir, le tableau des hauteurs de 
tranches de pluie tombée sur les bassins du fleuve et de ses 
affluents, mesurées aux 83 observatoires indiqués sur ce 
tableau, lui-même, composé de trois colonnes ; la première 
porte les noms des bassins, dans l’ordre qui vient d’être 
indiqué; la seconde, les noms des localités, sièges des 
observatoires; la troisième, est consacrée aux altitudes 
métriques de chacun de ces observatoires. 

Il joint, à celui-ci, deux autres tableaux, le premier 
porte cette désignation : Spécimens des deux tableaux gra • 


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phiques; le premier représente les hauteurs métriques de 
l’eau, mesurées à l’échelle du pont, à Orléans, en 1863. 

Il est sur 12 colonnes correspondant aux 12 mois de 
l’année et porte, pour chaque mois, le métrage, par cha¬ 
cun de ces mois, de la hauteur des eaux ; cette hauteur 
au-dessus du niveau de l’étiage, est indiquée par une ligne 
transversale, portant le chiffre des diverses surélévations, 
que l’eau de la Loire a éprouvées, pendant l’année 1863. 

Pendant cette année, la plus grande hauteur est indiquée 
avoir été, en janvier, 2 m. 24; en octobre, 4 ra. 60; en avril 
et en novembre, elle n’avait été, pour le l* r de ces mois, que 
de 1 m. 60, et, pour le second, de 1 m. 06. 

Le second, de ces deux derniers tableaux, a pour objet de 
représenter les hauteurs d’eau de pluie, tombée dans le 
bassin de la Loire, entre le bec d’Allier et la mer; l’auteur 
a pris le soin de désigner par des chiffres inscrits au-dessous 
des stations, les altitudes où Yudomèlre a fonctionné, pen¬ 
dant cette année 1863, au-dessus du niveau moyen de la 
mer, à Saint Nazaire. Ces stations, pourvues d ’udomètres, 
étaient alors au nombre de dix : Givry, Saint Satur, Gien, 
Orléans, Blois, Tours, Bressuire, Pont-de-Cé, Nantes et 
Saint Nazaire. 

Il ne semble pas nécessaire de comparer la quantité d'eau 
de pluie, à la surélévation métrique, qui vient d’être cons¬ 
tatée, des eaux de pluie tombée cette année 1863, où il n’y 
a pas eu d’inondation, ces tableaux n’étant dressés qu’à 
titre d’enseignement, et comme spécimens de ceux, qui 
devaient être dressés dans la suite. 

Ces combinaisons mathématiques, dont les résultats 
devaient être féconds, sinon pour arrêter dans leur marche 
ces grandes eaux, partiellement diluviennes, au moins pré¬ 
parer les moyens d’en éviter les désastreux effets, devaient 
être accompagnées d’un moyen accéléré de communication; 
ce moyen n’était autre que la télégraphie électrique. 

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Mais, jusqu en l’année 1853, la télégraphie n’était pas 
mise, de plein droit, au service des sciences météorologi¬ 
ques; elle n’était pas acceptée, organiquement, comme le 
mode de communication nécessaire, pour l’annonce des 
crues même de la Seine; ce mode n’a été adopté officielle¬ 
ment, quen Tannée 1858, pour le service hydrométrique de 
la Loire; mais cependant, par l’influence de M. Leverrier, 
on en faisait usage depuis Tannée 1855. 

Arrivé au terme de l’analyse de cet important travail de 
M. Collin, il semble convenable de la clore, en laissant 
parler son auteur lui-même : Ton voit, dit-il, par ce rap¬ 
prochement, que c’est seulement 18 mois ou 2 ans, après la 
proposition d’organisation du service hydrométrique de 
l’annonce des crues de la Loire, au moyen des stations 
d’observation réparties sur le territoire et de la télégraphie 
électrique que l’idée de transmettre l’observation météoro¬ 
logique, par cette voie, fut exposée, publiquement, devant 
l’Académie des sciences. 

* Ces deux dates, 26 février 1853 et 10 mars 1855, pré- 
c sentent donc un véritable intérêt historique. C’est à 
« Orléans que fut préparé, le 26 février 1853, le premier 
c projet administratif, de l'application régulière, en 
c France, de la télégraphie électrique au calcul des proba- 
« lités et pronostics, tirés des résultats d’observations à 
c faire, sur les diverses stations du bassin de la Loire, dans 
c le but d’annoncer l’époque et la hauteur des crues, aux 
c riverains du fleuve. » 

Après cette longue étude, il resterait à examiner trois 
mémoires, l’un: Extrait des procès-verbaux du Conseil 
général du département du Loiret , intitulé : Etude des 
canauxJLatéraux , de la Loire à Briare , l’autre, lu à la 
Sorbonne : Comité des travaux historiques et des sociétés 
savantes , en Tannée 1866, intitulé : La casemate dupont 
des Tourelles à Orléans , du côté de la Sologne , et le 


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troisième, publié eu 1375, intitulé : Les derniers jours du 
pont des Tourelles , à Orléans. 

Il est, certainement, inutile de s’occuper, ici, de ces 
publications ; la première, parce que ce projet de cons¬ 
truction de ces canaux, n'a pas eu de suite ; les seconde 
et troisième, parce qu’elles ont de très grandes analogies 
entre elles et surtout parce qu'elles seront reproduites dans 
un ouvrage magistral qui traite : Des ponts d'Orléans , 
comprenant cette voie de communication de l’ère de l’indé¬ 
pendance de la Gaule, en passant à l'ère Gallo-Romaine, 
à la Gaule franque, enfin à l’ère du Moyen-Age féodal, et 
gagnant enfin le jour où, au XVIII® siècle, le dernier pont 
de ces temps reculés a été remplacé par le magnifique 
pont existant aujourd'hui. 

L’ouvrage auquel il est fait allusion, en ce moment, 
s'offre à nos regards sous l’apparence d’un formidable, 
mais précieux manuscrit se composant de 24 cahiers, 
chargés de lignes souvent raturées et de notes; il est 
confié à une commission de la Société archéologique, dont 
M. l’abbé Desnoyers, notre révérend collègue doit être le 
rapporteur. 

Il serait contre toute convenance, et d’ailleurs téméraire 
d’entreprendre une tâche qui sera si bien remplie; aussi, en 
arrêtant ici la partie de cette notice, intéressant les tra¬ 
vaux professionnels de M. Collin et ceux qu'il a offerts à 
nos sociétés savantes, on doit se borner à espérer que dans 
son humilité elle pourra trouver place à côté du compte¬ 
rendu, ne la grande œuvre historique par laquelle 
M. Colin a couronné sa laborieuse, utile et noble existence. 

Et maintenant que notre éminent et regretté collègue a 
été signalé, conquérant par ses travaux la haute position 
qu’il a occupée dans son administration, l'estime univer¬ 
selle et celle plus particulièrement de ses concitoyens et 
de tous ceux qui ont été admis dans son intimité, il est 


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juste de pénétrer dans le calme de son intérieur et de l’y 
voir commandant aux uns les sentiments d’affection et de 
respect qu’inspiraient son esprit et les qualités de son cœur 
aux autres le sentiment de reconnaissance qu'inspirait 
sa charité allant jusqu’à la bienfaisance. 

Les hommes d’étude et de labeur opiniâtres ne peuvent 
être remarqués que par leurs œuvres et lorsqu’ils ont, 
dans leur jeunesse, payé le tribu que, trop souvent exige 
l’effervescence de cet âge, il se font remarquer par le calme 
le plus absolu. 

. C’est ce qui est arrivé à M. Collin : on a parlé de la part 
active qu’il a prise au mouvement révolutionnaire de 
l'année 1830. On pourrait ajouter qu’à cette époque où se 
sont manifestés des systèmes économiques et sociaux très 
exagérées, il n’y est pas resté absolument étranger ; à ce 
sujet, on a parlé du Saint-Simonisme du Fourrierisme; mais 
son adhésion ne fut certainement que l’effet d'un entraine¬ 
ment aussi éphémère que le furent ces rêveries, elles mêmes. 

Pour ceux qui ne connaissent la vie de M. Collin que 
depuis 1855, cette vie a été digne, modeste et silencieuse. 

Son intérieur, pour ceux qui ont eu l’avantage d’y être 
admis, avait l’attrait des précieuses qualités qui le distin¬ 
guaient, et celui que répandait autour d’elle sa respectable 
compagne par la délicatesse de son esprit, sa douceur et sa 
gracieuse et inaltérable bienveillance. 

L’état de santé de M me Collin l’éloignait des cercles dont 
elle aurait été l’ornement et le centre; M. Collin se fit un 
devoir de partager la retraite qui lui était imposée et de lui 
consacrer toutes les heures de -loisir que ses fonctions lui 
laissaient. 

Cependant, il fit partie des sociétés savantes d’Orléans 
et, ainsi qu’on l’a vu, il prit part à leurs travaux ; il fut 
même président de la société archéologique, mais il n’at¬ 
tendit pas l’époque réglementaire à l’expiration de laquelle 


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— 101 — 


sa présidence devait cesser; nommé au mois de janvier, il 
donnait sa démission au mois de septembre suivant. 

Chez lui on rencontrait l'accueil le plus affectueux; 
jusqu au jour douloureux où M me Collin succomba à ses 
longues ouffrances, on s’y rendait avec empressement. 

Depuis le jour, où le salon fut fermé, M. Collin se ré¬ 
fugia dans la continuation de ses travaux, dans les actes 
de la piété la plus sévére; il se borna à recevoir la visite 
de quelques amis, à la fréquentation de l’église de sa 
paroisse, du charmant oratoire qu'il avait disposé lui-même 
dans sa maison, pour donner entière satisfaction aux désirs 
de Madame qui ne pouvait assister aux offices, et à la fré¬ 
quentation du tombeau de celle-ci où il se rendait tous 
les jours, le matin et le soir. 

Il fonda, dans l'église de Saint-Marc, avec une certaine 
magnificence, une chapelle dédiée à Saint-Pierre sou 
patron et à Saint-Louis, celui de sa compagne, et il con¬ 
courut au double titre de bienfaiteur et de directeur des 
travaux, à l'agrandissement, à l’ornementation de l'intérieur 
de cette église paroissiale, qui, maintenant a pris une place 
distinguéedans les monuments consacrés au culte religieux. 

Il a été aussi le bienfaiteur de la maison des dames de 
de Saint-Aignan, établie dans le faubourg Bourgogne et 
dans le faubourg Saint-Marc et dont il a reçu lui-même les 
plus utiles secours. 

Enfin il trouva encore un grand soulagemeut à sa soli¬ 
tude dans la fonction de postulateur , pour l'instruction de 
la procédure de la Béatification de Jeanne d’Arc, à 
laquelle fonction, par suite de la demande que Monsei¬ 
gneur Dupanloup adressa à M. le Maire d Orléans, il a été 
désigné comme représentant la population séculière d’Or¬ 
léans, le 14 mai 1854, le Prélat ayant, de son côté, 
désigné en cette qualité de postulateur, M. l'abbé Desnoyers, 
comme représentant le clergé du diocèse. 


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Dans cette occasion plus particuliùrement que dans 
toutes les autres, il déploya le plus grand zèle, attesté par 
un très grand nombre de notes manuscrites qui ont été 
remises à sa famille, et reproduites en deux copies envoyées 
l’une à l’évêché d’Orléans, l'autre à la cour du Saint-Père, 
et, certainement, elles seront l’un des plus précieux éléments 
de la décision qui sera prise, sur cette grande proposition. 

Mais au milieu de ces soins et de ses travaux sa santé 
s'affaiblit sensiblement ; il dut à sa fermeté et à son courage 
de prolonger les alternatives de calme et de souffrances qui 
tantôt menaçantes, tantôt rassurantes permettaient à ses 
amis d’espérer de pouvoir le conserver quelques temps 
encore. 

Il avait observé la plus extrême modestie dans les 
habitudes familières de la vie. Officier de Légion d’honneur 
et de l’instruction publique, chevalier de l’ordre du Saint- 
Sépulcre de Rome et de l’ordre royal des Saints Maurice et 
Lazare, depuis longtemps il avait négligé ces insignes ; il 
persista dans cette abstention jusqu'au delà de la vie. Sa 
tombe suivant son intention ne porte que ces mots : 
O Crux spes unica. 

Il s’éteignit le cinq du mois de janvier dernier, laissant 
à ceux qui l’ont connu le souvenir d’une belle yie à respecter 
à tous un bel exemple à suivre. 


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LES INCENDIES 


DANS LA 

FORÊT D’OELÉANS 

Par M. DOMET. 


Séance du 19 décembre 1890. 


Le feu dans les bois ! Ces mots émeuvent toujours pro¬ 
fondément les propriétaires ou les administrateurs de nos 
forêts ; en ce qui concerne celle d’Orléans, ils présentent 
un problème que nous n’avons pas la prétention de 
résoudre, mais que nous vous demandons la permission de 
poser. 

Ce n’est guère qu’au commencement du xiv e siècle que 
la nécessité d’encourager les défrichements, dans le but de 
livrer à la civilisation renaissante des terrains propres à 
l’agriculture, cessant de se faire sentir, on songea à pro¬ 
téger les bois par des mesures répressives, plus actives et 
plus efficaces que celles qui défendaient les autres natures 
de propriété. 

La plus ancienne que nous connaissions de ces disposi¬ 
tions, parmi celles destinées à prévenir les incendies, est 
une ordonnance, de 1318, qui empêchait, à moins de 
lettres patentes, de faire des cendres dans les- forêts; 
c’était alors un moyen de tirer parti des bois, encore sans 
valeur. 


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— 104 — 


En 1453, le fait d’allumer du feu dans la forêt d’Orléans, 
au pied d’un chêne, était puni d’une amende de 5 sols 
parisis, sil'arbre était sec, et de 15 sols, quand il était vert. 

Les ordonnances de 1518, mai 1520, 9 novembre 1547, 
12 février 1566, confirment la première de 1318. 

Celle de 1669, dite des eaux et forêts, t défend d’allumer 
du feu dans n’importe quel bois, à peine de punitions cor¬ 
porelles, énoncées dans une déclaration du roi, du 13 no¬ 
vembre 1714. C’étaient : pour la première fois, le fouet ; 
pour la deuxième fois, les galères; celui qui avait agi 
par malice encourait la peine de mort. Cette déclaration 
punit, de la même manière, l’action d’allumer du feu dans 
l’espace d'un quart de lieue des forêts, landes et bruyères. 

Dès les premières concessions de pâturage, on en privait 
les usagers qui n’avaient pas porté secours dans un 
incendie et n’étaient pas accourusau cri donné par le maître 
de la garde , comme l’on disait. Puis nous trouvons, dans 
la plupart des titres, l’interdiction absolue de pâturage 
dans les parties, incendiées, depuis un certain temps ; un 
arrêté du Conseil, de 1719, étendit cette défense à un délai 
de dix ans. 

Malgré ces précautions, prises, du reste, à peu près les 
mêmes pour toutes les anciennes forêts royales, une partie, 
du moins, de celle d’Orléans paraît avoir été depuis long¬ 
temps désolée par les incendies. 

Cette forêt était partagée, dès avant saint Louis, en srx 
Baillies , un peu plus tard Gardes , dont les limites ont 
légèrement changé à différentes reprises, mais dont les 
noms sont restés les mêmes jusqu’à aujourd’hui. Ce sont : 
au sud-est, le Chaumontois , qui va à peu près jusqu’à la 
route départementale actuelle n° 8, d’Orléans à Joigny, en 
la supposant infléchie vers Vieilles-Maisons ; le Milieu , ne 
dépassant guère le canal d’Orléans ; Vitry, dont la limite, 
en marchant toujours vers le nord-ouest, est une ligne, un 


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— 105 — 


peu sinueuse, partant de Chemault, passant par Ingrannes 
et Sully-la-Chapelle, pour aboutir vers Fay; Courcy , 
séparée de Neuville par une ligne tirée de Chilleurs au 
village de Bionne, sur la route d’Orléans à Jargeau, entre 
Saint-Jean-de-Braye et Chécy ; enfin Goumast , à l’ouest 
du grand chemin de Paris. Or, nous avons relevé toutes 
les anciennes appellations des climats, lieux dits, ventes, 
triages, etc., que nous avons pu trouver dans les divers 
procès-verbaux de réformation et les vieux plans de la 
forêt, et nous avons ainsi formé une liste de 1,224 noms 
forestiers, où, tandis qu’il s'en trouve quatre, pour la garde 
du Chaumontois, exprimant l’idée de bois brûlé : le Bor - 
lardin , Les grands Brûlis , les Brûlis du Bouleau , la 
Bruyère des Feux, on n’en rencontre qu’un seul pour 
chacune des gardes du Milieu, de Vitry et de Neuville, 
deux pour celle de Courcy, et pas du tout pour celle de 
Goumast. 

Cette raison, tirée de l’étymologie, peut ne pas paraître 
absolument concluante, mais voilà qui l’est davantage : au 
siècle dernier, le climat de la Fontenelle, situé au milieu 
de la garde du Chaumontois, était si souvent réduit en 
cendres, que Plinguet, qui a fait l’aménagement de cette 
•dernière en 1789, prescrit, à cause de cela et exceptionnel¬ 
lement, l’exploitation de ce canton à vingt ans, ajoutant 
que les incendies y sont tellement fréquents qu'on doit 
s’attendre à voir rarement les bois atteindre même l’époque 
de leur révolution, sans qu’on soit obligé de les réceper. 

Puis les archives des deux inspections forestières du 
Loiret ont gardé mention des années où la forêt a été le 
plus éprouvée par ce fiéau, depuis le milieu du xvn e siècle. 
Nous reproduisons ici cette liste : 

En 1683. — Incendies nombreux et importants. 

En 1685. — Un incendie parcourt 700 arpents dans le 
Chaumontois. 


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— 106 — 


En 1690, 1691 et 1693. — Nombreux incendies, sans 
indication des lieux. 

En 1707, mai. — Un incendie parcourt 5,000 arpents, à 
l'extrémité sud-est du Chaumontois, comprenant presque 
toute la petite forêt de Saint-Benoît. 

En 1732, avril. — Divers incendies importants, dans le 
Milieu et surtout dans le Chaumontois, furent éteints 
grâce au concours des habitants des Bordée, de Bouzy, de 
Dampierro et de Lorris à qui il fut accordé 400 livres, à 
titre de gratification. 

En 1750. —. Huit incendies, presque tous dans le Chau¬ 
montois, parcourent, au total, 621 arpents. 

En 1759. — Sept incendies, tous dans le Chaumontois, 
parcourent, au total, 1,086 arpents. 

En 1803. — 255 hectares sont brûlés dans le Chaumon¬ 
tois. 

En 1814. — 127 hectares sont brûlés dans le canton de 
Chaillot, Garde du Milieu. 

En 1818. — Sept incendies, dont six dans le Chaumon¬ 
tois, ayant parcouru 272 hectares, et un, insignifiant, dans 
la Garde de Vitry. 

En 1832, au printemps. — De nombreux incendies, 
causés certainement par la malveillance, éclatent tout à 
coup dans les environs d’Orléans, mais surtout ea forêt. 
Par un arrêté du 11 avril, le Préfet prescrit aux gardes 
nationaux des diverses communes atteintes, aux gendarmes, 
aux chasseurs, alors en garnison dans notre ville, de faire 
d’incessantes patrouilles, qui furent guidées par les gardes 
et continuèrent jusqu’à la fin de juillet. 

En 1839. — Nombreux incendies, presque tous dans le 
Chaumontois et le Milieu. 

En 1846, le 1" août. — Un incendie parcourt 178 hec¬ 
tares de bruyères, herbes et clairières, sans indication du 
lieu. 


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— 107 - 

Enfin, le 31 août 1874, au matin, se déclara, toujours 
dans le Chaumontois, près la carrefour de la Noue-Cabanne, 
sur cinq points différents, distants seulement de 100 ou 
200 mètres les uns des autres, le plus violent incendie 
qu’on ait vu depuis le commencement du xvm e siècle. 
Poussé par un fort vent du sud, il prit de suite des propor¬ 
tions effrayantes. Toute la nuit, le tocsin sonna aux 
Bordes, à Bonnée, à Ouzouer-sur-Loire, à Bray, à Bouzy, 
à Lorris, jusqu'à Vieilles-Maisons, à Coudroy et à Cha- 
tenoy, et de tous côtés les populations accoururent avec 
le plus louable empressement, il faut le dire, sur le lieu du 
sinistre. On télégraphia aux villes voisines pour demander 
des secours ; les pompiers de Gien, 234 hommes des régi¬ 
ments d’artillerie d’Orléans avec le Préfet et le comman¬ 
dant de gendarmerie, un détachement du 89* de ligne, en 
garnison à Montargis, arrivèrent successivement. Malgré 
tout, ce n'est que le mercredi matin qu’on fut définitive¬ 
ment maître du feu qui, avec des alternatives diverses, 
avait duré 48 heures, et parcouru 350 hectares de bois 
domaniaux et 40 de bois appartenant à des particuliers. 

Depuis longtemps, des mesures préventives ont été prises, 
spécialement dans le Chaumontois. 

Un signal, élevé au sommet de la butte du Haut-du- 
Turc, par les officiers d’état-major, chargés de la confec¬ 
tion de la carte de France, fut utilisé, jusqu'à ce qu’il 
tombât de vétusté, en 1845, pour y placer un poste d’ob¬ 
servation. 

Les routes, maintenant plus nombreuses, sont, comme 
dans toute la forêt d’ailleurs, fréquemment essartées et 
entretenues nettes de matières inflammables. 

Dans ces dernières années, l’envahissement, toujours 
croissant, de la forêt, par les pins, ayant apporté un ali¬ 
ment de plus à ces sinistres qui, dans les massifs de rési- 
peux purs, prennent un caractère vraiment effrayant, les 


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— 108 — 

précautions redoublèrent encore. On a ouvert, en ligne 
droite, perpendiculairement à la direction habituelle du 
vent, à travers les parcelles où le taillis est presque nul 
et le sol occupé par les bruyères, les ajoncs ou les jeunes 
pins, des laies, de 5 mètres de large, distantes de 200 mè¬ 
tres, les unes des autres, qu’on a soin de nettoyer fréquem¬ 
ment. Aussitôt que la sécheresse devient [persistante, de 
petites patrouilles, de deux gardes, sont organisées, les 
dimanches et jours de fête, car on a remarqué que ce sont, 
le plus souvent, ces jours-là que le feu se déclare. 

Mais, si on a réussi, peut-être, à diminuer l'importance 
des incendies, il ne paraît pas en être de même pour leur 
fréquence ; voici le nombre de ceux qui, depuis 15 ans, 
ont éclaté dans la partie nord-ouest du Chaumontois, d’une 
étendue de 6,000 hectares environ, limitée, à l’est, parle 
chemin de moyenne communication, n° 19, d’Ouzouer-sur- 
Loire à Montereau. 


En 1872 . 2 

1873 . 1 

1874 .•„. 9 

1875 . 4 

1876 . 7 

1877.... 0 

1878 . 2 

1879 . 0 

1880 . 5 

1881 . 6 

1882. 1 

1883 . 3 

1884-1889. 0 

1890. 1 


On remarquera que la plus ou moins grande sécheresse 
paraît n’avoir aucune influence sur ces chiffres, car les 


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- 109 - 


années 1884 et 1885, notamment, ont été exceptionnelle¬ 
ment sèches et chaudes, dans notre pays, et cependant, 
elles font partie d’une période durant laquelle on n’a pas eu 
à constater un seul incendie. Il n’en est pas ainsi pour lé 
reste de la forêt. 

Quelles sont les causes des incendies de la forêt d’Or¬ 
léans ? Dans les cinq sixièmes de celle-ci, où, d’ailleurs, 
ils sont peu fréquents, on les connaît parfaitement : l’im¬ 
prudence de quelqu’ouvrier, [de quelque pâtre, de quelque 
. vagabond, surtout d’un concessionnaire de menus pro¬ 
duits ; l'allumette d’un fumeur ; souvent, depuis quelques 
années, les charbons enflammés projetés par les locomo¬ 
tives ; rarement, le feu du ciel ou la malveillance. Mais 
dans les 6,000 hectares dont nous venons do parler, il n’en 
est plus ainsi, il est bien rare que l’une de ces causes soit 
constatée et, les conditions de sol, de végétation, de fré¬ 
quentation étant les mêmes, pour toute la forêt, on ne sau¬ 
rait attribuer à une origine naturelle ou même acciden¬ 
telle, le nombre, tout à fait extraordinaire, des incendies 
qui s’y déclarent. 

D’ailleurs, dans la plupart des cas, le feu prend au centre 
de fourrés, difficilement pénétrables ; loin de toute voie 
de communication, de toute exploitation, de tous travaux ; 
souvent, presque simultanément, sur plusieurs points dif¬ 
férents, quoique rapprochés. En 1870, un incendiaire a été 
pris sur le fait et condamné ; il habitait Montereau et a 
déclaré avoir voulu se venger du juge de paix d’Ouzouer- 
sur-Loire qui l’avait, disait-il, condamné injustement ! ! 
On a recueilli, dans cette même commune d’Ouzouer, des 
aveux in articulo morlis. Enfin, plusieurs fois, des pou¬ 
pées incendiaires ont été trouvées, à moitié consumées, 
au milieu des bruyères. 

Il n’y a pas de doute à avoir, le feu est, presque toujours, 
mis exprès. Mais pourquoi ? 


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— 110 - 


Est-ce par des usagers qui espèrent renouveler ainsi les 
pâturages dont ils jouissent ? Mais, ils iraient contre le but 
qu’ils se proposent, l’entrée des massifs brûlés étant, 
inexorablement, interdite aux bestiaux, jusqu'à ce que le 
nouveau peuplement soit devenu défensable, c’est-à-dire, 
pendant douze ou quinze ans. 

S’agit-il d'une protestation, un peu brutale, contre l’in¬ 
troduction des pins qui menacent de nettoyer, complète¬ 
ment, à bref délai, le sol de toute la forêt? Mais, il ny a 
pas vingt ans que ceux-ci ont fait leur apparition, en assez 
grande quantité pour exciter des craintes de ce genre, et, 
depuis deux siècles, au moins, le Chaumontois est périodi¬ 
quement brûlé. 

Doit-on voir là une vengeance contre la sévérité d’un 
garde ou d’un brigadier, contre un règlement particulière¬ 
ment gênant ? Les aveux du condamné de 1870 prouvent 
que tei a pu être, parfois, le mobile qui a fait agir certains 
individus ; mais, d’une manière générale, cela supposerait 
un atavisme qui se serait perpétué pendant un espace de 
temps d’une longueur bien invraisemblable. 

Citons, pour ne rien omettre, que le bruit courut, il y a 
quelques années qu’un braconnier des Bordes se serait 
vanté d’avoir, douze fois, mis le feu dan* des massifs où il 
avait rembuché des chevreuils, espérant que ces derniers, 
dérangés par les flammes, iraient se faire prendre à des 
collets tendus, d’avance, sur leur passage habituel. Nous 
serions étonnés que ce jeu ait pu tenter beaucoup de per¬ 
sonnes et autant de fois la même, car il nous semble beau¬ 
coup plus dangereux pour celui qui s’y livre et qui risque, 
s’il veut en profiter, d’être supris par les premiers accou¬ 
rus à la fumée que pour le gibier qui, brusquement effrayé, 
doit peu se préoccuper de chercher les refuites habituelles 
pour s’échapper. 

Enfin, on a accusé, non plus les usagers, mais les con- 


/ 


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— 111 — 


cessionnaires d’herbes et de jeunes bruyères de vouloir 
provoquer le retour de celles-ci, à la place des vieilles 
tiges, trop âgées pour servir, désormais, à autre chose 
quà leur chauffage et, à différentes reprises, des agents 
forestiers ont demandé que toute concession fut refusée, 
pendant dix ans, dans les massifs incendiés, sans pouvoir 
l'obtenir de l’administration supérieure qui craignait d'in¬ 
disposer les populations voisines de la forêt. La dispari¬ 
tion, à peu près complète, des vieilles bruyères, par suite 
des autorisations, presque gratuites, données pour leur 
extraction, depuis le commencement de 1889, va, bientôt, 
faire voir ce qu’il faut penser de cette dernière hypothèse ; 
toutefois, nous devons dire qu’on peut lui faire la même 
objection qu'à toutes les autres : pourquoi les habitants de 
l’une ou plusieurs des cinq ou six communes qui entourent 
la région du feu se rendent-ils coupables de ces crimes, 
plutôt que ceux des quarante autres, situées à proximité 
du reste de la forêt ? 

Un seul fait nous paraît différencier les premières : c’est 
l’installation, dans le pays de Lorris et ses onvirons immé¬ 
diats, depuis une époque qui semble fort reculée, de la bien 
modeste industrie de la fabrication des balais. Celle-ci 
occupe un certain nombre de familles, en général, les plus 
pauvres, mais pour lesquelles la destruction des bruyères, 
même vieilles, serait, non seulement inutile, mais calami¬ 
teuse. Les plaintes que nous avons recueillies, lors de 
l’application des nouveaux réglements dont nous venons de 
parler, le prouve surabondamment. 

Nous le répétons donc, il y a là un véritable problème, 
dont nous laissons, aux forestiers ou aux juges d’instruc¬ 
tion de l’avenir, le soin de trouver la juste solution. 

t— ■-- —-• 


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RAPPORT 


SUR L* 

J^ÉZfcÆOII&E Q/TJI IFZRÆîCIÈilDB 

Par M. PAULMIER. 


Séance du 16 janvier 1691 


L'incendie du bois comme celui d’une maison est un de 
ces événements qui causent toujours la plus vive émotion. 
On en voit le commencement, on ne sait jamais où s’arrê¬ 
teront les ravages du feu. C'est ainsi que des hameaux 
entiers, des quartiers de ville sont devenus la proie des 
flammes, malgré les efforts de toute une population 
accourue pour porter secours. Dans les villes, les moyens 
d’action sont considérables et presque instantanés; mais 
dans les bois, dans les forêts qui, comme la forêt d’Orléans, 
ont une grande étendue, un long temps s’écoule avant que 
les secours soient arrivés, et l’incendie a pu prendre ainsi 
un grand développement. 

L’éloignement des habitations en est la cause. 

Les anciens règlements forestiers interdisaient la cons¬ 
truction de maisons dans un rayon de moins de deux 
kilomètres des forêts. Actuellement la prohibition de bâtir 
est encore de 500 et 1,000 mètres. De là une zone consi¬ 
dérable inhabitée. 

Avant d’arriver, il faut parcourir cinq, six et même 
dix kilomètres et les quelques personnes qui sont accourues 
se trouvent en présence d'un foyer d’incendie qui a déjà 


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— 113 — 


plusieurs hectares de superficie, ce qui au milieu d’un 
massif de bois paraît immense. Si le vent est, non pas 
même violent, mais un peu fort, les feuilles, les herbes 
enflammées portent l'incendie souvent à plus de 20 mètres 
dans différentes directions ; on peut faire ainsi supposer 
que le feu a été mis à divers endroits. 

De quels côtés diriger ses efforts ? par où attaquer cet 
ennemi qui marche rapidement et en peu de temps devient 
une véritable mer de feu ? c’est un admirable spectacle que 
j’ai pu voir, mais qui n’est pas sans danger pour les 
travailleurs. Si des résineux se trouvent au milieu de la 
partie incendiée, les flammes montent en spirale de la base 
au sommet et, se répandant sur les branches latérales, 
produisent l’effet d’un feu d'artifice. 

Les premiers accourus, peu nombreux, s’arment de 
branches d’arbres pour battre le sol et arrêter l’incendie. 
Mais souvent ils sont dominés par les flammes ou des 
feuilles enflammées poussées par le vent ont propagé le feu 
derrière eux, et ils n’ont que le temps de se sauver pour ne 
pas être surpris par l’incendie. Plus d’une fois il a fallu 
abandonner tout un massif à la destruction en plaçant les 
travailleurs sur une route ou en y établissant un contrefeu 
facilement dirigeable. Notre collègue M. Doumet nous fait 
connaître les nombreux incendies qui, depuis si longtemps, 
ont détruit des superficies considérables de bois dans la 
forêt d’Orléans. Une partie, le Chaumontois, a éié parti¬ 
culièrement ravagée. Ni la surveillance, ni les mesures 
préventives n’ont pu empêcher le renouvellement de ces 
fléaux. Il paraît du reste qu’il en a toujours été ainsi. 

Dans les temps les plus reculés, les forêts couvraient la 
majeure partie du sol. Les pays les plus riches, ceux qui 
étaient peuplés de millions d’habitants, étaient couverts de 
forêts. L’Asie-Mineure, la Judée, la Grèce, déboisées aujour¬ 
d’hui, ne présentent plus que des déserts où l’œil rencontre 

8 


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— 114 — 


le spectacle de la stérilité et de la misère. Où sont dans 
ces contrées, patrie des demi-dieux et des héros, les 
antiques forêts chantées par les poètes ? 

Dans les âges mythologiques les forêts étaient un lieu du 
culte et de vénération. Elles furent les premiers temples 
et les principales essences étaient l’obiet d’un culte parti¬ 
culier. Le roi des arbres était consacré au maître des dieux 
qu’on adorait sous le nom de Jupiter forestier, du nom de 
la célèbre forêt de chêne qui lui était consacrée en Epire. 
Le laurier était consacré à Apollon, l’olivier à Minerve, le 
myrte à Vénus, le figuier à Mars, le pin à Neptune, le 
peuplier à Hercule. Chaque arbre s’identifiait avec une 
divinité spéciale, appelée Dryade et Amadryade, chargée 
de veiller à sa conservation. 

Dans les campagnes les populations avaient le culte des 
grands arbres. 

Ce culte des forêts se rencontre jusque chez les peuples 
les plus éloignés du berceau de la civilisation. Ainsi, au 
commencement du xvi e siècle, les Estoniens consacraient 
encore â la divinité de grands arbres qu’ils décoraieût 
de pièces d’étoffes suspendues à leurs branches. 

Un voyageur du xix° siècle a retrouvé le même usage 
chez les Artinks, peuple de la Sibérie. Dans la Gaule, l’at¬ 
tachement des populations au culte druidique est trop 
connu pour qu’il soit besoin d’insister. 

Mais dans les temps anciens, comme de nos jours, il y 
avait des gens qui ne respectaient rien. Les délits fores¬ 
tiers étaient fréquents, les Sylvains, les Faunes, les 
Satyres, toutes les divinités sylvestres étaient impuissantes 
pour défendre les bois contre les déprédations. On avait 
senti le besoin d'établir une surveillance plus effective et 
de faire garder les forêts. 

Au temps d’Artaxercès Longue-main, les forêts de la 
Judée étaient gardées. On voit en effet dans la Bible que 


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— 115 — 


Nehernias, après avoir obtenu de ce prince la permission de 
reconstruire Jérusalem se fit donner des lettrespour Asaph, 
garde des forêts du roi, afin d’obtenir, la délivrance des 
bois qui lui étaient nécessaires. Asaph est, je crois, le 
premier conservateur des forêts dont le nom soit parvenu 
jusqu'à nous. 

Les Romains avaient des magistrats pour la garde et la 
conservation des forêts. Cette commission était le plus 
souvent donnée aux consuls nouvellement créés. Jules 
César et Bibulus eurent ainsi le gouvernement des forêts. 
Aussi Virgile dit en parlant de Pallivre : 

Si canimus sylvœ , sylvos sint consule dignœ. 

En France, la loi salique contient un certain nombre de 
dispositions relatives aux forêts. Nous y voyons notam¬ 
ment qu'cn punit l’incendie des bois d’une amende de 
15 sols, mais il n’en coûtait que 200 pour violer une fille 
ou séduire une femme mariée, et 30 sols seulement pour 
avoir frappé un homme à la tête et lui avoir fait sortir 
trois os. 

Depuis, jusqu’à l'ordonnance de 1669, les forêts ont été 
l’objet de nombreuses prescriptions. Des peines sévères, 
terribles, ont été édictées pour la répression des délits. 
Mais ces peines ne paraissent pas avoir arrêté les délin- * 
quants. 

Comme le constate M. Domet, le fait d’allumer du feu 
dans n’importe quel bois était puni la première fois du 
fouet, pour la deuxième fois des galères. Celui qui avait 
agi par malice encourait la peine de mort. Les mêmes 
peines étaient applicables à celui qui avait allumé du feu 
sur son propre terrain à un quart de lieue des forêts, landes 
et bruyères. Non seulement le législateur punissait le fait 
d’allumer du feu dans les bois, mais il avait édicté des 
mesures pour assurer des secours en cas d’incendie dans 
les forêts. Les usagers qui n’avaient pas apporté leur con- 


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— 116 - 


cours ou qui n’étaient pas accourus au cri donné par le 
maître de la garde étaient privés des droits d’usage qui 
leur avaient été.(ynférés ; et cependant, malgré toutes ces 
précautions, les incendies ont bien souvent ravagé la forêt 
d’Orléans. 

Aujourd’hui, aux premières lueurs du feu, les riverains 
accourent de tous les côtés. Tous rivalisent de zèle et 
d’ardeur. Leur dévouement est. tout à fait désintéressé. Ce 
n’est plus la crainte d’ètre privés de leurs droits d’usage, 
c’est un sentiment généreux qui les pousse, et je suis 
heureux de leur rendre cet hommage. 

Mais ce n’est pas seulement dans la forêt d’Orléans que 
les incendies éclatent. Les bois des particuliers n’en sont 
malheureusement pas exempts et pour mon compte per¬ 
sonnel, sur une superficie de 350 hectares j’ai aussi mon 
chaumontois. 

Cette partie contient 70 hectares environ. Les habitants 
la désignent sous le nom des brûlis et bien qu'il y ait cinq 
ventes distinctes ayant chacune son nom, on les appelle 
toutes « les brûlis. » 

Ce nom existait avant que nous fussions propriétaires de 
ces bois, et depuis quatre-vingts ans que nous les possédons, 
il a été maintenu. 

Evidemment pour qu’une telle désignation ait été donnée 
à une partie du bois c’est que, dans les temps anciens, des 
incendies ont dû s’y produire. Ce qui est certain, c’est que 
depuis que nous sommes propriétaires, deux incendies y ont 
éclaté à 40 ans de distance. 

Le dernier a eu lieu à la fin de mars 1874, et en quel¬ 
ques heures a parcouru près de trente hectares de bois, 
malgré les efforts de plus de deux cents personnes accourues 
sur les lieux. 

La superficie brûlée aurait été probablement bien plus 


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- 117 — 


grande ; mais j’ai eu la bonne fortune d'avoir pour diriger 
lus travailleurs, M. l’Inspecteur des forets Duchalais. 

Celui-ci voyant la marche rapide du feu qui, poussé par 
le vent, dominait les travailleurs, fit allumer des contre 
feux quon a pu diriger et l’incendie s’éteignit faute d’ali¬ 
ments. 

Dans les autres parties du bois, on ne constate que deux 
incendies de peu d’importance : l’un causé par l’imprudence 
d’un vagabond qui, au mois de mars, avait allumé au bord 
d’une allée, du feu pour se chauffer. Le feu avait gagné les 
herbes. N’ayant pu éteindre ce commencement d’incendie, 
qui a parcouru un hectare de mauvais bois, il s’était sauvé; 
quelques hommes accourus ont pu se rendre maîtres du feu. 

L’autre dont la cause est inconnue était éteint quand on 
est arrivé, La superficie était d’un hectare environ. 

Dans ces deux parties, la nature du sol était à peu près 
la même que dans les brûlis. Les bois, étaient mauvais, 
envahis par la bruyère et par cette herbe que les paysans 
appellent vrillon et qui donne une abondante litière. Mais 
le sol était moins compacte, moins tourbeux que dans les 
brûlis. Comme pour le chaumontois, le même problèmo 
semble se poser. 

Dans tous les crimes, la difficulté pour la justice est d’en 
connaître la cause et l’auteur. On arrive presque toujours 
«i découvrir le nom de la victime, mais à trouver l’assassin, 
le meurtrier, le voleur, c’est un point plus délicat où les 
efforts de la police échouent souvent. 

Pour les incendies, la tâche est bien plus difficile. Celui 
qui met le feu, même par son imprudence s’en vante bien 
rarement. Avant que les flammes, gagnant de proche en 
proche, aient donné l’éveil, il a le temps de se sauver. On 
ne peut même distinguer l’endroit où le feu a été mis. 

Aujourd’hui nous n’en sommes plus au briquet et à l’araa- 
.dou. Lss allumettes chimiques, même celles de la régie, les 


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— 118 — 


allumettes suédoises, anglaises, les bougies sont dans toutes 
les poches ; l’usage du tabac, les cigarettes sont universel¬ 
lement répandues dans la campagne. Autant de causes qui 
peuvent involontairement communiquer le feu. Mais ces 
causes sont applicables à toute la superficie de la forêt 
d’Orléans. Or, ce qui ressort du travail de M. Domet, c’est 
que sur les 40,000 hectares de la forêt d’Orléans, c’est 
sur une superficie de six à sept mille hectares que l’on 
constate depuis nombre d'années cette répétition d'in¬ 
cendies qui fait que le public a baptisé certaines parties de 
la forêt des noms de < brulardin, des grands brûlis, des 
a brûlis, des bouleaux, de la bruyère, des feux ; > incen¬ 
dies qui n’ont presque jamais permis dans certains massifs 
d’arriver à l’âge fixé par l’aménagement. 

Or, les populations du chaumontois ont la même origine, 
les mêmes mœurs, les mêmes habitudes que les autres rive¬ 
rains de la forêt. Les droits d’usage sont semblables. La 
main-d’œuvre y est aussi élevée que dans les triages de 
Neuville ou de Chanteau. Les permissions pour le bois 
mort, pour la litière, pour le pâturage sont pareilles. 

L’administration forestière n’est pas plus sévère pour 
les délinquants du Chaumontois que pour ceux de Cercottes 
ou de Châteauneuf et elle fait autant travailler dans cette 
partie que dans les autres. N’y aurait-il pas une cause 
d’incendie spéciale, une cause inhérente à la nature du sol, 
à sa composition ? 

Si je ne me trompe, les incendies dans le Chaumontois 
se sont manifestés surtout au printemps, à la fin. de mars, 
au mois d’avril, au moment ou la végétation commençait. 
La sève n’a-t-elle pas produit dans le sol une fermentation 
qui, activée par le vent, par le soleil, par les averses, a pu 
spontanément causer l’incendie. 

La majeure partie d6s bois brûlés n’avait de bois que le 
nom. Les massifs étaient remplis de bruyères et d’herbes ; 


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ces herbes, au printemps, sont sur le sol, presque pourries, 
en couches épaisses. Comme le fumier elles s’échauffent. 
Mais si le foin rentré humide prend feu, si la laine mélangée 
de graisse brûle spontanément, ne peut-il en être de même 
de ces amas d’herbes accumulées. 

Le retour périodique des incendies à la même époque 
dans les mêmes lieux ne vient-il pas démontrer la justesse 
d’une théorie admise dans un pays voisin où les mêmes 
faits avaient été observés. 

Il y a bientôt quarante ans, en 1852, puisque au début 
de ma carrière, j’étais procureur de la République à Gien. 
De nombreux incendies avaient éclaté dans le Chaumontois. 
C'était vers la fin du mois de mars, le temps était sec, le 
soleil brillait, la végétation commençait à se produire. En 
quelques jours, il y eut sept ou huit incendies qui avaient 
jeté l’alarme dans toute la contrée. Heureusement les routes 
nombreuses créées dans cette partie de la forêt avaient 
empêché le feu de s’étendre. La surveillance des gardes était 
très grande. Nous nous étions transportés sur les lieux et 
nous n’avions trouvé aucun indicé qui nous fit connaître la 
cause et l’auteur. 

La Cour d’Orléans crut devoir évoquer ces affaires et un 
conseiller enquêteur vint diriger l’instruction sur les lieux. 
Divers individus avaient été soupçonnés, on ne put établir 
leur participation. Si l’intérêt est le mobile des actions, 
l’incendie causait un préjudice considérable aux droits des 
riverains. Ils n’avaient donc aucun avantage à recueillir du 
feu; au contraire. Aucune cause, aucune main criminelle 
n’avait été trouvée. Un agent forestier nous fit connaître 
une opinion émise en Allemagne et qui, adoptée dans les 
grandes forêts de ce pays, aurait eu un certain succès. 

On avait remarqué, que certaines parties du bois étaient 
plus souvent incendiés que les autres. On en avait conclu 
que, comme dans les tourbières où le feu prend spontané- 


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— 120 — 


ment sous certaines influences atmosphériques, il pouvait 
en être de même dans ces parties et Ton avait pensé qu'il y 
avait des mesures préventives à prendre, que des travaux 
exécutés à temps pouvaient conjurer le retour des incendies. 
Des gardes feux, choisis parmi les agents les plus intelli¬ 
gents, étaient chargés de parcourir les bois; ces gardes feux 
reconnaissaient les signes précurseurs de l’incendie à 
diverses causes, à la chaleur de la terre, à certaines lueurs, 
à certaines odeurs. De suite ils faisaient exécuter des tra¬ 
vaux de terrassement écrétant la surface du sol, ces travaux 
peu importants suffisaient pour le dégagement du gaz et les 
résultats auraient été d’éviter le retour des incendies. 

Ainsi en 1852, on croyait en Allemagne à la combustion 
spontanée des bois et des mesures étaient prises pour la 
combattre. Les résultats ont-ils été favorables? Les gardes 
feux existent-ils toujours? Le microbe du feu a-t-il été 
détruit comme on tente actuellement par la lymphe du doc¬ 
teur Koch de détruire celui de la tuberculose? Je l’ignore, 
mais s’il en était ainsi, ce serait une précieuse découverte. 

L’incendie spontané peut-il se produire dans le Chaumon- 
tois ? La composition du sol est-elle différente de celle des 
autres parties de la forêt ? C’est un point que je n’ai pas 
vérifié et que je livre à l’attention de MM. les forestiers. 
Mais chez moi, si la superficie paraît semblable au premier 
abord, si les herbes, les bruyères, y dominent comme dans 
d’autres parties du bois, il est certain que dans mon Chau- 
montois le sol n’a plus la même composition. Il est plus 
compact, presque tourbeux. La couche imperméable est 
plus rapprochée delà superficie. Le sol résonne quand on 
marche, les eaux coulent sans pénétrer. Il y a donc une 
différence notable qui peut expliquer le nom des brûlis. 
J’ai fait planter après l’incendie de 1874, au moins cent 
mille pins sylvestres. La plantation a été très difficile, à 
cause de la dureté du sol. Beaucoup de sujets sont morts. 


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— 121 — 


Il a fallu recommencer en partie ce travail. Aujourd’hui, 
les pins sont superbes, ils ont plus de trois mètres de hau¬ 
teur avec des pousses de 60 centimètres et même plus. La 
bruyère, les herbes commencent à disparaître, les chênes 
ont une belle végétation et tendent à pousser non pas hori¬ 
zontalement, mais en hauteur. De plus, le sol est notable¬ 
ment assaini, les racines des résineux en pénétrant dans ce 
terrain compact semblent en avoir modifié la composition. 

La disparition des bruyères, du vrillon qui y poussait en 
quantité, diminuera les chances d'incendie et en atténuera 
dans tous les cas les ravages. 

D’après les résultats que j’ai obtenus, je suis porté à 
croire que les plantations de résineux dans les parties inces¬ 
samment ravagées par le feu, ne lui donneront pas un élé¬ 
ment nouveau, mais auront au contraire pour résultat de 
l’empêcher de s’étendre avec autant de rapidité. Dans les 
massifs bien plantés, les matières éminemment combusti¬ 
bles, herbes et bruyères seront détruites ; si par hasard il 
en restait, la quantité en serait notablement diminuée et 
les pins formeraient un écran qui arrêterait, pour un ins¬ 
tant, la propagation du feu et donnerait aux secours le 
temps d’arriver. 

En outre, les fossés d’assainissement multipliés et les nom¬ 
breux chemins qui ont été faits permettront d’atténuer les 
ravages des incendies. 

Pour moi, l’ennemi à combattre dans les bois, ce sont 
les herbes; là où elles dominent, le bois n’existe pas et rien 
ne peut arrêter la marche du feu qui dévore en un instant 
des espaces considérables. Avec les résineux, on détruit les 
herbes, les bruyères, on supprime ainsi une des causes 
d’incendie. De plus, au lieu de rien, on obtient un revenu 
aussi élevé, je pourrais même dire, plus élevé que dans les 
meilleurs bois de chêne. 

Le pin transformera nos forêts, les aiguilles améliorent 


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le sol, les racines l’assainissent, le divisent, font circuler 
l’air dans l’intérieur; les quelques chênes ou arbres fores¬ 
tiers reprennent de la vie, et, si l’on doit admettre la 
théorie de la combustion spontanée, cette végétation rigou¬ 
reuse modifiant l’aspect extérieur et intérieur du terrain, 
conjurera je l'espère cette cause d’incendie pour l’avenir. 
Dans le cas, où une main criminelle mettrait le feu, j’ai 
lieu de croire qu’on ne verrait plus des centaines d’hectares 
dévorés par les flammes. 


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S. E. M" H. VEHABÊDIAN 

Patriarche Arménien de Jérusalem 


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SOUVENIRS D’ORIENT 


UNE CHASSE A L'EMAIL 

UNE VISITE AU PATRIARCHE ARMÉNIEN DE JERUSALEM 


NOUVELLE ARCHÉOLOGIQUE 
Par M. Léon DUMUYS. 


Séance du 6 Mars 1891 
Rapport verbal, par M. l’abbé Desnoyers, le !•' Mai 1891 


Au mois d’avril 1890, j’étais sur le point de quitter 
Orléans et de gagner Marseille où je devais m’embarquer à 
destination de l’Egypte et de la Palestine, quand je reçus 
coup sur coup deux lettres d’adieu fort aimables, mais 
accompagnées l’un# et l’autre, chose étrange ! de post- 
scriptum à peu prés identiques et légèrement intéressés. 

J’ai hâte d’ajouter que l’unique demande à laquelle je fais 
allusion était d’ordre purement scientifique, car mes cor¬ 
respondants sont deux estimables savants qui daignent 
m’honorer l’un de son habituelle bienveillance, l’autre de 
sa constante affection. 


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— 124 — 


La première lettre était signée de mon ami Louis Bour- 
dery, un ancien condisciple devenu avec les années licen¬ 
cié en droit pour contenter sa famille, puis élève du peintre 
Jérôme pour satisfaire ses goûts personnels. 

Fixé depuis longtemps déjà à Limoges, il y a fait cons¬ 
truire des fours d’émailleur dans sa nouvelle résidence et le 
voici devenu continuateur de l'œuvre des Limosin, des 
Pénicaud, des Laudin et des Nouailher. Archéologue cons¬ 
ciencieux et convaincu, chercheur intrépide et patient, il 
amasse entre temps des documents innombrables à l’aide 
desquels il se propose d’écrire un jour l’histoire de la 
Pléiade des anciens e maistres-émailleurs », et d'essayer 
un recensement aussi complet que possible de leurs mer¬ 
veilleuses productions artistiques dispersées aujourd'hui 
dans le monde entier. 

« Je sais, m’écrivait-il, à la veille de mon départ, qu’il 
existe un bel émail limousin au Saint-Sépulcre à Jérusa¬ 
lem, mais je désespérais d'en obtenir la description ; tu es 
donc mon sauveur dans la circonstance, aie l’amabilité de 
l'examiner, de le décrire minutieusement, lui et tous les 
autres (s’il y en a d’autres.) » 

La seconde lettre émanait de Monseigneur Barbier de 
Montaut, prélat de la maison de Sa Sainteté, archéologue 
poitevin, doué d'une prodigieuse érudition, d’une éton¬ 
nante activité, collaborateur habituel de M. Léon Palustre 
et universellement connu dans le monde savant. 

« Je vous félicite du beau voyage que vous allez entre¬ 
prendre, me disait-il... il faut le i%ndre profitable à la 
science ; je vous recommande entre autres choses à étu¬ 
dier un émail limousin, qui doit se trouver au Saint-Sépul¬ 
cre, peut-être bien chez les Arméniens, car il est inédit . » 
Je mis mes deux lettres dans mon portefeuille, je bou¬ 
clai ma valise et quelques jours plus tard je m’embarquais 
à bord du Poitou . 


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— 125 — 


Tel est le point de départ de ma petite nouvelle archéo¬ 
logique, telle fut la cause de « ma chasse à l’émail » que 
je vais me permettre de vous raconter. 

Le fait en lui-même n'offre pas sans doute un intérêt 
palpitant, mais il me fournira l’occasion de consigner quel¬ 
ques souvenirs, de griffonner quelques notes de voyage, et 
peut être aussi de distraire lecteur en faisant passer rapide¬ 
ment sous ses yeux des esquisses prises à la hâte au loin¬ 
tain pays de David et de Salomon. 

II 

Le 9 mai, nous arrivâmes à Jérusalem, mes compagnons 
de voyage et moi. Après quelques jours d'un repos néces¬ 
saire à la suite d'une longue et pénible chevauchée à tra¬ 
vers les plaines, les ravins et les montagnes de la Galilée, 
de laSamarie et de la Judée, je me mis en campagne, je 
veux dire à la recherche de l’émail exilé. 

Mes premières investigations furent infructueuses, per¬ 
sonne à Jérusalem ne connaissait l’existence en cette ville 
de l’objet d’art si ardemment convoité. 

J’appris bientôt en eftet que la basilique du Saint-Sépul¬ 
cre ne possède pas comme celles d’Aix-la-Chapelle, de 
Cologne, de Monza, de Notre-Dame-de-Paris, un trésor 
unique ouvert aux visiteurs et cela s’explique aisément. 

Les différents cultes se partagent la jouissance du célè¬ 
bre et vénérable sanctuaire sous la surveillance du Pacha 
gouverneur de la cfité et représentant officiel de Sa Hau- 
tesse le Sultan. 

En conséquence, Catholiques, Grecs orthodoxes, Armé¬ 
niens schismatiques ou unis, Coptes, Abyssins conservent 
dans leurs couvents distincts, la majeure partie des vases 
reliquaires, ornements précieux qui leur appartiennent. 

J’interrogeai vainement le R. P. Germer-Durand, 


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archéologue distingué, le R. P. de Chaumonteil, M. le 
comte de Piélat, M. Ledoulx, notre consul, ces Français 
résidents et bien informés, ne purent répondre d'une 
manière satisfaisante à mes questions. Ils tombèrent tous 
d’accord cependant, pour m’indiquer le richissime couvent 
des Arméniens schismastiques comme étant le seul de Jéru¬ 
salem qui renfermât un petit musée. 

M. Ledoulx, avec son obligeance habituelle se mit à 
mon entière disposition pour faciliter mes recherches et 
me promit de m’accompagner en personne chez le patriar¬ 
che arménien. 

— Vous trouverez, me dit-il, au couvent de St-Jacques, 
des religieux opulents, possesseurs d’une foule de choses 
précieuses dont ils ignorent le plus souvent la valeur rela¬ 
tive tant ils sont étrangers aux connaissances artistiques 
proprement dites. 

L’archevêque Mgr Vehabédian vous recevra à merveille, 
car j’entretiens avec lui des relations non seulement cour¬ 
toises mais encore vraiment cordiales. Je ne doute pas 
qu’il mette avec empressement à votre disposition tout ce 
qui lui paraîtra de nature à vous intéresser, puissiez-vous 
retrouver dans son palais, votre fugitif ! 

III 

A deux reprises différentes, pendant mon séjour â Jéru¬ 
salem, je tentai inutilement et dans des conditions diverses 
la visite projetée. Une première fois seul et l’autre fois 
accompagné du drogman-chef du Consulat, délégué par 
M. le Consul empêché, je me présentai à l’entrée du Cou¬ 
vent, mais deux fois, le gardien nonchalamment accroupi, 
fumant son chibouck sur sa natte, me répondit poliment et 
sans se déranger qu’il lui était impossible de me donner 
satisfaction. < L’heure propice était passée, les religieux 


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— 127 — 


étaient tous assemblés pour quelque cérémonie longue et 
solennelle, ils ne seraient pas libres avant le coucher du 
soleil, etc., etc. >; bref, je ne pourrais être reçu ce 
jour-là : « Tu pourras d’ailleurs, ajoutait-il, sans s’émou¬ 
voir, revenir un autre jour ! » 

En Orient toutes les transactions s’effectuent avec une 
lenteur vraiment désespérante pour l’Européen habitué à 
une vie active, souvent même fiévreuse, et je me demande 
comment l’Arménien dont < le temps est de l’argent > 
parvient à se faire aux coutumes de ces populations 
assoupies. Cependant, les journées se passaient en excur¬ 
sions plus ou moins lointaines, nous visitions tour à tour 
l’Haram-es-Chérif, la Mosquée d’Omar, la vallée de Josa- 
phat, les tombeaux des rois,la Piscine de Siloë, Aïn-Karim, 
Bethphagée, Bethléem, Hébron, le chêne de Mambrée, les 
bords du Jourdain, la Mer Morte, le couvent de St-Saba, etc. 
(il y a tant de lieux célèbres à interroger autour de Jéru¬ 
salem !) et je voyais avec peine arriver l’heure du départ 
définitif sans avoir pu pénétrer dans le couvent de Saint- 
Jacques dont j’avais toutefois admiré la somptueuse église. 


IV 

Le dimanche 25 mai, veille de notre départ, nous nous 
trouvions tous réunis, mes compagnons et moi à l’effet 
d’entendre la grand’messe dans la spacieuse chapelle du 
couvent latin de Saint-Sauveur. M. le Consul assistait 
selon l’usage à la cérémonie. Revêtu de son costume offi¬ 
ciel, entouré de son personnel, il était précédé de ses deux 
* cavas > en grand uniforme, portant petite veste 
ouverte, gilet galonné, large pantalon, guêtres de drap, 
le tout d’un beau bleu de France rehaussé de broderies d’or 
et d’argent, coiffés du fez rouge, armés de yatagans, ils se 


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tenaient militairement immobiles, appuyés sur leurs hautes 
cannes à pommes d’argent. 

Quelqu’un vint inopinément me prévenir que M. le 
Consul demandait à me parler. Je m’empressai de me ren¬ 
dre près de lui. 

— « J’ai le regret, me dit-il, de ne pouvoir vous accompa- 
gnerjusqu'au couvent de Saint-Jacques comme j’avais l'in¬ 
tention de le faire, mais ma présence devient nécessaire à 
l’hospice Saint-Louis, je vais vous donner un de mes 
cawas et vous vous rendrez avec lui jusqu’au Patriarcat 
arménien où vous serez reçu avec tous les honneurs dus 
à votre rang ajouta t-il avec un malin sourire. » 

M. Ledoulx appela tout aussitôt un de ses plantons, lui 
donna ses ordres en langue arabe et nous partîmes immé¬ 
diatement pour aller faire notre visite, au grand étonne¬ 
ment de mes compagnons très intrigués de me voir traver¬ 
ser leurs rangs sous pareille escorte. 

Dans les ruelles tortueuses qui avoisinent Casa-Nova, 
côtoient l’hôpital grec, le couvent des Grecs catholiques 
melchites et conduisent à la porte de Jalfa, notre cortège 
devait produire très brillant effet, j’affirme cependant 
qu’il eût été plus remarqué sur les grands boulevards de 
Paris et dans les rues d’Orléans. 

Ecoutez-en plutôt la description : A quinze pas devant moi, 
marchait sans mot dire mon cawa, jeune, bien découplé, 
à la physionomie impassible, à la tournure martiale ; sa 
main gauche était appuyée sur la poignée recourbée de 
son yatagan tandis que sa main droite décrivait des courbes 
élégantes, au sommet de la grande canne dont l’extrémité 
inférieure se déplaçait en cadence, à chaque pas. 

De temps à autre, quand un moAikre, un mendiant, un 
porteur d’eau courbé sous le faix de son outre noire et lui¬ 
sante aux formes animales (1), encombrait le milieu de la 

(1) Pour comprendre cette expression, il convient de savoir que ces 


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— 129 — 


ruelle bordée de boutiques et de cafés ouverts à tout venant, 
mon guide levait flegmatiquement sa canne sans s’arrêter, 
faisait un geste, émettait un appel de langue, frappait au 
besoin le gêneur apathique qui se rangeait aussitôt, puis 
continuait sa route sans même se retourner. 

Les gens nous regardaient passer sans paraître autre¬ 
ment étonnés; je dois dire, pour rendre hommage à la 
vérité, que dans cette procession de deux personnes, le 
cawa tout chamaré d’or était autrement décoratif que « le 
personnage important » vêtu d’une jaquette noire, d’un 
pantalon gris et étroit, et coiffé d’un casque insolaire, 
venant derrière lui. Il me semblait que nous figurions le 
triomphe de l’Orient sur l’Occident dans une revue du 
costume. 


y 

En quelques minutes nous arrivâmes à la porte de Jaffa, 
le Bab-el-Khalil des Musulmans, et notre marche se trouva 
quelque peu retardée, car il nous fallait traverser le car¬ 
refour le plus fréquenté de Jérusalem, le confluent des 
principales artères de la cité-sainte, l’endroit précis où se 
concentre forcément la plus grande activité de la capitale 
de la Palestine. 

Comment résister au plaisir de donner au lecteur une 
faible idée du spectacle étrange dont je jouis en cet en¬ 
droit ? 

A quelque distance, se dressait devant mes yeux El-Khala, 
la vieille citadelle dont la masse large et sombre semblait 

outres sont faites de peaux de boucs ou de chèvres, garnies de leur 
poil, munies des pattes et autres appendices de l’animal, dont la tête 
8euleest absente; les fellahs les portent suspendues sur leur échine à 
l'aide d'une courroie passée en sautoir ou bien appuyée sur le front. 
Ces récipients ont un aspect répugnant. 

9 


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surgir comme une bastille féodale à demi-ruinée, des larges 
fossés de défense creusés dans le roc par les anciens rois 
de Judée. Au-dessus des bastions inégaux accolés comme 
au hasard, se dressait l'antique tour de David, fièrement 
campée sur ses assises aux proportions salomoniennes, 
couronnée de créneaux, de mâchicoulis, percée d’étroites 
ouvertures solidement grillées qui semblent laisser péné¬ 
trer à regret l’air et la lumière à l’intérieur de ses épaisses 
murailles. Sa silhouette imposante, aux tons de bistre et 
de terre brûlée, se découpait en arêtes vives sur le bleu 
intense d’un ciel sans nuages. 

Dans ce décor imposant, la toile de fond attirait tout 
d’abord les regards du spectateur, et cependant les pre¬ 
miers plans étaient bien dignes aussi de captiver son atten¬ 
tion. 

A droite et à gauche se déroulait une longue enfilade de 
magasins à peu près alignés et d’aspect quasi-européen, 
ornés de vitrines bondées de marchandises hétérogènes, 
encadrés d'annonces, surmontés d’enseignes variées, 
peintes en caractères de toutes formes, rédigées en 
langues les plus diverses: française, arabe, russe, espa¬ 
gnole, anglaise, allemande, etc. 

Devant moi, tout le long des parapets de pierre des forti¬ 
fications, apparaissait un amoncellement d’êtres humains 
aux costumes bariolés, entassés pêle-mêle autour de 
quelques échopes légères faites de planches, de vieilles 
nattes et de toiles ; autour des marchands de dattes, de 
lait chaud, de pâtisserie, d’oranges, de citrons et de nou¬ 
gats, accroupis sur le sol, grouillait une population 
ignoble, composée d’hommes et d’enfants de toutes colora¬ 
tions. Sur ces visages, ces bras, ces jambes et ces 
poitrines, un peintre eut retrouvé tous les tons de la 
gamme des teintes chaudes et sombres, depuis le bronze 
jusqu’au noir de jais; les uns vêtus de dalmatiques à 


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— 131 — 


larges rayures brunes et blanches, portant le turban, 
étaient chaussés de larges babouches jaunes, les autres n’a¬ 
vaient pour tout vêtement qu’une mauvaise chemise de 
toile de teinte terreuse, serrée à la ceinture par une corde, 
et leur tête était protégée contre les ardeurs du soleil par 
une toque hémisphérique ou conique faite de poil de cha¬ 
meau feutré dans sa teinte naturelle, leurs pieds étaient 
nus et poudreux. 

Presque tous ces désœuvrés avaient la figure émaciée, 
les traits tirés, les yeux rouges, chassieux ou à demi- 
fermés, leur regard paraissait éteint, leur physionomie 
hébétée. 

Ils étaient là debouts, assis, couchés, accroupis, affaissés 
ou étendus comme des bêtes de somme vautrées dans la 
poussière du chemin. Ils parlaient peu, ne remuaient guère, 
les uns égrenaient machinalement leur chapelet d’un air 
distrait, fumaient, ou bien encore se livraient en silence 
au dénombrement des hôtes intimes qu’il avait plu à Allah 
de confier à leurs soins paternels. Tous regardaient im¬ 
passibles le va-et-vient continuel des entrants et des sor¬ 
tants qui se croisaient, se succédaient, sans interruption 
comme dans un kaléidoscope. 

Le défilé était d’ailleurs des plus variés. Ici passait un 
riche commerçant indigène au teint bronzé, au nez aquilin, 
à la longue barbe noire, monté sur son âne, noblement 
diapé dans son ample burnous blanc, coiffé du turban vert 
réservé aux anciens pèlerins de la Mecque, précédé de son 
jeune moukre trottinant comme un sais et hurlant pour se 
faire faire place au milieu de la cohue ; là c’était un Russe 
au nez épaté et retroussé, à la longue chevelure tombant 
sur ses épaules et retenue par une toque d’astrakan, vêtu 
d’une blouse noire serrée à la taille et boutonnée sur le 
côté, chaussé de bottes épaisses dans lesquelles s’engouf¬ 
frait son large pantalon. 


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— 132 - 


Venaient ensuite des Maronites aux soutanelles unies de 
couleurs voyantes maintenues sous la veste foncée de coupe 
européenne, per une large ceinture, coiffés du tarbouch 
grenat à gland de soie noire, chaussés de bottines ou de 
babouches rouges et pointues, spéciales aux chrétiens ; on 
les eut reconnus à leur seul costume, si leur visage, mili¬ 
tairement rasé, leurs allures plus vives, leur physionomie 
ouverte et fine n'eussent suffi pour les faire distinguer au 
premier coup d’œil des hyerosolimites autoctones. 

Puis, défilait la série complète des Juifs de "tous pays, 
depuis le Galicien en guenilles, à la houppelande crasseuse 
et décolorée, coiffé d'une casquette noire, reconnaissable à 
son teint clair, à ses yeux bleus, à sa barbe blonde hir¬ 
sute, à ses cheveux roulés en tire-bouchons sur les tempes, 
jusqu’au dignitaire de la synagogue, à la coiffe et à la 
pelisse de velours cramoisi ou amarante bordées de 
fourrures fauves, au visage triste encadré d’une barbe 
épaisse émaillée d’un nez crochu en bec d’aigle, d’yeux 
enfoncés sous d’épais sourcils et protégés par une paire de 
bésicles, etc., etc. 

Au milieu de tous ces gens indolents ou affairés, pauvres 
ou riches, circulaient les chameliers et les âniers condui¬ 
sant leurs bêtes pesamment chargées. 

Ceux-ci arrivaient de Béthléem avec des paniers de 
fruits, des outres pleines d’huile on de vin, des caisses de 
nacre et de chapelets en noyaux d’olives; ceux-là arri¬ 
vaient sans doute en caravane du port de Jaffa, avec toute 
une cargaison d’énormes ballots cubiques, poussiéreux, à 
demi-éventrés, qu’ils avaient chargé sous les hangars de la 
douane, à destination du grand bazar de Jérusalem. 

Bêtes et gens s’en allaient en file, dodelinant de la tête, 
ruminant ou chantonnant à l’unisson, vers la ruelle en 
pente, pavée, garnie de degrés, voûtée en ogive, qui s’ou¬ 
vrait là-bas sur la gauche comme un gouffre noir et béant 


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— 133 — 


dans lequel disparaissait à chaque instant de nouveaux 
arrivants. 

Ce n’est pas tout encore, voici venir des prêtres français 
à la barbe courte portant sur la poitrine la croix rouge 
des pèlerins de la pénitence, des femmes voilées envelop¬ 
pées comme des pleureuses antiques dans de longs man¬ 
teaux noirs et bleus, des touristes européens de toutes na¬ 
tions avec leurs casques insolaires ou leurs chapeaux de 
feutre à la longue écharpe de mousseline, des pères blancs 
coiffés du tarbouch, des franciscains vêtus de bure, des 
moines schismatiques au capuchon noir, à la cordelière de 
cuir, des popes à la soutane flottante, à la longue cheve¬ 
lure couverte d’une haute toque rappelant par sa forme et 
sa couleur les chapeaux de tôle coniques qui couronnent 
parfois nos cheminées. Ici, la sœur de Saint-Vincent-de- 
Paul, à la blanche cornette, croise une bande de soldats 
turcs à la tenue de brigands ; là ce sont des bédouins 
vêtus de « l’abbayé » et coiffés du * keffié », qui s’arrêtent 
brusquement pour marchander la poignée de dattes dont 
se composera leur repas du soir. Tout ce monde s’agite 
dans un léger nuage de poussière dorée par les feux du 
soleil, sans avoir à se préoccuper des voitures dont les 
derniers roulements se font entendre de l’autre côté de 
la porte fortifiée qu’il leur est interdit de franchir. 

Enfin nous sommes sortis de cette foule compacte et 
bigarrée, nous passons en hâte devant le pont-levis de la 
citadelle, les hommes de garde assis sur les parapets et 
les bornes, salement équipés, mal armés, désœuvrés, 
fumant le narguilhé ou 16 chibouck, nous suivent un ins¬ 
tant du regard et commentent sans doute entre eux, 
dans leur incompréhensible jargon, la visite officielle de 
l’attaché du consulat français qu’ils voient passer pour 
la première fois. 

« Quel est ce nouvel arrivé ? Où va-t-il par là à cette 


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heure, seul avec son cawa?... A la poste Autrichienne 
peut-être, ou bien encore à Saint-Jacques, à moins qu’il se 
dirige vers la porte de Sion pour aller visiter le cénacle ou 
le cimetière franc... Que leur importe après tout? ils n* ont 
pas affaire à lui... Ce qu’il y a de sûr c’est qu’il ne fera 
jamais que c ce qui est écrit... > Dès lors à quoi bon se fati¬ 
guer, se torturer la cervelle, pour chercher à pénétrer le 
secret de ce chien de chrétien ?... > 

Pendant que les troupiers de Sa Hautesse échangent 
leurs idées, si tant est qu’ils en aient dans la tête, ce que je 
ne saurais affirmer à la simple inspection de leurs visages 
impassibles, nous arrivons à la grande porte du couvent de 
Saint-Jacques. 

A la vue de mon cawa, celui du patriarche arménien, 
de planton sous le porche voûté se lève, échange avec 
son collègue une laconique salutation, puis entre en pour¬ 
parlers avec lui. 

« Il va vous conduire, me dit bientôt mon guide en 
manière de présentation, suivez-le s’il vous plaît ! * Cette 
brève instruction donnée, mon homme dépose sa canne 
dans l’angle du mur et se met sans plus tarder en devoir 
de rouler une cigarette. Tel le capitaine d’un navire après 
avoir remis la barre entre les mains du pilote monté à son 
bord dans le but de lui faire franchir la passe dangereuse, 
rentre dans sa cabine et s’empresse de mettre à profit les 
loisirs que lui laisse désormais son irresponsabilité. 

A l’appel du cawa patriarcal arrive le drogman du 
couvent qui doit me servir d’interprète, car si le c suisse * 
de l’endroit est un fort bel homme, il n’est pas polyglotte, 
tout au moins ignore-t-il la langue diplomatique. — Qui 
donc ici-bas peut se vanter d’être complet ? — Son collègue 
accourt à son aide. 

Sans plus tarder nous franchissons tous trois ensemble 
un escalier de pierre large et rapide, encaissé entre deux 


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hautes murailles solides comme celles d'une forteresse. 
Arrivés au sommet, nous trouvons un vestibule spacieux. 
Là, mon introducteur ouvre une porte vitrée donnant 
accès dans une grande salle voûtée, aux murs stuckés et 
marbrés dans laquelle il me prie de vouloir bien attendre 
un instant. C’est dans cette pièce, paraît-il, que le pa¬ 
triarche daignera m’accorder une audience ; tandis que le 
cawa descend pour reprendre son poste, le drogman se 
retire pour aller prévenir son maître ; ils me laissent seul 
avec mes pensées et ma curiosité. 

Pour tout dire, j’aurais bien voulu que Mgr Yehabedian 
tardât quelque peu à se présenter, car j’aurais eu le temps 
de recueillir une foule de renseignements précis et inté¬ 
ressants, qu’il m’est impossible, et pour cause, de fournir 
aujourd’hui sur l’ameublement de son palais épiscopal. 

Ce n’est point que je vinsse chez lui en espion désireux 
de surprendre ses secrets, de lever un plan, ou de dresser 
un inventaire, mais c’est qu’il me semble qu’en publiciste 
favorisé d’un interview, j’aurais du pousser l’indiscrétion 
jusqu’à ses dernières limites pour remplir complètement 
mon devoir professionnel. 

Bref, Son Eminence me laissa le temps bien juste de jeter 
un rapide coup d’œil sur l’ensemble de sa grande salle de 
réception. 

Je me souviens cependant qu’elle était très longue, très 
élevée d’étage, partant très aérée et de plus largement 
éclairée, surtout à l’extrémité opposée à la porte d’entrée ; 
des tableaux de toutes dimensions et de valeurs très diverses 
ornaient les murs; le sol était dallé avec tant de luxe que 
la lumière arrivait au devant de moi en se jouant sur le 
marbre poli, de chaque côté d’un tapis d’aloès étroit et long 
qui conduisait en droite ligne à un vaste divan. 

Je remarquai en entrant, à droite et à gauche de la baie 
qui venait de se refermer sur mon dos, deux vitrines rem- 


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plies d’objets les plus variés, au milieu desquels mes yeux 
étonnés rencontrèrent quelques appareils de physique élé- 
mentaire, tels qu’un électrophore, une bouteille de Leyde, 
une grêle à balles de sureau, une lampe à magnésium, etc. 

Le long mur de gauche était percé de vastes portes a 
deux vantaux moulurées et peintes en couleur claire, don¬ 
nant vraisemblablement accès dans les appartements privés 
du patriarche. < Bien sûr me disais-je en moi-même en 
les regardant, c’est par là que Son Eminence fera son 
entrée ! » 

Là bas, tout au bout de la galerie, derrière le divan une 
série de fenêtres rapprochées et vitrées à l’européenne, 
hautes et larges, s’ouvraient sur les vastes jardins du cou¬ 
vent, qui passent pour les plus beaux de Jérusalem. Toute¬ 
fois, de la place que j’occupais, mes regards glissant par 
dessus les premiers plans en contre bas, rencontraient tout 
d’abord les courtines de l’enceinte de la cité, puis ils plon¬ 
geaient sur l’Ouadi-er-Rebabi, vulgairement appelée vallée 
de Hinnom, sur le Birket-el-Soultan et portaient au loin 
sur les sommets des coteaux environnants. J’apercevais le 
couvent grec de St-Georges, l’hospice juif de Sir Monte- 
flore et l’hôpital des lépreux. 

Mais j’avais à peine eu le temps de me tourner en tous 
sens, quand j’entendis derrière moi le bruit d’une porte qui 
s’ouvrait. 

Pivoter rapidement sur les talons, prendre une attitude 
respectueuse, pour saluer courtoisement mon hôte, fut pour 
moi, comme l’on pense, l’affaire d’un instant. 

Le patriarche, car c’était bien lui qui faisait son entrée, 
s’avança avec une grande dignité, il était suivi du drogman 
et d’un moine jeune et barbu, tout de noir habillé. Je fis 
quelques pas en avant sur le tapis d’aloès, je m’inclinai 
profondément, tenant mon couvre-chef à la main. Son Émi¬ 
nence me tint quitte des salamalecks de grande cérémonie 


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quejeusse été bien en peine d’exécuter et répondit à ma 
politesse par un sourire plein de douceur ; d’un geste lent 
et noble, elle daigna m’inviter à prendre place sur le divan, 
tandis qu’elle s'asseyait elle-même sur un siège indépen¬ 
dant disposé prés d’une petite table chargée de livres. 

Quant au moine et au drogman, ils se tinrent respectueu¬ 
sement entre nous deux et à quelque distance, paraissant 
très attentifs à mes paroles et aux moindres gestes du 
patriarche. 

Mgr Vehabedian me parut être au moins sexagénaire. 
Son Éminence est de taille moyenne, et de forte corpulence, 
sa belle tête est encadrée d’une longue barbe blanche, 
épaisse qui tombe sur sa poitrine, son nez aquilin présente 
des lignes pures et harmonieuses, ses yeux noirs ombragés 
par d’épais sourcils, sont à la fois intelligents, expressifs et 
doux, mais on devine aux rides de son front que son regard 
est susceptible de prendre une expression énergique en 
rapport avec sa mâle physionomie. 

Le Patriarche portait un costume fort simple, il était vêtu 
d’une sortfe de manteau noir ample, à larges manches et 
bordé, me semble-t-il de longues bandes d’étoffe de soie 
violette qui descendaient de son cou jusqu’à terre. 

Je ne remarquai sur toute sa personne d’autre insigne 
apparent de sa dignité, qu’une chaîne d’or, soutenant sans 
doute une croix pastorale et une bague ornée d’une grosse 
pierre précieuse passée au petit doigt de la main droite. 
Bientôt commença entre Son Éminence et moi, ce que j’ap¬ 
pellerai une conversation par ricochet. 

Le vénérable Patriarche ne parle ni ne comprend le fran¬ 
çais, d’autre part l’auteur de ces lignes n’est guère familier 
avec le turc, l’arabe et l’arménien, aussi pour rendre mu¬ 
tuellement notre pensée, fûmes-nous obligés de recou¬ 
rir à la science du drogman. 

En quelques mots je m’efforçai de faire comprendre à 


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Son Éminence, le but de ma visite, la nature de mes recom¬ 
mandations, et la cause de mon isolement : 

9 Le monde savant français, connaissait de réputation 
les trésors remarquables renfermés dans le richissime cou¬ 
vent des religieux arméniens de Jérusalem. On y voyait, 
disait-on, un émail anciennement fabriqué en notre pays de 
France, et je désirais vivement, dans l’intérêt de l’art et de 
science retrouver le fugitif réfugié dans le palais de Son 
Éminence... . » 

J’en étais là de mes explications semi-diplomatiques, 
quand la porte la plus éloignée s’ouvrit, le Patriarche 
détourna la tête, je me tus ; tout aussitôt je vis venir à nous 
un moine coiffé de son capuchon noir et pointu, porteur 
d’un grand plateau d’argent rehaussé d’ornements d’or 
guillochés, garni de deux verres remplis d’une eau très lim¬ 
pide, d’une coupe basse garnie de confitures épaisses et 
jaunâtres coupées en lanières et de deux vases d’or et d’ar¬ 
gent d’un style rocaille, prétentieux et tourmenté ; le pre¬ 
mier vase était absolument vide, l’autre renfermait un cer¬ 
tain nombre de petites cuillères placées debout. 

Le moine s’avança vers moi et me présenta son plateau, 
j’y pris un verre et je m’apprêtais à l’approcher de mes 
lèvres, lorsque je vis le Patriarche me faire des gestes 
incompréhensibles accompagnés d’un gracieux sourire. 

Son Éminence semblait me dire : « Allons, je vois bien 
« que vous n’êtes pas au courant des usages orientaux ! — 
9 Comment pouvez-vous supposer que je sois hôte à 'vous 
« abreuver d’eau claire? En pareille occurence, les fils de 
« Mahomet eux-mêmes vous offrent le café de bienvenue...; 
c tenez: faites comme moi..., c’est ainsi qu’il faut s’y 
« prendre, je vais vous prêcher d’exemple, ce sera plus 
« simple que de vous faire traduire la méthode classique. » 

En effet, sur un geste, le moine s’éloigna de moi pour se 
rapprocher de son supérieur. Celui-ci prit le second verre 


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d’eau restant sur le plateau, saisit au hasard une petite 
cuillère, s’en servit pour soulever quelques lanières de con¬ 
fitures, les porta à sa bouche, remit dans le gobelet vide la 
cuillère dont il s’était servi, approcha le verre d’eau de ses 
lèvres, puis le remit en place. 

J’imitai en tous points mon hôte qui parut satisfait de mon 
esprit d’imitation, me félicita d’un geste et d’un sourire. 

Je l’avoue à ma honte : j’ignorais à ce point les usages 
du grand monde oriental et je n’avais pas idée de ce pro¬ 
cédé raffiné employé pour faire soi-même son sirop. 

« N’a t’on pas raison de dire, pensais-je en moi-même, que 
le luxe asiatique dépasse toutes les bornes imaginables! » 

Cette petite aventure, et sans doute aussi mon air étonné 
parurent amuser prodigieusement les moines et le drogman 
qui en furent témoins. 

La cérémonie de bienvenue étant achevée, notre con¬ 
versation par ricochet reprit lentement son cours en dépit 
de la bonne volonté aussi réelle qu’évidente des deux inter¬ 
locuteurs. 

Je vis en effet le drogman subitement embarrassé pour 
rendre ma pensée à son maître, j’avais employé dans mes 
phrases, à n’en pas douter, une expression peu usitée, 
destinée à rendre une pensée importante, capitale peut-être 
et dont le sens lui échappait absolument. 

J’appris en effet de notre interprète qu’il ignorait la 
signification du mot * émail j>, je lui aurais dit : « lymphe * 
ou « microbe j>, qu’il n’eut pas été plus embarrassé; sa 
science était en défaut et il en paraissait très-vexé. 

J’eus beau lui répéter sur tous les tons : c Email, peinture 
sur émail! englisch: smalt! spanisch: esmalte (1), il ne 
comprenait pas davantage. 

(1) « En anglais: smalt (émail); en espagnol: esmalte. » Je ne 
pouvais faire mieux, n'ayant que ces deux langues à ma disposition 
pour rendre ma pensée. 


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Chose étrange, son emban as m’amusait presque autant 
qu’il me contrariait. 

« Nous voilà bien, me disais-je : impossible de traduire le 
nom de la chose qui fait l’objet de ma visite ! » d'autre 
part, il me semblait que je tenais ma revanche : « as-tu assez 
ri de moi tout à l’heure, pensais-je ? allons mon ami, c’est à 
chacun son tour de s’avouer vaincu dans ce bas monde ; et 
si tu venais en France, je t’en ferais voir bien d’autres ! » 

Bref, mon homme prit un parti héroïque, il courut 
chercher un lexique français-arménien, et me le mit en 
main avec prière de chercher moi-même, à sa page, le mot 
inconnu. 

Je feuilletai, je trouvai et je remis le dictionnaire de 
sauvetage à mon savant polyglotte. 

Celui-ci prit le petit livre, lut, relut attentivement le 
mot indiqué, le prononça tout bas, tout haut, avec ses 
synonymes, en regardant alternativement d’un air navré 
son maître et le moine qui était prés de lui ; en fin de 
compte une discussion lexicologique s’ouvrit entre mes 
trois interlocuteurs. Ils finirent par se mettre d’accord, 
grâce sans doute aux connaissances plus étendues de 
Son Eminence. En effet, le Patriache me fit poser 
quelques questions et mes réponses semblèrent le fixer 
entièrement ; sur son ordre, son secrétaire passa dans 
une pièce voisine. Il en revint au bout de quelques 
instants avec une série de petits écrins qu’il remit à son 
supérieur. 

L’archevêque ouvrit lui-même avec précaution ces 
petites boîtes garnies de chagrin noir ou vert foncé, et en 
sortit de magnifiques décorations qu’il étala devant mes 
yeux, sur un petit guéridon. 

C’étaient de splendides bijoux, formés chacun d’une 
plaque d’émail ronde ou ovale entourée de fioritures d’ar¬ 
gent, d’or ou de vermeil découpées à jour, constellées 


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d’énormes pierres précieuses. Je crus comprendre que ces 
plaques honorifiques avaient été offertes en cadeau par le 
PatriacKe de Constantinople (le summus pontifex des Grecs 
orthodoxes) à celui des arméniens ses co-religionnaires de 
Jérusalem. 

La première plaque représente la scène de la résurrec¬ 
tion de N.-S. ; on y voit le Christ vêtu d’une simple 
écharpe de couleur rose flottante et bien drapée, sortant 
glorieux du tombeau. Le sauveur du monde s’élève dans 
une gloire entourée de nuages, il porte dans la main droite 
une bannière déployée et le geste de sa main gauche 
élevée vers le ciel semble destiné à rendre cette pensée : 
* l’heure est venue de retourner vers mon père ». 

Trois guerriers romains revêtus de leurs armures et por¬ 
teurs de leurs armes gisent renversés autour du sépulcre 
ouvert. 

Au sommet de la plaque, on remarque une petite inscrip¬ 
tion en lettres rouges, tracée en caractères arméniens et 
donnant le nom de la scène reproduite : « La Résur¬ 
rection. » 

Cet émail me parut être d’une excessive finesse, d’un 
excellent dessin, d'un coloris très doux et vraiment artis¬ 
tique. Il peut mesurer 5 centimètres de hauteur sur 3 cen¬ 
timètres de largeur. 

Je ne saurais affirmer qu’il soit fait sur cuivre plutôt que 
sur porcelaine, attendu qu’il est serti et doublé d’argent, 
mais je fus frappé de la ressemblance qu'il présente avec 
certaines miniatures très recherchées et sorties des ate¬ 
liers de la manufacture de Sèvres. 

Je suis tenté de croire que cette petite pièce n’appartient 
pas à l’école Limousine. Je ne la crois pas non plus anté¬ 
rieure au xviii 6 siècle. 

Cet émail est environné de diamants et d’émeraudes. 

La seconde plaque est ronde, entourée de diamants et 


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de rubis; elle représente le Christ, vu de face, à mi-corps 
tenant le globe du monde dans sa main dextre et bénissant 
à senestre. Les teintes rouges, bleues et jaunes qu’élle com¬ 
porte sont harmonieuses, le dessin en est soigné. Je ne sau¬ 
rais me prononcer sur la provenance artistique de cette pièce 
qui n’est pas signée, et ne porte aucune marque apparente. 
Un artiste de l’école française pourrait en être l’auteur, je la 
mets toutefois au second rang, dans la collection que je 
décris. 

Les autres émaux ou pièces émaillées me parurent être 
de fabrication russe ou turque, elles sont d’une facture plus 
rude, décorées de tons crus, et plus modernes. 

Je me permis d’insister près de Son Eminence pour savoir 
si elle ne posséderait pas d’autres plaques émaillées, plus 
grandes, formant tableau à elles seules, représentant quel¬ 
que scène religieuse, biblique ou profane. 

Le Patriarche voulut bien m’affirmer qu’il n’en possédait 
pas de ce genre et qu’il n'en existait pas à sa connaissance 
tout au moins, dans le petit musée du couvent de Saint- 
Jacques. 

Pour me prouver son excessive bonne volonté Mgr Yéha- 
bédian me désigna un petit cadre pouvant mesurer 
0 m. 30 cent, do hauteur sur 0 m. 20 cent.de largeur, orné 
d’une baguette doré et appendu au mur, au dessus du grand 
divan. 

Dans la pensée de l’archevêque ce cadre avait une valeur 
incontestable et la meilleure preuve que j’en puisse donner 
c’est qu’il occupait une place honorable dans le grand salon 
de réception. 

Son Eminence insista a son tour pour que j’examinasse 
de plus près l’œuvre d’art qu’elle me signalait ; en dépit de 
mes excuses réitérées et motivées comme on vade voir par 
un rapide examen de l’objet, je dus placer une chaise sur 
le divan, monter dessus tandis que le Patriachela tenait de 


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ses propres mains et ainsi juché je décrochai le fameux 
tableau. 

Hélas ! je ne m’en doutais que trop, d’en bas, il ne s’agis¬ 
sait pas d’un émail de Limcges mais bien d'une de ces vul¬ 
gaires chromolithographies primitives légèrement estam¬ 
pées, telles qu'on en fabriquait il y a trente-cinq ou qua¬ 
rante ans en France, elle devait tout son éciat à la vitre 
qui la recouvrait. 

Le tableau représentait également la scène de la Résur¬ 
rection, les personnages dans des attitudes quelque peu 
tourmentées, étaient revêtus de leurs costumes tradition¬ 
nels agrémentés de paillettes dorées soigneusement collées 
aux bons endroits. Dans la pensée du fabricant : 

c Tout cet or, au tableau, devait douner du lustre; » 

je laisse à juger si son but était atteint. Supposons toute¬ 
fois que l’artiste avait peut-être une spécialité d’exporta¬ 
tion et partant, excusons-le généreusement. 

Il est aisé de comprendre d’après ces simples détails que 
cette production commerciale n’avait que des relations fort 
peu intimes avec le grand art, aussi j’avoue que mon 
embarras fut excessif quand vint le moment de répondre 
aux questions pressantes, réitérées et précises qui m’étaient 
posées par le Patriarche et traduites par son drogman. 

— Son Eminence vous demande ce que vous pensez de 
ce tableau ? 

— Tout grand qu’il est par rapport à la petite plaque 
que je viens d’admirer, et bien qu’il représente la même 
scène, il m’est difficile d’établir une comparaison entre 
ces pièces. 

— Son Eminence vous demande de préciser la valeur 
que vous attribuez à ces deux productions artistiques. 

— L’une est sans prix attendu qu’elle n’est pas commer¬ 
ciale; sans parler des pierres précieuses qui l’entourent, elle 


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constitue un joyau; l’autre au contraire se vend un peu 
partout, en France. 

— Alors vous ne pouvez pas fixer le prix approximatif 
de ces objets. 

— Cela me paraît difficile, sinon impossible, mais à coup 
sûr je donnerais beaucoup de celles-ci tout encadrées pour 
le seul milieu de celle-là. 

— En d’autres termes vous admirez surtout la petite 
plaque ovale, puis ensuite la ronde, et enfin vous n’êtes 
pas enthousiaste de ce grand cadre carré? 

— Vous l’avez dit. 

Le drogman traduisit mes réponses à son maître assez 
fidèlement, je l’espère et pour couper court à de nouvelles 
instances jeme hâtai de déposer «la Résurrection > de papier 
estampé, sur le divan, de reprendre mon couvrechef et de 
présenter mes hommages très respectueux à Son Eminence. 

Je dois dire que Mgr Véhabédian me parut satisfait de 
ma franchise et très convaincu de mon savoir, je dis ceci 
sans fatuité, pour rendre hommage à la vérité; après tout, 
pourquoi ne parlerais-je pas nettement ? il s’agit ici d’une 
simple supposition, « et c’est en Arménien que la chose fut 
dite ! * Ce qui me pousse à déclarer que mon hôte voulut 
bien m’accorder quelque estime, c’est mon désir d’expliquer 
comment il se ravisa tout à coup et me fit la surprise que 
voici : 

Au moment que je me disposais à prendre congé de Son 
Eminence, elle m’invita à descendre dans l’église du cou¬ 
vent de Saint-Jacques, dans le but d’y visiter le trésor 
proprement dit ! « Il y avait encore là, en y réfléchissant, 
quelques émaux dignes de l’attention d’un amateur. » 

Je remerciai le Patriarche de sa délicate attention, de 
son excessive bienveillance à mon endroit et après l’avoir 
respectueusement salué je sortis, précédé du drogman, 
suivi du moine au capuchon noir, en prenant soin de ne 


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marcher que sur le long tapis étroit et sombre que j’avais 
foulé en entrant. 

Après avoir descendu le grand escalier de pierre, nous 
passâmes dans la petite cour qui précédé l’église. Sous la 
galerie, sorte de cloître ou de narthex établi devant la 
porte d’entrée, je remarquai une longue planche d’airain 
toute couverte de caractères indéchiffrables pour moi 
et de signes religieux analogues à ceux que l'on voit 
sur les cloches de nos églises; suspendue à cinq pieds 
du sol environ, par deux fortes chaînes accrochées au 
plafond, elle pouvait mesurer 0 m 30 cent, de largeur, à 
3 ou 4 c. d’épaisseur et environ 1" 50 ou 2“ de longueur. 

Un marteau y était attaché à l’aide d'une chaînette. Je 
reconnus sans peine ctt instrument très primitif qui sert 
de gong ou de cloche aux moiDes grecs, car j’en avais 
déjà remarqué de semblables à Mar-Saba (1). 

Nous entrâmes dans la belle église qui abrite les restes 
de saint Jacques le Majeur. 

Je ne saurais faire la description de cet édifice sans sor¬ 
tir du cadre restreint que je me suis tracé, la tâche serait 
longue et difficile ; je me contenterai de dire qu’elle est 
somptueusement meublée, garnie de tableaux, de dorures, 
de tentures, de lampes, d’ornementations les plus riches et 
qu’elle présente plutôt l’aspect d’une mosquée, ou mieux 
d'un musée, que celui d’un sanctuaire. 

Des nattes recouvrent partout le dallage et l’on remarque 
de loin en loin quelques coussins épais disposés en guise 
de chaises le long des murs. 

Au moine et au drogman qui m’avaient accompagné 
depuis la salle de réception patriarcale s’étaient joints deux 
ou trois autres religieux à la physionomie bienveillante, au 
regard sympathique et doux. 

(1) Le couvent de St-Saba est une ancienne laure établie comme 
un nid d’aigle dans le précipice qui sert de lit au torrent du Cédron 
entre Jérusalem et Jéricho. 10 


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Mes nouveaux hôtes m’invitèrent courtoisement à m’as¬ 
seoir sur des coussins qu’ils s’empressèrent de m’avancer; 
quant à eux ils s’accroupirent à la mode turque, sur les 
nattes, tout autour de moi. Toutefois deux d’entre eux, les 
sacristains sans doute, ne tardèrent pas à se relever pres¬ 
tement, ils s’éloignèrent, disparurent un instant et revin¬ 
rent bientôt avec une véritable collection de vases sacrés 
empruntés au trésor conventuel. 

Je remarquai qu’ils avaient eu la délicate attention de 
me soumettre toutes les pièces ornées d’émaux en leur 
possession. 

Mes regards furent plus particulièrement attirés par une 
sorte de mitre de forme bulbeuse garnie de velours rouge, 
très semblable à une couronne royale, surmontée d’une 
petite croix d’or et toute constellée d’ornements d’or 
rehaussés de petits émaux. 

Un calice et un ciboire d’or massif volumineux et très 
pesants ornés de cabochons et de plaques d’émail figurant 
des têtes d’ange et de petites rosaces de dessins variés 
furent ensuite soumis à mon appréciation. 

Le galbe de ces pièces est lourd, sans élégance, le colo¬ 
ris des émaux est rude et leur dessin grossier ; au premier 
coup d’œil il semble qu’on puisse reconnaître leur prove¬ 
nance; ils ne sortent certainement pas des mains d’un 
artiste français. Ils sont d’ailleurs très modernes et proba¬ 
blement fabriqués par des artisans russes, fournisseurs 
attitrés des vases sacrés en usage dans l’église de la reli¬ 
gion grecque orthodoxe. 

Ici encore, les moines qui m’écoutaient sans comprendre 
mes réflexions et suivaient attentivement le jeu de ma physio¬ 
nomie me parurent désireux avant tout de connaître mon 
estimation au point de vue de la valeur vénale des objets. 

— Qu est-ce que cela peut valoir ? me faisaient-ils sans 
cesse demander. 


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— Est-ce plus beau et partant plus cher que les émaux 
du Patriarche ? 

Le reste leur importait peu. 

Décidément, M. le consul Ledoulx connaît bien son 
monde; ces bons moines sont gens aimables, affables, 
complaisants, mais la fibre artistique est peu sensible dans 
leur organisme. 

Cependant, le temps passait, tandis que je jouais malgré 
moi, dans le saint-lieu, le rôle de commissaire-priseur. 

Pour un rien j'aurais dit à mes hôtes : c Mais, chers 
moines, vous avez là, à deux pas de vous, entre le mont Sion, 
sur lequel vous vivez, et le mont Moriah qui couronne l’Ha- 
ram-esch-chérif, des estimateurs excellents, des mar¬ 
chands d’or et d'argent dont la science est connue, incon¬ 
testée dans tous les pays; prenez le premier juif venu et, 
d'instinct, après avoir soupesé vos vases sacrés, il vous 
dira au plus juste ce qu'ils valent. Cette race a conservé 
pour le commerce des métaux précieux, depuis la fabri¬ 
cation du veau d'or, des aptitudes étonnantes ; nous 
autres Français, nous sommes assez naïfs pour priser 
sur toute chose l'élégance de la forme, la pureté des lignes, 
l'harmonie des contours, la finesse du dessin. En matière 
de trébuchet, je dois vous l'avouer, je ne vaux certaine¬ 
ment pas le premier changeur du bazar et dussè-je vous 
surprendre, je ne suis venu ici que pour chercher un petit 
compatriote exilé fait de cuivre et revêtu de verre fondu. 
J’admire vos richesses, mais elles ne m’intéressent que 
médiocrement, » 

Bref, je gardai pour moi ces réflexions qui se pressaient 
dans ma tête, rendaient si bien mes sentiments intimes et 
je demandai à retourner vers le Patriarche, pour prendre 
congé de Son Eminence, lui présenter mes hommages et 
mes remercîments. 

Je fus obéi comme un grand seigneur. A la voix du 
drogman, tous mes auditeurs se levèrent, je les saluai, ils 


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— 148 — 


répondirent par un sourire gracieux à ma politessé et je 
remontai rapidement à la grande salle d’audience 
A ma vue, Mgr Véhabédian daigna se lever; je m’avan¬ 
çai jusqu a lui, chapeau bas, en Européen bien élevé, lui 
adressai toutes mes félicitations et le témoignage de ma 
vive reconnaissance. 

J'allais me retirer, quand le drogman me demanda au 
nom de Son Eminence ma carte de visite. Je m’empressai 
de déférer à son désir et en échange de mon bristol, le 
vénérable Patriarche eut l’extrême gracieuseté de me 
remettre sa photographie, au bas de laquelle il daigna 
tracer quelques lignes, puis il y joignit une petite carte 
rédigée en français, portant ces mots: H. archevêque 
Véhabédian, patriarche arménien de Jérusalem. 

c Dites à Monsieur, ajouta-t-il, que ceci est la traduc¬ 
tion de ce que j’ai écrit au-dessous de ce portrait. * 

Je m’inclinai ; la main de mon hôte se tendit amicale¬ 
ment vers la mienne, je la serrai non sans une certaine 
émotion et je me retirai fier de me sentir accompagné par 
le plus gracieux sourire de l’illustre prélat. 

Ainsi finit ma chasse à l’émail à travers les couvents et 
palais de Jérusalem ; je m’étais mis en campagne à la 
recherche d’un Limosin, d’un Laudin, d’un Pierre Ray¬ 
mond, d’un Courtoys, d’un Pénicaud, je ne saurais dire 
au juste lequel ; je revenais avec d’excellents souvenirs 
et la photographie d’un des plus hauts dignitaires de 
l’église arménienne. Comme on le voit, si je n’ai pas 
atteint le but que je me proposais, si j’ai dû laisser au 
R. P. Germer-Durand le soin de continuer ma tache, 
ce qui du moins me console dans mon insuccès, c’est de 
me dire que je ne suis pas rentré bredouille au logis ! 


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DE L’EMPLOI 


DES INJECTIONS SOUS-CUTANÉES 

D’HYDRATE DE CHLORAL 

dans les maladies convulsives 

ET PARTICULIÈREMENT 

DANS L’ECLAMPSIE PUERPÉRALE 

Par M. le Docteur DESHAYES 


Séance du 6 mars 1891 . 


Introduit dans la thérapeutique il y a seulement vingt ans, 
l’hydrate de chloral y a très rapidement conquis une place 
considérable comme calmant du système nerveux, et les 
guérisons obtenues par son emploi dans les maladies convul¬ 
sives les plus terribles, le tétanos et l'éclampsie sont 
innombrables. 

Son action bienfaisante dans ces maladies est connue de 
tous les médecins, et je n’ai pas la prétention de rien ajou¬ 
ter à cette connaissance. 

Mon intention est seulement de montrer la possibilité, la 
facilité, les avantages et la nécessité dans beaucoup de 


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— 150 — 


cas d'administrer l'hydrate de chloral par la méthode 
hypodermique. 

Or, les injections hypodermiques de chloral ont été jus¬ 
qu’ici considérées par les auteurs, comme dangereuses ou 
inefficaces, et, en conséquence, peu employées et même 
redoutées par les praticiens. 

Ainsi, quoique leurs publications soient bien postérieures 
à la vulgarisation du chloral, certains auteurs négligent 
absolument de parler de ce mode d'administration ; tels 
sont Barnes (Traité d’obstétrique) , Labadie-Lagrave (arti¬ 
cle Urémie du dictionnaire Jaccoud), Mercklen et Mathieu 
(articles Urémie et Tétanos du dictionnaire de Dechambre). 

D'autres n'en parlent que pour le condamner, prétendant 
que l'absorption de ce remède par l'hypoderme, est plus 
lente que par l’estomac ou le rectum, que les solutions 
faibles sont sans efficacité pour l’intensité des symptômes 
à combattre, que les solutions fortes produisent des nodus 
inflammatoires, des abcès, des escharres, voire même des 
phelgraons diffus; ainsi parlent Charpentier (Traité des 
accouchements ), Poncet (article Tétanos du dictionnaire 
Jaccoud), E. Labbée etX. Delore (dans les articles Chloral 
et Éclampsie du dictionnaire de Dechambre). 

Il nous est impossible de partager cette manière devoir. 

Il y a dix ans nous redoutions, comme les autres, les 
effets désastreux des injections hypodermiques d'hydrate 
de chloral, mais un jour contraint de les essayer, par suite 
de l'impossibilité de l'administrer autrement, nous l’avons 
osé et n'ayant pas eu à le regretter, nous les avons depuis 
employées un bon nombre de fois sans aucun inconvénient, 
et ce sont les résultats de cette expérience personnelle, que 
je crois pouvoir me permettre d'opposer à l'opinion géné¬ 
ralement reçue au sujet de cette méthode. 


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151 — 


PREMIÈRE OBSERVATION. 

Elle a été recueillie en 1882, à la maternité d’Orléans, 
sur une fille T..., de 21 ans, domestique, primipare, 
enceinte d’un peu plus de 8 mois, cedematiée et albumi¬ 
nurique. 

Après avoir eu trois attaques éclamptiques dans la salle 
de médecine, où elle était depuis quelques jours, elle est 
amenée dans la salle d’accouchements le 31 mars à 1 h. 3/4 
du matin. 

De cet instant à 9 h. du matin, on compte 13 attaques se 
succédant de demi-heure en demi-heure sans aucun 
retour de la connaissance dans leur intervalle. 

Les inhalations de chloroforme se montrant impuissantes, 
les potions au chloral ne pouvant être administrées, les 
lavements chloralisés étant immédiatement rejetés, le coma 
étant profond, la respiration stertoreuse, l’orifice utérin 
absolument clos, on fait une saignée de 250 gr. à 9 heures 
du matin. Puis on essaye de nouveau, mais en vain, d’admi¬ 
nistrer le chloral par le tube digestif, et on continue les 
inhalations anesthésiques autant que le stertor respira¬ 
toire le permet. Rien n’y fait, à 10 h. 10, 10 h. 25,10 h. 55 
nouvelles attaques, enfin à midi et demie une autre 
encore, c’était la vingtième en douze heures environ. 

C’est alors que je risquai l’injection hypodermique de 
1 gramme d’hydrate de chloral dissous dans 10 grammes 
d'eau, injection partagée en 3 ou 4 points du dos de la 
malade, et je cessai tout autre traitement. A partir de ce 
moment on n’observa plus aucun mouvement convulsif; la 
malade ne reprit pas connaissance, mais sa respiration 
devint de plus en plus libre, elle semblait dormir. Malgré 
cette persistance du coma, pour prévenir de nouvelles con¬ 
vulsions, un second gramme de chloral fut injecté de la 


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— 152 — 


même façon à 10 h. 1/2 du soir, un troisième à 4 h. 1/2 du 
matin, le 1 er avril. 

Le même état de sommeil comateux, persista sans inter¬ 
ruption le l ?r avril, le 2, et le 3 jusqu’après l'accouche¬ 
ment ; pendant tout ce temps la malade ne prit aucune 
boisson, ne subit aucun traitement. 

Le 3 avril, à 2 h. du soir, trois jours pleins par consé¬ 
quent après la cessation des convulsions, le travail se 
déclare spontanément, et après avoir marché régulièrement 
il se termine spontanément aussi à 9. h. du soir. 

L’enfant, un garçon pesant 2 kil. 200, long de 0 m. 44, 
était vivant et il a survécu jusqu’à son passage avec sa 
mère dans un autre service. 

La mère après sa délivrance reprit peu à peu ses sens et 
elle était en pleine convalescence quand elle nous a quittés 
le 11 avril. Aucun abcès, aucune escharre ne s’était pro¬ 
duite au niveau des injections hypodermiques de chloral. 
Elles avaient donc été inoffensives ; avaient elles été inu¬ 
tiles, superflues ; avaient elles été inefficaces ? Evidemment 
non. Les quatre vingts heures qu’a duré le coma après la 
dernière attaque sont une preuve de la gravité du pronostic 
quand elles furent employées; l’inutilité des inhalations 
chloroformiques est une preuve du trouble profond de la 
respiration qui ne permettait probablement pas au chloro¬ 
forme d’être porté jusqu’aux vésicules pulmonaires; le 
rejet des lavements est un indice de l’état asphyxique du 
sang amenant l’intolérance du rectum. 

De toutes les fonctions la circulation persistait seule ; 
elle a permis au cüloral, convenablement étendu, d’être 
absorbé par la voie hypodermique assez complètement et 
assez rapidement pour éteindre l’excitabilité de l’axe ner¬ 
veux et prévenir toute nouvelle attaque. 

Il est impossible de voir entre cette injection hypodermi¬ 
que et la cessation des attaques, une simple coïncidence, et 


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— 153 — 


de ne pas attribuer à l’absortion rapide du chloral par cette 
voie le salut de la mère et de l’enfant. 

DEUXIÈME OBSERVATION. 

En 1882, je fus appelé en toute bâte, dans l’après-midi, 
rue des Quatre-Fils-Aymond, près d’une femme S..., âgée 
de 3U ans au moins. Elle était accouchée dans la matinée de 
son second enfant. Bien qu’elle eût eu, pendant sa grossesse, 
de la bronchite et de l’anasarque persistant encore le 
travail s’était passé régulièrement ; mais elle venait d'être 
brusquement prise d'attaques éclamptiques subintrantes 
dont la troisième se déroula sous mes yeux lors de mon 
arrivée près d’elle. 

Pendant que cette malade était encore dans le stertor, 
je m’empressai de lui injecter sous la peau du dos 0 gr. 60 
d’hydrate de chloral. 

Immédiatement la respiration cessa d’être râlante; puis 
peu à peu la malade recouvra, non pas sa connaissance, 
mais assez de sensibilité et de mouvements coordonnés 
pour prendre du chloral par la bouche. Enfin après une 
nuit de sommeil paisible, elle réclamait à manger, et la 
guérison ne se démentit pas car elle put nourrir son enfant 
avec succès, et d’autres qu’elle a eus depuis sans acci¬ 
dent. 

La connaissance que j’ai de la santé ultérieure de cette 
femme, me permet donc d’affirmer qu’il ne s’agissait pas 
d’épilepsie mais bien de véritable éclampsie puerpuérale. 

TROISIÈME OBSERVATION. 

Elle date de 1886. Elle porte sur une femme d’une qua¬ 
rantaine-d’années, grosse de huit mois et demi, multipare, 
atteinte de bronchite chronique ancienne, et aussi de 


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— 154 — 


néphrite, car ses urines rarissimes, brunes, extrêmement 
albumineuses offraient un sédiment très abondant de glo¬ 
bules rouges du sang et de moules fibrineux des reins. 

Appelé près d’elle, rue Sainte-Catherine, à sept heures 
et demie du matin, je la trouve sans connaissance, éco¬ 
rnante, râlante. Bientôt une nouvelle attaque éclamptique 
éclate sous mes yeux, puis d'autres sans aucun retour de 
la connaissance dans leur intervalle. Des injections hypo¬ 
dermiques de chloral de 0 gr. 50 chacune furent faites au 
fur et à mesure que les crises se répétaient ; celles-ci s’éloi¬ 
gnèrent d’abord, puis cessèrent complètement dans l’après- 
. midi. Mais, malgré cette disparition des convulsions, lé 
coma persista et la respiration resta stertoreuse. Aussi, 
au lieu d’insister sur la médication chloralique, fit-on 
deux saignées du bras tirant en tout 600 à 700 grammes 
de sang. Il n’en résulta qu’une amélioration insignifiante 
de l’état de la poitrine et le coma resta aussi profond qu’au- 
paravant. 

Enfin, l’orifice utérin finit par s’ouvrir et, dès qu’il le 
fût assez, à cinq heures du soir, je m’empressai d’appli¬ 
quer le forceps, mais je n’amenai qu’un fœtus mort déjà 
depuis quelque temps. 

Quant à la mère, malgré la disparition des convulsions, 
malgré l’évacuation de l’utérus, malgré la facilité de la 
délivrance, son état resta aussi grave et elle finit par suc¬ 
comber vers six heures et demie du soir. Une perte utérine 
assez abondante eut lieu quelques instants avant, mais 
insuffisante pour tuer, elle était bien plutôt l’effet que la 
cause de l’agonie. Cette issue fatale trouve facilement son 
explication dans le très grave état maladif antérieur de 
cette femme. L'empoisonnement urémique du sang paraît 
ici avoir joué le rôle principal, indépendamment des con¬ 
vulsions éclamptiques qui avaient cessé, environ cinq 
heures avant la mort, sous l’influence des injections chlo- 


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raliques. Cette cessation était tout ce qu’on pouvait leur 
demander : elles l’ont donné. 

QUATRIÈME OBSERVATION. 

Le 1*' mars 1889, à 4 heures 1/2 du soir, entrait à la 
Maternité, une jeune femme d’une vingtaine d’années, 
presque au terme de sa première grossesse, en état de mal 
éclamptique. Elle avait eu depuis le matin un nombre indé¬ 
terminé, mais considérable, d’attaques entre lesquelles elle 
n’avait donné aucun signe de connaissance. 

D’autres se produisent encore après son entrée, mais, 
après l’injection d’emblée d’un gramme de chloral sous la 
peau, elles cessent définitivement. La malade ne reprend 
pas ses sens, mais se retourne d’elle-même sur le côté, le 
visage au mur, et pousse quelques plaintes quand on la 
dérange, comme une personne accablée de sommeil. 

Malgré cet état relativement bon, et rappelant celui de 
notre première malade de 1882, et permettant d’espérer la 
même issue favorable, la malade mourut tout d’un coup, 
à minuit, sans agonie, sans convulsion, sans aucun com¬ 
mencement de travail. Comme les bruits du cœur fœtal 
semblaient avoir été entendus peu de temps avant la mort 
de la mère, l’opération césarienne fut faite sur le cadavre, 
mais trop tard encore pour donner un enfant vivant. 

L’autopsie n’ayant pu être pratiquée, nous ignorons les 
lésions, cérébrales ou pulmonaires, qui ont déterminé cette 
mort imprévue. Mais cela n’a pas d’intérêt au point de vue 
qui nous occupe ; le seul gramme d’hydrate de chloral 
injecté sous la peau de cette malade n’a évidemment joué 
aucun rôle dans cette issue funeste ; il n’a produit que ce 
qu’on cherchait en l’administrant ainsi, et il l’a produit 
très vite, la cessation complète des convulsions pendant 
les six heures de survie calme qui ont suivi son injection. 


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CINQUIÈME OBSERVATION. 


Elle date de 1889. Il sagit ici d’une jeune dame A..., 
de 20 ans, primipare, grosse de sept mois et demi, déli¬ 
cate, devenue enceinte dans la convalescence d’une fièvre 
typhoïde. Sa grossesse avait marché, paraît-il, passa¬ 
blement jusqu’au l #r décembre où, très probablement, 
sous l’influence de quelques jours de forte gelée, elle 
eut quelques vomissements et des maux de tête, après 
lesquels, le 3 décembre, elle eut une première attaque con“ 
vulsive à six heures du soir et une deuxième en ma pré¬ 
sence, à mon arrivée près d’elle, à six heures un quart. Je 
lui fis de suite l’injection hypodermique de un demi- 
gramme de chloral et les attaques cessèrent jusqu’à huit 
heures. A ce moment, nouvelles crises suivies de nouvelles 
injections, suivies à leur tour d’un nouveau répit de deux 
heures, pendant lequel la malade s’assit sur son lit, pro¬ 
nonça quelques paroles et put avaler quelques cuillerées 
de solution chloralique. Néanmoins, à dix heures, après 
de nouvelles attaques on injecte de nouvelles doses plus 
fortes de chloral et, pendant le calme qu’elles procurent, 
on administre le même médicament en lavement. De nou¬ 
veau la malade s’asseoit sur son lit, parle et boit. J’en 
profite pour lui administrer par la bouche, non seulement 
du chloral, mais un mélange de scammonée et de calomel. 
On fit de nouvelles injections de chloral le 4 décembre à 
une heure, à trois heures, et à six heures du matin. Dans 
cet intervalle de temps il y eut encore quelques crises, 
mais légères en comparaison des attaques subintrantes de 
la soirée précédente. La malade consomma ainsi en douze 
heures par diverses voies 16 grammes de chloral, dont le 
quart environ fut injecté sous la peau. 

Enfin les convulsions cessèrent tout à fait, l’orifice uté¬ 
rin commença à s’ouvrir dans la matinée, et vers une heure 


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— 157 — 


après midi, le fœtus mort-né était expulsé spontanément. 
Les suites de couches furent compliquées par des accidents 
de pneumonie bâtarde, se rattachant évidemment aux 
congestions violentes subies par le poumon pendant 
l’éclampsie, pneumonie dont la résolution fut très lente. 
En même temps l’albuminurie persista pendant au moins 
2 mois, malgré le régime lacté exclusif. 

La mort du fœtus et les complications des suites de 
couches montrent quelle était la gravité de ce cas, et font 
comprendre l’importance capitale qu’ont eue les injections 
sous cutanées de chloral dans sa guérison. Dans sa conva- 
lescence, la malade eut aux membres inférieurs des ulcé¬ 
rations très lentes à guérir, non pas au niveau des injec¬ 
tions chloraliques qu’on avait faites aux cuisses, au ventre, 
au dos, mais au talon et au creux poplité, points où avaient 
sans doute porté pendant le coma éclamptique des bouteil¬ 
les d’eau chaude. 

Si le chloral injecté sous la peau n’a pas chez cette 
malade supprimé tout d’un coup les convulsions, comme 
dans la première observation, son action n’en est que plus 
évidente puisqu’elle a pu être constatée à plusieurs reprises 
dans le cours de la nuit. Pour bien mettre en évidence 
cette action successive nous résumons les phases de ce cas 
dans un tableau synoptique. 


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— 158 - 

TABLEAU DE LA CINQUIÈME OBSERVATION. 


TEMPS. 

ATTAQUES 

CHLORAL 

SOUS LA PBAU. 

OBSERVATIONS 

COMPLBMBNTAIRBS. 

3 Décembre 6 h. soir. 

— 7 — 

Attaques. 

Coma. 

0 gr. 50 


- 8 — 

Attaques. 

Coma. 

0 gr. 80 


- 9 — 

Réveil incomplet 


Chloral par la bouche. 

— 10 — 

— 11 — 

Attaques. 

Coma. 

1 gr. 20 

Chloral en lavement. 

4 Décembre minuit 

Réveil imparfait. 


Chloral par la bouche. 

— 1 h. mat. 

— 2 — 


1 gr. au plus 

Purp&tif : Scammonée et 
Calomel. 

- 4 — 

- 5 - 

• 

- 6 - 

Attaques faibles. 

Coma. 

1 gr. au plus 

Selles diarrhéiques. 

— 7 — 

— 8 — 

— 9 — 

— 10 — 

- 11 - 

4 Décembre Midi. 

— 


Commencement de Ut di¬ 
latation. 

- 1 h. 

— 


Expulsion du foetus et du 
délivre. 


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SIXIÈME OBSERVATION. 


Celle-ci fut prise une semaine seulement après la précé¬ 
dente, en décembre 1889, sur une femme S., âgée de 
23 ans, arrivée au huitième mois de sa première gros¬ 
sesse, légèrement œdematiée aux jambes, qu’on amena 
de la ville à la Maternité en pleine puissance d’éclampsie, 
absolument sans connaissance, après avoir eu une dizaine 
d’attaques de 6 heures du matin à 5 heures du soir. 

A partir de cet instant où elle fut confiée à nos soins, 
l’observation fut prise assez exactement pour pouvoir être 
présentée sous forme de tableau indiquant à première vue 
les heures où les attaques se succédèrent, les heures et 
les doses des injections de chloral, et dans une dernière 
.colonne les détails complémentaires : 


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— 160 


TABLEAU DE LA SIXIÈME OBSERVATION. 


TEMPS. 

attaques. j 

CHLORAL 

OBSERVATIONS 

SOUS LA PEAU. 

COMPLÉMENTAIRES. 

11 décembre 5h. soir. 

11- 

0 gr. 10 


12— 




13me 

0 gr. 50 


— 6 — 

Coma. 




14“* 

0 gr. 10 


— 7 — 

15m. 


- 8 — 

Coma. 

0 gr. 10 



16- 

0 gr. 10 


i i 

o « 

i i 

il»» 

Antipyrine 0 gr. sons 1a 

0 gr. 10 


peau. 

_ u - 

Coma persistant. 

0 gr. 10 

Application du ballon, de 
Tarnier. 

— Minuit. 




12 décembre lh. mat. 


0 gr. 15 

Antipyrine 0 gr. 50 sons 

Demi réveil. 

la peau. 

Calomel } âa0«r.50. 




— 2 — 

18— 

1 gr. 90 sous 



19 mC et dernière. 


la peau par 


Coma. 

fraction de 
0,10 toutes 
les heures. 




iusqu’à 9 




heures du 




soir. 


— Midi. 

— 



— 9 h. soir. 

Demi réveil. 

2gr. danB la 




nuit par la 
bouche pâr 




fraction de 
0,30. 


— Minuit. 

— 



13 décembre 6 h. mat. 



Débat du travail. 

— Midi. 




— 2 b. soir. 



Délivrance complète. 


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— 161 — 


Sur ce tableau on voit clairement l’influence du chloral 
injecté sous la peau. Ainsi aussitôt après l’arrivée de la 
malade, trois attaques ont lieu dans l'espace d’une demi- 
heure, mais l’injection de 0 gr. 60 de chloral donne une 
heure de répit; — l’action de cette dose relativement faible 
s’épuisant, deux autres attaques éclatent coup sur coup, 
mais l’injection de 0 gr. 20 seulement de chloral donne 
presque deux heures de repos ; — par suite de l’accoutu¬ 
mance au remède ou de son élimination, deux nouvelles 
attaques se succèdent à quelques minutes, mais en 
reprenant les injections, 0 gr. 45 de chloral procurent 
5 heures de calme ; — néanmoins ces faibles doses ne plon¬ 
gent pas le système nerveux dans une sidération prolongée, 
ce qui est démontré par un demi réveil de la malade qui 
s’asseoit sur son lit et peut avaler un purgatif; aussi le 
chloral n’agissant plus, deux attaques subintrantes se mani¬ 
festent aussitôt après cette éclaircie, mais elles seront les 
dernières, car bien fixé sur la nécessité d’injecter le chlo¬ 
ral sous la peau malgré le coma persistant, on ne cesse 
plus d‘en donner à raison de 0 gr. 10 toutes les heures ; et, 
quand après 19 heures de calme, au coma éclamptique 
succcède une simple somnolence on remplace les injections 
sous cutanées par l'administration du précieux remède par 
la bouche à raison de 0 gr. 30 par heure, jusqu’au moment 
où le travail, vainement sollicité depuis 30 heures par l’ap¬ 
plication du dilatateur de Tarnier, commence à s’effectuer. 

Il marcha avec une grande lenteur ; la dilatation réclama 
13 heures ; l’expulsion du fœtus et des annexes eurent lieu 
naturellement après 15 heures de travail, sans aucune con¬ 
vulsion, le 13 décembre vers 9 heures du soir, 43 heures 
par conséquent après la cessation complète de l’Eclampsie. 

Le fœtus un garçon était macéré, sa mort élait donc 
déjà ancienne, antérieure sans doute à l'entrée de la malade 
à la Maternité et à l’administration du chloral. Il pesait 
2,000 gr. et mesurait 46 centim. 11 


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— 162 — 


La mère eut après sa délivrance une soif ardente mais 
sans aucune fièvre ; jamais dans la première semaine des 
couches, la température axillaire ne s’éleva au-dessus de 
37° ni le pouls au-dessus de 80. L’albuminurie cessa après 
la montée laiteuse le 5* jour des couches. Cette malade 
passa ensuite dans le service de médecine d’où elle sortit 
le 21 février^ suivant, sans avoir, que je sache, présenté 
autre chose qu'un lent rétablissement, sans abcès, sans 
escharres aux endroits où avaient été pratiquées les 30 pi¬ 
qûres environ qu’elle avait subies, pour recevoir 3 gram¬ 
mes 15 de chloral sous la peau, en 28 heures environ. 

Combien est faible cette dose comparativement à celle 
qu’il aurait fallu injecter dans le rectum, à raison de 4 gr. 
par chaque lavement pour obtenir des effets semblables, 
à la condition que les lavements fussent intégralement gar¬ 
dés. En outre, avec cette méthode d’administration rectale 
on se prive de la possibilité de purger les malades, purga¬ 
tion si utile pourtant de l’avis du plus grand nombre des 
praticiens pour combattre la cause de l’éclampsie quelle 
quelle soit. 

SEPTIÈME OBSERVATION. 

Celle-ci toute récente a été recueillie au mois de sep¬ 
tembre dernier à la maternité, sur une femme B... âgée de 
20 ans, primipare, arrivée à huit mois au moins de gros¬ 
sesse, œdématiée aux jambes. 

Après plusieurs jours de céphalalgie, une journée de lit à 
cause de rachialgie, elle a été prise de convulsions le 
27 septembre à 11 heures du matin, et à partir de 5 heures 
du soir elle n’a plus repris connaissance dans l’intervalle de 
ses attaques. 

C’est dans cet état de coma qu’on l’amène à la maternité 
à 8 heures du soir ayant déjà eu, nous dit-on, neuf atta¬ 
ques. 


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- 163 - 


La température axiliaire s’élève à près de 39° 1/2 et le 
pouls bat 128 fois par minute. C’est donc encore là uji cas 
grave, très grave. 

Le museau de tauche est effacé et son orifice a la dimen¬ 
sion d’une pièce de cinquante centimes; mais ses bords 
sont encore épais. 

A partir de cet instant, la précision de l’observation 
permet de représenter dans un tableau synoptique la mar¬ 
che de la maladie et l’influence qu’elle subit de la part des 
injections hypodermiques de chloral. 


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— 164 — 


TABLEAU DE LA SEPTIÈME OBSERVATION. 


TEMPS. 

ATTAQUES. 

CHLORAL 

SOUS LA PEAU. 

OBSERVATIONS 

COMPLÉMENTAIRES. 

27 septembre 8 h. soir. 

I0“* 

il»» 

Ogr. 10 
Ogr. 10 

L’orifice utérin admet à 
peine la pulpe digitale. 
TA—39*3—P «128. 


Coma. 

; 


— 9 — 

12®« 

Coma. 

Ogr. 10 
Ogr. 70 

1 gr. 50 antipyrine sous la 
peau. Pas Rabaissement 
nota ble de la température 

— 10 — 

]3 Be 

Coma. 

1 gr. 

Dilatation mécanique de 
l’orifice avec un, deux et 
trois doigts. 

- Il - 

14m. 

I gr. 

Contractions manifestes. 

Coma. 

Ogr. 20 

1 gr. 50 antipyrine sous la 
peau. Pas d’abaissement 
notable de la température 

28 septembre Minuit. 

— 1 h. mat. 

• 

lo™ et 

I6 mi faibles. 

Coma. 

Ogr. 20 

Ogr. 20 

Orifice en bonne voie de 
dilatation. 

T A — 39*3 — P — ISO. 

— 2 — 

— 

Ogr. 10 

Expulsion spontanée du 
fœtus vivant. 

— 3 - 

— 

Ogr. 10 

Délivrance spontanée. 

— 4 — 

— 

Ogr. 10 



— 

Ogr. 10 


— 5 — 

— 

Ogr. 10 

T A — 38*6. 


Sommeil calme. 

Ogr. 10 


— 6 — 

id. 

Ogr. 10 


— 8 — 

id. 

0 gr. 10 

T A — normale. 

— Midi. 

Demi réveil. 

0 gr. 10 


— 2 h. soir 

Sommeil. 

Ogr. 10 


29 septembre matin. 

Retour delà con¬ 
naissance. 




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Sur ce tableau on voit l’intervalle des attaques s’allonger 
de plus en plus sous l’influence du chloral: 10 minutes, 30 
minutes, 45 minutes, 50 minutes, 70 minutes, et enfin 
3 heures s’écoulent sans attaque jusqu’à la délivrance, et 
elles ne paraissent plus ensuite. 

Ici les attaques sont isolées, une à une, au lieu d’être 
géminées deux par deux, comme dans le tableau de la sixième 
observation, cela tient peut être à ce que les injections 
furent faites ici aussitôt après les attaques, et à plus fortes 
doses, tandis que dans le cas précédent, craignant à tort 
d’augmenter le coma, on attendait la preuve de la tendance 
des attaques à se reproduire pour faire les injections. 

L’allong6ment des intervalles est ici moins rapide que 
dans la sixième observation, malgré des doses plus fortes, 
mais il faut tenir compte ici de l’influence excitatrice du 
travail qui manquait complètement dans l'autre cas. 

Notons en passant qne l’antipyrine administrée dans les 
deux cas dans l’espoir d'abaisser la température a été sans 
influence appréciable. 

Les suites de couches furent normales sauf une fréquence 
exagérée du pouls (90) persistant jusqu’au neuvième jour 
bien que la température fut normale dés le premier jour. 

Dans ces suites de couches on ne constata ni escharres, 
ni abcès au niveau des injections faites en plus de 30 points 
différents. L’enfant a été envoyé en nourrice au bout de la 
première semaine en bonne santé. 


Ce ne sont pas là les seuls cas d’éclampsie puerpuérale 
que nous ayons traités depuis dix ans, mais seulement ceux 
°u le chloral injecté sous la peau a joué un rôle important 


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— 166 — 


dans le traitement. Dans nos autres cas, généralement moins 
graves, ou bien le chloral n*a pas été donné du tout, ou il 
l’a été par une autre voie, ou s’il a été donné en injections 
hypodermiques il l’a été à faible dose, passagèrement, et 
n’a été qu’un moyen curatif accessoire, aussi croyons-nous 
passer ces autres cas sous silence. 


Le moment est venu de jeter un coup d’œil d’ensemble 
sur les sept observations que nous venons de relater. 

Nous croyons d’abord qu’il a suffi dans tous les cas d’une 
dose initiale de 0 gr. 50 à 1 gramme injectée sous la peau 
pour obtenir immédiatement une sédation évidente et faire 
cesser la subintrance des attaques, tandis que la dose qu’on 
prescrit d’ordinaire d’emblée dans un premier lavement est 
de 2 et même 4 gr. Nous croyons donc pouvoir dire qu’in¬ 
jecté suffisamment dilué dans le tissu cellulaire sous-cutané 
le chloral agit au moins quatre fois plus énergiquement 
que donné dans le rectum, et que son effet thérapeutique 
est plus rapide. 

Nous voyons aussi que dans aucun cas la quantité totale 
injectée sous la peau, peur maintenir constamment le sys¬ 
tème .nerveux dans l'influence du remède, n’a dépassé 
5 grammes; que dans la plupart des cas cette quantité n’a 
été que de 3 à 4 grammes au plus, et n’atteint par consé¬ 
quent pas le quart de celle que les auteurs les plus modérés 
conseillent d’administrer dans le même laps de temps par 
le tube digestif. 

Tantôt cette quantité totale a été donnée (observation 
première) en 3 fois à 8 ou 10 heures d’intervalle; tantôt 
* (observation sixième) après une forte dose initiale elle a été 


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administrée à doses fractionnées de 0 gr. 10 ou 0 gr. 20 
d’heure enheure en moyenne. De ces deux méthodes, 
quelle est la meilleure ? Il est bien difficile de le dire et de 
poser une règle générale absolue applicable à tous les cas. 
Le mieux sans doute est de se guider d'après le résultat 
obtenu par la forte dose injectée en débutant. 

Ce résultat varie en effet d'une femme à l'autre, en raison 
peut-être du degré variable de l’empoisonnement urémique, 
mais certainement aussi en raison de l'état de rorifice et 
des contractions de l’utérus, de l’imminence plus ou moins 
grande du travail et de l'expulsion plus ou moins prochaine 
du fœtus de ses annexes. A ce dernier point de vue, quand 
il n'y a encore aucun travail, aucune espérance de pro¬ 
chaine délivrance il vaut probablement mieux, puisqu’on 
prévoit qu’il faudra continuer longtemps le remède, agir 
par petites doses rapprochées afin de ne pas trop prolonger 
ou augmenter le sommeil comateux si l’on veut profiter 
d'une éclaircie pour administrer un purgatif comme dans 
les observations 5 et 6. 

Quand au contraire il y a un commencement de travail, au 
début de la période de dilatations de l’orifice principalement, 
on peut être conduit à donner de plus fortes doses sans les 
espacer d’avantage comme dans la septième observation. 

Mais je le répète, je crois qu'il ne faut pas vouloir suivre 
une règle générale, et au contraire dans chaque cas s'ins¬ 
pirer de l’état de la malade. 

Assez souvent une malade éclamptique après être restée 
sous l’influence du chloral plusieurs heures, sans convul¬ 
sion, mais dans le coma, se réveille, s’asseoit sur son lit, 
prononce quelques mots, boit même volontiers ce qu’on lui 
présente, et à cette vue son entourage se réjouit. Mais il ne 
faut pas se fier à ce retour apparent de connaissance. Ce 
demi réveil n’est d’ordinaire que le prélude de nouvelles 
attaques. Aussitôt qu’il commence à se produire* on doit 


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doncs’empresssr, quoiqu'il en coûte, de replonger la malade 
dans le sommeil chloralique, par l'injection sous-cutanée de 
quelques décigrammes du médicament, plutôt que d’atten¬ 
dre qu’elle soit assez éveillée pour en prendre quelques 
grammes par la bouche. Il n’y a lieu da favoriser le 
réveil des éclamptiques, que si on veut leur administrer 
des évacuants intestinaux. En dehors de cette indication, 
qu’on les laisse et qu’on les fasse dormir, et le sommeil 
artificiel peut être prolongé indéfiniment sans le concours 
delà déglutition par les injections sous cutanées de chlo- 
ral, infiniment plus commodes à administrer que des lave¬ 
ments pendant le coma ou les convulsions. 

D’un autre côté il y a des cas où l’injection hypodermi¬ 
que de chloral n’a pas sa raison d’être c’est quand la 
malade reprend ses sens et qu’on peut lui administrer faci¬ 
lement les médicaments aussi bien par la bouche que par 
le rectum. Mais ce sont là des cas légers, bénins comparati¬ 
vement à ceux consignés ci-dessus. 

Il y a aussi des cas où, les convulsions éclamptiques ne 
se produisant qu’à la fin de la période d’expulsion du fœtus 
ou même au moment de la délivrance et cessant bientôt 
spontanément sous l’influence de l’évacuation utérine, le 
chloral n’est pas nécessaire et ne doit être administrée 
par aucune voie. 

La médication chloralique ne vise donc pas toutes les 
indications que doit rechercher et remplir le médecin en 
présence d’une femme éclamptique. Il ne doit perdre de vue 
ni la cause prédisposante, ni les causes occasionnelles des 
convulsions, ni les désordres qu’elles amènent à leur suite. 
C’est pourquoi telle femme doit être purgée, telle autre 
saignée, telle autre accouchée, etc. 

Aussi bien, de même que dans les cas où nos malades ont 
guéri, ne doit-on pas attribuer au chloral seul et à son 
mode d’administration sont l’honneur du succès, de même 


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— 169 — 


dans les cas d'insuccès ne peut-on pas l’accuser d’avoir été 
inefficace. 

Bien au contraire, puisque dans ceux-ci la mort n’est 
survenue que plusieurs heures (quatre heures dans un cas, 
obser. IIÎ), (six heures dans l’autre, obser. IV), après que 
l’injection hypodermique de chloral avait fait cesser les 
convulsions aussi complètement et aussi vite que dans ceux 
qui ont guéri. 

S’il est des maladies où les statistiques puissent servir à 
démontrer la supériorité d’une méthode de traitement, l'é¬ 
clampsie puerpuérale n’est certainement pas du nombre en 
raison de la multiplicité des indications qu’elle présente, 
de la variété des circonstances où elle éclate, de l’impossi¬ 
bilité, pour un médecin judicieux et conscienceux, de les 
soumettre tous à un traitement identique, exclusif et systé¬ 
matique. 

On trouve pourtant dans les livres des statistiques de ce 
genre, et je sais un auteur qui parle de séries de cas d’é¬ 
clampsie traités exclusivement par le chloral (comme si 
cet exclusivisme était possible), et qui accuse une morta¬ 
lité de 4% ! 

Peut être m’objectera-t-on qu’avec les injections sous 
cutanées j’ai eu une mortalité bien supérieure, 2/7 et vou- 
dra-t-on en conclure que l’administration par la bouche et 
par le rectum est bien préférable; mais ce chiffre de 4% 
indiqué comme mortalité de l’éclampsie perpérale est 
tellement merveilleux qu'on ne doit l’accepter que sous 
réserves. Malgré la grande valeur que possède le chloral, 
comment croire qu’il ait fait tomber la mortalité de l’é¬ 
clampsie de 45 et 50 °/ 0 , qui sont les chiffres donnés par les 
auteurs antérieurs à 1870, à celui de 4 °/ # en 1880 ? 

Mais même si ce chiffre de 4 °/ e est exact, l’objection ne 
me touche guère plus, car les sept cas qui sont la base de 


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— 170 — 

ce travail ne sont pas quelconques mais choisis pour ainsi 
dire parmi les plus graves de tous. 

Ainsi les trois malades des observations IV, VI et VII, 
ne furent amenées à la maternité qu’après 8 ou 10 h, au 
moins de convulsions, pendant lesquelles elles afaient été 
vues chez elles par des médecins, et elles n’étaient amenées 
à l’hôpital qu’en raison de la haute gravité de leur état et 
de l’insuccès démontré ou probable du traitement qu’on 
leur avait prescrit à domicile. 

D’ailleurs j’ai déjà dit plus haut que j’avais eu l’occasion 
d’observer et de traiter d’autres cas d’éclampsie qui ont 
guéri et que je n’ai pas cru utile de faire figurer dans cette 
étude, parceque dans ces guérisons le chloral n’a joué qu’un 
rôleaccessoire. 

Au contraire dans les sept cas dont il s’agit ici, l’extrême 
gravité des symptômes, tout en indiquant impérieusement la 
médication chloralique, rendait impossible ou très difficile et 
infidèle son administration par les voies digestives, et ne 
me laissait d’autre moyen d’introduire le médicament dans 
l’organisme que la peau ou les veines. Or dans tous ces cas 
la voie hypodermique a suffi à donner des résultats avan¬ 
tageux, à produire tout l’effet physiologique dont le chloral 
est susceptible quand il est administré par les autres voies. 

Il n’y a pas que l’éclampsie puerpuérale où l’on puisse 
employer les injections sous cutanées de chloral; on peut 
naturellement le faire dans les éclampsies d’autre origine : 
infantile, scarlatineuse, saturnine, etc. Nous les avons 
appliquées il y a déjà cinq ou six ans dans des cas de ce 
genre : une fois avec un succès immédiat et complet, chez 
un enfant d’un an, en proie à des convulsions durant sans 
interruption depuis plusieurs heures malgré l’emploi de 
tous les moyens habituellement prescrits, bains, sangsues, 
bromure de potassium, etc. Une autre fois elles firent éga¬ 
lement merveille chez un jeune garçon, apprenti peintre, 


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— 171 - 


dont l’urine était albumineuse et qui avait déjà eu plusieurs 
attaques éclamptiques subintrantes quand je lui injectai le 
chloral sous la peau. Je puis affirmer qu’il ne s’agissait pas 
là d’épilepsie car j’ai pu suivre ce jeune homme plusieurs 
années apres ces accidents. Je dois dire qu’une autre fois 
chez un petit enfant de moins de six mois, elles échouèrent 
complètement. S’agissait-il dans ce dernier cas de convul¬ 
sions avec lésion intracrâniennes, hémorhagie méningée 
par exemple ? L’absence d’autopsie ne permet pas de l’af¬ 
firmer mais on peut le supposer. 

Le chloral administré par le tube digestif a rendu les 
services les plus signalés dans le traitement des tétaniques; 
mais il est des cas où son administration par la bouche 
devient impossible en raison du spasme pharyngien que 
son âcreté provoque plus facilement encore que la déglu¬ 
tition de tout autre liquide. D’un autre côté la voie rectale 
se refuse bien vite à l’absorption des fortes doses de chloral 
qu’il faut donner pendant longtemps dans le tétanos. 

C’est ce qui nous est arrivé dans un cas de cette mala¬ 
die, et nous avons été ainsi conduits, forcés même de 
recourir à son administration sous-cutanée ; mais sans grand 
avantage, bien que le chloral produisit ainsi ses effets cal¬ 
mants, parce que ces injections sont trop douloureuses 
pour ces malades pleins de connaissance et dont la sensi¬ 
bilité est plutôt exaltée qu’émoussée. 

Elles le seraient moins si on injectait du même coup de 
la morphine et du chloral. Grâce à ce mélange nous avons 
pu faire dormir pendant des mois une névropathique qui 
ne pouvait prendre aucun médicament par l’estomac, et à 
qui la morphine seule ne procurait pas de sommeil. Chez 
cette malade très sensible, l’injection de chloral seul pro¬ 
curait au contraire le sommeil, mais elle provoquait au 
niveau des piqûres, des douleurs si intolérables, qu’elle 
préférait rester éveillée que d’avoir à les subir. Les injec- 


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— 172 — 


tions mixtes de chloral et morphine étaient au contraire 
acceptées, et cette malade a même fini par se les pràtiquer 
elle-même. 

J'ai pu aussi constater sur cette malade très amaigrie et 
dont la nutrition était problématique que si l'injection était 
mal faite, trop superficiellement ou trop brusquement, il se 
produisait des escharres brunâtres, sèches, se détachant 
sans aucune suppuration, quoique laissant à leur place des 
cicatrices. Mais ces inconvénients étaient évités quand l’in¬ 
jection était poussée assez lentement pour permettre aux 
premières gouttes d’être absorbées avant d’en instiller de 
nouvelles 

Dans tous les autres cas, aussi bien chez les jeunes 
enfants que chez les parturientes éclamptiques, je n’ai 
jamais constaté d'accident au niveau des piqûres. Et pour¬ 
tant chez les éclamptiques, les injections chloraliques furent 
souvent faites par des élèves sages-femmes peu habituées 
à la manœuvre de la seringue de Pravaz. 

CONCLUSIONS. 

I. — Comme un grand nombre d'autres médicaments, 
l'hydrate de chloral est susceptible d’être injecté sous la 
peau, et très rapidement absorbé par le tissu cellulaire 
de façon à exercer son action sur le système nerveux cen¬ 
tral très vite et très sûrement, aussi bien, si non mieux que 
par les voies digestives. 

II. — Pour que cette injection du chloral soit sans 
inconvénient et efficace, il est nécessaire de prendre cer¬ 
taines précautions : 1° [rejeter complètement les solu¬ 
tions à — et à -i- proposées et employées jadis, dont 

l’action caustique non seulement produirait une vive 
douleur, mais des escharres et des coagulations nuisibles à 
l'absoption Tapide du remède, et n'employer que la solu- 


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— 173 — 


tion à -i- qui a en outre l’avantage de se prêter à 

l’appréciation plus simple des doses injectées puisqu’avec 
elle, chaque seringue pleine répond à un décigrarame de 
substance active. 

2° Porter l'aiguille en plein hypoderme et surtout vous - 
ser le piston avec une grande lenteur , de façon que le 
liquide arrive peu à peu se mélanger à la lymphe sans la 
coaguler. 

III. — Ces injections de chloral sont surtout applicables 
dans les cas de convulsions éclamptiques, puerpérales ou 
non puerpérales où la voie buccostomacale est infranchis¬ 
sable aux médicaments et la voie rectale souvent intolérante, 
et où l’absence complète de sensibilité permet de les em¬ 
ployer sans douleur. 

IV. — La vivacité de cette douleur ne permet guère de 
les employer chez les malades éveillés et sensibles, à moins 
qu’elle ne soit atténuée par le mélange au chloral de mor¬ 
phine ou peut-être de cocaïne. 

Y.—Dans le tétanos aigu, à forme dysphagique ou hydro¬ 
phobique où le médicament ne 'peut plus être ingéré par la 
bouche ou par le rectum en quantité suffisante, on devrait 
peut-être pour ménager l’irritabilité excessive de ces ma¬ 
lades, préférer aux injections hypodermiques, l’injection 
intraveineuse du médicament. 

L’énormité du danger couru dans cette forme de tétanos 
pharyngien justifierait sans doute la hardiesse et les ris¬ 
ques de cette méthode condamnable et condamnée dans la 
plupart des autres cas, et restée jusqu’à ce jour à peu près 
inusitée bien qu’elle ait été inaugurée presque dès l’appa¬ 
rition du chloral dans la thérapeutique. 


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RAPPORT 


SUR LE 

ILÆÉ^CŒRÆ] Q,TJI FK/BOÈ3DB 

Par M le Docteur ARQUÉ. 


Séance du 4" mai 1891 . 


Messieurs, 

Ancêtres de notre Société dans le siècle qui précéda le 
nôtre, puis restaurateurs de cette compagnie savante, 
emportée, comme tant d’autres institutions, par les tem¬ 
pêtes de la Révolution, les médecins et chirurgiens avaient 
toujours occupé une place d’honneur dans la direction, 
dans les discussions, dans la vie intime de la Société nou¬ 
velle, relevée sur leur initiative et soutenue par leurs tra¬ 
vaux. 

En feuilletant vos bulletins, vos annales ou vos mé¬ 
moires, Messieurs, on y rencontre de nombreuses présen¬ 
tations purement médicales et chirurgicales. Toutes les 
branches des sciences principales ou accessoires de l’art 
de guérir, leur fournissent d’intéressantes communica¬ 
tions. On y voit reparaître souvent des noms bien 
connus de nos plus anciens, toute une pléiade médi¬ 
cale, active et vivante, puis... tout à coup, le silence se 
fait et nous n’entendons plus les médecins et les chirur¬ 
giens élever la voix qu’à intervalles de plus en plus éloi- 


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- 175 — 


gnés; bientôt même — si je recueille seulement mes 
propres souvenirs — ce n’est plus qu’à l’histoire de la 
médecine, à la biographie ou à la statistique, à l’archéo¬ 
logie médicale ou étrangère à notre art, voire même à 
la littérature, que notre section ose emprunter ses publi¬ 
cations. 

Aussi, se faisaient-elles de plus en plus rares. A moins 
d’avoir la chance de fureteur intrépide du docteur Char- 
pignon, on ne rencontre pas tous les jours —j*en cite deux 
entre mille — la pierre tombale du guérisseur de cancer, 
l’abbé Gendron, comme marbre ornant son secrétaire, ou 
bien l’inscription célèbre de Genabum sous une gouttière 
du faubourg Saint-Vincent. 

Les médecins avaient-ils craint, tout-à coup, de ne plus 
être compris de leurs collègues des autres sections en 
parlant exclusivement médecine ? Avaient-ils trouvé oné¬ 
reux d’habiller, à l’usage de leur public d’élite, leur pensée 
médicale ? Il est si difficile quand on a le lourd manteau 
de la science sur les épaules, d’en arranger seulement les 
plis, d’en disposer les contours aux yeux délicats ! Non. 
Quelle glace était venue arrêter subitement l’ardeur de 
nos collègues? 

Il est sans doute, dans les mondes les plus minuscules, 
des rivalités d’intérêt ou d’amour-propre que les siècles 
ont rencontrées, en grand, d'âge en âge : faction bleue 
et faction verte, querelles de rose rouge et de rose blanche, 
tempêtes même dans un verre d’eau... Ne se permet-on 
pas, d’ailleurs, à notre endroit, des insinuations aimable¬ 
ment perfides, en comparant notre dignité chatouilleuse 
à celle des autres disciples d’Apollon, les poètes : irritabile 
genus ! 

Quoi qu’on en puisse penser, j’aime mieux n’en rien 
savoir et ne pas demander aux souvenirs d’antan, aux éphé- 
mérides d’alors si la bise avait soufflé dans nos rangs. 


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— 176 - 


Mais il est impossible 4© ne pas constater ce refroidis¬ 
sement subit. Quelques braves seuls s’aventuraient. 

Apparent rari nantes ! 

A leur tête et toujours sur la brèche, l’infatigable 
D r Charpignon, dans la vingtaine de communications faites 
en vingt ans, est pour plus de moitié : notices historiques, 
biographiques, archéologiques, rapports sur les mémoires 
présentés... Ses émules en hasardent deux ou trois seule¬ 
ment, franchement chirurgicaux. Abstention complète de 
la médecine pure. Tel est le bilan de cette période. 

Enfin, en 1887, la glace fut rompue. Un nouvel arri¬ 
vant voulut offrir, comme don de joyeux avènement, un 
travail exclusivement médical. Le D r Geffrier présenta 
deux cas de complications rares dans les diphtéritiques 
du service des enfants. Malgré l’issue malheureuse, indé¬ 
pendante de la valeur de la méthode de traitement et de 
l’habileté de l’opérateur, ils donnèrent au rapporteur le 
D r Pilate, l’occasion de nous faire faire une visite pitto¬ 
resque dans l’intérieur de ce service d’enfants et une 
excursion de touriste et de médecin dans ce pavillon dû à 
la munificence du D r Payen, un de nos anciens présidents; 
région inexplorée encore par plusieurs et pleine d’intérêt 
pour tous. 

Puis, lui-même ouvrait, l’année dernière, ses notes gyné¬ 
cologiques et nous racontait les péripéties variées de dix 
ovariotomies, dont huit réussies ; et, il y a quelques mois, 
même succès dans dix autres cas nouveaux. Ces vingt 
observations nous seront rappelées bientôt dans un de ces 
rapports qui sont de vrais mémoires, merveilleux écrins 
donnant plus de valeur encore aux richesses qu’ils ren¬ 
ferment. .. Sachons attendre. 

Entre temps, le D r Geffrier nous avait fait suivre les 
pérégrinations des épidémies de diphtérie au travers des 


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— 177 — 


divers qua. tiers d’Orléans, et le D r Patay lui avait prêté, 
pour fixer son travail dans nos annales, son assistance 
confraternelle. 

A l’une de nos dernières séances, c’était le D r Deshayes, 
qui traitait, avec sa compétence spéciale, de l’Emploi de 
l'Hydrate de Chloral en injections sous-cutanées dans 
les maladies convulsives et particulièrement dans 
VÉclampsie puerpérale. 

|" Pour moi, Messieurs, je n’essaierai pas de faire un tra¬ 
vail à côté du travail de M. le D r Deshayes. Je me conten¬ 
terai de vous signaler et de vous souligner , dans le sien, 
les points plus intéressants ou plus nouveaux. Pas plus 
que notre confrère je n’entreprendrai de passer en revue 
les nombreux moyens employés contre les affections spas¬ 
modiques graves, et, en particulier, contre la terrible 
éclampsie puerpérale. Ils sont trop variés pour qu’il y en 
ait un, vraiment sûr ; cette richesse est de l’indigence. 

M. Deshayes vient-il ajouter encore à cette abondance 
un nouveau venu? Nullement. A on nova, sednovè. On 
avait essayé avant lui d9 l’hydrate de chloral, Intus et 
extra ; et l'on n’avait pas été heureux, par la méthode 
hypodermique, si bien que les auteurs en étaient venus 
même à la proscrire complètement comme inefficace et 
dangereuse. M. Deshayes s’inscrit en faux contre cette 
prétention, et, preuves en main, il montre qu’il a réussi 
où tant d’autres avaient échoué. 

Il a, conduit par la nécessité, alors que les divers moyens 
lui manquaient, restaient inutiles ou impossibles à employer, 
il a repris, à nouveau, les injections de chloral sous la 
peau, mais dans d’autres conditions d’administration ; non 
plus à doses concentrées comme on l’avait fait jusque là ; 
d’où les échecs répétés au point de vue des crises ou des 
accidents subséquents : nodosités, escharres, phlegmons ; 

12 


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— 178 — 


d’où enfin le discrédit dans lequel était tombée la méthode. 
Il a su rendre la peau tolérante et l’absorption du précieux 
médicament possible. Et comment ? 

En agissant plus doucement, plus lentement, avec plus de 
prudence dans l’injection pour ne pas, ce que j’appelle, 
surprendre le tissu cellulaire, afin de lui donner le temps 
d’absorber, non plus un liquide caustique, coagulant, 
inadmissible et dangereux pour les tissus sousjacents et 
pour la peau elle-même, inutile, dès lors, pour combattre 
la maladie spasmodique, mais une solution plus modérée, 
acceptable par le milieu et susceptible par sa répétition 
inoffensive d’atteindre enfin le but désiré. 

Le procédé est aussi simple que cela. Fallait il enfin le 
trouver : comme pour l’œuf de Christophe Colomb. 

L’hydrate de chloral à gramme permet de doser ex¬ 
actement le médicament employé, d’en continuer ou d’en 
suspendre l’usage, suivant le besoin, aussi longtemps que 
les crises reparaissent, et cela, saus aucun des inconvé¬ 
nients signalés et redoutés par nos auteurs. 

Nous n’avons pas à rechercher, ici, la pathogénie de 
l’éclampsie puerpérale ou autre, celle des affections téta¬ 
niques, et, par quel procédé thérapeutique le chloral agit 
sur elles ; s’il calme seulement l’excitabilité du bulb3 ou 
s’il tue le microbe encore inconnu de la maladie elle- 
même. Non, il nous suffit de suivre notre collègue dans les 
détails des sept observations qu’il a groupées pour déve¬ 
lopper et appuyer sa thèse ; d’examiner les tableaux, où les 
phases de la maladie et du traitement sont gravées d’heure 
en heure ; d’étudier les déductions et les conclusions qu’il 
en tire, pour être convaincu de la valeur de la méthode. 

Je la résume sous forme aphoristique. 

— Dose initiale de chloral moindre : 0 gr. 50 à 1 gr. au 
lieu de 2 à 4 grammes, ordinairement employés pour la 


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179 - 


première injection rectale, tout en agissant quatre fois 
plus énergiquement et plus rapidement. 

— Quantité totale en 24 heures, pour maintenir la séda¬ 
tion constante : 5 gr. au plus, souvent seulement 3 ou 4; 
même pas le quart des doses conseillées pour l’administra¬ 
tion par le tube digestif : bouche ou rectum. 

— Cette quantité totale donnée : tantôt en trois fois, à 
8 ou 10 h» d'intervalle, tantôt à doses fractionnées, de 
0 gr. 10 à 0 gr. 20, d’heure en heure, en moyenne. Le 
mode d’administration variant suivant les résultats, suivant 
les cas et suivant les personnes, selon aussi l’état du travail 
puerpéral plus ou moins avancé. 

— La règle est : de laisser ou de faire dormir, tant 
que la personne est en puissance d’attaques. — Exception : 
seulement pour l’évacuation nécessaire du tube intestinal 
ou pour la révulsion, jugée utile, par un purgatif. 

— Dans les cas graves préférer toujours les injections 
hypodermiques. Dans les cas légers la voie buccale ou 
rectale peut être indifféremment acceptée. 

— Le chloral est inutile dans les convulsions éclampti- 
formes qui paraissent au moment de la délivrance et qui 
cesseront d’elles-mêmes. 

— Il ne vise pas toutes les indications ; c’est au praticien 
de juger si € telle femme doit être purgée, telle autre soi¬ 
gnée, telle autre accouchée, etc. » Telle autre enfin seu¬ 
lement chloralisée. 

Le docteur Deshayes n’est pas exclusiviste comme cer¬ 
tains, qui prêtent au chloral des succès de 96 0 / o en 
l’année 1890, tandis que la mortalité était encore de 45 à 
50 °/. en 1870, avant son introduction dans la thérapeu¬ 
tique. 

Nous posons les mêmes points d’interrogation devant ces 
résultats si magnifiques et nous nous contenterions, comme 
lui, des 2/7“*\ 


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— 180 — 


En dehors de la puerpéralité, les injections de chloral 
ont été avantageusement employées dans les éclampsies 
d’origine: infantile, scarlatineuse, saturnine, etc. Voire 
même dans le tétanos, alors que l’àcreté du médicament 
rendait son administration impossible par la bouche, en 
raison du spasme pharyngien, et, que l'introduction répétée 
par la voie rectale ne permettait plus l’absorption ; seule¬ 
ment dans le tétanos, où la sensibilité est plutôt exaltée, la 
méthode hypodermique était mal tolérée à cause de la 
grande douleur que provoque le chloral; l’addition de la 
morphine ou de la cocaïne le faisait mieux accepter. 

Nous pouvons donc accueillir, en les résumant, les con¬ 
clusions du docteur Deshayes : 

I. — Possibilité des injections hypodermiques de 
chloral ; rapidité et sécurité , autant et sinon mieux que 
par les voies digestives. 

II. — Précautions à prendre : 1° rejet des anciennes 
solutions à 1/2 ou 1 /5, à cause de leur causticité et de la 
non-absorption du médicament; emploi de la solution 
1/10”; chaque seringue pleine donnant un décigramme 
de substance active; 2° portée de l'aiguille en plein hypo- 
derme; poussée lente, pour que le liquide se mêle à la lym¬ 
phe, peu à peu, sans la coaguler. 

III. — Injections du chloral dans les convulsions 
éclamptiques, quand la voie buccale est infranchissable 
et la voie rectale intolérante : l’absence de sensibilité chez 
ces malades, supprimant la douleur qu’elles occasionnent. 

IV. — Les malades éveillés ou sensibles ne tolèrent pas 
la douleur vive occasionnée par le chloral ; le mélanger 
à'la morphine ou à la cocaïne. 

V. — No is n’oserions aller jusqu’aux injections in¬ 
traveineuses du chloral pour ménager l’irritabilité des ma¬ 
lades tétanisés. 


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— 181 — 


J’ai le regret, en finissant, Messieurs, d’avoir à chercher 
querelle à mon confrère, in caudâ venenum , — pas une 
querelle d’allemand cependant, — car, tout au rebours de 
certaine lymphe d’outre*Rhin, sortie trop prématurément 
et malencontreusement de ses langes, avant d’avoir eu le 
temps de mûrir assez, pour savoir se dégager de nuages, 
qui ne sont ni digûes, ni médicaux, le procédé du D r Des- 
hayes, plus franc et plus Français, à ciel ouvert et sans rien 
du remède secret, nous arrive, après dix ans d’expérimen¬ 
tation. Pourquoi ne nous l’a-t-il pas confié plus tôt? Tous, 

— comme nous le lui disions après la lecture de son travail, 

— tous nous eussions été heureux de l’expérimenter avec 
lui, et d’en faire profiter plus prématurément nos malades. 
Nous saisirons lapremière occasion. 

Voilà tout mon procès. 

Son mémoire en effet, Messieurs, sérieusement pensé et 
solidement étayé d'excellentes observations est appelé à 
convaincre. Il mérite d’être promptement mis en évidence. 

Espérons donc qu’il aura bientôt des imitateurs, même 
parmi les anciens, et, que grâce à tous, la section de méde¬ 
cine retrouvera les beaux jours de son printemps. 

Les nouveaux venus dans cette section peuvent voir 
quel accueil nous faisons aux communications exclusive¬ 
ment scientifiques et médicales. Nous ne sommes jaloux 
que de la dignité dans la personne et de la vérité dans 
le travail. Chacun des anciens sera joyeux et fier de 
mettre en lumière toutes les inventions, toutes les trou¬ 
vailles des jeunes. Qu’ils saisissent, au passage les faits 
intéressants, les cas rares, les desiderata comblés de la 
thérapeutique, les innovations heureuses de leur pratique 
journalière; qu’ils les fixent sur le papier comme par unè 
photographie instantanée, en des croquis rapides, afin de 
les sauver de l’oubli ; que chacun d’eux, bientôt et souvent. 


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— 182 — 


paye sa bienvenue parmi nous par des lectures repétées, 
qui prouvent, à tous, que la vie dans la section de mé¬ 
decine n'est point éteinte et qu’il y circule encore un sang 
vif et généreux. 

Nous serons enchantés de les recueillir, ces observa¬ 
tions, au fur et à mesure, dans nos mémoires, de leur 
faire prendre rang dans nos archives ; où, plus tard, ils 
sauront les retrouver et les développer, pour en former un 
faisceau plus compact et un travail plus étudié. 

Et nous, les vieux, afin que la graine semée par eux 
fructifie plus vite, nous ne leur ménagerons, ni la rosée 
fécondante de l’expérience, ni le rayon de soleil... confra¬ 
ternel. 


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RAPPORT DE M. Albert PINÇON 


8 JR LS 

PRIX PERROT 

à 

Séance du 5 juin 1891 


Mbssiedrs, 

Vous avez décidé de décerner, en 1890, dans l’arrondis¬ 
sement de Pithiviers, le prix Perrot. 

Malgré la publicité donnée à votre décision, nous 
n’avons reçu qu’une seule demande. 

C’était pour notre Commission une grande déception, 
car l’arrondissement de Pithiviers est la plus belle contrée 
agricole de notre département, et dans les environs de cette 
ville se trouvent nombre d’exploitations où les cultivateurs 
de la Beauce peuvent venir puiser de précieux enseigne¬ 
ments. 

La culture de la betterave y est faite avec autant de 
soin que dan* les plus riches départements du Nord, les 
instruments aratoires, les plus perfectionnés, sont utilisés 
avec intelligence, les engrais chimiques sont largement 
employés sans hésitation et sans parcimonie. 

Dans un centre agricole aussi intelligent, nous espérions 
voir surgir des candidatures nombreuses, nous n’en avons 
eu qu'une seule, nous ne savons à quoi l’attribuer ; peut- 
être à l’esprit de camaraderie qui empêche des agriculteurs 


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— 184 — 


voisins d’entrer en lutte les uns contre les autres ; c'est un 
tort, car devant des juges bienveillants comme vous, 
Messieurs, la lutte est toujours courtoise, les Rapporteurs 
s’efforcent de sauvegarder les amours-propres, les mérites 
des champions les moins heureux sont mis en relief et 
reçoivent leur juste part d’éloges. 

Malgré la rareté des demandes, nous n’hésitons pas à 
vous proposer de décerner le prix ; les mérites de notre 
unique candidat, M. Lesage, de Fresne, sont exceptionnels 
et, s’il triomphe sans combat, il ne triomphe certainement 
pas sans gloire. 

C’est chez M. Lesage qu’ont été faites en grand, pour la 
première fois, les expériences d’inoculation du vaccin 
charbonneux sur les moutons. M. Lesage, qui est un esprit 
résolu, s’est ému du fléau qui dévastait la Beauce, il est 
allé trouver M. Pasteur et il lui a fait, en quelque sorte, 
violence pour le décider à venir expérimenter sa découverte 
sur les troupeaux de Fresne, alors que l’illustre savant 
hésitait encore à affirmer l’inocuité complète du virus 
atténué par des cultures. 

Voire Commission composée de MM. Paulmier, du 
Roscoat, de Dreuzy, Pinçon, et aussi de notre si regretté 
collègue M. Davoust, s’est rendue à Fresne au mois de 
juillet dernier, la veille de la moisson, pour visiter l’exploi¬ 
tation de M. Lesage. Elle a été frappée, à l’arrivée, du bel 
aspect de la ferme, de l’admirable état, de l’heureuse dis¬ 
position des bâtiments, et elle saisit l’occasion d’en féli¬ 
citer le propriétaire, M. le comte d’Orléans. Il n’a pas 
reculé devant d’importantes dépenses de construction pour 
seconder les efforts et faciliter les succès de son fermier. 

La famille Lesage occupe de père en fils la ferme de 
Fresne depuis près d’un siècle, cette longue succession de 
baux toujours renouvelés dans la même famille fait à la 
fois honneur aux propriétaires et aux fermiers, 


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— 185 — 


Notre premier soin a été de visiter les cours et les bes¬ 
tiaux de M. Lesage. 

Par la nature même de son exploitation, M. Lesage est 
forcé d’avoir, suivant les saisons, des quantités de bestiaux 
très inégales. 

Il en a peu, en été, parce que toutes les terres sont ense¬ 
mencées et que la chaleur est défavorable à l’engrais¬ 
sement. 

11 en a beaucoup pendant l’aatomne, l’hiver et le 
commencement du printemps, parce qu’il a des travaux 
énormes à exécuter et des quantités de pulpe considé¬ 
rables à faire consommer. 

A l’époque de notre visite, les bestiaux étaient rares et 
les beuveries étaient presque vides. 

Nous avons vu à Fresne : 

350 brebis. 

12 bœufs de travail. 

6 chevaux. 

6 poulains. 

10 porcs. 

Tous ces animaux étaient bien choisis, bien nourris et en 
bon état. 

Au mois de septembre et d’octobre les bestiaux d’hiver 
ont été achetés et un supplément de 44 bœufs de travail et 
de 450 moutons d'engrais est venu compléter et remplir 
les étables. 

Les luzernes, les pailles et les pulpes forment la base de 
la nourriture de ce nombreux bétail. M. Lesage emploie 
aussi des quantités considérables de tourteau; celui auquel 
il donne la préférence est le tourteau d’Arachide. 

11 en fait consommer avec succès même à ses porcs; il 
prend soin seulement de revenir à la farine d’orge six 
semaines avant de les livrer à la boucherie, pour que 
l’aspect habituel de la viande ne soit pas changé. 


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En dehors de la cour de la ferme, se trouve un immense 
hangar qui abrite une quantité énorme de récoltes et un 
matériel considérable d'instruments aratoires* 

Nous y voyons successivement : 

12 chars à bœufs. 

2 moissonneuses. 

2 rateaux à cheval. 

2 rouleaux Croskill. 

2 charrues polysocs pour les déchaumages. 

4 puissants brabants doubles de la maison Bajac. 

Des semoirs à céréales et à betteraves, des extirpateurs, 
des jeux nombreux de herses articulées. 

Un arrache-betteraves de Quartra. 

Des houes à cheval et des razettes. 

C’est vous dire que le matériel agricole le plus nouveau 
et le plus perfectionné est largement employé dans la 
ferme. 

A côté de ces grands hangars se trouvent des immenses 
silos, en partie couverts, et qui sont destinés à recevoir et 
à conserver des approvisionnements de pulpe gigan¬ 
tesques. 

L’intérieur de la ferme nous révélait déjà une exploi¬ 
tation modèle, la visite des champs ne nous a pas donné 
moins de satisfaction. 

La ferme de Fresne contient 125 hectares ; voici quel 
est l’assolement ordinaire : 

Betterave. 45 hectares. 

Blé. 45 — 

Avoine. 15 — 

Fourrage. 15 — 

125 hectares. 

Le surplus, qui se compose de terres médiocres, reste 
en dehors de l’assolement, 


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- 187 — 


M. Lesage a très bien compris que ses procédés de 
culture intensive ne pouvaient s'appliquer dans les mau¬ 
vaises terres, aussi a-t-il séparé de son exploitation 
15 hectares environ de champs en côtes de nature pier¬ 
reuse et ingrate. 11 a planté les plus mauvais en bois, les 
pierreux exposés en vigne et enfin quelques hectares en 
pommiers. 

Comme tout ce qui se fait à Fresne, cette plantation de 
pommiers a été faite avec le plus grand soin, les trous de 
plantation ont été bien défoncés, les variétés bien choi¬ 
sies, tous ces arbres sont encore jeunes mais sont bien 
pris et vigoureux ; ils promettent un bel avenir. 

L’opération est encore trop récente pour qu’on puisse la 
juger d’une façon définitive, mais elle fait espérer de bons 
résultats. Nous souhaitons à M. Lesage un plein succès. 

Puissions-nous, dans quelques années, retrouver à 
Fresne, au milieu des plaines trop nues de la Beauce, un 
petit coin de Normandie. 

La production, qui tient le premier rang dans les préoc¬ 
cupations de M. Lesage, est celle de la betterave à sucre. 

Pendant tout l'hiver, il consacre à la préparation de ses 
terres à betteraves tous ses fumiers et tout le travail de 
ses nombreux attelages. 

Les terres sont déchaumées aussitôt la moisson avec 
des charrues Polysocs. Sous ce labour léger les mauvaises 
graines germent vite et, dès qu’elles sont levées, on com¬ 
mence à conduire sur les champs une fumure de 
35,000 kilog. environ à l’hectare. Ces fumiers sont enfouis 
par un défoncement de 35 à 40 centimètres de profon¬ 
deur. Ce défoncement se fait avec de puissantes charrues 
Brabant attelées de 4 ou 6 bœufs. 

Derrière cette charrue, le sol, accidenté par de pro¬ 
fonds sillons, offre une large surface au* influences 


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— 188 — 


atmosphériques, les gelées le pénètrent, le divisent et 
laissent après l’hiver un guéret meuble et parfait. 

11 ne reste plus au printemps qu’à le nettoyer, à le 
réchauffer par des façons superficielles ; ces façons s’exé¬ 
cutent avec les scarificateurs, les herses articulées, les 
rouleaux de fonte et le champ se trouve dans un état 
excellent pour recevoir, en avril, les semoirs qui y distri¬ 
buent la graine de betterave. 

Malgré la puissante fumure de i'hiver, M. Lesage répand 
encore, au printemps, sur chaque hectare : 

850 kilog. de superphosphate. 

250 kilog. de nitrate. 

115 kilog. de dorure de potassium. 

• Pendant l'été, la récolte est soigneusement sarclée, elle 
reçoit trois et quatre façons tant à la main qu’à la houe à 
cheval. 

A la seconde façon, ou la jeune plante est dépressée et 
espacée, on s’arrange pour laisser environ 6 betteraves 
par mètre superficiel. C’est la plantation que M. Lesage 
croit la plus convenable pour obtenir un bon rendement en 
poids et en sucre. 

Grâce à tant de soins et, disons-le aussi, à tant de frais, 
la récolte atteint généralement 35 à 40,000 kilog. en bet¬ 
terave de première qualité, d’une densité de 8 à 9 degrés. 

Ces betteraves sont livrées à la sucrerie de Pithiviers, 
elles étaient payées, eu 1889, 23 fr. les 1,000 kilog., à 
7 degrés de densité, avec une prime de 70 centimes pour 
chaque dixiéme de degré supplémentaire. Les betteraves 
de M. Lesage arrivaient à 8 degrés et lui rapportaient 
30 fr. les 1,000 kilog.; elles donnaient donc un produit 
variant entre 1,000 et 1,200 fr. l’hectare. 

Aussitôt l’enlèvement Je la betterave, on donne un léger 
labour et on sème le blé en ajoutant encore ; 

200 kilog. de superphosphate. 


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- 189 — 


100 kilog. de sang desséché. 

100 kilog. de nitrate de soude. 

Le blé qui trouve une terre admirablement préparée par 
la culture précédente, pousse avec vigueur, et ceux que 
nous avons vus en juillet dernier étaient admirables et 
avaient assez bien résisté à la verse. Ils ont dû donner un 
beau rendement. 

Les avoines n’étaient pas moins belles que les blés, elles 
avaient cependant plus souffert de la verse. 

En résumé, l’exploitation de M. Lesage nous a semblé 
mériter des éloges sans réserve, et nous vous proposons, 
sans hésitation, de lui décerner le prix Perrot. 

La Commission a emporté de cette visite une impression 
encourageante. * 

Elle a pu voir dans cette riche plaine qui s’étend au 
nord de Pithiviers des fermes admirables qui ont traversé 
sans défaillance la crise agricole , les fermages y sont 
élevés et n’ont guère subi de dépréciation. 

Ces fermes sont merveilleusement cultivées, ni le 
capital, ni l’intelligence des exploitants n’y ont fait dé¬ 
faut, elles sont soumises à une culture industrielle des 
plus intensives, on n’y épargne ni l’engrais ni le travail. 
On peut dire que la sucrerie de Pithiviers a sauvé cette 
contrée. 

C’est que la betterave ne supporte pas une culture 
médiocre ; les champs qui la portent doivent être énergi¬ 
quement défoncés, puissamment fumés et soigneusement 
nettoyés. Après quelques années de cette belle culture, 
la plaine est transformée en un véritable jardin, et sa 
production atteint des limites tout à fait imprévues. 

N’est-ce pas là la réalisation du rêve de tous les amis, de 
l’agriculture? N’est-ce pas l'état presque idéal où nous 
voudrions voir arriver le sol de notre chère patrie. 

On ne pourrait plus alors reprocher à la France d’avoir, 


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— 190 — 


dans ses récoltes de céréales, un déficit habituel et normal, 
c’est-à-dire d’être impuissante à nourrir ses enfants. 

La culture de la betterave à sucre occupe jusqu’ici, en 
France, une superficie de 200,000 hectares. Les frais de 
production sont estimés à 130 raillions de francs, sur 
lesquels 45 à 50 millions servent à rétribuer la main- 
d’œuvre. 

Quelle source de travail et de bien-être pour nos popu¬ 
lations agricoles. 

Ne devons-nous pas désirer de voir cette culture 
bienfaisante s’étendre dans notre département, et des 
fabriques nouvelles se fonder partout où la richesse du sol 
permet d’assurer leur approvisionnement ? 

Ne devons-nous pas, pour atteindre ce but, souhaiter de 
voir les pouvoirs publics protéger l’industrie sucrière, et 
la législation spéciale à cette industrie ne devrait-elle pas 
oublier un peu les intérêts du Trésor au profit des intérêts 
supérieurs de l’agriculture. 


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REMISE DU PRIX PERROT 


ALLOCUTION 

DE M. Eugène BIMBENET, Président 


Séance du 5 juin 1891. 


Messieurs. 

Les fondations d’an intérêt public dont les effets se 
reproduisent à des époques déterminées, imposent, surtout 
à ceux qui furent leurs contemporains, l’obligation de 
rappeler le souvenir des fondateurs et de leur rendre 
l’hommage de la reconnaissance à laquelle ils ont droit. 

Cette tâche devient, ainsi, de plus en plus redoutable ; 
on comprend qu’une longue existence, comme celle, par 
exemple, dont il s’agit, en ce moment, passée dans l’exer¬ 
cice des fonctions de la magistrature, dans l’étude théori¬ 
que et pratique de l’agriculture, couronnée par la fonda¬ 
tion d’un prix d’encouragement à ses progrès, ait été, sinon 
autant de fois que ces périodes se sont présentées, au 
moins à quelques-unes d’elles, le texte d’an examen parti¬ 
culier et respectueux. 

Cependant si l’espace parcouru depuis la création d’un 
acte de cette nature peut expliquer le silence qui serait 
gardé à cet égard, on ne pourrait, sans se rendre coupable 


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— 192 — 


d’une indifférence approchant de l’ingratitude laisser 
tomber son auteur dans un entier oubli au moment, même, 
où l'acte de sa générosité est accompli. 

D’autres considérations se réunissent pour autoriser le 
retour sur un semblable sujet. 

La première est que le temps, dans sa marche, renouvelle 
ceux auxquels ces notices sont exposées ; la seconde est 
que l'espace écoulé entre celles qui se succèdent peut révé¬ 
ler quelques particularités inconnues, jusque-là, intéres¬ 
sant le fondateur et offrant quelque point |de vue auquel 
il est nécessaire de se placer, pour le mieux faire connaître. 

Afin de justifier cette proposition, mon premier soin est 
de résumer une partie considérable de la vie de M, Perrot 
négligée à ce point, jusqu'ici, qu’elle n’a été mentionnée 
que transitoirement, avec une grande indifférence; on 
semble même avoir ignoré qu’il a été membre d’une 
magistrature de premier ordre; il faut que ce vide soit 
enfin comblé. 

M. Alexandre-Henri-Jean Perrot, née àMargeric, dépar¬ 
tement de la Marne, au cours de l’année 1790, n’est apparu 
à Orléans qu’au cours de l’année 1814, où le 31 août il a 
été présenté par M. le premier Président qui était M. Petit 
La Fosse, et par M. le Procureur-Général, qui était 
M. Sezeur, au Ministre de la Justice, comme candidat à la 
fonction de Conseiller auditeur, ayant voix consultative. 

Il a, en effet, été nommé à cette fonction le 2 novembre 
et installé le 20 décembre de cotte même année 1814. 

Le retour de 111e d’Elbe donna lieu à une nouvelle 
Constitution; M. Perrot lui refusa son adhésion, il se retira 
de l’ordre judiciaire dans lequel il ne reprit son siège, à la 
cour d’Orléans, que le 22 février de l’année 1815. 

Après avoir été élevé à l’état de Conseiller auditeur, 
ayant voix délibérative, au cours de l’année 1817, il a été 
nommé Conseiller et installé en cette qualité les 24 février 


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— 193 — 


et 5 mars 1819; il prêta le serment exigé, par la Constitu¬ 
tion de 1830 ; il donna sa démission le 12 avril de l’an¬ 
née 1848. 

Pendant ce long exercice de la magistrature, M. Perrot 
fut membre de plusieurs commissions l’occasion d’avis 
sur des projets de lois, demandés aux Cours d’appel, par 
le gouvernement, entr’autres, de la Commission, qui a 
délibéré sur la réforme hypothécaire, et il a été nommé 
membre de l’ordre de la Légion d’honneur, au cours de 
l’année 1841. 

Il a été souvent appelé à présider les sessions des Cours 
d’assises des trois départements du ressort de la Cour; et 
dans l’ordre civil, comme dans l’ordre criminel, il s’est 
montré à la hauteur de ses honorables fonctions. 

Cependant il faut reconnaître que dans les derniers 
temps de sa vie active, le cultivateur effaçait le magistrat ; 
l’amour des études et des pratiques agricoles avait pris 
chez lui un tel empire, qu’elles étaient devenues le sujet 
presqu’exclusif de ses préoccupations. 

C’est qu’alors M. Perrot était devenu propriétaire de 
domaines assez considérables et qu’il commençait la nou¬ 
velle vie, à laquelle il se consacrait sans réserve. 

Dès l’année 1841, il était membre du Comice agricole 
que, bientôt, il devait présider ; il fonda le Congrès cen¬ 
tral de l’agriculture, et il entra dans la composition du 
Jury des Concours régionaux; ce fut alors qu’il devint 
membre de la section d’agriculture de notre Société. 

En cette dernière qualité, il prit part à plusieurs visites 
de domaines ruraux, notamment en l’année 1884, et en 
l’année 1870, pour préparer la délivrance du prix fondé 
par M. de Morogues, de respectable mémoire. 

Enfin il devint Président de la Chambre d’agriculture 
d’Orléans et du Comice agricole de la Sologne. 

Chaque année, il prononçait un discours dans le genre 

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— 194 - 


didactique, à toutes les séances des Concours canto¬ 
naux. 

Tant de zèle, un tel dévouement à un élément social 
aussi considérable, devaient avoir leur récompense ; en 
l’année 1841, il fut élevé au grade d’officier de la Légion 
d’honneur. 

M. Perrot était d une haute stature, d’un tempérament 
sec et nerveux, sa santé, même à l’âge avancé qu’il avait 
atteint, était restée inébranlable, il est mort subitement ; 
et, malgré quelques indispositions qui, manifestement, 
préparaient sa fin, personne de ceux qui l’approchaient 
n’auraient pu soupçonner qu’elle fut si soudaine et si 
rapide; cet événement arriva le 5 décembre de l’année 
1871, il était âgé de 81 ans. 

M. Perrot aimait la solitude et la retraite ; il n’a jamais 
reçu personne et n a jamais accepté d’invitations, pas 
même les invitations officielles ; on a raconté, au palais, 
qu’ayant refusé celle d'un premier Président, à l’insistance 
que celui-ci lui adressait verbalement et avec quelque 
hauteur, il avait répondu que : pour lui il n’y avait de 
premier Président que dans la salle d’audience ou à la 
Chambre du conseil. 

Il se plaisait aux longues marches à pied, et ne montait 
en voiture que le plus rarement possible ; sa sobriété était 
telle que pour ses intimes amis et ses collègues la prolon¬ 
gation de sa santé et même de sa vie était presqu’à l'état de 
problème ; de l’eau et quelques légumes composaient toute 
son alimentation. 

Jamais la vigne n’a été l’objet de l’attention de cet atten¬ 
tif cultivateur ; il considérait cette plante comme inutile et 
son produit comme dangereux pour la santé et pour les 
mœurs. 

M. Perrot a voulu se survivre à lui-même et, par son 
testament du 12 janvier 1871, il a fondé le prix que nous 


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remettons aujourd’hui au cultivateur distingué, désigné 
par notre section d’agriculture ; et on a dit, déjà, que, 
voulant prolonger ses relations avec ses collègues, au- 
delà même de la vie, il a prescrit, par cet acte, qu’un jeton 
de présence, en argent, fut donnné à chacun de ceux d’en- 
tr’eux qui assisteraient à ses funérailles. 

Et maintenant que notre dette de souvenir est payée 
à la mémoire de notre digne et, à plus d’un titre, 
remarquable collègue, il me sera permis de jeter un rapide 
regard sur cette institution des prix d’encouragement, à 
décerner par notre association. 

La première inspiration de créer cet élément d’émulation 
remonte à l’année 1765, époque à laquelle l’intendant 
d’Orléans, mit à la disposition de la Société royale d’agri¬ 
culture, établie en l’année 1762, une somme de 600 fr. 
destinée à l'auteur du meilleur mémoire : sur La liberté 
du commerce , 

Un second prix ayant la même provenance administra¬ 
tive, fut décernée par cette Société, aucoursde l’année 1816, 
à l’auteur qui aurait le mieux indiqué les moyens de sup¬ 
primer la mendicité . 

Il est inutile de s’arrêter à toutes les périodes observées 
pour la mise à exécution de cet usage protecteur des tra 
vaux scientifiques, il suffit de faire remarquer la différence 
existant entre le caractère des sujets posés à l’étude par 
ces concours, à cette époque, et le caractère des sujets qui 
font l’objet des prix d’encouragement, à la i^ôtre. 

Dans la première, les questions à résoudre appartenaient 
à des études métaphysiques et abstraites ; dans le moment 
présent nos exigences plus modestes, mais plus positives, 
se contentent d’une science plus pratique. 

Les premières recherches s’égaraient dans les vastes 
espaces des systèmes, les secondes agissent dans le cercle 
plus étroit de l’application. 


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Les premières étaient l’œuvre des penseurs, les secondes 
sont l’œuvre des travailleurs. 

De nos jours, les rapports de la pensée et du travail 
n’ont lieu qu’a une condition ; celle que de cette union 
devront naître des fruits actuels qui profiteront, non seu¬ 
lement aux classes savantes, mais aussi et, surtout, à celles 
qui ne le sont pas. 

Cette Société royale d’agriculture marcha parallèlement, 
avec la société fondée en l’année 1781, sous le titre d’ A cadè - 
mie des sciences , a*ts et belles-lettres , et toutes les deux 
disparurent au cours de l’année 1793, un décret de la Con¬ 
vention ayant supprimé, sans distinction, toutes les Acadé¬ 
mies de la République. 

Avec le calme revint le culte des lettres, des sciences et 
des arts et de toutes les recherches qui charment, dévelop¬ 
pent et honorent l’esprit humain; l'agriculture devait 
entrer dans l’immense programme de cette renaissance ; 
provisoirement, le Préfet du département, le 18 avril 1809, 
prenait un arrêté qui instituait une Société des sciences 
physiques et médicales, à laquelle se joignirent quelques 
grands propriétaires, protecteurs de l’agriculture. 

Mais les guerres de l’Empire, sa chute et les troubles 
politiques qui en furent la suite, arrêtèrent cet essor, et ce 
ne fut qu’en l’année 1818, que notre Société fut rétablie 
sous le titre de Sciences , belles-lettres et arts , bientôt 
converti en celui qu’elle porte aujourd’hui, 

Il n’a plus été question, pour elle, de fondation de prix 
d’encouragement donnés à aucun genre de ses travaux, 
la section d’agriculture fut la seule, en considération de 
laquelle la Société reçut une subvention départementale. 

Cette concentration de la bienveillance administrative a 
bientôt inspiré à deux membres de la section d’agriculture, 
la pensée d’ajouter à la somme accordée, un supplément 
sous la forme d’un prix d’encouragement et de récom- 


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pense, et par là, un témoignage de protection et d’intérêt ; 
les trois autres sections jusqu’ici, n’ont pas eu cet avantage. 

Mais aujourd'hui dos vœux viennent, à cet égard, d'être 
accomplis, désormais la section des arts aura son con¬ 
cours . 

Comme la section d'agriculture, elle n'aura recours qu’à 
elle-même, pour juger les essais qui lui seront présentés. 

Son appréciation sera d'autant plus sûre, qu’elle possède 
au nombre de ses membres de savants amis des arts, ama¬ 
teurs ou artistes et, particulièrement, notre collègue, l’émi¬ 
nent aquarelliste Chouppe, et l’auteur d’œuvres admises 
dans les Expositions nationales, et par conséquent, les plus 
solennelles et les plus sévères. 

Bientôt nous placerons à côté du buste de M. de Moro- 
gues, le buste d’Emile Davoust; tous les deux sont dus à 
l'habile ciseau de notre collègue, M. Didier, et, grâce 
à lui, nous pourrons placer à côté de ce premier orne¬ 
ment de cette salle de nos séances, le fondateur du prix 
que nous aurons à distribuer en son nom. 

Véritable, mais bien triste consolation ; le deuil est dans 
cette enceinte ; on y déplore, en présence du bienfait, 
l'absence du bienfaiteur ; et, surtout, au moment où va se 
faire entendre une autre voix que celle de l’auteur du rap¬ 
port de la Commission chargée de préparer la modeste 
solennité que nous accomplissons. 

Je m'arrête, une vive émotion navre le cœur de celui qui 
arrivé à la dernière limite de l’àge, doit accomplir le devoir 
de rappeler le souvenir de deux hommes distingués, tous 
les deux dans la force de la seconde jeunesse, pleins de 
vie et d'ardeur, tous les deux doués des dons de la fortune 
dont ils faisaient un noble usage, forts par l'éducation et 
l'étude, animés de l’amour du bien, du beau et de l’utile; 
tous les deux chers à la famille, à l’amitié, à la cité toute 
entière, à la science, aux lettres et aux arts, et qui tous 


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les deux, en même temps, ont disparu pour ne plus vivre 
que dans la mémoire de ceux qui les ont connus et lais¬ 
sant une longue suite des plus vifs regrets. 

M. Le Président, s’adressant à M. Lesage, s’est exprimé 
en ces termes : 

Monsieur, 

Je ne devais pas devancer la section d’agriculture dans 
la communication des motifs qui ont déterminé la proposi¬ 
tion adoptée à lunanimité, par toutes les sections, de vous 
décerner le prix que j’ai l’honneur de vous remettre. 

Je ne saurais rien à y ajouter, et je dois me borner à me 
rendre l’interprète de tous, en vous exprimant les senti¬ 
ments de haute estime que ce rapport nous a inspiré, en 
vous félicitant de vos succès et de l’exemple que vous don¬ 
nez à tous ceux qui comme vous, suivent la carrière que 
vous parcourez d’une manière aussi fructueuse et aussi 
honorable. 


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DAVESIÈS DE PONTÉS 


NOTICE BIOGRAPHIQUE 

Par M. DESNOYERS 


Séances des 30 janvier et 13 fèvider 1891. 


Messieurs, 

Qui d'entre nous, au moins une fois, n’a pas voyagé 
dans les pages lumineuses de Pascal, La Bruyère, La 
Rochefoucault, et vu avec quelle justesse, douloureuse sans 
doute, mais vraie, ces grands moralistes ont parlé des 
faiblesses de la nature humaine et montré sans voile? ses 
plaies multipliées ? Et cependant, Messieurs, ils n’ont pas 
tout dit : ils n’ont pas dit une de nos plus affligeantes 
infirmités; leurs pages ont oublié de la décrire: c’est 
l’oubli rapide des morts ! Lorsque le sillon qu’ils ont tracé 
se ferme, le silence arrive, prompt, entier : nom, travaux, 
gloire même, tout se recouvre par l’indifférence, et bientôt 
l’oubli jette un impitoyable voile sur la vie disparue. 
Devons-nous, Messieurs, subir, sans l’interrompre, cette 
faiblesse de notre incomplète nature, et ne devons-nous 
pas faire quelques efforts pour échapper à son affligeante 
rigueur ? Oui, il est bon, il est consolant, ne fût-ce que 
durant une journée, de réveiller la mémoire de ceux qui 
nous ont précédés, surtout quand leur existence n’a pas 
mérité les ombres du silence, et je me sens heureux de 
pouvoir aujourd’hui faire ce réveil. 

Orléans, Messieurs, a donné naissance à une vie qui n’a 
pas, sans doute, jeté l’éclat des intelligences extraordi¬ 
naires, mais elle est sortie de la route commune ; et 
cependant son nom est devenu étranger au monde savant ; 


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ses concitoyens eux-mêmes l’ont déjà oublié. C’est donc 
pour rendre un légitime hommage à cette personnalité déjà 
ensevelie dans l’inattention, la garantir, au moins parmi 
nous, contre un injurieux oubli, que je veux vous parler 
d’elle ; je veux interrompre le silence immérité qui se fait 
sur le nom de Lucien DAVEZIÈS DE PONTÉS ; car c’est 
de lui, Messieurs, que je vais vous entretenir quelques 
moments. J’accomplirai plus que le simple devoir de replacer 
au jour un homme qui n’aurait pas dû être jeté par ses con¬ 
temporains dans l’obscurité, j’accomplirai le devoir encore 
plus sacré de venger notre concitoyen contre l’indifférence 
de la cité qui l’a vu naître, et nous sommes tous, permettez- 
moi d’oser le dire, coupables de ce déni de justice. Nous la 
lui rendrons, je l’espère, Messieurs, quand mon travail aura 
passé sous vos yeux, et éclairé des cœurs qu’il est si facile 
d émouvoir, quand on leur parle de patrie et de cité. 

Lucien Davesiès de Pontes est né à Orléans, le 9 sep¬ 
tembre 1806, dans le cul-de-sac des Barbacanes. Son père 
était venu dans notre ville pour y remplir les fonctions de 
Directeur de l’enregistrement et des domaines, et, sacri¬ 
fiant au préjugé qui abaisse l’éducation provinciale, il 
envoya Lucien dans un pensionnat de Paris, pour y rece¬ 
voir une éducation, non pas plus complète, mais plus 
brillante, croyait-il. Le succès fut, du reste, entier, et son 
fils devint un remarquable élève de l’Université. Ce n’est 
pas que chez lui l’intelligence, l’ardeur de l’imagination, 
fussent dans un degré supérieur; au collège, il pensait 
plus qu’il ne paraissait ; il ne partageait pas les élans de 
gaîté de ses camarades ; il aimait à être solitaire, vivant 
plus en lui-même que dehors. Cette gravité et cette froide 
réserve ne faisaient nullement pressentir la carrière qu’il 
voulut embrasser, celle de la marine militaire, où les émo¬ 
tions, les agitations sont si nombreuses ; où il faut agir et 
parler beaucoup. Mais, sous la réserve et les dehors de la 
froideur, Lucien renfermait une âme sensible, ardente et 
généreuse. Or, Messieurs, à l’époque où Lucien terminait 
ses études, la Grèce, après avoir, durant trois cents ans, 


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subi le despotisme brutal de la Turquie, s'efforçant tour à 
tour, par la ruse et la violence, de la faire disparaître du 
nombre des nations, la Grèce, se redressant dn fond de 
son tombeau, arma ses mains décharnées du glaive de la 
vengeance et du combat ; elle fît un appel désespéré à ses 
enfants et les convia à un dernier effort, pour ne pas 
mourir à tout jamais dans un ensevelissement sans espoir. 
Le réveil fut magnifique, et, malgré le massacre des Sou- 
liotes et le désastre glorieux de Missolonghi, durant neuf 
années, la Grèce lutta sans faiblir et ressaisit enfin, à 
Navarin, une vie nationale. 

Il y avait là, Messieurs, de quoi émouvoir une âme 
généreuse et capable de comprendre les grandes choses ; 
Lucien avait cette âme, car, sous les dehors de la froide 
réserve, se cachent souvent l'ardeur du sentiment et la 
profondeur de la volonté : c’est le feu du Vésuve dans les 
entrailles de la terre. Les grands souvenirs de Lacédé¬ 
mone et d’Athènes, les gloires de Marathon, des Thermo- 
pyles, les charmes du Tégée, les beautés du Parnasse, les 
fraîcheurs de Tempé, les suavités de l'Hymète, ne pou¬ 
vaient pas laisser insensible une âme de vingt ans, encore 
remplie de l’admiration littéraire de la Grèce. Il lui sem¬ 
blait apercevoir Léonidas, entendre Périclès, écouter 
Démosthéne, voir Phidias ; un souffle de pitié pour la Grèce 
se débattant sous une injuste oppression, parcourait d’ail¬ 
leurs l’Europe, la cause hellénique agitait et les âmes et 
les cœurs ; elle devait émouvoir une nature comme celle de 
Lucien. Il entra donc, sous l’inspiration du dévouement à 
une noble cause, à l’Ecole navale d’Angoulême, après un 
brillant examen, et en sortit à la fin de 1826, pour passer, 
comme aspirant, sur un vaisseau de l’Etat. Il éprouva 
d’abord un pénible désappointement ; car le vaisseau qu’il 
montait eut seulement la mission de surveiller la flotte 
égyptienne, qui se disposait à sortir du port d’Alexandrie, 
et il n’eut aucune part d’action à la bataille de Navarin, 
qui, le 6 octobre 1827, anéantit la puissance musulmane 
et délivra enfin la Grèce. Il reçut une consolation à cette 


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amère douleur, car un ordre le fit embarquer sur un 
nouveau vaisseau, le Conquérant , dont la mission était de 
sillonner l’archipel, pour encourager les Grecs, déjà 
affranchis du joug odieux des Turcs, mais faibles encore 
et devant recevoir un appui dans leurs débuts de régéné¬ 
ration. Davesiès sillonna, de 1828 à 1834, les mers de la 
Grèce. Il débarquait souvent, et, durant ces six années, il 
parcourut à loisir cette Grèce quil aimait tant, que ses 
rêves de poète et d’artiste avaient appelée de tous ses vœux; 
cette Grèce était désormais une réalité ; il la voyait ; il y 
vivait, le crayon à la main, remplissant ses carnets des 
notes que le philhellène passionné recueillait chaque jour. 
Cette vie développa dans Lucien un goût toujours en 
alliance avec l’histoire, celui de l’archéologie, qui en est 
l’œil et la main. Devant les ruines des chefs-d’œuvre du 
génie de l’architecture et de la sculpture, il étudia Pau- 
sanias et Diodore de Sicile, et, sans devenir un antiquaire, 
comme on entend cette expression, il eut les instincts et la 
saveur de l’archéologie, et notre illustre historien Augustin 
Thierry lui écrivait un jour: « Vous êtes vraiment doué 
c du sens archéologique ; vous voyez juste ; vous peignez 
« juste, et ce que vous dites de l’architecture grecque et 
« égyptienne est parfaitement bien dit et rempli d’intérêt. » 

Mais il ne parlait pas seulement avec le sens artistique ; 
sa plume, grâce à d’excellentes études, écrivait avec dis¬ 
tinction; la force et la délicatesse littéraires se remarquent 
dans ses nombreux travaux mis au jour, et, s’ils ne sont 
pas irréprochables, ils ne sont certainement pas une œuvre 
vulgaire et condamnée à l’indifférence, comme nous le 
verrons plus tard. 

Davesiès avait passé six années dans la carrière mari¬ 
time; ses chefs l’estimaient beaucoup, et il mérita le grade 
d’enseigne; mais ce long service et la vie austère delà 
marine, qu'il rendait plus austère encore par sa propre 
austérité, lui devint une fatigue; l’enthousiasme qui l’avait 
poussé vers la vie de marin se refroidit peu à peu, et en 
1834, il donna sa démission et revint en Europe. 


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J'ai à vous parler maintenant, Messieurs, d’une époque, 
en apparence fort inexplicable, de la vie de Lucien, celle 
où il embrassa les doctrines du saint-simonisme, dont les 
absurdes rêveries et les dangereuses insanités devaient sans 
doute éloigner les esprits réfléchis ; mais, dans toute erreur, 
vous le savez, Messieurs, il se trouve un fond de vérité 
que l’ignorance, l’amour de sa personnalité, le culte de 
son intelligence, des passions non avouées, exploitent trop 
souvent à leur profit, et, lorsque de pareilles doctrines 
combattent des abus réels, de vrais désordres, elles peuvent 
illusionner quelques esprits ne voyant que le côté raison¬ 
nable et croyant ainsi accepter la vérité. Tel fut le saint- 
simonisme, qui prétendait réformer la société, assise sur 
des bases vicieuses, et la reconstituer avec une meilleure 
organisation. C’est alors que se fonda à Ménilmontant, 
près Paris, une société modèle, où, sous le gouvernement 
d’un nouveau pape, appelé le Père, chaque membre rece¬ 
vait et exerçait une fonction suivant son aptitude et sa 
capacité. On vit alors des ingénieurs brosser et cirer les 
souliers et les bottes, des avocats faire la cuisine, des 
littérateurs balayer les cours ; on en vit quelques-uns, en 
habit théâtral de templiers, se promenant sur les bou¬ 
levards, pour y chanter des chansons en l’honneur du 
travail, composées par un de nos meilleurs musiciens saint- 
simonien, Félicien David. Passe encore pour ces folies de 
ménage et de musique ; mais, quand le saint-simonisme de 
Ménilmontant voulut répandre sa doctrine sur le sensua¬ 
lisme et la femme libre, le gouvernement intervint; la 
Soçiété fut dissoute, et les sociétaires se répandirent 
partout pour y chercher une situation moins rêveuse. 

Davesiés, avant son retour en France, avait rencontré à 
Constantinople et àSmyrne des saint-simoniens qui venaient 
répandre en Orient leurs doctrines humanitaires, et, nou¬ 
veaux apôtres, y semer les germes de la rénovation sociale, 
par la destruction de tous les abus, et l’embrassement de 
tous les hommes dans une religion irréprochable. Il se lia 
avec }es chefs de la société. Enfantin, Toche, Barrault, 


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— 204 — 


Duguet, Fournel, Rigaud, tous, il faut le dire, victimes, 
sans doute, d'aberrations intellectuelles, mais distingués par 
l’esprit et le cœur : l’àme généreuse et délicate de notre 
compatriote se laissa séduire par l’idée d’un progrès dans la 
situation des peuples, et d’une transformation sociale, il 
ne sut résister au combat pour refaire l’homme, et surtout 
émanciper la femme injustement condamnée à un rôle subal¬ 
terne : tout cela devait plaire à Davesiès, dont l’âme élevée 
ne se résignait pas à se traîner dans les routes battues et 
vulgaires. Voilà, je pense, Messieurs, la seule explication 
d’un égarement qui, sans elle, rendrait la conduite de 
Lucien inexcusable. 

Il revint donc à Paris, et comme il n’avait pas de fortune, 
il accepta la société telle qu’elle était, et sans vouloir lutter 
contre son organisation, quelque défectueuse quelle fût à 
ses yeux, il songea à vivre de son travail. Son talent litté¬ 
raire avait déjà fait ses preuves dans les revues, et quand 
son frère, le général Davesiès de Pontés, le présenta à 
Augustin Thierry qui, lui également, partageait encore les 
doctrines du saint-simonisme, auxquelles il renonça plus 
tard, il en obtint un accueil très bienveillant. Augustin 
Thierry s’engagea à devenir son protecteur dans la carrière 
des lettres qu’il le pressa d’embrasser, tout en lui pro¬ 
mettant d’employer son crédit pour lui obtenir un emploi 
dans une administration publique. C’est à cette époque que 
Davesiès entra dans la Revue universelle y dans la Revice 
française et Revue des Deux-Mondes ; il se fit remarquer 
par des articles d’excellente littérature; il fut même ques¬ 
tion de l’envoyer comme professeur à Saint-Pétersbourg où 
l’empereur Nicolas voulait fonder une université sur le 
modèle de celle de France; le projet ne réussit pas, et 
M. Villemain, ministre de l’instruction publique, ne lui 
donna pas une place dans la carrière des lettres où il était 
tout-puissant. Quelle en fut la cause? La réponse à cette 
question ce n’est pas moi qui vous la donnerai, car le ciel 
me garde d’ètre irrévérencieux pour le régime parlemen¬ 
taire. La réponse a été donnée par Davesiès lui-même, 


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dans le salon d’Augustin Thierry, après la nomination 
administrative obtenue par Villemain : « La sotte chose, dit 
« notre compatriote à son protecteur et ami, que votre 
« régime parlementaire ! Un ministre ne peut donner à son 
€ choix une place dépendant de son ministère, il a la main 
c plus ou moins forcée par les meneurs de la Chambre des 
< députés ; je connais un gros marchand de farines et un 
c grand éleveur de bétail, tous deux députés influents, et 
€ il faudrait que ces gens-là fussent mes patrons, à moi 
« helléniste et littérateur ! » 

Remarquez, Messieurs, que cela se passait sous le règne 
de Louis-Philippe, je tiens à le dire, car pareil désordre de 
nomination à dû cesser, et faire aujourd’hui place à la 
justice et à la droite raison. 

Mais, en vérité, Messieurs, avouons qu’il y avait là de 
quoi enraciner, dans l’àme de Davesiés, la doctrine saint- 
simonienne enseignant que, dans une société bien cons¬ 
tituée, tout citoyen doit trouver une situation suivant sa 
capacité, et quil nous faut être un peu indulgent pour les 
égarements de cette doctrine. 

Du littérateur on fit donc un sous-préfet à Argelès, au 
pied des Pyrénées ! Davesiés courba la tête, mais il fallait 
vivre ! Et il dit courageusement adieu à la littérature qui 
fut remplacée parles sèches études du droit administratif. 

Son intelligence ne tarda pas à en taire un excellent 
sous-préfet, la seule chose qui lui fût nuisible fut le trop de 
zèle dans ses fonctions, qu’il avait prises au sérieux, et par 
suite, la fréquence des mémoires qu’il envoyait aux bureaux 
du ministère de l’intérieur; il écoutait les droits de sa 
conscience, mais négligeait les calculs de l’habileté; sa 
valeur lui créa, en outre, des envieux qui entravèrent son 
avancement, et, bien que noté parmi les meilleurs sous- 
préfets, il nè put vaincre la résistance des bureaux que 
l’on dit être souvent plus puissants que le ministre : tout 
ce qu’il put obtenir, grâces à M. Villemain et à Augustin 
Thierry, ce fut d’être transféré à Libourne, département 
de la Gironde ; il y passa cinq années, et se retira de ce 


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poste devant la révolution de 1848 qu'il ne voulut pas 
accepter; mais, en 1850, il consentit à recevoir d’un gou¬ 
vernement, devenu régulier, la fonction de sous-préfet à 
Joigny, département de l’Yonne, où comme à Argelès et 
Libourne, il se distingua par la sagesse, la droiture et l'in¬ 
telligence de son administration. 11 se fit surtout remarquer 
par sa conduite durant les néfastes semaines qui précé¬ 
dèrent décembre 1852. Elle fut celle d’un homme qui voit 
la société en péril par une révolte préparée depuis quatre 
ans, et qui, les armes à la main, veut imposer à la France 
le bouleversement social. Davesiès parcourt lui-méme, à la 
tête de la force armée, les cantons de Bléneau et de Saint- 
Fargeau infectés par le socialisme, dissout les sociétés 
secrètes, et par son énergie comprime l’audacieuse et san¬ 
glante jacquerie; j’aime, Messieurs, à citer les expressions 
d'une lettre écrite à son frère : « C'était, lui dit-il, une inva- 
« sion de barbares qui avait traîné sur les grands chemins, la 

< corde au cou, plusieurs habitants, égorgé des compatriotes 
« inoffensifs, des enfants, des prêtres, des soldats. » Le 9dé- 
cembre, il écrivait encore à ce même frère : « Voilà la pre- 

< mière fois que je dors dans mon lit depuis huit jours. * Sa 
conduite fut si noble, que les habitants de Joigny envoyèrent 
à leur sous-préfet une adresse, où ils le remerciaient de les 
avoir, par son courage, son dévoûment à l’ordre, préservé 
des horreurs de l’anarchie et de la guerre civile. 

Il est pénible, Messieurs, d’avoir à dire que cette recon¬ 
naissance ne fut pas imitée par le gouvernement. Après 
avoir si noblement rempli son devoir au milieu de difficultés 
plus qu’ordinaires, et du péril même de sa vie, il méritait un 
témoignage de confiance de ses chefs; il ne l’obtint pas, et 
justement blessé dans la légitime dignité d’un homme qui a 
fièrement acquitté sa dette envers la patrie, il voulut pro¬ 
tester contre cette inexcusable injustice, trop commune, 
sans doute dans chaque carrière, mais que les âmes élevées 
sentent profondément, et doivent flétrir sans faiblesse. 
Davesiès, résistant aux prières de ses amis, envoya donc 
sa démission au ministère de l’intérieur. 


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Dégoûté et délivré des déceptions et des amertumes de la 
carrière publique, il se ré fugia exclusivement dans les travaux 
littéraires, carie sous-préfet n’avait jamais étoufféle littéra¬ 
teur; d'ailleurs, grâce à la Providence, il n’avait plus les 
soucis matériels du lendemain, car un heureux mariage 
le mettait à l’abri de ses préoccupations : une liberté 
entière lui était donc accordée pour ses goûts de littéra¬ 
ture, d’histoire et même de voyages ; son talent d’écrivain 
était mûri, avec l’âge, et préparait une riche moisson 
toute à la fois artistique et savante. 

Mais ce qu’il acquit de meilleur encore, ce fut un retour 
entier aux saines doctrines et aux vraies croyances ; déjà, 
durant ses cinq années de sous-préfecture à Libourne, il 
avait cultivé plus sérieusement les études littéraires, mo¬ 
rales et religieuses et ses aspirations sc faisaient plus fortes 
vers la religion chrétienne. 

Davesiès de Pontés était, Messieurs, du nombre de ces 
âmes que l’ardeur d’une imagination insuffisamment con¬ 
tenue, des études incomplément sérieuses, les présomptions 
et l’inexpérience de la jeunesse, avaient entraîné dans les 
illusions de l’utopie, les écarts de rêves séduisants, mais 
cependant droites, honnêtes, loyales, et qui, un certain 
jour délivrées des obtacles dressés contre le rayonnement 
de la vérité, et la splendeur de ce qui est le seul réel, se 
tournent vers lui et l’embrassent sincèrement. Son ami 
Augustin Thierry fut de ces hommes ; il avait, lui, égale¬ 
ment vécu dans les écarts du saint-simonisme mais le 
malheur, la réflexion et la maturité du jugement l’avaient 
éclairé et conduit à la religion chrétienne ; it, le fit savoir à 
Davesiès qui, de son côté, après de sincères recherches, 
trouva enfin dans la foi au Jésus-Christ Dieu et Sauveur, 
comme son illustre ami, la douce paix de l’âme. 

Cette claire et délicieuse vue de la vérité ne l’empêcha 
pas de jouir des charmes de la littérature, et d’en cultiver 
avec succès les travaux ; deux études et deux amours se 
développèrent de plus en plus dans cette âme si bien faite 
pour les recevoir, l’amour du beau dans les œuvres de 


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— 208 — 


l’intelligence et celui du Dieu de l’Évangile ; cette alliance 
se fait toujours sérieuse et indissoluble dans les âmes dont 
je vous parlais il y a quelques instants, elle persévéra dans 
la conduite de Davesiés, sans fléchir et chanceler: aux der¬ 
niers jours de sa tranquille et sérieuse existence, il écrivait 
ces paroles qui révèlent son âme dans ses profondes con¬ 
victions : « Pour que les hommes soient heureux, il faut 
« d’abord qu’ils deviennent meilleurs ; la religion et laphi- 
t losophie tendent à ce même but. » Le déiste, le disciple 
de Saint-Simon, on le voit, avait disparu, le chrétien parais¬ 
sait dans sa radieuse beauté, et lorsque, le 28 décembre 
1859, la mort vint le frapper comme la foudre, il était prêt 
à monter vers son Dieu, le souffle du catholicisme avait 
balayé de son âme les vapeurs du saint-simonisme, les 
enseignements de Jésus-Christ avaient éclairé son intelli¬ 
gence et son cœur, comme le témoigne et l'exprime son 
livre d’études et religieuses ; on sent dans les pages de ce 
livre, qu’il a trouvé, je cite ses expressions, dans le Verbe 
incarné par amour, le repos d’une pleine jouissance, il la 
manifestait par une vie animée par les œuvres de charité ; 
l’ancien samt-simonien était devenu membre et ouvrier des 
conférences de Saint-Vincent-de-Paul ; après cette trans-r 
formation, il pouvait partir rapidement vers la possession 
de Celui qu’il avait appris à connaître, et dont la gloire lui 
était devenue plus chère que toutes choses. 

Voilà, Messieurs, la vie de Davesiés de Pontés ; elle a 
traversé trois situations, chacune digne du plus haut intérêt. 

La marine, l'administration, la littérature, ont occupé la 
première phase. 

La recherche fatigante de la vérité a tourmenté son âme 
durant la seconde. 

Le repos, par la possession de cette vérité connue, est 
arrivé dans la troisième. 

Peu de vies, Messieurs, sont aussi tourmentées. Le plus 
grand nombre s’écoule dans la vulgarité et le silence. Le 
sillon tracé par elle est facile, mais léger; sans effort mais 
sans profondeur ; celle de notre compatriote est sortie de 


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— 209 — 


la médiocrité ordinaire, et pour éveiller l’attention il ne lui 
a manqué quand il vivait, que le coup d’œil d’un observateur 
et la plume d’un écrivain ; j'ai voulu lui offrir la mienne, 
quelque pauvre qu’elle puisse être, et placer dans les an¬ 
nales orléanaises, en un rang élevé, un compatriote dont un 
plus long oubli serait coupable, et quand j’aurai, comme je 
vais le faire, placé sous vos yeux le tableau de ses écrits 
avec leur courte analyse, vous pourrez comprendre, Mes¬ 
sieurs, que notre ville a le droit de se glorifier d’avoir donné 
le jour à Davesiès de Pontés, qui fut, et je vais le montrer, 
publiciste, littérateur, historien, artiste, poète et philosophe. 

L’esprit de Davesiès était ouvert aux beautés de la litté¬ 
rature, et il a su en tenir le langage avec un véritable talent. 
Ses pensées sont hautes, son style noble, coloré, les aperçus 
vrais, délicats. Dans un discours qu’il devait prononcer à 
l’ouverture d’une Université projetée à Saint-Pétersbourg, 
il est très fin et heureux appréciateur de Virgile et d’Homère, 
de Dante et Milton, il les compare en homme qui en a saisi et 
goûté les beautés ; dans un autre discours, préparé pour la 
même Université, il compare les trois poètes d 'Iphigénie en 
Aulide, Euripide, Racine et Rotrou, il les compare avec jus¬ 
tesse ; ses observations et sonjugement sont sûrs etindiquent 
un littérateur dont la pensée est clairvoyante, la plume 
exercée, formant toutes deux une heureuse alliance. 

A la littérature, Davesiès joignit des travaux historiques 
où il a fait preuve d’un jugement droit, d’un goût éclairé. 
Dans son examen de l’histoire de la conquête de l’Angleterre 
par Augustin Thierry, il apprécie avec justesse le travail de 
ce célèbre écrivain, analyse avec bonheur les pages de son 
savant ami qu’il juge néanmoins avec indépendance; on aime 
à l'entendre dire que la conception et la forme de l’auteur 
sont des modèles d’Ecole historique ; la phrase est, dit—il, 
simple comme la langue de Tite-Live, le style est élégant, 
coloré, ferme ; Thierry rajeunit notre langue et lui donne la 
couleur de La Bruyère ; çn aime surtout à l’entendre ap¬ 
plaudir aux pages de Thierry reformant avec impartialité 

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— 210 — 


les jugements de Hume et de Voltaire sur la conduite de 
Thomas Beket, luttant contre Henri II : dans ce travail, la 
plume de Davesiès est facile, animée, elle sent tout à la fois 
et l’historien réfléchi et le littérateur au goût épuré. 

Vous comprendrez, Messieurs, qu’une âme comme celle 
de Davesiès de Pontés, intelligente, élevée, vive et délicate, 
devait aimer les beaux-arts ; il en eut le goût poussé 
jusqu'à la passion, mais sans emportement, et, dans un 
voyage qu’il fit en Italie, durant les années 1853 et 1855, 
il put jouir tout à l'aise de toutes les beautés de cet incom¬ 
parable pays, puis il déposa ses impressions d’artiste dans 
les huit cents pages de deux volumes. Ces impressions 
témoignent bien la finesse et l'excellence de son jugement 
des œuvres des beaux-arts ; il avait étudié à fond la pein¬ 
ture, la sculpture, l’architecture, et, dans le cours de ses 
deux volumes, il parle en observateur, apprécie en maître, 
écrit en littérateur : toutes les villes, tous les musées de 
l’Italie, ont été parcourus par lui ; il analyse leurs monu¬ 
ments, leurs œuvres artistiques, et quand on arrive à la 
dernière page, on voudrait recommencer le même voyage 
avec celui qui décrit si heureusement et juge si bien ce 
qu’il voit. Dans un long séjour à Venise, il a surtout étudié 
la peinture vénitienne, qui, par les œuvres du Giorgione, 
du Titien, du Tintoret, de Paul Véronèse, était arrivée à 
une incomparable perfection ; il en analyse les beautés 
avec un goût tout à la fois délicat et sûr, un jugement 
exempt d’enthousiasme, mais sans froideur ; son admiration 
est raisonnée et persuasive ; on voit que, pour lui, l'école 
vénitienne s’élève au-dessus des écoles florentine et espa¬ 
gnole, et, sans vouloir entrer dans cette discussion où de 
plus habiles que nous hésitent incertains, nous avouerons 
que le jugement de notre compatriote serait le nôtre. 

A la suite de son étude sur la peinture vénitienne se 
trouve un travail intitulé : Les Femmes artistes . 

Ici, Messieurs, j’ai à me défendre contre une pensée, 
oserai-je dire une conviction déjà bien ancienne, oui, me 
défendre, car elle est tellement agressive pour celles qui 


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sont nos mères et dont nous avons le bonheur d’être les 
fils, que si je vous la communique Messieurs, c’est que 
nous sommes une Société sérieuse où les questions de 
sensibilité, d’entraînement, d’instincts irréfléchis n’ont pas 
le droit d’entrer ; ici régnent la science et la raison, la porte 
de notre sanctuaire est fermée aux utopies et aux rêves. 

Voilà pourquoi, Messieurs, en écoutant Davesiès de 
Pontés parler de la femme artiste, j’ai senti se réveiller en 
moi les réflexions des anciens jours et accueilli avec 
grande réserve les pages consacrées à pareille opinion. Je 
me redisais que les lois providentielles sont dangereuses à 
franchir, et que cette loi ayant assigné à l’homme et à sa 
compagne un ministère séparé, il faut, sous peine de péril¬ 
leux désordre, respecter cette loi et ne pas en troubler la 
sage harmonie ; je me disais que c’est, de par cette loi, à 
l’homme de régner par les grandes choses de l’intelligence, 
du savoir, de la force, il est le roi de la double nature ; à 
la femme, Dieu, qui a créé la société, a donné un rôle plus 
modeste, des fonctions limitées par le but de son existence, 
le foyer, la famille, voilà son empire et il n’est pas sans 
gloire. C’est là quelle doit régner par les vertus tranquilles 
et tout en n’excluant pas, je l’affirme hautement, le soin de 
son intelligence, il n’est pas sage de l’élever à un niveau 
que la loi providentielle n’a pas fait pour elle. 

C’est en hésitant. Messieurs, que j’écris ces lignes, car 
on m’accusera, peut-être, de penser en esprit jaloux, 
partial et chagrin, mais on me pardonnera cette malice 
et cette austérité pour nos mères et nos sœurs, par le 
profond respect des institutions d’un maître plus sage que 
nous. Les ai-je trop vues? Au moins vaut-il mieux trop les 
regarder, que de ne pas assez les voir, car on ne troublera 
jamais impunément les pensées du roi de l’humanité. 

On dit, Messieurs, que les artistes ne sauraient être 
poètes, parce qu’ils n’aiment pas l’emprisonnement de la 
pensée dans la rime inexorable, dans les règles infranchis¬ 
sables et l’alignement inflexible du nombre et de la mesure, 
il leur faut le grand air, la liberté de l’espace et du mou- 


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— 212 — 


vement, l'indépendance du travail et la poésie ne souffre 
pas ces audaces. Davesiès de Pontés a cependant été poète, 
la souplesse de son talent a su accepter les impérieuses 
règles du Parnasse et porter les chaînes des muses. Je ne 
vous dirai pas qu’il doit être rangé parmi nos grands 
poètes, ses talents étaient trop diversifiés pour qu’il eût 
acquis l’ampleur et la beauté du génie poétique, mais il en 
possédait la facture, l’aisance et souvent la richesse ; il a 
montré ces qualités dans la traduction du premier chant de 
Y Iliade i et vous me permettrez de placer sous vos yeux le 
commencement de cette traduction. 

Chante, fille des dieux, la colère d’Achille, 

De malheurs et de deuils ce germe trop fertile, 

Ce fléau qui plongea dans le séjour des morts 
Tant d’âmes de héros et de leurs nobles «orps 
Fit aux chiens, aux vautours une pâture immense. 

Ainsi de Jupiter s’accomplit la sentence. 

Alors que s’éleva le débat odieux 

D’Atride, roi des rois, d’Achille, fils des dieux. 

Quel dieu leur mit au cœur cette haine homicide 1 
Phœbus dont le courroux allumé par Atride, 

Répandant sur les Grecs le trépas et l’effroi, 

Vengea Chaysès, son prêtre, insulté par ce roi. 

Mais c’est dans la traduction du poème de Childe-Harold 
par Byron qu’il a surtout laissé voir son talent poétique : sa 
lutte avec le poète anglais est brillante. Davesiès se mesure 
avec son rival, sans inégalité ni défaillance, il y parle avec 
bonheur la langue de la muse française, tantôt suave, tantôt 
vigoureuse, tantôt simple, tantôt bondissante, et, pour con¬ 
firmer ce jugement, j’aime à citer le témoignage de l’un de 
nos meilleurs littérateurs, traducteur lui-même en prose de 
lord Byron, AmédéePichot: « Davesiès, dit cetexcellentjuge, 
a surpassé tous « ses rivaux et ne sera pas surpassé. » Un 
pareil éloge sorti de pareille bouche me dispense d’ajouter un 
seul mot; je me contenterai de vous faire entendre quel¬ 
ques vers de cette traduction dont voici le commencement : 

Toi que la Grèce admit parmi les immortels, 

Muse que du poète enfanta le Génie, 

Tant de luths discordants ont souillé tes autels 
Que je n’ose invoquer ta céleste harmonie ! 


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J’ai parcouru le Pinde et l’antique Éonie, 

J’ai vu Delphe et l’autel où nul ne vient prier, 

Où murmure et se plaint la source qu’on oublie, 

Et je me garderai, Muse, de t’éveiller 
Par les humbles accords que je vais essayer. 

Ècoutez-le parler de Waterloo : 

Childe Harold parcourut cette plaine de mort, 

Le fatal Waterloo, sépulcre de la France, 

Là, d’un dernier essor l’Aigle encore s'élance, 

Là, déchirant le sol de sa serre en lambeaux, 

Percé de mille traits unis pour la vengeance, 

Des fers brisés du monde entraînant les morceaux, 

11 tombe... 

Voici maintenant Napoléon au rocher de Sainte-Hélène: 

Captif des nations conquises par ton glaive, 

Ton nom seul les effraie, un nom plus glorieux 
Depuis que ta grandeur a passé comme un rêve, 

Ah ! tu sers de jouet au sort capricieux 
Quinaguères somblait t'élever jusqu’aux cieux, 

Et te diviniser dans ta propre pensée, 

De ton génie ardent, flatteur officieux, 

Quand tu voyais l’Europe à tes pieds abaissée, 

Adorer en tremblant ta fortune encensée. 

Je pourrais citer encore beaucoup d'autres poésies que 
vous aimeriez à entendre, mais je dois et je veux respecter 
les limites du temps, et il nous est d’ailleurs suffisamment 
acquis, Messieurs, que le jugement d’Amédée Pichot est 
vrai : Davesiés était vraiment poète, et nous pouvons lui en 
décerner la couronne. 

Du poète au dramaturge il n’y a pas loin, Messieurs, ils 
sont tous deux fils d’une mère commune, la noble imagi¬ 
nation : Davesiés fut donc auteur dramatique. 11 composa 
une pièce complète en trois actes : le Gonfalonnier de 
Brescia : le Cerbère du théâtre , Christophe Colomb , 
Y École des philanthropes . 

Le bibliophile Jacob donne de grands éloges au Gonfa¬ 
lonnier de Brescia qu’il appelle remarquable et compare 
au Drame de Pinto par Népomucène Lemercier : nous 
n’acceptons cependant ce jugement qu'avec réserve, car 
l’action de la pièce nous a paru trop compliquée, quelques 


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situations ne sont pas admissibles, les personnages du roi 
de Bohême et de Macaroni nous paraissent sortir d'une 
imagination démesurée, et s’il y a dans la pièce du mou¬ 
vement et de l’intérêt, il s’y trouve encore plus, croyons- 
nous, de fantaisie et d’invraisemblance : on espérerait plus 
d’une pièce qui repose sur les querelles si émouvantes dea 
Guelfes et des Gibelins. 

Le Cerbère et le Misanthrope ne sont que des fragments, 
un travail incomplet où la main de de l’auteur essayait de 
créer une œuvre définitive, 

Christophe Colomb n’est qu’un premier jet où les vers, et 
quelques-uns sont heureux, dominent la prose qui n'est pas 
encore transformée en poésie : il ne faut pas être sévère pour 
cet enfant au berceau, néanmoins on doit regretter que, sa¬ 
crifiant aux regrettables habitudes du théâtre, Davesiès ait 
cru devoir faire entrer dans l’àme si haute, si élevée de 
Christophe Colomb, une intrigue d’amour avec la reine 
d’Espagne et faire descendre jusqu'à l’abaissement du 
vulgaire amour le grand conquérant du nouveau monde. 

On pourrait penser, Messieurs, que, charmé par la poésie, 
séduit par les arts, bercé par les rêves dramatiques, 
Davasiès avait oublié d’établir en lui le sérieux de l’intelli¬ 
gence et de la gravité de la réflexion, il n’en avait rien été; 
j’ai dit que la souplesse de son talent se prêtait aux diver¬ 
sités du travail et que ces variétés ne se portaient récipro¬ 
quement pas préjudice. Vous l’avez vu littérateur, historien, 
artiste, poète, dramaturge, vous allez le voir publiciste, 
je vous le montreraii ensuite philosophe et moraliste. 

Davasiès fit plusieurs voyages en Angleterre et avec 
son âme ouverte à l’amour du bien, son dévouement à 
l’amélioration des classes souffrantes, il fit de curieuses 
études sur les causes de la misère et des remèdes à lui 
donner, dans ce pays où le paupérisme le plus hideux 
côtoie la plus brillante oppulence ; il déposa, en 1858 et 
1859, le fruit de ses observations, dans la Revue des Deux- 
Mondes : ce travail excellent fut accueilli avec un vif inté¬ 
rêt par les esprits sérieux, surtout en Angleterre où les 


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— 215 - 


journaux donnèrent de grands éloges aux pages de Davesiès; 
ils en firent l'analyse, en discutèrent les pensées et les 
vues, invitant l'auteur à continuer son travail qui révélait, 
disaient-ils, un observateur pénétrant et un publiciste 
éclairé, mais il ne put écouter ce bienveillant appel, la 
mort avait brisé la plume de Davesiès 

Cette justesse d’observation, publiciste, il la porte dans 
une autre étude qui nous regarde plus particulièrement ; 
elle porte le nom de : Études sur Vhistoire de Paris . Au 
premier abord, ce travail paraîtrait devoir appartenir à 
l'histoire pure, mais par le principal sujet qu'il traite, il 
relève de la science philosophique, car c’est encore plus 
le publiciste qui raisonne que l'historien qui raconte. 

Je dois avouer, Messieurs, que, dans ce travail, Davesiès 
semble avoir écrit des pages paradoxales : ces pages, au 
nombre de trois cents, où il montre une connaissance 
parfaite de l'histoire de France, sont consacrées à prouver 
que Paris est le fléau de la France, et, comme le dit 
l'écrivain lui-même, un tyran des plus despotique qui 
finira par tuer notre patrie. Après avoir lu sa thèse, il 
faut dire, Messieurs, qu’elle est savamment exposée et 
habilement défendue ; les faits se déroulent naturellement 
dans leur sincérité historique et montrent Paris asser- 
vissant la France durant cinq cents ans. Je ne m'étonne pas 
que la presse parisienne, lorsque le travail de Davesiès 
parut en 1849 et 1850, Fait attaqué avec violence, car 
sa conclusion nette et sans phrases, était qu'il fallait dépla¬ 
cer le centre du gouvernement et le transporter dans une 
autre ville, et éviter ainsi une prépondérance qui condam¬ 
nait les provinces aune funeste inertie, à l’acceptation dé¬ 
plorable des révolutions sans cesse renaissantes Mon but, 
vous le comprenez, Messieurs, ne peut être ni de défendre 
ni d'attaquer la pensée noblement audacieuse de Davesiès, 
je veux seulement mettre en relief le talent de publiciste 
de l’écrivain et le patriotisme de sa pensée ; on voit qu’il 
sait beaucoup, réfléchit profondément, qu'une âme honnête 
et un cœur français ont inspiré les pages remarquables de 


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— 216 — 


son travail, et qu’il serait peut-être bon et utile de ne pas 
trop le reléguer parmi les insensées utopies. 

Après les ouvrages que j’ai pu analyser, Davesiès compte 
encore dans sa fortune d’écrivain deux volumes, l’un 
d 'Eludes sur l'Orient et l'Egypte, l’autre de Mélanges 
littéraires : on y trouve comme dans les autres, le litté¬ 
rateur l’historien, l’observateur ; mais l’importance n’est 
pas la même. Davesiès a seulement jeté sa pensée sur les 
pages, les a habillées promptement, et on peut facilement 
voir que son dessin était de compléter ces écrits et de 
leur donner une étendue et une forme plus dignes de lui 
et de ses lecteurs. 

Me voici parvenu, Messieurs, à la fin du travail que 
l’amour de notre ville m’a imposé : en pensant que je 
devais, à la mémoire d’un citoyen injustement oublié, 
une réparation tardive, par un hommage public, je ne 
crois pas m’être trompé ; je vous ai montré Davesiès 
de Pontés, dans les onze volumes qu’il a produits, entrant 
avec succès dans toutes les régions des connaissances 
humaines, et j’aime à croire que vous partagerez mon estime 
réfléchie et profonde pour notre compatriote ; parti très 
jeune d’Orléans et ayant parcouru sa glorieuse carrière 
loin de nous qu’il n’a jamais revu, il pouvait sans doute, 
comme le sillage du vaisseau, être quelque peu oublié par 
nous, et c’est notre excuse ; mais aujourd’hui le silence 
serait impardonnable; nous connaissons maintenant Lucien 
dans son âme, dans ses talents, dans sa noble vie, et 
lorsque, dans une des salles du musée historique, nous 
regarderons la figure de Davesiès si franche, si ouverte, 
si réfléchie, la mémoire de nos séances des 30 janvier et 
19 février se joindra à ce regard et nous pourrons dire : 
c Lucien Davesiès de Pontés a été un excellent cultivateur 
€ de la science et des arts et un véritable honneur pour 
c Orléans. > 


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RAPPORT 


SUR LE 

IMZJâaUCOXKÆi Q/TJX ZFX&IÉCÈilXE 

Par M. Émile HUET. 


Séance du 1 er Mai 1891. 


Eucien Davesiès de Pontés est né à Orléans le 9 sep¬ 
tembre 1806 ; enlevé prématurément par la mort à Passy, 
le 24|décembre 1859, après une vie longue par le travail, 
il a laissé un bagage littéraire considérable ; huit ans 
marin, puis par un singulier retour de fortune, treize ans 
sous-préfet, aidé par une féconde activité d'esprit, il fut 
amené par les circonstances à aborder l’étude de touies les 
régions des connaissances humaines. Tour à tour litté¬ 
rateur, historien, artiste, poète, publiciste et philosophe, 
il écrivit beaucoup, et scs œuvres réunies ne forment pas 
moins de 11 gros volumes. 

Pourquoi l'oubli s'est-il fait sur ce nom ? Pourquoi un 
tel œuvre est-il tombé dans l’ombre? Sept villes, dit-on, se 
disputent la gloire d’avoir vu naître Homère ; révérence 
parler et toutes proportions sauves, pourquoi Orléans se 
souvient il à peine de Davesiès de Pontés qui fut de ses 
enfants ? 

On pourrait chercher la réponse, la trouver peut-être. 
Etendue sur tant de sujets absolument divers, l’étude doit 
manquer de sérieux ; inspirée par des sentiments toujours 

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— 218 — 


généreux sans doute, mais quelquefois entachés d’utopie, 
comme l’utopie elle devait peu durer, voilà ce qu’on 
pourrait dire pour l’œuvre en général ; pour l'écrivain et 
son origine orléanaise, on ajouterait avec plus de raison 
qu’Orléanais il le fut bien peu, car il fit ses études à Paris, 
et à vingt ans il partait aspirant de vaisseau et ne devait, 
plus revenir à sa ville natale. 

Mais on serait injuste et pour l’œuvre et pour l’écrivain, 
si on voulait généraliser ce jugement. Il est de ces natures 
d’élite qui, comme le dit M. labbé Desnoyers c ne jettent 
« pas, sans doute, l’éclat des intelligences extraordinaires, 
« mais sortent de la route commune », et ce n’est pas 
une façon banale d’en sortir que de prendre à l’envî 
et l’un après l’autre tous les chemins qui viennent y 
aboutir et de laisser dans tous une trace que l’on pourra 
suivre avec fruit. 


Lucien Davesiès de Pontés avait au plus haut degré une 
de ces natures sortant du commun ; écoutez plutôt le juge¬ 
ment que M. l'abbé Desnoyers porte sur les œuvres qu’il a 
laissées : Littérateur, ses pensées sont hautes, son style 
est noble, coloré et plein d’aperçus délicats. Très fin et 
heureux appréciateur de Virgile et d’Homère, il allaitpuiser 
dans son étude aux sources même du bon goût, dans ces 
grands classiques trop délaissés. Ne serait-ce pas pour cela 
que ses observations et son jugement sont si sûrs, et 
indiquent un littérateur à la pensée clairvoyante? Il aima 
passionnément les beaux-arts , qu’il alla étudier sur place 
en Grèce, en Allemagne, en Italie, la terre classique; 
il en parle en observateur et l’on ne peut que constater 
la finesse etl’excellence de son jugement; quand il admire, 
son admiration est raisonnée et persuasive ; du Poète , il 
avait la facture, l’aisance et la richesse, et la langue de 


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— 219 — 


sa muse française est tantôt suave, tantôt vigoureuse, tantôt 
simple, tantôt bondissante ; il fallait ces qualités pour 
traduire l'Iliade ou Chiid-Harold. 11 réussit moins comme 
dramaturge , et si le GonfalorAer de Brescia a du mouve¬ 
ment et de l'intérêt, il s’y trouve encore plus de fantaisie 
et d'invraisemblance. Dans ses travaux historiques il fait 
preuve d'un jugement droit et d'un goût éclairé ; il juge 
Augustin Thierry dont il avait été l'ami et le disciple : 
pouvait-il être à meilleure école ? 

Son passage .dans l’administration sous-préfectorale fit 
de lui, qu'il fût en fonctions ou qu'il les eût résignées, un 
'publiciste , et il apporta dans ses nouveaux travaux ses 
grandes qualités de finesse dans l’observation ; enfin 
moraliste , s’il semble quelque peu paradoxal, il ne faudrait 
pas se hâter toutefois de ranger certains de ses travaux, 
— notamment celui qui porte ce titre de : Paris tuera la 
France, — parmi les utopies insensées. 

Tel est, Messieurs, le résumé trop court du mémoire si 
intéressant dont vous avez entendu la lecture; je me 
sens tenté de lui appliquer une grande partie des qualités 
qu'il relève à l’actif de son héros ; finesse et sûreté d’ap¬ 
préciation; style coloré, hautes pensées, admiration rai¬ 
sonnée et persuasive ; bien persuasive, en effet, car en 
le lisant vous éprouverez comme moi le désir de lire 
ces onze volumes où M. l’abbé Desnoyers a lu tant 
de belles choses. Voilà Davesiès de Pontés bien vengé de 
l’oubli. 

M. l’Abbé me permettra-t-il de lui adresser une critique? 
On dit qu'un rapport doit en contenir au moins une : 
critiquons donc. 

Davesiès de Pontés était devenu homme à cette époque où 
l’on était encore enthousiaste , Schopenhaüer n’était point 
alors de mode. Les grands parlementaires remuaient de 
grandes idées, les politiques soulevaient de hautes questions. 


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— 220 — 


On était Philhelléne de pensée et d’action, on chantait 
Missolonghi et on allait se battre aux côtés de Kanaris. 
Les esprits inquiets recherchaient la rénovation sociale : 
on était Saint-Simonien, disciple du Père avec T hierry, 
Félicien David et tant d’autres. 

Davesiés de Pontés fut enthousiaste et novateur, et 
de la façon la plus ardente. Et voilà ma critique : Cette 
incursion dans le Fouriérisme, le mémoire le dit bien, ce 
fut un égarement, et la conduite de Lucien est inexcu^ 
sable; mais combien à regret, avec quelle finesse d’ap¬ 
préciation, quel cœur. M. Desnoyers lui fait ce reproche! 
€ L’àme généreuse et délicate de notre compatriote se laissa 
« séduire par l'idée d’un progrès dans la situation des peu- 
« pies et d’une transformation sociale ; il ne sut résister au 
« combat pour refaire l’homme et surtout émanciper la 
« femme, injustement condamnée à un rôle subalterne; tout 
t cela devait plaire à Davesiés, dont l’ame élevée ne se 
« résignait pas à se traîner dans les routes battues et vul- 
« gaires. Voilà je pense, Messieurs, la seule explication 
€ d’un égarement qui sans elle rendrait la conduite de 
« Lucien inexcusable. » La générosité du cœur fut aussi une 
vertu de Davesiés; jeune, elle l’entraina aux rêveuses 
utopies, mais cela dura peu ; plus rassis elle le ramena tout 
doucement à la vérité chrétienne; son àme délicate devait 
en venir là. Mais alors l’excuse du mémoire est donc juste et 
ma critique mal fondée? Mettons alors que je n’ai rien dit ! 

Cependant, le bibliophile Jacob, l’un des proches parents 
de Davesiés, dans une étude qu’il lui consacra et qui parut 
en deux articles de la Revue des Provinces, vers 
l’année 1864, relate ce jugement, porté par l’Administra¬ 
tion sur le sous-préfet de Libourne de 1840; il est regarde 
par elle comme c un utopiste incurable » l’appréciation 
doit être quelque peu vraie, car P. Lacroix, constate quel¬ 
ques lignes plus loin avec quelle facilité son parent entre- 


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221 — 


prend et délaisse tour à tour une foule de travaux divers; 
« il passait successivement d’une idée à une autre, d’un 
« projet à un autre projet. » Cette utopie, passagère je le 
veux bien, cette versatilité, ne seraient-elles pas l’expli¬ 
cation de l’oubli ? 

Mais alors, M. l’abbé Desnoyers a pleinement atteint le 
but qu’il poursuivait, sauver de l’oubli ce qui y était trop 
injustement jeté et il l’a atteint de lafnçonla plus heureuse, 
en mettant en lumière les ouvrages de Davesiès : voilà 
pour l’œuvre. Un écrivain de race, de sa famille par le 
sang l’avait déjà précédé en publiant sa biographie ; un 
écrivain de cœur, de sa famille Orléanaise, la rappelle aux 
Orléanais : voilà pour le compatriote. C’était justice et 
justice est faite. Le mémoire le dit excellemment : 

Me voici parvenu, Messieurs, à la fin du travail que l’amour de 
notre ville m’a imposé ; en pensant que je devais, à la mémoire d'un 
citoyen injustement oublié, une réparation tardive, par un hommage 
public, je ne crois pas m’être trompé; je vous ai montré Davesiès de 
Pontés, dans les onze volumes qu’il a produits, entrant avec succès 
dans toutes les régions des connaissances humaines, et j’aime à croire 
que vous partagerez mon estime réfléchie et profonde pour notre com¬ 
patriote; parti très jeune d’Orléans et ayant parcouru sa glorieuse 
carrière loin de nous qu’il n'a jamais revu, il pouvait, sans doute, 
comme le sillage du vaisseau, être quelque peu oublié par nous et 
c’est notre excuse; mais aujourd’hui le silence serait impardonnable ; 
nous connaissons maintenant Lucien dans son âme, dans ses talents, 
dans sa noble vie, et lorsque, dans une dos salles du Musée historique, 
nous regarderons la figure de Davesiès si franche, si ouverte, si 
réfléchie, la mémoire de nos séances des 30 janvier et 19 février se 
joindra à ce regard et nous pourrons dire : t Lucien Davesiès de 
« Pontés a été un excellent cultivateur de la science et des arts et un 
t véritable honneur pour Orléans. » 

★ 

* * 

Si Davesiès est né à Orléans et à ce titre doit être des 
nôtres, il le sera plus encore lorsque nous aurons signalé 
les bustes qui rappellent ses traits au Musée et à la Biblio- 


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— 222 — 

thèque, ainsique son tombeau qui conserve ses restes dans 
notre cimetière. 

Le buste de bronze, signé : J. du Seigneur, daté de 1865 
et portant cette mention : « d’après un Daguerréotype fait 
en 1853 », est dans l’une des salles du musée de peinture ; 
ce n’est pas le seul souvenir matériel de Davesiès que 
possède la ville d’Orléans; le même buste, le modèle sans 
doute, en plâtre coloré, est conservé à la bibliothèque. La 
figure pleine et robuste est agréable. C’est la faute du bronze 
sans doute, mais les yeux sans lumière répandent sur le 
visage comme une expression vague, que ne parvient pas à 
fixer le cou large, serré dans une cravate à deux tours et 
l’impériale mouchetant le menton. La figure est rêveuse et 
il m’a semblé y voir quelques traits de ressemblance avec 
celle de l’empereur Napoléon III. 

Une très jolie gravure de Nargeot, mise en tête d’une 
notice biographique, extraite des articles du bibliophile 
Jacob, est évidemment inspirée par ce buste. 

JVIais Orléans possède plus qu’une effigie de Davesiès de 
Pontés. « Sa veuve, la noble compagne de sa vie, de ses 
« pensées et de ses études, s'est imposé la tâche de 
« recueillir elle-même et de faire imprimer les essais en 
« tous genres qu’il a laissés malheureusement inachevés. » 
Puis se souvenant de l’origine orléanaise de son mari, 
sachant que son père était mort à Orléans, ayant laissé le 
renom le plus honorable et comme homme et comme direc¬ 
teur des Domaines, elle a voulu que la dépouille mortelle du 
fils vint dormir là l’éternel sommeil aux côtés de celle du 
père, reconstituant ainsi dans la mesure du possible, la 
famille à son lieu d’origine. C’est par ses soins qu’ont été 
élevées les tombes qu’on peut voir aujourd’hui au cimetière 
St-Vincent. 

La plus haute, qui porte en son sommet un médaillon de 


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— 223 — 


bronze creux, où la figure est plus jeune et plus souriante 
que dans le buste du musée, est gravée de ces mots : 

A LUCIEN DAVESIÈS DE PONTES 
MORT A PA8ST, LE 24 DÉCEMBRE 1859 
SA VEUVE INCONSOLABLE 

La plate tombe mise au bas, ajoute à droite : âgé de 
52 ans. — Et plus bas, ce texte : c Heureux ceux qui meu- 
« rent dans le Seigneur ; dès à présent, dit l’Esprit-Saint, 
« ils se reposent de leurs travaux car leurs œuvres les 
« accompagnent et les suivent. > 

La partie gauche de la même plate tombe porte : c Et de 
« Margaret Phillips, veuve de Lucien Davesiès de Pontés, 
c morte à Paris, le 27 décembre 1867, âgée de 47 ans. — 
« A voulu reposer auprès de celui qu’elle a tant aimé. » 

A gauche, le père et la mère, et plus loin encore son 
frère, le général Amédée Théodore et à la droite, une sœur, 
sans doute, portant le nom de Mlle de la Mariouze. 

Pieux rendez-vous. L'œuvre de mort accomplie, la famille 
du sang est venue là se réunir. M. l’abbé Desnoyers a fait 
œuvre de vie en réveillant le souvenir d’un enfant trop 
méconnu de la famille orléanaise. 

La section des lettres, a l'honneur de vous proposer, 
Messieurs, l’impression du mémoire de M. l'abbé Desnoyers. 


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STATISTIQUE MÉDICALE 

De la "Ville d’Orléans 

ANNÉES 1887, 1888, 1889, 1890 

Par M. le Docteur LEPAGE. 


Séance du 3 Juillet 1891 . 


Depuis de longs mois, l’Académie de médecine, poussée 
par un patriotique enthousiasme, s’occupe de la dépopula¬ 
tion de la France ; mais il ne suffît point de venir nous 
montrer que notre population s’accroît avec une lenteur 
désespérante, alors que les autres pays pullulent à qui 
mieux mieux; il faut encore, après avoir lutté pendant une 
année entière contre la maladie, que nous comptions nos 
morts. 

N'est-il point navrant, en effet, de voir, comme en 1890 
par exemple, que près d’un tiers, 464 sur 1,628 ont été 
décimés à la fleur de l’âge ; 231 dans les premiers mois qui 
ont suivi leur naissance, les 233 autres avant d’avoir 
atteint leur vingtième année, succombant aux maladies 
infantiles, aux inflammations intestinales, aux affections 
contagieuses, ennemies vigilantes sans cesse en éveil aux 
chevets des berceaux de l’enfance. 

1890 a du reste été, avec 1887, l’une des années les plus 
meurtrières chez l’enfant. 

Avant de combattre, sachons donc d’abord le nombre 


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de nos ennemis, reconnaissons ceux d’entre eux qui sont 
les plus acharnés contre nous. 

« Fixons, comme le disait Guérard à l’Académie, la 
part qui dans la mortalité générale doit être attribuée à 
chaque maladie en particulier, aux influences locales, aux 
saisons, etc., et nous obtiendrons ainsi des documents 
précieux qui, accumulés d'année en année, vérifiés ou 
corrigés avec le temps, conduiront à découvrir et à neu¬ 
traliser bien des causes d’insalubrité, à favoriser l’amélio¬ 
ration physique et morale de l’homme. » 

C’est là le but que se propose cette étude, appelée à con 
tinuer les travaux abandonnés depuis quelques années par 
l’un de mes honorables confrères, M. le D r Patay. Ces 
travaux du reste me serviront de base, me tiendront lieu 
de guide. J’aurais voulu reprendre la statistique là où il 
l’avait laissée mais, faute de temps, j’ai reculé, du moins 
quant à présent, devant ces 16,000 certificats poussiéreux, 
entassés depuis de longues années au milieu des archives 
de la mairie. 

Je me suis contenté de remonter moins loin, et de com¬ 
prendre seulement dans cette statistique les années 1887, 
1888, 1889 et 1890, et je m’estimerai très heureux si ce 
travail peut être de quelque utilité, tant petite soit-elle, et 
si l’on peut s’appuyer sur lui, pour en tirer quelques con¬ 
clusions et quelques renseignements au profit de la vie 
humaine. 

La Direction de l’Assistance et de l’Hygiène publique au 
ministère de l'Intérieur exige de toutes les grandes villes 
de France l’envoi d’un bulletin de statistique sanitaire 
mensuel sur lequel doivent être rangés tous les décès sur¬ 
venus pendant le mois dans la commune. 

Il faut que dans cette feuille, l’employé de mairie chargé 
de ce travail, s’évertue à faire rentrer dans 27 catégories 
différentes tous les décès selon leurs causes. 


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— 226 — 


Voici la nomenclature de ces causes dedéoés auxquelles 
il est tenu de se conformer : 

1. Fièvre typhoïde ou muqueuse. 

2. Variole. 

3. Rougeole. 

4. Scarlatine. 

5. Coqueluche. 

6. Diphtérie, croup, angine couenneuse. 

7. Choléra asiatique. 

8. Phtisie pulmonaire. 

9. Autres tuberculoses. 

10. Tumeur. 

11. Méningite simple. 

12 Congestion et hémorrhagie cérébrales. 

13. Paralysie sans cause indiquée. 

14. Ramollissement cérébral. 

15. Maladies organiques du cœur. 

16. Bronchite aigue. 

17. Bronchite chronique. 

18. Pneumonie, broncho-pneumonie. 

19. Diarrhée, gastro-entérito. 

20. Fièvre et péritonite puerpérales. 

21. Autres affections puerpérales. 

22. Débilité congénitale et vice de conformation. 

23. Sénilité. 

24. Suicides. 

25. Autres morts violentes. 

26. Autres causes de mort. 

27. Causes restées inconnues. 

Ranger ainsi tous les décés est un travail toujours diffi¬ 
cile, pour qui, n’ayant point fait d’études spéciales, ne 
saurait connaître toutes les dénominations sous lesquelles 
on peut, pour ainsi dire, cacher toutes les maladies causes 
de mort. 


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— 227 — 


Néanmoins ce travail est facilité, car toute maladie qui 
n’est pas celle indiquée dans les autres catégories, est 
rangée bien à tort dans la classe n° 26 ainsi intitulée: 
autres causes de mort ; classe bien vaste et bien élastique ; 
en effet nous la voyons toujours contenir un grand nombre 
de décès: 370 sur 1,544 en 1887, 347 sur 1,481 en 1888, 
344 sur 1,460 en 1889. 

On m’objectera que ce sont décès dont la connaissance 
importe peu : non certes, car pour l’année 1890, si j’avais 
suivi de point en point cette nomenclature. 

1° J’y aurais fait rentrer 83 affections des voies respira¬ 
toires qui ne sauraient trouver place dans les trois para¬ 
graphes de cette statistique : n° 16, bronchite aigue ; n" 17, 
bronchite chronique; n° 18, pneumonie, broncho-pneu¬ 
monie ; et cependant il est bien de quelque importance de 
savoir exactement le nombre de nos morts par affections 
pulmonaires, nombre si malheureusement accru en 1890, 
étant donnée l’épidémie d’influenza qui fondit sur nous dès 
le début de l’année, et fît de si nombreux vides dans les 
familles. 

On devrait donc ajouter à cette nomenclature une 
classe 18 bis que l’on pourrait catégoriser ainsi : Autres 
affections des voies respiratoires. 

2° Au point de vue des affections cérébrales, ne devrait-on 
pas également, non pas ajouter ici une catégorie, mais 
remplacer le n° 13 : Paralysie sans cause indiquée , dans 
laquelle on voit toujours peu de décès, par une autre 
classe ainsi conçue : Autres affections cérébrales, affec¬ 
tions nerveuses ; dans cette catégorie, on pourrait faire 
rentrer les encéphalites, les convulsions si fréquentes chez 
l’enfant, les méningites tuberculeuses, les paralysies, les 
embolies cérébrales, etc., classe dans laquelle j’ai rangé en 
1890, 126 décès dûs à ces diverses maladies, décès jetés 
pêle-mêle jusqu’à ce jour au paragraphe 26. 


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— 228 — 


3° L’article 19 : Diarrhée, gastro-entérite, ne renferme 
pas toutes les maladies de l'appareil digestif, et je propo¬ 
serai ici d’ajouter une classe qui renfermerait toutes ces 
autres affections, ainsi que celles des annexes des voies 
digestives, foie, péritoine, etc., au nombre de46 pour 1890 
et classées jusqu’ici toujours au même n* 2C. 

4° Deux classes pour les affections puerpérales sont de 
trop actuellement qu’avec le perfectionnement de l’anti¬ 
sepsie ces maladies tendent à disparaître, et l’on pourrait 
de cette façon avoir : 

Classe 20 : Autres affections des voies digestives et 
annexes. 

Classe 21 : Fièvre puerpérale et autres affections puer¬ 
pérales. 

5° Enfin, ceci soit dit à lintention de mes confrères, ne 
devrait-on pas supprimer la dernière classe : Causes restées 
inconnues, car les moyens sont nombreux, tout en sauve¬ 
gardant le secret professionnel, de porter à la connaissance 
de la municipalité (qui du reste peut l’exiger) les vraies 
causes de mort. 

12 certificats seulement portaient cette année comme 
cause du décès : mort naturelle ; mes confrères ont bien 
voulu m’indiquer la vraie cause de ces décés, et j'arrive 
ainsi à réduire k peu près à néant la classe 27 : Causes 
restées inconnues. J’espère qu’il en sera de même les années 
suivantes ; je dis à peu près, car pour quatre seulement de 
ces morts je n’ai pu obtenir des renseignements vraiment 
suffisants; ils composeront à eux seuls cette catégorie. 

Ces réformes étant admises, j’obtiendrai une nomencla¬ 
ture ainsi établie, qui ne sera pas plus longue que l’an¬ 
cienne et qui me paraît plus apte à donner toutes satis¬ 
factions aux statisticiens : 

1. Fièvre typhoïde. 

2. Variole. 


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— 229 — 


3. Rougeole. 

4. Scarlatine. 

5. Coqueluche. 

6. Diphtérie, croup, angine couenneuse. 

7. Choléra asiatique. 

8. Tuberculose pulmonaire. 

9. Autres tuberculoses. 

10. Tumeur. 

11. Méningite simple. 

12. Congestion et hémorrhagie cérébrales. 

13. Autres affections cérébrales. (Classe nouvelle.) 

14. Ramollissement cérébral. 

15. Maladies organiques du cœur. 

16. Bronchite aigue. 

17. Bronchite chronique. 

18. Pneumonie, broncho-pneumonie, 

18 bis . Autres affections des voies respiratoires. 
(Classe nouvelle.) 

19. Diarrhée, gastro-entérite. 

20. Autres affections des voies digestives et de leurs 
annexes. (Classe nouvelle.) 

21. Fièvre puerpérale et autres affections puerpérales. 

22. Débilité congénitale et vice de conformation. 

23. Sénilité. 

24. Suicides. 

25. Autres morts violentes. 

26. Autres causes de mort. 

27. Causes restées inconnues. 

j espère que ces légères modifications pourront être 
appliquées à la statistique ministérielle sans en com¬ 
pliquer les rouages . 

C’est l'ordre que je suivrai dans ce travail pour les décès 
de 1890. J'aurais voulu le faire également pour les causes 
de morts des trois autres années, mais Les recherches 


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— 230 — 


nécessaires étant par trop considérables, je n’ai pu pour ces 
trois années, établir la statistique sur ces bases et j’ai dû 
me contenter des bulletins mensuels fournis au ministère. 

Des tableaux aussi nombreux que possible sont joints à 
ce travail, pour le rendre plus précis et attirer davantage 
l'attention en en concentrant les données. 

Deux parties principales composeront cette étude. 

Dans la première, je suivrai pas à pas la mortalité à tra¬ 
vers les âges, les sexes, dans les hôpitaux d’adultes, d’en¬ 
fants, de vieillards, d’aliénés. 

Dans la seconde, j’étudierai la statistique mortuaire ouïe 
relevé des causes de décès. 

Celles-ci étant connues, en mourrons-nous moins? Je 
l'espère, car nous aviserons alors au moyen de les com¬ 
battre dans la mesure dp possible ; et la constatation des 
maladies causes de mort conduira nécessairement à l’inves¬ 
tigation étiologique do ces causes mêmes et par suite à 
l’application des mesures d’hygiène et d'administration les 
plus propres à lutter contre elles sur le lieu même d’ori¬ 
gine. 


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— 231 - 

PREMIÈRE PARTIE. 

DE LA MORTALITÉ. 

§ I". 


Etant donnée la population de la Ville d'Orléans, et le 
nombre de morts qui éclatent chaque année dans la Ville, 
combien chaque habitant a-t-il de chances annuelles d’être 
épargné ? En un mot, Qorabien avons-nous par an de morts 
pour 1,000 habitants, c’est-là un des premiers points à élu¬ 
cider. 

Nous nous baserons pour la recherche de cette inconnue 
sur le dernier recencement fait en 1886 et qui attribuait à 
la Ville 60,826 habitants en y comprenant 3,565 hommes 
de troupes. 

En 1887, nons avons un chiffre total de décès égal à 
1,544. Si nous le proportionnons à la population totale de 
60,826 habitants, nous trouverons 25 décès 38 pour 1,000 
habitants. 

En 1888, avec 1,481 morts et le même nombre d’habi¬ 
tants, nous obtenons une moyenne de 24, 34 00 / 00 . 

En 1889, nous n’avons que 1,460 décès, soit 24 °°/ oa . 

En 1890, le chiffre de décès est le plus considérable de 
ces quatre années, il s’élève à 1,628, soit 26,76 °°/ 00 . 

Soit pour ces quatre années: 6,113 décès et eu établissant 
la moyenne des moyennes, nous obtenons le chiffre de 
25,12 

25 décès pour 1,000 habitants chaque année, par consé¬ 
quent 975 pour 1,000 d’épargnés, voilà un premier point 
élucidé par la statistique. 


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— 232 - 


§H. 

Mais une seconde question tout aussi importante se pré¬ 
sente aussitôt. 

A quel âge meurt-on le plus ? Il va être aussi facile de 
l’établir chiffres en main. 

Pour plus de clarté, nous diviserons l’existence en cinq 
périodes : 

1° Les enfants de moins d’un an ; 

2* Ceux de 1 à 19 ans ; 

3° Les adultes de 20 à 39 ans ; 

4° Ceux de 40 à 59 ans ; 

5* De 60 ans et au-delà ; 

6° Les morts nés viendront compléter les nombres de 
décès. 

Voici les tableaux ainsi faits pour les quatre années qui 
nous occupent : 


Année 188T 


MOIS. 

MORTS- 

NÉS. 

MOINS 
d'un an. 

2 

.rt a* 
r-t B 

CS 

C 

Q 

CO 

■ca . 
m 

£ S 

9 

Q 

£o 

« 

2 o 
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9 

Û 

De 60 ans 
et au-delà. 

TOTAUX. 1 

_ j 

Janvier . 

3 

26 

8 

19 

23 

80 

159 

Février. 

9 

15 

3 

11 

19 

54 

111 

Mars. 

3 

17 

18 

21 

16 

81 

156 

Avril. 

3 

23 

50 

22 

17 

59 

174 

Mai. 

3 

17 

27 

13 

21 

59 

140 

Juin. 


20 

24 

13 

19 

37 

123 

Juillet. 


24 

31 

19 

23 

32 

133 

Août. 


40 

15 

10 

10 

40 

118 

Septembre... 

6 

22 

16 

16 

19 

45 

124 

Octobre. 



8 

12 

20 

42 

93 

Novembre.... 


jlRS 

mm 

15 

20 

42 

106 

Décembre .... 



mm 

13 

17 

48 

107 

Totaux... 


H 

219 

184 

224 




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Année 1888 


MOIS. 

MORTS- 

NÉS. 

MOINS 
d'un an. 

De 1 à 10 

ans. 

£ 

* • 

S 3 
© 

s 

25 

« i 
© 

Q 

De 60 ans 
et au-Jelà. 

TOTAUX. 

Janvier. 

6 

16 

15 

13 

22 

45 

117 

Février. 

4 

16 

24 

15 

16 

77 

152 

Mars. 

JK9 

26 

23 

23 

25 

78 

180 

Avril. 

Kl 

19 

19 

14 

17 

58 

131 

Mai. 

B| 

14 

14 

21 

27 

42 

129 

Juin. 

mtm 

16 

27 

16 

1? 

42 

124 

Juillet. 

6 

19 

12 

9 

14 

41 

■nu 

Août. 

6 

25 

5 

11 

22 

27 

96 

Septembre.... 

6 

33 

9 

11 

15 

36 

mm 

Octobre. 

6 

.25 

15 

9 

14 

4i 

113 

Novembre.... 

6 

KTiX 

15 

10 

23 

45 

119 

Décembre.... 

5 

10 

20 

12 

13 

49 

Hj£] 

Totaux... 

69 

239 

198 

164 

227 

584 

1.481 


Année 1880 


MOIS. 

MORTS- 

NÉS. 

MOINS 
d'un an. 

De 1 à 10 

ans. 

a 

* 

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2 

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© 

Q 

De 60 ans 
et au-delà. 

TOTAUX 

Janvier. 

H 

14 

23 

16 

22 

68 

II 

Février. 

Kl 

18 

30 

15 

18 

64 

K «y!! 

Mars. 

Kl 

13 

25 

19 

11 

53 


Avril. 

K9 

11 

18 

14 

17 

55 

ffi ci 

Mai. 

5 

10 

21 

32 

21 

50 

^8 |W 

Juin. 

4 

14 

17 

14 

14 

37 

B iiil 

Juillet. 

11 

13 

16 

9 

26 

45 

120 

Août. 

8 

18 

13 

13 

14 

32 

98 

Septembre.... 

3 

25 

19 

8 

17 

37 

mm 

Octobre. 

6 

13 

3 

21 

11 

39 

93 

Novembre.... 

8 

7 

14 

10 

9 

A3 

91 

Décembre .... 

7 

20 

24 

21 

23 

70 

165 ! 

Totaux... 

73 

176 

223 

192 

20 a 

5*3 

1 460 


16 


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— 234 — 


Année 1800 


MOIS. 

MORTS- 

NÉS. 

MOINS 

d’un an. 

De 1 à 19 

ans. 

è»î 

* . 

3 S 
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S 

« 

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9 

Q 

De 60 ans 
et au-delà. 

TOTAUX. 

Janvier. 

4 

11 

22 

44 

32 

98 

211 

Février. 

5 

22 

19 

23 

26 

59 

154 

Mars. 

6 

27 

27 

17 

24 

88 

189 

Avril. 

4 


20 

15 

20 

47 

132 

Mai. 

i 

20 

28 

14 

9 

55 

130 

Juin. 

7 

15 

22 

21 

18 

40 

123 

Juillet. 

i 

16 

15 

14 

17 

35 

9S 

Août. 


35 

24 

13 

18 

34 

129 

Septembre.... 


27 

20 

15 

21 

39 

128 

Octobre. 

i 

13 

11 

12 

21 

42 

K9 

Novembre.... 


8 

7 

8 

29 

39 

93 

Décembre .... 



12 

17 

27 

64 

141 

Totaux.. .. 

49 

231 

231 

213 

262 

t>40 

1.628 


Ces chiffres seront plus convaincants encore en en faisant 
la récapitulation comme dans le tableau ci-dessous. 


ANNÉES. 

MORTS- 

NÉS 

C/5 à 

Y * 

3 § 

<« ha 

De 1 à 19 

ans. 

De 20 à 39 

ans. 

De 40 à 

ans. 

De 60 ans 
et au-delà 

TOTAUX. 

UIMM 

49 

249 

219 

184 

224 

619 

1.544 

1888. 

69 

233 

198 


227 

584 

1.481 

1889. 

73 

176 

223 

192 

203 

593 

1.460 

1890. 

49 

231 

233 

213 

262 


1.628 

Totaux... 

240 

895 

873 

753 

916 

2.436 

G.113 


Chez les enfants de moins d’un an, comme nous le voyons, 
les décès sont extrêmement nombreux; sur 6,113 décès, si 
nous faisons le total de ces quatre années, nous en trou¬ 
vons 895, soit 14,64 °j 0 . 

De 1 an à 19 ans, 873 autres, 14,28 % ont succombé ; 
viennent ensuite 753/lécès de20 à 39 ans soit 12,31 °/ # ; 916 
de 40 à 59 ans ou 14,98 °/ 0 ; enfin, chiffre énorme, 2436, 


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— 235 — 


plus du tiers 39,85 °/o û partir de 60 ans ; on compte en 
outre 240 morts nés, 3,92 °/\ 

En 1889, nous avons perdu beaucoup moins d'enfants 
que les trois autres années ; en 1890, le chiffre des vieil¬ 
lards est plus considérable. 


§ III. 

Les mois de juillet, août et septembre sontles plus funestes 
aux enfants de moins d’un an, mois de diarrhées et d’athrep- 
sie ; il en est de même de ceux de mars, avril, mai, mois de 
rougeole et de bronchopneumonie. 

Ce sont encore ces maladies qui augmentent le nombre 
des décès dans la seconde catégorie, de 1 à 19ans, cardans 
cette classe, la majeure partie des morts atteint les enfants 
âgés de moins de 10 ans. 

Chez les adultes, les mois les plus chargés sont janvier, 
février, mars, époque d’influenza et d’affections des voies 
respiratoires. 

Chez les vieillards, ce sont encore les premiers mois de 
l’année où l’on relève le plus de décès, tant par sénitité que 
par affections cérébrales et pulmonaires, et les morts 
augmentent à nouveau chez eux avec les mois d’hiver. 

Voici du reste par mois, le nombre total des décès de 
chacune des quatre années dont nous parlons. 


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Google 



— 236 — 


MJlS 

1887 

1888 

1889 

1890 

TOTAUX.J 

Janvier. 

159 

117 

■i 

211 

Mi 

Février. 

111 

152 

m 

154 

569 

Mars. 

156 

180 

wmSm 

189 

652 

Avril. 

m 

131 

119 

132 

556 

Mai .. 


129 

139 

130 

538 

Juin. 

123 

124 

100 

123 

470 

Juillet... 

133 

101 

120 

98 

452 

Août. 

118 

96 

98 

129 

441 

Septembre. 

124 

110 

109 

128 

471 


93 

113 

93 

100 

399 

Novembre. 

106 

119 

91 

93 

409 


187 

109 

165 

141 

522 

Totaux... 

1.544 

1.481 

1.460 

1.628 

6.113 


Comme nous le voyons d’après ces chiffres, ce sont les 
mois d’hiver qui sont les plus chargés de décembre à avril. 
Le mois de mars est celui qui a le plus de décès, le mois 
d’octobre est au contraire le mois du minimum. 

L’épidémie d’influenza est venue augmenter le nombre 
des décès dans une assez forte proportion ; ainsi en décem¬ 
bre 1889, début de l’épidémie, nous avons 165 morts au 
lieu de 119, moyenne des trois autres mois de décembre ; 
au mois de janvier 1890, 211 décès au lieu de 141 en 
moyenne. 


§ IV. 

Les deux sexes sont en moyenne à peu près également 
frappés ; ainsi, si en 1890 nous défalquions les enfants âgés 
de moins de 15 ans, nous trouvons chez les adultes 1,142 
décès se divisant en 577 Hommes et 565 femmes. 

Ils sont ainsi diversement répartispour les différents mois 
de l’année. 


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— 237 


SEXES. 

TOTAUX. | 


Février. || 


*c 

► 

◄ 

Mai. | 

Jun. | 

JD 

'5 

*■» 

5 

O 

< 

« 

L. 

-O 

B 

© 

Q. 

© 

K 

Octobre. | 

Novembre | 

© 

U 

Æ 

B 

« 

o 

a 

Hommes.... 

377 


52 

74 

42 

45 


23 

33 

41 


43 

48 

Femmes.... 

565 

79 


61 

41 

35 

43 

46 

33 

35 

37 

32 

63 


§ v. 

Les 1,628 décès enregistrés en 1890, se répartissent 
ainsi que le montre le tableau suivant tant en ville que 
dans les divers hôpitaux d’adultes, d’enfants, de vieillards 
et d'aliénés. 



Janvier. | 

Février. | 

C 

a 

2 

c 

► 

< 

’3 

2 

c 

"3 

| MI! n f 

-3 

O 

◄ 

Septembre | 

Octobre. 1 

Novembre | 

Déombre. j| 

X 

*< 

g 

h 

Hôtel-Dieu. 

34 

20 

39 

13 

17 

18 

H 

18 

17 

12 

16 

21 

23î 

Salles militaires.. 

5 

6 

3 

3 

2 

1 

1 

1 

2 

1 

» 

1 

28 

Hôpital général... 

16 

13 

11 

9 

16 

10 

8 

8 

9 

7 

7 

14 

128 

Aliénés (Asile d’).. 

6 

8 

8 

1 

3 

4 

6 

3 

2 

1 

4 

8 

54 

Petites-Sœurs.... 

7 

3 

6 

7 

3 

1 

1 

3 

2 

3 

4 

6 

4< 

Prison. 

3 

» 

» 

» 

\ 

» 

» 

> 

> 

» 

» 

1 

* 

Totaux... 

71 

£5 

O 

bü 

33 

“42 

“34 

26 

"33 

32 

24 

31 

51 

49;- 

Décès en ville.... 

140 

104 

120 

99 

88 

>9 

72 

96 

96 

76 

62 

90 

1.135 

Totaux... 

211 

134 

189 

132 


123 

98 

129 

128 


93 

141 

1.628 


Nous relevons donc comme total 1,135 décès en ville, 
260 à l’Hôtel-Dieu, se subdivisant en 28 pour les salles 
militaires, 149 dans les salles d'adultes des deux sexes, 
9 à la maternité (débilité congénitale chez les enfants), 
34 à l’hôpital des enfants; 128 morts à l’Hôpital-Général, 


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Google 





























































— 238 - 


dont 98 chez les vieillards et incurables, 30 aux enfants 
assistés, à la. Crèche. 

L’établissement de vieillards dirigé par les Petites Sœurs, 
des Pauvres, donne 46 décès pour les vieillards des deux, 
sexes. L’asile d’aliénés en compte 54 ; la Prison, 5. 

Un chiffre qu’il aurait fallu établir, c’était la mortalité 
dans les Collèges et pensionnats pour chaque sexe, mais 
presque toujours les enfants sont rendus à leur famille au 
moindre signe de maladie sérieuse, tant sur la demande de 
celle-ci, que par crainte de la contagion si facile à se pro¬ 
pager dans les agglomérations infantiles ; il m’a été impos¬ 
sible d’être éclairé à ce sujet. 


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— 239 — 


SECONDE PARTIE. 


DES CAUSES DE MORT. 

Je ne puis mieux faire pour relever les causes de décès 
des trois premières années qui nous occupent, 1887, 1888, 
1889 que de les concentrer eu un tableau général en me 
conformant aux chiffres officiels ; mais que d’inconnus en 
ce tableau où nous voyons chaque année en moyenne 350 
sur 1,500 décès, près d’un sur 4, mal classés et par consé¬ 
quent sans valeur. Sont-ce des affections cérébrales, pul¬ 
monaires, des affections des voies digestives, des périto¬ 
nites, nous l’ignorons. Espérons qu’à l'avenir nous serons 
mieux partagés et que feuilletant à temps les certificats de 
décès, et les classant selon nos désirs, nous arriverons à 
mieux éclaircir la situation. 

On a l’air en effet jusqu’à ce moment de ne point s’occu¬ 
per d’autres maladies des voies digestives que de la Gastro- 
entérite, et cependant l’on meurt de Péritonite simple 
(22 en 18'.!0) de typhlite, d’occlusion intestinale ; on suc¬ 
combe aux affections du foie, dans ce siècle d’alcoolisme 
(16 décès), sans compter les cas de carcinomes développés 
dans cet organe si complexe. 

On laissedecôté les congestions pulmonaires (52 en 1890) 
si fréquentes actuellement pendant les hivers rigoureux 
que nous traversons depuis quelques années, et qui occa-- 
sionnent bien des morts subites. 

On rejette pêle-mêle dans l’inépuisable classe 26, avec 
toutes ces affections, les encéphalites, les maladies de la 
moelle épinière, les névroses, l’aliénation mentale, les con¬ 
vulsions de l’enfance, comme autant d’ennemis qu’on ne 
daigne pas combattre,et à qui on a l’air d’abandonner leurs 
proies. Il faut lutter, lutter encore, et savoir comme je le 


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— 240 — 


propose, le nombre de ces ennemis qui nous guettent, afin 
de pouvoir les combattre corps à corps et ouvertement. 

C'est donc avec regret et dans 1/impossibilité où je suis 
actuellement d’agir diversement, que je vais indiquer les 
causes de mort de 1887 à 1889. Il n’en sera pas de même 
pour 1890, où je suivrai la nomenclature si peu différente 
que je propose, et dont il sera possible de tirer plus de ren¬ 
seignements. 

Pour ces quatre années, les décès que nous savons être 
au nombre de 6,113 se répartissent de la façon suivante, 
selon les maladies qui les ont causés. 


Causes de décès pour les années 1887, 1888 et 1889. 


U 

06 

a 

06 

O 

O 

2 

CAUSES DE DÉCÈS. 

1887 

1888 

1889 

1 

Fièvre typhoïde ou muqueuse. 

9 

12 

20 

2 

Variole.'. 

1 

1 

17 

3 

Rougeole.•. 

22 

» 

3 

4 

Scarlatine. ..... 

1 

7 

22 

5 

Coqueluche. 

3 

7 

3 

6 

Diphtérie, Croup, Angine couenneuse 

16 

25 

52 

7 

Choléra asiatique. 

» 

1 

> 

8 

Phtisie pulmonaire. 

153 

136 

126 

9 

Autres tuberculoses. 

54 

33 

48 

10 

Tumeur. 

52 


86 

11 

Méningite simple. 

56 


27 

12 

Congestion et Hémorrhagie cérébrales 

136 

121 

111 

13 

Paralysie sans cause indiquée. 

13 

5 

» 

14 

Ramollissement cérébral. 

36 

26 

49 

15 

Maladies ôrganiques du cœur. 



99 

10 

Bronchite aigüe. 

42 


22 

17 

Bronchite chronique. 

35 

26 

40 

18 

Pneumonie, Brocho-pneumonie .... 

168 

162 

88 

19 

Diarrhée, Gastro-entérite... 

91 

107 

91 

20 

Fièvre et Péritonite puerpérales .... 

8 

3 

6 

21 

Autres affections pucrpéralés. 

2 

3 

1 

22 

Débilité congénitale et vice de con¬ 





formation. .. 

27 

38 

22 

23 

Sénilité..... 

76 

53 

83 

24 

Suicides. 

11 

16 

11 

25 

Autres morts violentes. 

10 

13 

7 

26 

Autres causes de mort.... 

370 

347 

344 

27 

Causes restées inconnues. 

» 

2 

9 


Morts-nés,.... 

49 

69 

73 


Totaux. 

1.544 

00 

«r« 

1.460 


Digitized by 


Google 















































1 800 


— 241 — 



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— 242 — 


Prendre ces classes les unes après les autres, les étudier 
avec quelques détails, voir ce que pour chacune d’elles 
nous avons perdu ou ce que nous avons gagné dans cette 
période de quatre années consécutives, sera le but de cette 
seconde partie 


il. 

DE LA. FIEVRE TYPHOÏDE. 

9 cas, en 1887; 12, en 1888; 20, en 1889; 18, en 1890, 
tel est le bilan de la fièvre typhoïde pour ces quatre der¬ 
nières années. Ces cas se sont déclarés comme l’indique le 
tableau ci-dessus dans les différents mois de ces quatre 
années. 


ANNÉES. 


Février. | 

i 

sa 

S 

> 

< 

‘3 

S 

a 

’3 

*-> 

© 

3 

5 

0 

« 

4/ 

JS 

6 

© 

Cu 

© 

TA 

Octobre. | 

Novembre || 

Décembre. | 

TOTAL 


1 

* 

1 

2 

1 

1 

H 

» 

y> 

i 

1 

3 

9 

1888. 

■ 

» 

3 

4 

» 

m 

■ 

1 

» 

4 

1 

» 

12 

18*9. 

2 

2 

1 

i 

1 

1 

2 

1 

1 

3 

2 

4 


1890. 

» 

1 

2 

1 

» 

1 

2 

1 

4 

4 

1 

1 

18 

Totaux.. 

3 

3 

7 

7 

“2 

2 

4 

2 

1 3 

1* 

4 

8 

59 


Elle semble demeurer chez nous à l’état endémique mais 
avec une légère tendance à l’augmentation ; le plus grand 
nombre de décès a lieu en octobre. Elle choisit presque 
exclusivement ses victimes dans la période de la vie de 1 
à 40 ans et surtout de 1 à 20 ans. 

En 1890, nous avons deux cas qui ont simultanément 
éclaté au n° 2, de la rue Parisis, au rai s de septembre ; les 
deux malades transportés àl’Hôtel-Dieu y ont succombé. 
Si de ce point nous tirons une ligne allant du nord au sud, 
nous trouvons tous les autres décès situés à l’ouest de cette 
ligne, sans aucune exception. 


Digitized by t^.ooQle 





























— 243 — 


Les quartiers les plus contaminés, sont le faubourg Ban* 
nier, rue de la Bourie, rue des Closiers ; le quartier des 
hôpitaux, rue de Limare, rue des Curés, faubourg Made¬ 
leine.! 

Dans les premiers mois de l’année, les cas ont été assez 
nombreux dans ce quartier, faubourg Madeleine, rue du 
Baron, quai St-Laurent, quoiqu’on n’ait eu qu’un seul 
décés à enregistrer. 

C’est au contraire à partir du mois de septembre, que la 
fièvre typhoïde s’est propagée du côté du faubourg Bannier 
et des rues avoisinantes; les cas y ont été également assez 
nombreux, surtout du côté des Aydes. 

Deux canonniers du 30 e régiment d’artillerie sont égale¬ 
ment venus succomber à l’Hôtel-Dieu, atteints de dothie- 
nentérie, ainsi qu’un militaire de passage à Orléans. 

Un cas s’est déclaré à l’asile des aliénés, un cas rue des 
Montées, à St-Marceau. 

Voici du reste, la liste des 18 cas de 1890, ayant occa¬ 
sionné la mort. 


1 

11 

\ 

février 

52 

ans 

femme 

2 

8 

mars 

23 

» 

homme 

3 

30 

mars 

17 

» 

femme 

4 

23 

avril 

18 

» 

homme 

5 

18 

juin 

19 

» 

i 

6 

5 

juillet 

33 

» 

» 

7 

12 

juillet 

18 

» 

» 

8 

27 

août 

23 

» 

9 

9 

15 

septembre 

20 

» 

V 

10 

16 

septembre 

5 

» 

enfant 

11 

17 

septembre 

37 

» 

homme 

12 

27 

septembre 

64 

» 

femme 

13 

6 

octobre 

38 

> 

homme 

14 

9 

» 

71 

» 

» 

15 

18 

» 

22 

t 

9 

16 

19 

» 

40 

)> 

femme 

17 

28 

novembre 

34 

t 

homme 

18 

7 

décembre 

36 

» 

9 


rue Bannier, 100. 

30 e d'artillerie, décédé à l’Hôtel-Dieu 

faubourg Madeleine, 11. 

rue des Montées, 23. 

rue de Limare, 19. 

rue des Curés, 9. 

30 e d'artillerie, décédé à l'Hôtel-Dieu 

militrirc de passage, » 

rue Parisis, 2. » 

faubourg Bannier, 433. 

rue Parisis, 2, décédé à rHôtel-Dieu. 

rue de la Bourie Blanche, 1. 

h rilôtel-Dieu. 

rue des Closiers, 6. 

rue Louis-Rognet, 20. 

à l’Hôtel-Dieu . 

» 

Asile des aliénés. 


13 hommes, 4 femmes et un enfant. 


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VARIOLE. 


La variole qui n’avait causé qu’un seul décès en 1887, et 
un en 1888, a eu une assez vive recrudescence en 1889, 
dans les six premiers mois de l’année, où nous constatons 
17 cas suivis de mort : 3 en janvier, 6 en février, 3 en mars, 
2 en avril et mai, 1 en juin, frappant tout aussi bien les 
adultes que les enfants. 

Depuis cette date et pendant toute l’année 1890, on ne 
note aucun décès par variole. Devons nous cette disparition 
de la maladie, aux vaccinations et revaccinations qui ont 
été faites depuis cette époque ? Cela est certain et prouve 
une fois de plus la nécessité de ces vaccinations et revacci- 
nations successives ; c’est le seul parti que nous ayons à 
prendre, si nous voulons voir, comme chez nos voisins, le 
chiffre de la mortalité par variole tomber à zéro et s’y main¬ 
tenir. 


§ ni. 

ROUGEOLE. 


Deux épidémies de rougeole ont sévi sur Orléans, pen¬ 
dant cette période de 4 années, l’une en 1887, avec 22 décès, 
la seconde en 1890, avec 41 morts. 

Voici la répartition exacte : 


ANNÉES. 

Janvier. || 

ta 

4> 

’C 

> 

•« 

£ 

a 

S 

h 

> 

< 

*5 

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Octobre. || 

t 

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> 

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Décembre. | 

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5 

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1 

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2 

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9 

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22 

1888. 

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» 

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» 

a 

» 

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• 

» 

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» 

1 1889. 

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2 

3 

1 18'JO. 

5 

1 

2 

13 

10 

4 

2 

4 

1 

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41 

I Totaux.. 


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4 

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Tï 

11 

~4 

5 

» 

» 

» 

2 

56 


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- 245 - 


En 1887, l'épidémie a éclaté en mars, a eu son maximum 
en avril, avec 10 décès et finit avec 2 morts en juillet. 

En 1888, on ne trouve aucun cas mortel; il y en a trois 
en 1889, un en août, les deux autres en décembre, venant 
pour ainsi dire ouvrir la période épidémique qui a continué 
pendant les huit premiers mois de 1890, avec maximum 
correspondant à celui de 1887, en avril et mai. 

Si, donc aux 41 cas de 1890, nous joignons les deux de 
décembre 1889 qui s’y rattachent, uous avons le total de 
l’épidémie égal à 43 décès. Sur ces morts dont je donne 
ci-dessous la liste, 19 sont notées comme étant dues aux 
complications pulmonaires, 17 par bronchopneumonie, un 
par tuberculose, une congestion pulmonaire. 


1 

1er 

janvier 

4 ans 

place du Vieux-Marché. 

Broncho-pneumonie. 

s 

2 

» 

6 > 

rue des Beaumonts. 


3 

6 

» 

4 > 

rue du Parc. 

id. 

4 

13 

> 

8 i 

rue de Recouvrance, 8. 

id. 

5 

28 

i 

13 mois 

rue Drufln, 6 bis. 

id. 

6 

22 février 

2 m. 1/2 

rue de Limare, 22. 


7 

10 mars 

26 mois 

rue de la Charpenterie. 


8 

28 

» 

4 ans 

rue de la Corroirie. 


9 

5 avril 

22 » 

Hôj ital militaire. 

id. 

10 

11 

» 

2 9 

rue du Plat-d’Etain. 

id. 

h 

11 

» 

8 mois 

rue des Bouchers, 5. 


12 

13 

» 

2 ans 

rue des Charretiers, 9. 


13 

14 

» 

2 » 

rue de la Charpenterie, 3^ 


14 

14 

» 

45 mois 

faubourg Saint-Jean, 106 

iù. 

15 

21 

9 

6 ans 1/2 

— 109 

id. 

16 

21 

9 

4 ans 

rue du Puils-Landeau. 7. 

id. 

17 

22 

9 

8 > 

rue des Chats-Ferrés, 10. 

id. 

18 

23 

» 

1 > 

rue de la Corroirie. 16. 

id. 

19 

24 

9 

10 mois 

rue Croix-dc-Bois, 10. 

id. 

20 

25 

I 

8 » 

rue de la Corroirie, 20. 


21 

29 

» 

1 an 

route Saint-Mesmin, 23. 


22 

2 

mai 

10 mois 

rue Tudelle, 64. 


23 

2 

• 

27 i 

Hôpital général (crèche). 


24 

4 

» 

9 ans 

rue Porte-Madeleine, 52. 

Tuberculose 

25 

8 

9 

10 mois 

rue Porle-Saint-Jean, 10. 

Broncho-pneumonie. 

26 

13 

J» 

2 ans 

Hôpital général (crèche). 


27 

14 

9 

1 an 

— — 


28 

15 

i 

11 mois 

rue de l’Ange, 1 . 


29 

19 

> 

9 ans 

faubourg Bannier, 35. 


30 

26 

9 

4 m. 1/2 

Hôpital général (crèche). 


31 

29 

9 

7 mois 

— — 



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3-2 

1 er juin 

16 » 

rue des Bons-Enfants, 4. 


33 

4 » 

2 ans 

place du Châtelet, 27. 

id. 

3t 

9 » 

17 mois 

rue du Chariot* 3. 

id. 

35 

2) » 

4 ans 

rue Croix-de-Bois, 16. 


36 

2 juillet 

22 mois 

rue Brise-Pain, 8. 

id. 

37 

9 » 

1 an 1/2 

rue de l’immobilière, 15. 

Congestion pulmon. 

38 

2 août 

14 mois 

rue Vieille Monnaie, 9. 

Broncho-pneumonie. 

39 

2 » 

15 » 

rue des Carmes, 78. 


40 

4 » 

16 » 

rue de l’immobilière, 15. 


41 

24 » 

9 > 

faubourg St-Vincent, 167 



Ces décès par rougeole semblent être simultanément 
apparus dans les diverses parties de la ville; cependant ils 
paraissent plus nombreux dans les bas quartiers, dans les 
quartiers populeux, où l’agglomération infantile e3t la plus 
considérable et pour n’en citer que quelques exemples, 
prenons au hasard les rues de la Charpenterie (2 décès), de 
la Corroirie (3 morts), rue Croix-de-Bois (2 cas), rue des 
Charretiers, rue Tudelle, etc. 

Ces cas de rougeole ont atteint exclusivement les enfants 
de quelques mois à 7 ou 9 ans; un seul cas isolé de bron¬ 
chopneumonie rubéolique ayant frappé un homme de 22 ans, 
dans les salles militaires de l'Hôtel-Dieu. 


SIV. 

SCARLATINE. 

La scarlatine semble s’ètre enracinée à Orléans. En 1888, 
sur plus d’un millier de cas, on n’avait constaté que 7 décès^ 
répartis dans les différents mois de l’année, comme le mon¬ 
tre le tableau suivant : un en mars, un en mai, un en juin, 
un en juillet, deux en août et un en novembre. 

Dans le début de 1889, la scène change et les décès aug¬ 
mentent; nous en relevons deux en janvier, $ixen février, 
huit en mars, un en avril, deux en mai, deux en octobre, 
un en novembre, soit un total de 22 cas mortels pour 
l’année entière. 


Digitized by t^.ooQle 





— 247 — 


Dans les premiers mois de 1890, une légère recrudes¬ 
cence se fait sentir et nous notons 5 décés en février, 2 en 
mars, 2 en avril, 1 en mai, 1 en juin, 1 en août, soit 
12 pour l'année; dans les quatre derniers mois, beaucoup 
moins de cas et plus du tout de décès. Sur ces 12 cas de 
l’année 1890, comme nous le montrera la liste donnée plus 
loin, nous avons quatre décès à l’Hôtel-Dieu, avec compli¬ 
cation de croup. 


ANNÉES. 

« 

> 

G 

et 

—i 

Février. || 

00 

kl 

es 

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Avril. | 

‘3 

G 

G 

Juillet. | 

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Octobre. | 

Novembre || 

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1 

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1 

1888 . 

» 

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1 

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1 

1 

1 

2 

» 

» 

1 

» 

7 

1889 . 

2 

6 

8 

1 

2 

» 

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2 

1 

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22 

1890 . 

» 

m 

1 

2 

1 

1 

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k 

1 

12 

Totaux. . 

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1 

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■ 

■ 

B 

B 

» 

2 

2 

» 

42 


Février et mars sont les mois les plus contaminés. 


Voici la liste des 12 cas suivis de mort, qui ont eu lieu 
à Orléans en 1890. 


1 

6 février 

^22 ans 

homme 

76 e rég 1 d’infanterie 
30 e rég 1 d’artillerie 

décédé aux salles militaires 

2 

12 » 

22 

» 

» 

id. 

3 

21 » 

23 

i 

» 

30 e — — 

id. 

4 

22 » 

5 

» 

enfant 

rue Chaude-Tuile, 20 

(avec croup.) 

décédé h rHôtel-Dieu. 

5 

24 » 

2 

i 

r> 

faub. Bannicr, 270 


6 

28 mars 

21 

» 

homme 

76* rég 1 d’infanterie 

décédé aux salles militaires 

7 

28 « 

3 

> 

enfant 

rue des Carmes, il 

(avec croup.) 

décédé à rHôtel-Dieu. 

8 

9 avril 

4 

> 

9 

Olivct 

(avec croup ) 

id. 

9 

23 » 

23 

» 

homme 

militaire de passage 

(venant de la Charente.) 

décédé auxsalles militaires 

10 

2 mai 

22 

» 

» 

30 e rég 1 d’artillerie 

id. 

11 

30 juin 

26 

» 

femme 

Couv. de la Visitation 


12 

10 août 

3 

» 

enfant 

Saint-Ay 

(avec croup.) 

décédé à rHôtel-Dieu. 


Sur ces douze cas, deux sont étrangers à Orléans, 


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— 248 - 


(Saint-Ay et Olivet) et compliqués de croup ; deux vien¬ 
nent du 76' de ligne (caserne Bannier) et deux du faubourg 
Bannier (la contagion ne vient-elle pas du voisinage de la 
caserne ?) Trois autres frappent des militaires du 30* d'ar¬ 
tillerie, un, un militaire de passage venant de la Charente. 
Les deux derniers meurent à l’Hôpital des enfants, 
atteints simultanément de croup et de scarlatine. 

Au total, sur 12, 6 hommes (militaires), 1 femme et 
5 enfants, tel est le choix que la scarlatine a fait de ses 
victimes. 


§ V. 

COQUELUCHE 

La coqueluche par elle-même, occasionne généralement 
peu de morts, mais ses complications, la bronchopneu¬ 
monie entre autres sont terribles. 

On ne relate que trois décès en 1887, sept en 1888, 
trois en 1889. La statistique de 1890 est un peu plus 
chargée et comporte 14 cas ; 1 en mars, 3 en mai, 3 en 
juin, 2 en août, 4 en septembre, 1 en octobre. 


■ 

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c 

* 

Février, j 

9 1 
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V. 

Octobre. | 

Novembre | 

91 

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su 

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TOTAL. 


1 



2 

» 

> 

» 

» 

» 

9 

» 

» 

3 

1888. 

» 



» 

1 

1 

2 

1 

i 

i 

> 

» 

7 

1889. 

1 

■ 


» 

» 

» 

1 

» 

B 

)> 

1 

» 

3 

1890. 

> 

m 


B 

3 

3 

» 

2 

4 

1 

» 

» 

14 

Totaux. . 

2 

» 

1 

2 

4 

4 

“~3 

3 

5 

2 

"1 

» 

27! 


Comme le montre la liste ci-dessous, les décès semblent 
se répartir à peu près dans les différents quartiers de la 
ville ; le canton Nord-Est semble cependant le plus atteint 
(6 cas sur 14), un rue de Château-Gaillard, un rue la 
Barrière-Saint-Marc, un rue Chaude-Tuile, un au bout de 


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- 249 — 


la rue Verte et deux dans une même maison de la rue de 
la Gare. 


1 

21 mars 

13 mois 

rue de la barrière-Saint-Marc, 44. 

2 

2 mai 

14 » 

rue de la Chaude Tuile, 24. 

3 

16 » 

10 8 

rue du Grenier-à-Sel. 

4 

23 » 

16 » 

rue de la Charpenterie, 46. 

5 

10 juin 

4 ans 

rue de la Charpenterie, 53. 

6 

12 » 

15 mois 

rue d’Escures. 

7 

24 » 

18 » 

rue de Château-Gaillard, 20. 

8 

25 août 

15 « 

rue de la Gare, 23. 

9 

31 i 

1 an 

«> 

10 

4 septembre 

3 ans 1/2 

rue de la Gare, 23. 

11 

7 8 

1 mois 

rue Verte, 52. 

12 

8 8 

4 » 

rue Tudelle, 39. 

13 

28 i 

14 8 

rue Agathe, 5. 

14 

31 octobre 

4 ans 1/2 

rue des Carmes. 


Tous ces cas ont éclaté chez des enfants de quelques 
mois à quatre ans. 


§ Vf. 

DIPHTERIE 

La diphtérie, qui pour les 3 premières années qui nous 
occupent, semblait avoir tendance à s’accroître dans des 
proportions assez rapides a heureusement diminué de 
fréquence en 1890. 

Les mois les plus meurtriers sont février et mars comme 
le montre le tableau suivant : 


ANNÉES. 

Janvier. || 

Février. | 

Mars. | 

T 

> 

< 

! 

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Octobre. | 

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B 

9 

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H 

1887. 

8 

2 

3 

2 

2 

8 

2 

2 

\ 

> 

2 

» 

16 

1888. 

1 

1 

2 

2 

» 

2 

2 

2 

8 

6 

3 

4 

25 

1889. 

9 

10 

6 

4 

4 

3 

2 

3 

1 

1 

2 

7 

52 

1890. 

2 

5 

6 

1 

1 

l| 

4 

4 

1 

3 

3 

4 

35 

Totaux.. 

12 

18 

17 

9 

7 

6 

H 

11 

3 

10 

H 

15 

1 

128 


Nous relevons donc 16 morts, en 1887, 25 en 1888, 

n 


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— 250 — 

52 en 1889 et 35 seulement en 1890, si nous comprenons 
les 4 cas classés en même temps avec la scarlatine* 

Et encore, sur ces 35 décès de 1890, faut-il en enlever 
7 qui ont atteint des enfants venant des différents points 
du département succomber à l'Hôtel-Dieu, (un même était 
venu de Seine-et-Oise.) Nous n’avons donc plus que vingt- 
huit cas vraiment nôtres en 1890. 

Sur ces vingt-huit cas, deux sont dûs au 30° régiment 
d’artillerie, deux ont frappé l’un une femme de 40 ans, 
l’autre une femme de 31 ans ; les 24 décés restant pour la 
ville ont atteint des enfants ayant de quelques mois k 
5 ans 1/2 ; les enfants venus du dehors ne sont pas plus âgés. 

On ne note pas de décès au-dessus de 5 ans 1/2 comme 
nous le montre la liste ci-dessous. 


1 

3 janvier 

1 ?n 

enfant 

rue des Charretiers, 16 

décédé à l’Hôtel-Dieu 

2 

: 7 » 

17 mois 

» 

rue de TEtelon, 29 

id. 

3 

7 février 

21 ans 

homme 

30 e rég 1 d’artillerie 

id. 

4 

7 » 

40 i 

femme 

fâubour Bannier, 208 

id. 

5 

H » 

3 » 

enfant 

r de la Bourie-Blanche,27 

id. 

6 

15 » 

3 » 

» 

rue de la Hallebarde, 15 

id. 

7 

2 mars 

21 » 

homme 

30 e rég 1 d’artillerie 

id. 

8 

5 » 

2 » 

enfant 

rue du Cheval-Bouge, 17 

id. 

9 

8 i 

18 mois 

» 

Artenav (Loiret) 

id. 

10 

12 » 

2 ans 

» 

Pussav* (Seine-et-Oisc) 

id. 

11 

23 » 

17 mois 

9 

faubourg Bannier, 113 

id. 

12 

2 mai 

5 ans 

» 

rue des Curés, 7 bis 


13 

2 juin 

11 mois 

» 

rue Slc Catherine, 42 


14 

8 juillet 

3 ans 


Menestreau-en-Villetle 

id. 

15 

14 i 

6 mois 

» 

rue d’illiers, 120 


16 

27 » 

13 > 

» 

Fleury-aux-Choux,Loiret 

id. 

17 

31 » 

4 ans 1/2 

» 

cloître dé la Cathédrale, 2 

id. 

18 

4 août 

3 ans 

» 

Fleury-aux-Choux,Loiret 

id. 

19 

6 * 

4 » 

» 

rue Bannier, 22 


20 

20 » 

3 > 

» 

rue Bannier, 23 


21 

22septem. 

20 mois 

» 

rue Parisis, 6 


22 

13 octobre 

17 » 

> 

venelle de la Poterne, 4 


23 

23 » 

4 ans 

1 

rue Sainte-Anne 


24 

30 » 

14 mois 

» 

rue des Charretiers, 17 


23 

4 novem. 

4 ans 

» 

rue des Bouchers, 11 

id. 

26 

5 i 

5ans 1/2 

» 

rue du Héron, 18 


27 

23 » 

4 ans 

» 

rue de la Lionne, 1 


28 

4 décem. 

5 » 

» 

quai Saint-Laurent, 40 

id. 

29 

7 « 

31 » 

femme 

rue de la Concorde 13 


30 

14 » 

4 »> 

enfant 

r. du Command^Arago 

id. 

31 

21 * 

3 » 

» 

rue du Bourdon-Blanc 

id. 


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— 251 — 


Il faut y ajouter les 4 cas suivants qui se sont compliqués 
de scarlatine. 


32 

22 février 

5 ans 

enfant 

r. delaChaude-Tuile,20 

décédé à rHôtcl-Dieu 

33 

23 mars 

3 i 

» 

rue des Carmes. 

id. 

34 

9 avril 

4 » 

• 

Olivet (Loiret) 

id. 

35 

10 aoûl 

3 » 

p 

Saint-Ay (Loiret) 

id. 


Comme on le voit, il n’y a pas un seul décès dans le 
quartier Saint-Marceau qui est réputé comme le néfaste 
théâtre de cette terrible affection. On en trouve au con¬ 
traire à peu près dans presque tous les quartiers de la 
ville. 


§ vn. 

CHOLERA 

Le choléra nous laisse une statistique absolument nette 
en 1887, 1889 et 1890 ; un seul cas est noté en 1888, 
au mois de juillet; je n’ai pu me procurer de renseignements 
à ce sujet. 

Par les mesures sanitaires prises & la frontière d'Es¬ 
pagne, au moment de l'épidémie qui a sévi dans ce pays 
voisin en 1890, nous avons été préservés de toute invasion, 
quoique beaucoup de voyageurs venant d’Espagne se soient 
arrêtés à cette époque à Orléans où, comme partout 
ailleurs, ils ont été examinés et surveillés. 

§ VIII. 

PHTISIE PULMONAIRE 

La tuberculose pulmonaire à côté du choléra, quel con¬ 
traste ! Ici point de décès, là, une des causes de mort les 
plus fréquentes. 153 décès en 1887, 136 en 1888, 126 en 
1889, 158 en 1890, ce qui fait un total de 573 pour ces 
quatre années, avec un chiffre de décés de tout genre égal 
à 6,113, soit 94 **/„ de décès, presque 1 sur 10. 


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— 252 — 


Etant donnée la population orléanaise de 60,826 habi¬ 
tants, nous avons en chiffres ronds, 52 décès.par tuberculose 
pulmonaire sur dix mille habitants chaque année, chiffre 
qui n'a été dépassé que par celui de la pneumonie et de la 
broncho-pneumonie en 1887, 1888 et 1890 et que nul 
n’a atteint en 1889. 

Voici le tableau de la marche de la tuberculose pendant 
ces quatre années : 


| ANNÉKS? 

Janvier. || 

Février. || 

E 

es 

3 

‘E 

> 

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16 

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9 

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1889. 

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11 

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1890. 

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14 

10 

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158 

Totaux. . 

54 

43 

50 

46 

59 

54 

44 

41 

47 

43 

41 

51 

573 


En 1887, 1888, la répartition de la tuberculose s’est 
faite à peu près également pour tous les mois, avec son 
maximum en mai (16 décès en 1887, 15 en 1888). 

En 1889, maximum également en mai, (14 cas), et en 
décembre (15), minimum en septembre (7). 

Aux 15 décès de 1889, viennent bientôt s’adjoindre les 
24 de janvier 1890, chiffre le plus fort qui ait jamais été 
atteint ; puis la défervescence a lieu peu à peu, et l’on ne 
relève plus que 13 décès en février, 14 en mars, avril, mai, 
16 en juin, lu en juillet, 11 en août, 14 en septembre, 
10 en octobre, novembre, 8 en décembre. 

Cette augmentation assez vive en décembre 1889 et dans 
les premiers mois de 1890, coïncident avec l’épidémie 
d’influenza, qui sévit sur nous à cette époque et vint 
frapper avec son cortège de mort, aussi bien au palais du 
riche qu'à l’humble masure du pauvre. 

Nous verrons du reste cette meme augmentation dans 


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les premiers mois de cette année 1890, se manifester éga- 
lement pour les autres affections pulmonaires, la pneumo¬ 
nie entre autres, qui a atteint en janvier le chiffre énorme 
de 51 décès au lieu de 15 en 1887, 14 en 1888, 16 en 1889. 

Chaque année, la tuberculose choisit comme victimes 
préférées, les individus de 20 à 40 ans ; ainsi, en 1890, 
elle en a frappé à cet âge 76 sur 158, près de la moitié ; 
ce même chiffre de 76 avait été atteint en 1889, mais 
c’était plus de la moitié, car cette année là on n’avait 
compté que 126 décès par tuberculose pulmonaire. En 1890, 
les autres morts se répartissent ainsi suivant l’âge : 16 ont 
été fauchés avant leur vingtième année, 40 ont succombé 
de 40 à 60 ans ; les 26 autres avaient dépassé de peu la 
soixantaine. 


§IV. 

A.UTRBS TUBERCULOSES. 

Cette classe est moins chargée en 1890 que les années 
précédentes ; elle ne comprend que six morts, entre autres, 
une tuberculose abdominale, une tuberculose osseuse. 

J’en ai extrait les méningites tuberculeuses, au nombre 
de 25, pour les ranger à la classe 13: autres affections 
cérébrales. Sans cette soustraction, nous aurions avec les 
6 tuberculoses ci-dessus, un total de 31 cas, bien peu infé¬ 
rieur à ceux des années précédentes. 

En 1887, on note en effet 54 autres tuberculoses ; on en 
relève 33 en 1888, et 48 en 1889. 

§X. 

TUMEURS. 

Tumeurs : classe bien large dans laquelle viennent se 
ranger côte à côte des tumeurs d’un genre bien différent. 


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On en trouve 52 en 1887, 79 en 1888, 86 en 1889 ; 
nous en avons également 87 en 1890. Pour cette dernière 
année, elles se divisent ainsi : 

36 carcinomes de l’estomac ; 5 cancers du foie, 4 de la 
vessie ; 6 tumeurs du sein ; 8 tumeurs diverses de l’utérus 
12 tumeurs abdominales ; 3 de l’intestin, une du rein, une 
de la rate, 1 épithélioma du cou, 1 de la face ; et 9 autres 
tumeurs diverses. 


§XI. 

MÉNINGITE SIMPLE. 


56 en 1887, 46 en 1888, 27 en 1889, 30 en 1890, tel est, 
comme l’indique le tableau suivant le tribut payé à la 
méningite simple pour chacune de ces 4 années : 


ANNÉES. 

Janvier. || 

Février. || 

| 

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2 

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19 

11 

15 

14 

16 

22 

14 

7 


6 

~8 

8 

159 


Le maximum pour 1890 est en juin, le minimum en 
novembre. En 1889, maximum en mai et juillet ; en 1888, 
maximum en juin et minimum en décembre ; en 1887, 
maximum en mai (8) et surtout en septembre (11), mini¬ 
mum en décembre. 

Au total, le nombre des décès paraît vouloir augmenter 
pendant les premiers mois de chaleur, mai, juin, juillet et 
diminue avec les mois d’hiver. 

C’est de 1 à 19 ans que semble se payer le tribut le plus 
élevé : 15 sur 30 meurent à cet âge en 1890 ; 17 sur 27 en 
1889 ; 25 sur 46 en 1888 ; 34 sur 56 en 1887. 


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—255 — 


§ XII. 

CONGESTION ET HÉMORRHAGIE CÉRÉBRALES. 

Ici, ce sont les sexagénaires et leurs aînés qui presque 
seuls, élèvent le nombre de morts par congestion et hémor¬ 
rhagie cérébrales. On en compte 109 de cet âge, sur 132 
décès en 1890. Neuf fois la mort subite a été notée. 

Voici le tableau comparatif des quatre années. 


ANNÉES. 

Janvier. | 

Février, j 

2 

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3 

Avril. 

’3 

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Juillet. 

Août. | 

Septembre 

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13 

14 

439 

1888. 

11 

11 

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15 

11 

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12 

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11 

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1889. 

13 

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6 

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1890. 

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Totaux. . 

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43 

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38 

39 

22 

34 

39 

34 

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503 


Leur fréquence est plus considérable en hiver, nous en 
notons le plus grand nombre en décembre, janvier et février, 
le minimum a lieu en août. En 1890, 132 cas maximum 
en février, 21 ; minimum en août, 4. En 1889, 111 décès 
maximum, en décembre, 16; minimum en octobre, 5. En 
1888, 121 morts, minimum août, 5; maximum mai, 15. En 
1887, 139 cas, minimum juin, 4 ; maximum 17, atteint en 
janvier et 19 en avril. 


§ XIII. 

AUTRES AFFECTIONS CÉRÉBRALES. — AFFECTIONS NERVBUSBS. 

Classe nouvelle et dont le chiffre do décés, 126, prpuve 
qu’elle n'est pas à dédaigner; ces morts étant rangés à la 
classe 26, pour les années 1887, 1888, 1889, il est impos¬ 
sible de savoir ce qu’elles nous auraient donné, et d’établir 
la comparaison. 


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— 256 — 


Pour 1890, les 126 décès se divisent ainsi : 

37 convulsions chez les enfants de quelques mois pour la 
plupart. 

25 méningites tuberculeuses, frappant également l’en¬ 
fance. 

5 myélites, aigues ou chroniques. 

3 encéphalites. 

5 embolies et une anémie cérébrales. 

2 tumeurs cérébrales. 

1 atrophie musculaire progressive. 

1 paralysie sans cause indiquée. 

I névrose chronique. 

3 cas de tétanos, 2 en mai, 1 en novembre, dont 2 à la 
suite de blessures par armes à feu. 

18 paralysies générales progressives et 24 aliénations 
mentales. 

Les autres décès de l’asile d'aliénés au nombre de 30, ont 
eu lieu par suite de paralysie générale, ramollissement, 
hémorrhagie cérébrale, et sont compris avec ces affections; 
11 sont morts d’affections cardiaques, pulmonaires et 
autres. 


§ XIY. 

RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL. 

Le ramolissement cérébral est également l’apanage de la 
vieillesse, mais il est beaucoup moins fréquent que la con¬ 
gestion et l’hémorrhagie cérébrales; 48 cas seulement en 
1890, à côté de 132 congestions. 

Il est à peu près également réparti dans tous les mois dè 
l’année, comme le montre le tableau suivant. 

On note 36 décès en 1887, 26 en 1888, 49 en 1889. 


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— 257 — 


ANNÉES. 

Janvier. | 

Février, j 

a 

* 

Avril. | 

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Juillet. | 

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Septembre | 

Octobre, j 

Novembre | 

Décembre 

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1887. 

2 

3 

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5 

5 

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4 

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1888.... 

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6 

2 

1 

2 

1 

1 

2 

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1 

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4 

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1889. 

5 

4 

6 

4 

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4 

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3 

5 

4 

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1890. 

5 

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1 

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2 

2 

3 

6 

6 

48 

Totaux. . 

15 

16 

17 

9 

17 

14 

12 

8 

11 

10 

13 

17 

159 


§XV. 

MALADIES ORGANIQUES DD CŒUR. 

Les maladies du cœur ont occasionné 109 décès en 1890. 
Elles se maintiennent tous les ans à peu près à cette 
moyenne. On en relève en effet 100 en 1887,100 également 
en 1888 et 99 en 1889. 

Elles donnent lieu à la plupart des morts subites. 

En voici le tableau pour ces quatre années. 


ANNÉES. 

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JD 

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4 

Février. | 

Mars. | 

Avril. | 

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3 

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Juillet. | 

Août. | 

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Octobre. | 

Novembre j 

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TOTAL. 


16 

6 

11 

10 

11 

6 

4 

7 

6 

2 

11 

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1888. 

6 

10 

12 

13 

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6 

6 

6 

9 

7 

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1889. 

8 

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9 

11 

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10 

7 

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99 

1890. 

6 

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6 

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6 

12 

15 

9 

109 

Totaux.. 

“36 

32 

44 

43 

37 

29 

28 

29 

23 

30 

42 

35 

408 


Elles semblent se répartir presque également sur tous les 
mois de l’année, avec une légère diminution aux mois 
d’été. 

Elles frappent surtout les individus âgés de plus de 
60 ans ; on en compte en effet 70 °/« à cet âge, en 1887 
et 1888; 65 sur 99, en 1889; et 51 sur 109, en 1890. 


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— 258 — 


§XVI. 

BRONCHITE AIGUE. 

La bronchite aigue fait à peu près chaque année un 
même nombre de victimes. 42 en 1887, 43 en 1888,22 en 
1889, 37 en 1890. 


ANNÉES 

Janvier. | 

b 

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Avril. | 

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Septembre | 

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1887. 

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1888. 

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1 

2 

4 

1 

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3 

7 

2 

43 

1889. 

3 

1 

2 

4 

2 

2 

3 

2 

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1 

» 

2 

22 

1890. 

10 

• 1 

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4 

5 

2 

1 

2 

2 

1 

2 

5 

37 

Totaux... 

26 

20 

20 

16 

12 

■ 

il 

5 

2 

6 

11 

■ 

144 


Les mois de janvier, février, mars et avril, sont les plus 
chargés, minimum en août et septembre. 

Elle frappe de préférence les deux âges extrêmes de la 
yie, les enfants de moins d’un an, et à partir de 60 ans, 

§ xvn. 

BRONCHITE CHRONIQUE. 

La bronchite chronique atteint à peu prés les mêmes 
chiffres, 35, 26, 42, 33 ; tel est son bilan pour ces quatre 
années. Elle se fait également plutôt sentir dans les mois 
d’hiver, de décembre à avril. 

Elle est encore la triste compagne de la vieillesse; sur 
33 morts en 1890, elle a emporté 28 sexagénaires et au- 
delà. 


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— 259 — 


§ xvm. 

PNEUMONIE, BBONCHOPNEUMONIE. 


La pneumonie sous toutes ses formes, la bronchopneu¬ 
monie, la pleuropneumonie, la pneumonie infectieuse com- 
portent chaque année le chiffre le plu3 élevé des décès : 
168 en 1887,162 en 1888, 88 seulement en 1889, mais 205 
en 1890, sans compter 17 cas, où la bronchopneumonie est 
venue compliquer la rougeole et les quelquefois où elle s’est 
associée à la coqueluche, pour emporter plus sûrement ses 
victimes. En voici le tableau mois par mois pour ces quatre 
années. 


ANNÉES. 

Janvier. | 

Février. || 

C 

a 

2 

Avril. | 

*3 

2 

.3 

3 

*-» 

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1887... 

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12 

25 

28 

16 

15 

12 

13 

5 

1 

9 

8 

168 

1888-...... 

14 

23 

51 

26 

11 

10 

2 

3 

3 

8 

6 

5 

162 

1889. 

16 

15 

5 

4 

4 

5 

3 

6 

9 

3 

6 

12 

88 

1890. 

51 


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18 

17 

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6 

6 

11 

6 

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15 

205 

Totaux... 

96 

1 

119 

76 

48 

38 

23 

28 

28 

27 

30 

40 

1 

623 


Inutile de chercher longtemps à quoi est dûe l’augmen¬ 
tation considérable que nous constatons pendant cette der¬ 
nière année, dans la mortalité que cette affection a entraînée. 
Car si à côté de la moyenne de chacun des cinq premiers 
mois des trois autres années, 15, 17, 27, 19, 10, nous pla¬ 
çons la mortalité de chacun des mois correspondants de 1890, 
51, 20, 38, 18, 17, nous voyons de suite que c’est surtout 
à cette période qu’il faut faire remonter cette augmentation. 
Or, au début de cette année, nous étions bousculés par l’é¬ 
pidémie d’inâuenza, au moins pendant les trois premiers 
mois, et malmenés comme nous l’avons vu par une épi¬ 
démie de rougeole avec ses complications pulmonaires 
pendant les deux autres.; 


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— 260 — 


Le minimum a lieu tous les ans, en juillet et août; 
en 1890, il en a été de même. Mais pour les derniers mois 
de l’année, la moyenne de décès a été plus forte en 1890, 
nous avons eu un léger accroissement en septembre (11 cas), 
puis nous sommes retombés à 6 en octobre, pour remonter 
à 9 en novembre et 15 en décembre; ce dernier chiffre est 
plus élevé que la moyenne des trois autres années qui est 
de 9, pour ce même mois. 

Ici encore ce sont les deux périodes extrêmes de la vie 
qui sont le plus vivement atteintes; sur les 623 décès par 
pneumonie de ces quatre années, on en relève 129 avant un 
an, 126 de 1 à 19 ans, 30 de 20 à 39 ans, 69 de 40 à 59 ans 
et 251 au-delà de 60 ans. 

' § XVIII bis. 

AUTRES AFFECTIONS DES VOIES RESPIRATOIRES. 

Les mêmes mois de 1890 ont causé également une aug¬ 
mentation dans les décès dûs aux autres affections des voies 
respiratoires. Nous trouvons le maximum en janvier 19, 
et décembre 16, le minimum en juin et septembre 1. 

Elles frappent de préférence les mêmes âges que la bron¬ 
chite et la pneumonie ; sur les 83 cas qui forment cette 
classe, on note 52 congestions pulmonaires, 8 affections du 
larynx, 3 pleurésies, une grippe, 3 iafluenzas, 2 hémopty¬ 
sies, 4 emphysèmes, 3 embolies pulmonaires, 1 adénopathie 
bronchique, 1 œdème pulmonaire, une gangrène du poumon, 
1 asthme chronique, 1 engouement pulmonaire, 1 catarrhe, 
1 coryza chez un nouveau né. 

§ XIX. 

DIARRHÉE, GASTRO-ENTÉRITE. 

La gastro-entérite est une des causes de mort les plus 
fréquentes dans le tout jeune âge; à peu prés également 


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— 261 — 


réparti sur les premiers mois de l’année, et en petit nombre 
à cette époque, on voit tout à coup le chiffre de ses morts 
augmenter aux mois de chaleur, en juillet, août et septem¬ 
bre, puis baisser en octobre, et décroître presque complè¬ 
tement en hiver. 146 en 1890, 91 en 1889, 107 en 1888, 
91 en 1887, telle est la somme de ses victimes. 

En voici le tableau récapitulatif mois par mois. 


ANNÉES. 

Janvier. | 

Février. | 

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2 

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1888. 

4 

3 

3 

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4 

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3 

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17 

7 

4 

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1889. 

5 

4 

4 

6 

6 

5 

8 

15 

19 

6 

6 

7 

91 

1890. 

5 

3 

14 

7 

4 

7 

10 

35 

29 

16 

7 

9 

146 

Totaux... 

14 

10 

23 

24 

22 

~3Ô 

42 

83 

90 

44 

26 

21 

435 


435 décès sur ces quatre années et sur ces 435, 265 se 
sont produits de juillet à octobre, 42 dans les 4 mois de 
juillet, 83 aux mois d’août, 96 pendant les mois de sep¬ 
tembre, 44 aux mois d’octobre. 

Sur ces 435 morts, 307 avaient moins d’un an, la plu¬ 
part des autres ne faisaient qu'entrer dans la vie, ce qui 
justifie bien le nom donné à l’athrepsie et à l’entérite de 
fléaux de l'enfance. 

Cette affection étant due en partie à la mauvaise alimen¬ 
tation, je crois qu'il serait utile que nous divisions cette 
catégorie en deux classes, comme cela se fait dans la 
statistique établie pour Paris : enfants élevés au sein, ou 
nourris au biberon ; mais nous n’avons aucun renseigne¬ 
ment à ce sujet, et pour cela il faudrait que les certificats 
médicaux portent à l’avenir cette mention : sein ou . 
biberon. 

Recommandé tout spécialement à mes confrères et sur¬ 
tout aux Inspecteurs des enfants du premier âge et des 
enfants assistés. 


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- 262 — 


§ XX. 


AUTRES AFFECTIONS DES VOIES DIGESTIVES BT DE LEURS 
ANNEXES 

A côté des affections des voies digestives, qui même ne 
peuvent toutes rentrer dans la classe précédente, il y a 
encore une catégorie importante de causes de mort, dues 
aux affections des annexes de ces voies digestives et dont 
la connaissance semble être de quelque utilité. 

Les tirer de l’oubli, c’est le but que se propose cette 
nouvelle classe, créée spécialement pour elles. 

En 1890, nous y faisons rentrer 46 cas, chiffre qui a 
bien quelque importance et nous le répartissons ainsi : 

Deux étranglements internes, 2 occlusions intestinales, 
1 hernie étranglée, 1 typhlite, 2 ascites, 22 péritonites 
aigues, 16 affections du foie. 

§ XXI. 

FIÈVRES ET AUTRES AFFECTIONS PUERPÉRALES 

Trois fièvres puerpérales en 1890, toutes trois à la 
maternité de l’Hôtel-Dieu, deux en janvier, l’uutre en mars; 
une hémorrhagie puerpérale en mars ; 4 cas et c’est tout. 

En 1889, nous en relevons 7, dont 6 décès par fièvre et 
péritonite puerpérales. 

En 1888, 3 fièvres et 3 autres affections. 

En 1887, 10 cas dont 8 fièvres et péritonites. 

Cette affection tend de plus en plus à disparaître, c’est là 
un des bienfaits de l’antisepsie rigoureuse. 

§ XXII. 

DÉBILITÉ CONGÉNITALE ET VICE DE CONFORMATION 

La faiblesse congénitale nous a donné en 1890, la 


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— 263 — 


moyenne de décès correspondante à celle des antres 
années ; 27 en 1887, 38 en 1888, 22 en 1889 et 27 en 
1890. 

Tous ces enfants ont été enlevés dans les quelques 
heures ou quelques jours qui ont suivi leur naissance ; 
quelques-uns étaient nés avant terme. 

§ XXIII. 

SÉNILITÉ 

La sénilité présente en 1890 une somme de décès un 
peu plus considérable que les années précédentes. 

On en compte en effet 92, comme on le voit dans le 
tableau ci-dessous, alors qu’en 1887, on n’en relevait que 
76, 53 en 1888 et 83 en 1889. 


ANNÉES. 

b 

JS 

a 

al 

i 

s 

s 

999 

% 

< 

’S 

S 

’S 

*■* 

j 

• 

a 

‘3 

*-s 

<S 

O 

◄ 

Septembre | 

Octobre. | 

£ 

• 

► 

O 

Z 

8 

X» 

B 

« 

o 

O 

TOTAL. 

1887. 

19 

4 

9 

4 

7 


6 

6 

9 

1 

4 

2 

76 

1888. 

4 

8 

7 

5 

2 


» 

2 

5 

4 

6 

6 

83 

1889. 

il 

9 


8 

4 



2 

3 

7 

8 

8 

83 

1890. 

12 

12 


7 

8 



7 

6 

5 

4 

8 

92 

Totaux... 

46 

33 

36 

24 

21 

19 

22 

17 

23 

17 

22 

21 

304 


Le maximum est tous les ans atteint aux mois de 
janvier, février, mars, le minimum en août et octobre. C’est 
en janvier 1887 qu’on note le plus fort chiffre de 
décès (19). 


§ XXIV. 

SUICIDES 

Les suicides tendent à augmenter de nos jours ; 11 indi¬ 
vidus se sont donné la mort en 1887, 16 en 1888, 11 en 
1889 et 18 en 1890. 


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— 264 — 


Ces derniers se répartissent ainsi : 8 asphyxiés par le 
charbon, 7 pendaisons, 3 par armes à feu. 

Ces 66 suicides sont notés une fois chez une femme de 
19 ans, 18 fois de 20 à 39 ans, 19 de 40 à 59 ans, 18 de 
60 et au-delà. 

On se suicide à tout âge à peu prés dans la même pro- 
portion. Nous en verrons de plus jeunes en 1891. 

§ XXV. 

AUTRES MORTS VIOLENTES 

Je n’ai point fait rentrer dans cette classe les morts 
subites, dues aux affections cardiaques, cérébrales ou 
pulmonaires, qui quoique subites sont des morts natu- 
relies et non violentes. 

On en a déclaré 27 en 1890, dont 13 par suite d’affec¬ 
tions cérébrales, 8 par affections cardiaques, les 6 autres 
dans le Cours d’affections diverses. 

Ces morts atteignent leur maximum pendant les mois 
d’hiver, nous en relevons en effet, 3 en janvier, 7 en 
octobre, 4 en novembre, 7 en décembre et 6 dans le cours 
des six autres mois, un pour chacun d’eux. 

Les morts violentes au nombre de 10 en 1887, 13 en 
1888 et 7 en 1889 ont été notées neuf fois en 1890 ; deux 
par assassinat ; 4 par brûlures étendues, 1 par submersion 
accidentelle ; 1 par fracture de la colonne vertébrale dans 
une chute d’un lieu élevé, 1 par traumatisme violent. 

§ XXVI. 

AUTRES CAUSES DE MORT 

Nous arrivons avec un total de 63 décés que nous 
n’avons pas pu ranger dans les classes précédentes. 

Sur ces 63 morts nous en trouvons 24 par suite d’affec- 


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— 265 — 


tions des voies urinaires. Si l'on ne craignait point trop de 
diviser, ne pourrait-on pas catégoriser à part ces affec¬ 
tions? 

Les 39 autres se subdivisent ainsi : 

13 érysipèles ou phlegmons diffus ; 5 septicémies ou 
infections purulentes : 4 gangrènes ; 5 cas de diabète ; 
un d’alcoolisme ; trois décés par suite de rhumatisme ; 
2 cas de syphilis infantile ; 1 cachexie, une anémie perni¬ 
cieuse ; 1 purpura hémorrhagica ; 1 cas de melanose 
généralisée ; une rupture de l’uterus ; une métrorrhagie. 

Il tn’est impossible ici de comparer ces chiffres avec 
ceux des trois autres années qui contiennent péie-mèle des 
affections cérébrales, pulmonaires, des voies digestives et 
urinaires pour donner des totaux de 370, 347, 344 décès. 

§ XXVII. 

CAUSES RESTEES INCONNUES 

Rien à dire à ce sujet, nous n’avons qu’à émettre le sou¬ 
hait que le nombre de ces causes restées inconnues diminue 
d’année en année. 


§ XXVIII. 

MORTS-NÉS 

Le nombre des morts-nés, 49 en 1890, est un peu moins 
élevé que celui des statistiques précédentes 73 en 1889, 
69 en 1888 et égal au chiffre de 1887. 

Les morts nés se divisent pour ces quatre années en : 
199 enfants légitimes dont : 

112 du sexe masculin, 

87 du sexe féminin, 

41 enfants illégitimes dont : 

20 du sexe masculin, 

18 


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— 266 — 


21 du sexe féminin. 

Le nombre de décès l’emporte comme toujours pour le 
sexe masculin: 135 contre 108. 


CONCLUSIONS. 


Voilà le tribut que nous payons à chacune des maladies 
que nous avons successivement passées en revue ; en tire¬ 
rons-nous des conclusions bien fermes. 

Je crois que ce serait trop présumer ; en effet, quoique 
les décès de ces quatre années soient au nombre de plus 
de six mille, ce chiffre n’est pas encore assez imposant pour 
nous servir de base solide. 

Mais nous le prendrons comme point de départ ; les rele¬ 
vés des autres années viendront se joindre à lui et le grossir, 
ce qui nous permettra d’être plus hardis à l’avenir dans nos 
conclusions. 

Néanmoins, nous voyons tout d’abord d’après ces quel¬ 
ques chiffres que nous ne saurions prendre trop de précau¬ 
tions contre les maladies contagieuses qui dorment à nos 
côtés et ne demandent par instant qu’à se réveiller et à 
faire des victimes. Luttons sans cesse contre la variole par 
les vaccinations et les revaccinations multipliées ; luttons 
contre la scarlatine, la rougeole, la coqueluche, la diphtérie 
par l’hygiène préventive, l’hygiène de nos écoles, on ne 
saurait trop le répéter, et dans les cas de maladie déclarée, 
luttons contre sa propagation par l’isolement et la désin¬ 
fection plutôt exagérés. 

Combattons par l’assainissement et l’hygiène et de sages 
mesures administratives, la fièvre typhoïde qui semble vou¬ 
loir s’acclimater au milieu de nous. 


/ 


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- 267 - 


Veillons à l’alimentation des enfants pour écarter d’eux 
leur ennemi le plus redoutable, l'athrepsie. 

Les affections respiratoires donnent lieu chaque année à 
plus d’un tiers de décés, les affections cérébrales à plus d'un 
cinquième ; ce sont les deux causes de mort les plus fré¬ 
quentes. 

Il serait bon à ce sujet de connaître la proportion des 
décés des autres grandes villes de France, pour savoir si 
nous devons ce taux assez élevé aux conditions climatéri¬ 
ques dans lesquelles nous vivons. 

En résumé, voici la proportion selon laquelle chacune 
des causes de mort dont nous nous sommes occupés a con¬ 
tribué à la mortalité générale de ces quatre années. 


1. Fièvre typhoïde. 0.96 °/ # 

2. Variole.,. 0.31 

3. Rougeole. 1.08 

4. Scarlatine. . 0.70 

5. Coqueluche. 0.45 

6. Diphtérie. Croup. Angine couenneuse.... 2.09 

7. Choléra asiatique.. 1 décès 

8. Tuberculose pulmonaire ... 9.40 

9. Autres tuberculoses. 2.30 

10. Tumeurs. 4.97 

11. Méningite simple. 2.60 

12. Congestion et Hémorrhagie cérébrales... 8.22 

13. Paralysie sans cause indiquée pour les 

3 premières années. 0.30 

» Autres affections cérébrales pour 1890... 2.05 

14. Ramollissement cérébral. 2.60 

15. Maladies organiques du cœur. 6.67 

16. Bronchite aigue. 2.35 

17. Bronchite chronique. 2.19 

18. Pneumonie.—Bronchopneumonie. 10.19 

18 bis. Autres affections pulmonaires connues 

pour 1890 seulement. 1.36 


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— 268 - 


19. Diarrhée. Gastro-entérite. 7.11 •/, 

20. Autres affections des voies digestives con¬ 

nues pour 1890 seulement. 0.78 

21. Fièvre et autres affections puerpérales... 0.45 

22. Débilité congénitale et vico de conforma¬ 

tion. 1.53 

23. Sénilité. 4.97 

24. Suicides. 0.91 

25. Autres morts violentes. 0.62 

26. Autres causes de.mort. 18.39 

Classe surtout chargée comme nous l’avons vu 
pour les trois premières années. En 1890, elle 
ne donne que 1,05 %. 

27. Causes restées inconnues. 0.24 

28. Morts nés. 3.92 

Ce qui nous donne au total : 

Pour les maladies contagieuses (1, 2, 3, 4).. 3.05 0 /» 

Pour les affections des voies respiratoires 

n M 5, 6, 8, 16. 17, 18, 18 bis . 28.03 

Pour les affections cérébrales, n* 11, 12, 

13, 14. 15.77 

Pour les affections des voies digestives n or 19 

et 20. 7.89 

Pour les affections du cœur n* 15. 6.67 


Le reste soit 38,59 °/ 0 se répartit, comme nous venons 
de le voir entre toutes les autres catégories. 

Souhaitons en terminant que cette étude jointe à beau¬ 
coup d’autres soit de quelque utilité et qu'elle aille grossir 
le nombre de ces archives suprêmes, comme les nomme 
Beriillon, « dont l’accumulation successive accroîtra la 
valeur et les fruits et dans lesquelles trouvent de précieux 
documents, les sciences qui s’occupent de l'étude de l’homme 
et les arts qui veillent à l’amélioration de son sort. » 


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RAPPORT 


8UB LE 

lÆÉ^ÆOIK/E Q,TTI PBEOÈDE 

Par M. le Docteur PATAY. 


Séance du 16 Juillet 1891. 


Messieurs, 

Complimentons tout d’abord notre jeune confrère d’avoir 
repris une œuvre utile que nos occupations ne nous avaient 
pas permis de continuer et souhaitons lui la persévérance. 

Nous lui ferons d'abord une observation, qui nous parait 
assez importante : 

« La direction de l’assistance et de l’hygiène publique 
« au Ministère de l’intérieur exige, nous dit-il, mainte- 
c nant de toutes les grandes villes, l’envoi d’un bulletin 
c statistique sanitaire, mensuel, sur lequel doivent être 
c notés tous les décès survenus pendant le mois. > 

Avec M. le D r Le Page, nous pensons que ce tableau est 
mal conçu et nous le regrettons ; c’est sans doute l’œuvre 
des bureaucrates. 

Mais, quelque mauvais qu’il soit, nous n’approuvons 
pas notre confrère de vouloir le modifier. Il est le même 
pour toute la France, tandis que les changements adoptés 
par M. Le Page lui resteront personnels, et si d’autres 
l’imitent, la classification variera à l’infini, d’où le chaos. 


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- 270 — 


Nous lui conseillerions de suivre l’ordre adopté, puis, 
dans les classes pouvant prêter à la confusion, de faire une 
série de paragraphes. Nous aurons ainsi des renseigne¬ 
ments complets sans sortir de la classification ministérielle. 
Au moment où je m’occupais de statistique, il n’y avait 
rien d’organisé au ministère, il m’avait donc fallu créer 
une classification. 

Noire confrère termine son préambule en disent : t Les 
c causes de mort étant connues, en mourrons-nous moins? 
c Je l’espère, car nous aviserons alors au moyen de les 
c combattre dans la mesure du possible, et la constatation 
c des maladies, causes de la mort, nous conduira néces— 
c sairement à l’investigation étiologique de ces causes 
« mêmes et par suite à l’application des mesures d’hygiène 
c et d’administration les plus propres à lutter contre elles 
« sur le lieu d’origine. » 

Nous pensions ainsi, il y a 25 ans, aujourd’hui, il n'en 
est plus de même. Les conseils de l’hygiène, nous ne les 
suivons pas quand ils nous gênent; quant aux mesures 
administratives, ces mots seuls, qui nous paraissent une 
entrave à la liberté individuelle, nous mettent hors de nous 
et bien des médecins sont des adversaires résolus, des 
renseignements qu’on peut nous demander pour la connais¬ 
sance des maladies épidémiques. 

La première partie compte quatre tableaux donnant par 
mois, le nombre des décès dans les diverses catégories 
établies par auteur, nous critiquerons l’étendue donnée à la 
seconde classe, qui comprend les enfants de 1 à 19 ans. 

Nous voyons que le nombre des morts ne varie pas beau¬ 
coup. 1,460 minimum en 1889, et 1,628 maximum en 1890, 
qui est pour la mortalité une année exceptionnelle, ne 
donne qu’un écart de 168 décès. 

En somme, la mortalité suit toujours à peu prés la même 
marche, tout en ayant diminué avec l’augmentation de la 


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— 271 - 


population. La moyenne générale dos années 1887, 88, 89 
et 90, nous donne 25,12 pour 1,000, la population étant de 
60,826 habitants, tandis que pour les années 1878, 79, 80 
nous arrivons à plus de 27,6 pour 1,000, la population 
n’étant alors que 52,157 habitants. 

Examinons maintenant et comparons la mortalité dans 
les affections épidémiques et la phtisie. 

La diphtérie nous a donné : 


1878 

45 décès, \ 


1879 

20 — [ 

3 années, 71. 

1880 

6 - ; 


1887 

16 décès, \ 


1888 

25 - [ 

Total : 3 années, 93. 

1889 

52 — ) 


1890 

31 - 



Cette augmentation n’a pas été en somme, ce que l’on 
pourrait craindre au premier abord, étant donné la diffé¬ 
rence de population d’une part et la présence de personnes 
étrangères à la ville, soignées à l’hôpital. 

Pour la fièvre typhoïde, nous trouvons : 


1878 

25 décès, 

1887 

9 décès, 

1879 

59 — 

1888 

12 - 

1889 

29 - 

1889 

20 - 



1890 

18 - 


ainsi, nous prouvons à M. Le Page, qu’au lieu d’augmen¬ 
tation, il y a diminution sensible, de même pour la variole : 


1878 

52 décès, 

1887 

1 décès, 

1879 

36 — 

1888 

1 - 

1880 

10 — 

1889 

17 - 


- 

1890 

B 


ce qui nous montre, que dans ces quatre années, il n'y a 
pas eu d’épidémies sérieuses et que les revaccinations 
deviennent peut-être plus nombreuses. 


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— 272 


La moyenne de la rougeole a été dépassée en 1890, 
l’influenza a peut-être contribué à cette augmentation : 


1878 

7 décès, 

1887 

22 décès, 

1879 

11 - 

1888 

» 

1880 

22 — 

1889 

3 — 



1890 

41 — 


La mortalité de la scarlatine est en progrès réel. 


La lethalité, due à la phtisie étant toujours fréquente, 


'augmente pas non plus : 



1878 

146 décès, 

1887 

153 décès, 

1879 

158 — 

1888 

136 — 

1880 

150 - 

1889 

126 — 



1890 

158 — 


Les quelques comparaisons que nous venons d’établir 
vous prouvent surabondamment que la mortalité n’est pas 
en croissance à Orléans. 

Pour les trois années 1878 à 1880, nous trouvons 4,398 
décès, soit 27,6 pour 1,000. 

Pour 1887 à 1889, en laissant la quatrième année 1890 
dont la mortalité a été exceptionnelle, nous arrivons à 
4,485 décès, soit 24,57 pour 1,000, en tenant compte, bien 
entendu, de l’augmentation de la population. 

Cette diminution dans la mortalité doit nous encourager à 
augmenter les précautions hygiéniques, dont nous sentirons 
de plus en plus les bons effets. 

Nous vous proposoné, Messieurs, l’insertion du travail 
de M. Le Page dans nos mémoires. 


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NOTE 


SUE 

UNE PIERRE NÉPHRÉTIQUE 

Par M. le Docteur PATAY. 


Séance du 16 Juillet 1891 . 


Messieurs, 

A la séance du 2 mai 1890, notre regretté secrétaire, 
M. Davoust, dans son intéressante notice sur M. de Bize- 
mont, vous signalait la formule d’un collyre bizarre dont 
cet artiste se servait avec succès et qu’il recommandait 
chaudement. Je viens vous signaler une autre croyance 
ridicule à laquelle un Orléanais également célèbre, Des¬ 
friches, avait entièrement foi, comme la plupart de ses 
contemporains du reste. Je veux parler du jade ou pierre 
néphrétique. 

Le jade est une substance minérale, amorphe, verdâtre, 
composée de silice, de chaux, de soude, de potasse et d’oxyde 
de fer, qui n’est plus d’aucun usage en médecine. 

Le bel échantillon possédé par Desfriches, était dans la 
collection de mon père. C’est un parallélogramme de 
0 m 054 mIu . sur 0“ 038. Il est entouré d’un encadrement en 
argent, muni de deux anneaux. On pouvait ainsi le porter 
suspendu. 


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— 274 — 


Il était enveloppé dans an papier, portant des inscriptions 
sur les deux faces. 

Face extérieure 

Pierre néphrétique, morceau très prétieux, prêtée à 
M. Lenormant du Coudray, le 27 juillet 1769. 

Cettepierre néphrétique quej’avaisprêtéeàM. Ducoudray, 
vient de m’estre rendue ce 12 février 1789, par M u ' Lenor¬ 
mant son heritierre, il l’a portée sur lui depuis le 27 juillet 
1769, le domestique de M"* Lenormant l’a trouvée dans 
son linge salle dans sa chambre, elle a couru risque d’être 
perdue. 

J’ai eu cette pierre de M. l’abbé Desfriches, chanoine de 
Notre-Dame, mon cousin, elle luy avoit cousté fort cher, 
il m’en avoit souvent parlé de son vivant. Cecy pour notte 
à Orléans, ce 12 février 1789. 

Dbsfbichbs. 

Face Intérieure. 

Le 27 juillet 1769, j’ay fait voir ma pierre néphrétique 
à M. Bertrand, chirurgien, qui m’a asseuré n’en avoir 
jamais vu de si grande, il m’a dit que M. Philippe en avoit 
achepté une trente louis qui estoit d’un tiers plus petitte, 
que un particulier de cette ville, attaqué de la pierre en 
avoit fait chercher une à Paris et partout le Royaume, que 
enfin après beaucoup de temps écouslé il en avoit décou¬ 
vert une à La Rochelle, mais que le propriétaire en faisoit 
tant de cas qu’il avoit esté obligé de mettre cinquante louis, 
que M. Vilbouré en avoit par liazard acquis une très petite 
200 1 , que plus ces pierres sont grandes, plus elles ont de 
vertu. J’ay fait cette notte affin que l’on fasse de ce mor¬ 
ceau le cas qu’il méritte. 

Dbsfbichbs. 

A Orléans, ce 27 juillet 1769. 


»»«««» — 


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M. Eügène BIMBENET 

PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ 


1TOTXOB IsTÉCE/OLOGIQ/UE 

Par M. PAULMIER, Vice-Président. 


Séance du 2 octobre 1891. 


Messieurs, 

A notre dernière séance de juillet, M. Bimbenet, en 
nous souhaitant de bonnes vacances, nous disait au revoir 
au mois d’octobre. 

Vous l’aviez vu plein de jeunesse, tant il portait gaillar¬ 
dement ses quatre vingt-dix ans. Rien ne vous faisait pré¬ 
voir qu’il occupait ce fauteuil pour la dernière fois. 

Notre honorable président a été enlevé en quelques 
heures. 

Il est mort le samedi 19 septembre en pleine connais¬ 
sance ayant eu la joie de recevoir les derniers sacrements. 
Aujourd’hui, de cette place, où vous étiez accoutumés à le 
voir, je viens vous parler delui, des regrets qu’il nous laisse, 
vous rappeler cette existence laborieuse, ses nombreux 
travaux et vous dire le concours qu’il a donné à notre 
Société pendant plus de trente-quatre ans. 

C’est une tâche douloureuse que j’ai à remplir. Pour 
moi, M. Bimbenet n’était pas seulement le collègue aimable 


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que tous avez connu, le causeur charmant plein de verve 
ayant toujours une anecdote, un souvenir à vous raconter. 
Il était presque un parent étant devenu le grand père d’un 
de mes fils. J’avais pénétré dans l'intérieur de la maison, 
je l’avais vu entouré de ses enfants, de ses petits-enfants, 
de ses douze arrière petits-enfants. J’avais souvent été 
témoin de la joie et du bonheur du chef de famille et 
j’avais vu quels trésors d’affection il y avait dans son cœur. 

M. Bimbenet est né à Orléans, le 21 avril 1801, dans 
une maison de la rue des Grands-Ciseaux, qui appartient 
encore à son petit-neveu. 

Son père était procureur à Orléans et a laissé une répu¬ 
tation de probité et d’honorabilité. 

M. Bimbenet a fait ses études dans l’institution de 
Mosard, institution à la mode où il avait pour condisciples 
MM. Dupuis, Rousseau, etc., qui sont devenus ses amis. 

Il fit son droit à Paris et revint à Orléans avec le titre 
d’avocat. 

En 1830 il succéda à M. de Plasman comme avoué à la 
cour. Il céda son étude en 1839, et, en 1840, il est nommé 
greffier en chef de la Cour d’Orléans, fonctions qu’il a con¬ 
servées jusqu’en 1866. C’est à lui qu’on doit le rangement 
et le classement des archives de la Cour. C’était un travail 
considérable qu’il a su mettre à bonne fin. 

Libre de son temps, M. Bimbenet s’absorba dans les 
études auxquelles il n’a pas cessé de se livrer jusqu’au 
dernier jour de sa vie. Il connaissait à fond les richesses 
de la bibliothèque d’Orléans. Il en usait plus et mieux que 
personne et je ne crois pas me tromper en disant que 
chaque jour il s’y rendait avec un double but, voir notre 
savant Secrétaire général et prendre des notes dans les 
archives qui n’avaient pas de secrets pour lui, heureux 
quand il pouvait découvrir quelque vieux manuscrit, quelque 
document intéressant l’histoire de la ville d'Orléans. 


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— 277 — 


M. Bimbenet fut élu membre de notre Société en 1857. 
Il a été pendant longtemps vice-président et depuis 1887 il 
était notre président. 

A peine nommé membre de notre Société, le 15 mars 
1857, M. Bimbenet donne une étude très complète sur 
M. John Watzon, bibliothécaire de la ville d’Orléans. C’est 
le premier travail publié dans nos annales. 

Nommé rapporteur du mémoire de M. Baguenault de 
Yiéville, Orléans et ses panégyristes au xvi' siècle, M. Bim¬ 
benet, avec son cœur Orléanais, en profite pour aborder la 
question de savoir si l’on peut considérer Orléans comme 
l'antique Oenabum. Pour lui, ceci ne fait pas de doute. Il 
invoque les opinions de tous les annalistes anciens et mo¬ 
dernes. Il rappelle l’étymologie de Genabum qui viendrait 
de Genius et de Bund, ce qui voudrait dire fondement du 
génie, à moins que la ville ne fut une fondation de Noë 
appelé Genius, où à moins qu’elle ne vint de Gignens 
omne bonum engendrant toute espèce de biens. Mais 
M. Bimbenet n’admet pas ces étymologies. Genabum se 
compose de deux mots, l’un celtique, l’autre persan, le 
premier Gen pointé tête, le second ab cours d’eau. Gen-ab 
veut donc dire tout simplement ville dominant un grand 
cours d’eau. 

Cette question de Genabum , d’Orléans est une des 
plus chères au cœur de notre Président, aussi y revient-il 
souvent. 

En 1858 et 1863 il nous donne deux mémoires sur l’ori¬ 
gine et le sens du mot Orléans. Pour lui Orléans doit son 
nom à l’empereur Aurélien. Mais la question de Genabum 
Orléans était toujours controversée. En 1866, M. Bimbenet 
lit à la Société archéologique d’Orléans, un travail remar¬ 
quable pour répondre aux objections soulevées et pour 
défendre la cause de sa ville natale. 

On conteste ses conclusions; travailleur infatigable, sans 


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peur et sans relâche, il reprend la plume et le 4 mars 1867 
il nous lisait ses recherches philologiques sur le sens de la 
double dénomination de Gen-ab et d'aurelia donnée dans 
l’antiquité celtique à la ville d’Orléans et sur la dénomi¬ 
nation de Gienius ou Giennum donnée & la ville de Gien 
à la même époque. 

Les archives de l’ancienne Université d’Orléans furent 
une mine précieuse pour M. Bimbenet. Il y trouva des 
documents qui lui permirent de faire une série d’articles 
intéressants. 

Son premier travail est de 1850, il parut dans une revue 
d'Amiens. C’était un mémoire sur les écoliers de la nation 
Picarde à l’Université d’Orléans. En 1886, il traite encore 
des écoliers de la nation Picarde et de la Champagne â 
l’Université d’Orléans. 

Le 5 janvier 1872, il nous donne un travail sur la bataille 
de Saint-Quentin, livrée le 10 avril 1557 et racontée en 
1559 par un écolier Allemand, étudiant à l’Université 
d’Orléans. 

M. Bimbenet nous montre la haine profonde que l'Alle¬ 
magne avait déjà conçue et qu’elle a depuis constamment 
entretenue contre la France, et dans la chaleur de son 
patriotisme, il nous rappelle que l’armée Française est 
entrée à BerliD autrement que les armées Allemandes à 
Paris. 

La même année, il publiait une chronique historique 
extraite des registres des écoliers Allemands étudiant à 
l’Université d'Orléans. 

En 1876, l’histoire de la fuite de l’Université d’Orléans 
à Nevers ; son retour. 

La même année, les maîtres grammairiens de l’Univer¬ 
sité d’Orléans tenant tutelle, docteurs en médecine, éco¬ 
liers et suppôts de l’Université. 

En 1850, l’histoire de l’Université de lois d’Orléans. 


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En 1885, restitution de la librairie de l’Universitë 
d’Orléans ou Salle des Thèses. Quelle variété de sujets 
M. Bimbenet n’a-t-il pas abordée. En 1872, un rapport sur 
les Juges de Paix, ce qu’ils sont, ce qu’ils pourraient être. 

En 1870, recherches sur l’origine de la Bibliothèque 
d’Orléans. 

En 1873, recherches sur l’origine et l’évolution de l’en¬ 
seignement et de la pratique de la médecine en France. 

Examens de deux registres concernant le collège de 
médecine d’Orléans. 

En 1874, examen critique de la Charte octroyée par le 
roi Louis VII aux habitants d’Orléans, en l’année 1137. 

Un travail sur la surveillance de la police. 

Et un essai sur la jeunesse de Molière et sur les mémoires 
de Charles Perrault. 

Un rapport sur une notice biographique de Nicolas Beau¬ 
vais, de Préau, médecin à Orléans. 

Recherches sur l’origine et la fondation définitive de la 
Bibliothèque publique d’Orléans. 

En 1882, une étude sur Montaigne et Montesquieu. 

En 1886, une étude sur le véritable auteur de l’imitation 
de Jésus-Christ. 

Un essai sur le culte du lundi de chaque semaine. Enfin 
cette année, son parallèle entre Brunehaut et Marie-Antoi¬ 
nette. 

De plus les nombreuses notices nécrologiques sur les 
collègues que nous avons eu la douleur de perdre, notam¬ 
ment celles sur MM. Lemolt-Phalary, Boutet de Monvel, 
Petau, Baguenault de Viéville, Collin, véritables monu¬ 
ments destinés à conserver la mémoire de ces hommes de 
bien. 

Ces travaux si nombreux, qui ont été lus à notre Société 
ne constituent qu’une partie de l’œuvre de M. Bimbenet. 
Il faut en ajouter bien d’autres publiés soit dans les Mé- 


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moires de la Société archéologique, soit dans la Revue de 
Législation, soit autrement. Je n’ai qu’un regret, c’est de 
ne pouvoir les analyser, mais tous valent la peine d’être 
cités. 

Le plus ancien et peut être un des meilleurs est la rela¬ 
tion fidèle de la fuite de Louis XVI et de sa famille & 
Varennes, extraite des piècesjudiciaires et administratives, 
produites devant la Haute Cour Nationale établie à Orléans 
et déposées au Greffe de la Cour, 2 éditions 1844-1868. 

Les essais de Montaigne dans leurs rapports avec la 
législation moderne, extrait de la Revue critique de légis¬ 
lation, travail très sérieux, bien étudié et d’un très bon 
style. 

La Monographie sur l’Hôtel-de-Ville d’Orléans qui a eu 
deux éditions, 1855. 

L’Episcopat de Saint-Euverte et de Saint-Aignan. 

Recherches sur l'état de la femme, l’institution du ma¬ 
riage et le régime nuptial, 1855. 

Les Conciles d’Orléans considérés comme source du 
droit coutumier, 1864. 

De l’esprit des Conciles d’Orléans. 

Le Régime municipal dans la Gaule, depuis la dénomi¬ 
nation Romaine jusqu’à l’établissement de la Monarchie, 
1491. 

Les Justices temporelles des Chapitres d’Orléans. 

Histoire de la ville d’Orléans, 5 volumes, 1884. 

Si longue que soit cette nomenclature, je ne suis pas sûr 
d’avoir tout cité. Je sais que dans ses cartons il y a de 
nombreuses notes sur une foule de sujets. Sa mort en a 
empêché la publication. 

Quelle variété dans les travaux de M. Bimbenet, quelle 
œuvre considérable, prodigieuse ! 

M. Bimbenet était un travailleur infatigable, mais il 
était heureusement doué. Il avait une mémoire excellente 


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et n’oubliait rien de ce qu’il avait vu ou lu. De plus il 
écrivait très vite et n’apportait aucune modification à sa 
pensée, une fois qu’il l’avait formulée. 

M. Bimbenet était membre de la Société des Antiquaires 
de Picardie depuis 1844. 

En 1874, il est nommé officier de l’Académie de Pise. 

En 1877, officier d’Académie de France, et en 1880, che¬ 
valier de la Légion d’honneur. 

J’ai parlé du savant. Permettez-moi quelques mots sur 
l'homme du monde : son visage aimable, son regard bien¬ 
veillant, son fin sourire reflétaient sa souveraine bonté. 
M. Bimbenet était un causeur merveilleux, avec ses souve¬ 
nirs intéressants, ses réflexions judicieuses, ses anecdotes 
piquantes. Il exerçait une véritable séduction sur ceux 
qui l’écoutaient. 

Du père de famille, que dire ? 

Il adorait tous les siens, et comme M. Tranchau, je dirai 
que son égalité d'humeur, sa douce gaîté, sa simplicité 
familière, son indulgente bonhomie en faisaient une idole 
pour toute la famille. Tel est l’excellent homme, le brave 
citoyen, le bon collègue que nous avons eu la douleur de 
perdre et dont le souvenir restera gravé dans nos cœurs. 


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POMPONIUS LÆTUS 

ET 

Par M. L. GUERRIER. 


Séance du 16 Octobre 1891. 


V Academia di Pomponio Lelo e le sue memorie scritte 
sulle pareti delle catacombe di Roma (1) : tel est le titre 
d’un intéressant mémoire publié par M. de Rossi, dans 
la dernière livraison de son Bulletin d'archéologie chrè - 
tienne (2). Ma première intention fut d’en rendre compte 
à la société, dans un court et rapide entretien; mais 
l’intérêt du sujet, les recherches auxquelles je me laissai 
naturellement entraîner, et les résultats qu'elles ont fournis, 
m’ont engagé à modifier le plan et à élargir la cadre que 
je m’étais tracés d’abord. Des notes, mises au bas des pages, 
indiqueront les sources où j’ai puisé. 

I 

Il est permis de se demander ce que fut Pomponius 
Lætus; car sa renommée ne semble pas avoir jamais eu un 
grand retentissement de ce côté-ci des Alpes. C’est au point 

(1) L'cAadêmie de Pomponius Lœlus et ses inscriptions tracées 
sur les parois des Catacombes. 

(2) Ballettino di archeologia cristiana , Série V a , anno 1890, 
min., n°* 2, 3. 


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que Pierre Pithou et Juste Lipse l’ont pris pour un gram¬ 
mairien du moyen-âge ; et que le numismate Vaillant a vu 
en lui un auteur de l’antiquité. Ce fut un des savants les 
plus distingués de la renaisssance italienne, au XV e siècle. 
Sur son vrai nom, sa famille, le lieu de sa naissance, on 
n’est pas d’accord ; il n’entretenait aucun rapport avec sa 
famille, et jamais on he l’entendit en parler. Un étranger 
se hasardait-il à l’interroger sur ce point : c Suis-je donc 
un ours, répondait-il avec brusquerie, pour que l’on m’exa¬ 
mine de si près ? > 

Il était selon l’opinion la plus probable, bâtard d’un 
prince de la maison des Sansovini ; et naquit à Armendolara, 
petite ville de la Haute-Calabre, en 1425 (1). Pomponius 
Lætus est un nom qu’il se donna lui-même dans la suite : 
l’histoire le lui a conservé (2). 

De bonne heure il vint à Rome, pour étudier les lettres 
antiques ; et il y fit de rapides progrès. Le temps, en effet, 
était proprice. Pleine de monuments et de grands sou¬ 
venirs, remuée jusqu’aux entrailles par les chants enflammés 
d’un poète de génie, l’Italie avait secoué son sommeil ; 
laissant l’Europe dormir, près de deux siècles encore ; et la 
France épuiser dans les vicissitudes, presque toujours 
douloureuses, d’une guerre interminable, tout ce quelle 
avait d'ardeur, de sang et de génie. Dès le début du 
XV e siècle, sa langue littéraire était faite, et des chœfs- 
d’œuvre l’avaient consacrée; les plus grands écrivains, 
pour se surpasser eux-mêmes, comprirent qu’il fallait aller 
jusqu’aux sources de l’éloquence et de la poésie; qu’il 
fallait étudier les Romains et les Grecs. De là cette ardeur 
à rechercher les manuscrits; cet enthousisme, quand on les 

(1) Paul Jovb le fait naître dans le marche d’Ancone; d’autres, à 
Salerne. 

(2) Il est quelquefois appelé Pierre de Calabre. 


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— 284 — 


a trouvés; ces sacrifices pour les posséder; ces soins 
pieux et jaloux pour les conserver, les étudier, s’en pénétrer 
et s’en nourrir. Tel vend une métairie, pour avoir un 
Tite-Live ; un autre emporte, au milieu des armes, les 
Commentaires de César; Boccace, s’en va le cœur plein 
d’espérance, secouer la poussière des vieux livres, dans les 
greniers du Mont-Cassin ; et c’est sur un manuscrit de 
Virgile, que Pétraque rend le dernier soupir. On copie, on 
explique, on imite, on traduit; une même et noble passion, 
jusqu’alors inconnue, agite les cités et les princes, l’enthou¬ 
siasme est général ; et pour répandre, au milieu de la 
jeunesse, l’amour des lettres antiques ; et en assurer les 
bienfaits aux générations à venir; des écoles, bientôt 
célèbres, sont établies d’un bout à l’autre de l’Italie : 
à Bologne, à Milan, àPavie, à Florence, à Rome, à Naples, 
partout. 

Pomponius venu à Rome, se mit d’abord sous la disci* 
pline de Pierre de Monopolis, grammairien célèbre à cette 
époque ; ensuite sous celle de Laurent Valla, esprit 
ardent, hardi jusqu’à l’audace ; mais en même temps habile 
et savant latiniste, l’émule de Georges de Trébizonde, qui 
professait dans le même temps l’éloquence. Valla expliquait 
les historiens et les poètes et le faisait avec tant de succès 
et d’éclat, que sa renommée s’était répandue dans toute 
l'Italie : 


Orator tota clarus in Italia (1). 

Quand il mourut, Pomponius, alors âgé de vingt-sept 
ans, fut appelé à lui succéder (1457). 

On se pressa à ses leçons; et comme il enseignait de 

(1) Antonii Astisani , de ejus vita et varietate fortunœ ap . 
Mubàtori, Rerum Italie Scriptores. Mediolani 1729, t. xiv, p. 1,013. 

Les chap. in et iv de ce poème contiennent des détails intéressants 
sur l’état des études en Italie, dans le premier tiers du xv< siècle. 


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grand matin, on voyait, dès le milieu de la nuit, ses élèves 
accourir pour occuper leurs places. Lui-même, quelque 
temps qu’il fit, sortait de sa maison avant le jour, une 
lumière à la main, et se rendait à son école, où il expliquait 
les auteurs latins, aux applaudissements de cette jeunesse 
avide et passionnée, dont une grande partie était réduite à 
se tenir debout, et dehors (1). 

Que les temps sont changés ! Vie austère et dure, priva¬ 
tions, veilles et longs travaux, on acceptait tout, on endu¬ 
rait tout, avec le contentement au cœur et le sourire aux 
lèvres (2) ; les esprits, comme les corps se développaient et 
se trempaient dans le travail. C’est aux époques où l’on 
travaille le moins, que l’on se sentira faible, et qu’on se 
plaindra d’être surmené. 

Cette faveur qui s’attachait à sa parole, Pomponius en 
était digne. Il savait beaucoup et enseignait avec amour. 
S’il était un peu traînant, dans la conversation ordinaire, 
et un peu bègue; on ne s’en apercevait plus, dès qu’il parlait 
en public. Sa manière rappelait celle de Georges de 
Trébizonde ; et il y joignait la pureté, l’élégance de langage 
qu’il avait héritées de Valla. Erasme voit en lui le type 
accompli de la latinité moderne. Aussi est-ce à l’étude des 
plus grands écrivains de Rome qu’il se plaisait par dessus 
tout, et qu’il aimait à revenir. Son plus vif regret était de 
n’avoir pas vécu au temps de Cicéron ou de Virgile ; et 
pour s’y transporter, autant qu’il était possible, par la 
pensée, il donnait des éditions, écrivait des commentaires, 
recherchait avec passion les manuscrits, les inscriptions et 
les médailles, tous les souvenirs de l’antiquité. Même, pour 
en avoir davantage, on prétend qu’il en fabriquait. 

(1) Tibàboschi, Storiadello litteratura italiania , t. vi,2* part. p. 12, 

(2) Il en était de même en France au siècle suivant. V. Fragments 
des Mémoires de Henry de Mesmes dans Variétés historiques et 
littéraires . Paris 1863, t. x. 


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Rabelais s’y laissa prendre : il fit imprimer à Lyon, 
chez Griphins, en 1532, et tirer à deux mille exemplaires, 
un testament de Lucius Cuspidius, qu’il avait pris pour un 
antique, et qui n’était autre chose qu’un postiche de 
Poraponius(l). A moins, comme Tiraboschi le remarque(2), 
que le savant professeur de Rome n’ait été lui-même dupe 
de quelque faussaire; ainsi qu’il est arrivé à tant d'autres, 
avant lui, et après (3). 

La réputation de Pomponius et l’autorité qu’il s’était 
acquise, le mirent en état de réunir autour de lui un 
certain nombre d’amis des lettres, jeunes pour la plupart; 
et de fonder une académie. Elle est connue dans l’histoire 
sous le nom d’Académie de Pomponius Lætus ou d’Aca¬ 
démie romaine. 

Il s’était déjà formé en Italie plusieurs associations 
savantes: celle des Augustins du couvent du Saint-Esprit,à 
Florence ; celle du cardinal Bessarion, à Rome ; surtout 
celle des Médicis, qui jetait alors un si vif éclat avec 
Marsile Ficin, Léon-Baptiste Alberti et Pic de la 
Mirandole. Elle se donna le nom d’Académie, en mémoire 
de Platon ; et ce nom, devenu deux fois célèbre, fut pris 
dans la suite, par les sociétés qui se formèrent avec les 
mêmes goûts et le même esprit. Florence s’occupait surtout 
de philosophie ; on s’entretenait, chez le cardinal Bessarion 
du droit, des lettres grecques et des beaux-arts ; l’Aca¬ 
démie de Pomponius s’attachait principalement à la litté¬ 
rature et aux antiquités de Rome. Tant de fois dévastée, 

(1) Jam quod ad Cuspidii pseudotestamentum attinet , libens 
id illis conredo qui sibi fucum fieri æquo animo patiuntur, 

(Barnab. Brxssonii , De Formuliis , lib. vm. 

(2) Storia délia litteratura ital ., t. vi, 1* part. p. 163. 

(3) Tiraboschi, t. ii, p. 558, cite une épitaphe en Thonneur du 
poète Claudien, que Mazzocchi et beaucoup d’autres ont publiée comme 
une decouverte de Pomponius, et qui n’était probablement qu’un fruit 
de son imagination. 


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— 287 — 


Rome possédait cependant alors de nombreux et précieux 
monuments, qui ne devaient pas tarder à disparaître. On 
pouvait admirer au Forum la basilique de César; le temple 
de Cerès se dressait encore sur la Voie Sacrée, et l’on ne 
pouvait point gagner, par le Corso, la voie Flaminia, 
sans passer sous Tare triomphal de Marc-Aurèle. Les 
tuiles de bronze du Panthéon d’Àgrippa n’avaient point 
été arrachées pour faire des canons ; ni les colonnes du 
forum de Nerva, pour décorer la fontaine monumentale 
de Janicule. Le sol restait jonché de débris : architraves, 
frises, chapiteaux, bases et fûts de colonnes, marbres 
précieux, revêtements, fragments de mosaïques, qui per¬ 
mettaient de marquer la place des grandes architectures 
disparues, et de les reconstruire par la pensée. Raphaël 
aura la douleur, au début du siècle suivant, de voir 
jeter au four à chaux, près du temple de Castor, les 
fragments de statues, les belles frises et les incriptions du 
Forum : « Cette nouvelle Rome, écrivait-il à Léon X (1), 
que nous voyons dans sa grandeur et sa beauté, avec ses 
palais et ses églises, a été bâtie avec de la chaux faite de 
marbre antique. » Il avait fallu des architectes, pour 
détruire l’antiquité jusque dans ses ruines, et faire ce que 
n’avaient pas fait les barbares. 

Mais au xv* siècle, Pomponius et ses amis avaient sous 
les yeux de nombreux objets d’étude. Ce n’est pas au point 
de vue de l’art qu’on envisageait alors les monuments : le 
moment n’étaitpasvenu encore (2). Ce qu’on leur demandait, 
c’étaientdesindicationsprécisespourl’explication des textes, 

(1) Rapport de Raphaël à Léon X, en 1519. 

(2) Pour les lettrés, du moins, et les savants; peut-être aussi pour 
les artistes de Rome. Mais nous voyons, dès les premières années du 
siècle, deux amis, deux grands maîtres, Brunelleschi et Donatello, 
venir de Florence à Rome, en dessiner les monuments, en fouiller les 
ruines et en admirer la beauté, avec un enthousiasme qui ne fut jamais 
dépassé. 


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— 288 — 


des renseignements pour mieux comprendre les poètes, les 
historiens, les orateurs. La littérature de son côté, jetait 
sa lumière sur les ruines; l'étude des manuscrits et celle des 
monuments se complétaient ainsi l’une par l’autre; et consti¬ 
tuaient par leur union, la science intégrale de l’antiquité, 
comprenant l’histoire, la religion, les institutions, les lettres, 
les cérémonies et les mœurs. 

Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que les grammaires, les 
vocabulaires, les éditions savantes, tous les instruments, 
toutes les facilités du travail manquaient aux académiciens 
de Rome; ils n’avaient sous la main que des textes, plus ou 
moins corrects à déchiffrer et à comprendre ; et, autour 
d’eux, des arcs-de-triomphe, des temples, des portiques, des 
basiliques, des amphithéâtres et des palais, dont personne 
n’avait encore parlé, depuis la chute de l’empire. Voilà 
dans quelles conditions ils ont jeté les bases de l’érudition 
moderne. D’autres viendront après eux, dont les savants 
ouvrages feront oublier les travaux des premiers jours ; 
mais il ne serait pas juste, fussions-nous arrivés au faîte, 
de dédaigner les degrés qui nous y ont fait parvenir. Il 
fallut aux travailleurs du xv e siècle, pour surmonter les 
obstacles qui se dressaient partout sous leurs pas, une 
volonté, une activité, une persévérance, une force d’âme 
incroyable. Ils s’encourageaient, s’animaient les uns les 
autres; un air fortifiant semblait souffler sur eux; la diffi¬ 
culté même avait ses attraits; et le succès venait presque 
toujours, à la fin, couronner leurs efforts et les encourager 
à de nouvelles espérances. C’est ainsi qu’ils ont tant 
moissonné, partout où ils ont passé, dans le vaste champ 
de l’histoire et des lettres. Qu’il leur soit arrivé d’éprouver, 
avec la joie si vive des premières découvertes, un enthou¬ 
siasme, une sort9 d’ivresse, dont les manifestations font 
sourire ; il faut savoirje leur pardonner : nous risquons d’être 
trop sévères, pour des choses que nous ne comprenons plus. 


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- 289 — 


Il paraît que les académiciens de Rome, passionnés 
comme ils Tétaient pour l’antiquité, avaient le tort de 
Tadmirer trop dans ses institutions, ses grandes actions et 
ses grands hommes ; et qu’il me leur restait plus assez de 
goût pour les hommes, les usages, la police et les idées de 
leur temps. 

On dit aussi quePomponius avait dans sa maison, et qu’il 
entourait de soins pieux, un petit autel consacré au fon¬ 
dateur de Rome. Et comme il avait pris pour lui-même un 
nom antique, il donna des noms antiques à ses amis. Nous 
trouvons parmi eux Minutius, Glaucus, Pantagathus, 
Callimachus, Papirius, Parthenius, Gallus, Asclépiades : 
il y en a d’autres encore (1). Ce fut un exemple, que Ton 
imita dans la suite, et qui était renouvelé lui-même de ce 
qui s’était fait, à l’école du palais, au temps de Charle¬ 
magne. Le prince alors et son entourage n’hésitaient 
point à se parer des plus grands noms : ils s’appelaient 
Horace, Pindare, Homère et David. L'académie de Rome 
y mit plus de modestie. 


II. 

Pomponius Lætus et ses amis vécurent en paix pendant 
plusieurs années, sous un pape ami des lettres, et qui 
occupait lui-même une graude place dans le monde savant: 
Pie II, Æneas Sylvius Piccolomini, qui fut à la fois 
poète, historien, théologien et diplomate. 

Ces beaux jours ne devaient pas durer. Une réunion de 
gens d’esprit, jeunes, ardents et libres, est trop exposée, 
par sa nature jnême, à porter ombrage ; l'envie ordinaire¬ 
ment et la malveillance y aident ; mais le danger devient 

(1) De Rossi : Roma sotterranea , tome n. pages 89-92. Il y a des 
inscriptions relatives à ces académiciens, que M. de Rossi n’a pas 
publiées encore. Bullet. di Archeol. crist ., 1890, p. 23, note. 


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inévitable, si l’association renferme dans son sein quelque 
personnalité importante, dont le pouvoir pense avoir à se 
défier. 

Pie II avait réuni autour de lui un certain nombre de 
lettrés, dont la fonction consistait à rédiger, dans un lan¬ 
gage correct et clair, les brefs pontificaux. On les nommait 
les abréviateurs. Parmi eux se trouvait un des membres 
les plus actifs et des plus distingués de l’Académie romaine; 
il s’appelait Barthélemy Sacchi et était né à Platina, près 
de Crémone : ce qui fait qu’il est désigné, dans l’histoire, 
sous le nom de Platina. C'est par lui que l’Académie fut 
compromise. 

Soit économie, soit défiance des lettres et des lettrés, 
soit qu’il trouvât, comme il arrive, quelque plaisir à défaire 
ce que son prédécesseur avait fait ; Paul II, dès le début 
de son pontificat, supprima le collège des abréviateurs. 
Ainsi dépouillés d’un emploi qu’ils avaient payé et qui les 
faisait vivre, les abréviateurs réclamèrent; on ne les 
écouta pas. C’est alors que Platina, se laissant entraîner à 
la fougue de sa nature, osa écrire au pape une lettre où il 
le menaçait de provoquer la réunion d’un concile, de le 
forcer à y rendre compte de sa conduite, et de faire réta¬ 
blir le collège des abréviateurs (1). Vaines paroles et 
regrettables, échappées à la plume d’un homme irrité, 
mais dont l’effet n’était guère à craindre. Paul II en aurait 
pu sourire, car il était naturellement bon, et tellement 
porté à l’indulgence qu’on l’avait surnommé Notre-Dame- 
de-Pitié (2). Mais, cette fois, il crut qu’il fallait sévir; il 
fit mettre Platina en prison, et l’y retint quatre mois, pour 
lui apprendre à se taire. La leçon fut dure et longue, 
encore ne finit-elle qu’à la prière du cardinal de Gonzague. 

(1) Platina. In vita Pauli II. 

(2) Quant maxime delectatus est indulgere , injuriarum que obli- 
visci. (Canisius, Vita Pauli II. Ap. Mur a t or i, tom. ni, 2* p., p. 999. 


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— 291 — 

Remis en liberté et rendu sage, Platina se tint en silence; 
mais il lui resta au cœur l’amer souvenir de ce qu’il avait 
souffert. 

Environ trois ans plus tard, pendant le carnaval de 1468 (1) 
au milieu des fêtes que Paul II donnait au peuple, le bruit 
se répandit d’une conspiration contre le souverain pontife. 
Le chef était, disait-on, Callimachus. Or, Callimachus était 
membre de l’Académie romaine. Platina, son collègue, 
depuis longtemps suspect, fut aisément soupçonné d’être 
du complot. Il fut donc immédiatement arrêté, dans la maison 
même du cardinal de Gonzague, où il dinait en ce moment; 
et jeté au château Saint-Ange. Une perquisition faite à son 
domicile amena la saisie d’une lettre de Pomponius 
Lætus. 

Pomponius l’y traitait de Très-Saint-Père, Santissimo 
Padre. Ce fut comme un trait de lumière ; on crut tenir le 
fil de la conspiration et son but : il s’agissait, c’était clair, 
de se défaire du Pape; et d’élever Platina au Saint-Siège. 
Les conjurés se trouvaient indiqués : c’étaient les membres 
de l’Académie romaine. Pomponius, qui était alors à Venise, 
fut donc arrêté, chargé de chaînes, amené publiquement à 
Rome et mis en prison, avec tous ceux de ses amis qu’il 
fut possible de surprendre. Il y en eut une vingtaine ; les 
autres réussirent à s’échapper. 

C’est uniquement par le récit de Platina (2), que nous 
savons ce qui se passa dans la suite. Platina a tout su, il a 
tout vu : son témoignage est du plus grand prix. Mais il a 
aussi tout souffert ; le calme en écrivant, et l’impartialité 
auront pu lui être difficiles : son récit, pour cette raison 

(1) Non en 1470, comme l'a écrit Muratori ( Ann . d'Ital. ad hune 
annum). 11 résulte, en effet, du récit de Platina, que l’événement eut 
lieu avant l’arrivée de l’empereur Frédéric III à Rome ; or, l'empereur 
entra à Rome le 24 décembre 1468. Il y resta jusqu’au 9 janvier de 
l'année suivante. Infessurà. Diario délia città di Roma. 

(2) Platina. Vita Pauli II. 


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— 292 — 


demande à être discuté. Comme les détails échappent, par 
leur nature même, au contrôle, nous avons cru devoir les 
négliger, malgré l'intérêt qu'ils présentent. 

Les enquêtes, les interrogatoires furent longs et inutiles. 
Le Pape attachait tant d’importance à l’affaire quil crut 
devoir, après le départ de l’empereur, se transporter au 
château Saint-Ange, et jusqu’à trois fois, pour interroger 
lui-même les prisonniers. Il ne put rien obtenir. On eut alors 
recours à la question, qui fut appliquée avec une rigueur 
extrême: il ne fut fait aucun aveu. Nous ne pouvions rien 
avouer, dit Platina : il n’y avait rien. 

Ainsi, point d’aveu, point de preuves ; il semblait que le 
complot fut une fable, et c’est l’opinion qu’on s’en est 
généralement faite. Ce point, du reste vient d’être mis 
hors de discussion par M. Pastor, dans son importante his¬ 
toire des Papes. Il a publié une lettre de l’ambassadeur de 
Milan où il est dit : « Quant au complot contre la per¬ 
sonne du Pape, on n’a rien trouvé, malgré le zèle qu’on y 
à mis, que de vaines et imprudentes paroles (l). * 

Il n’y avait donc plus qu’à mettre les prisonniers en liberté. 
Mais Rome était encore sous le coup de l’alarme qu’on avait 
donnée et de l’éclat qui s’était fait. Le Pape, c’est ici 
Platina qui parle, le Pape eut peur, s’il ouvrait la prison, 
de passer pour un homme pusillanime et léger; et de voir 
diminuer son prestige. Les prisonniers furent donc retenus; 
et on leur suscita d’autres affaires, afin de traîner les 
choses en longueur. On incrimina leur enthousiasme pour 
l’antiquité profane ; on leur reprocha de trop aimer Platon, 
de discuter l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme; et 
de remplacer les noms de leur baptême par des noms 
païens. Iis répondirent que ces choses se faisaient journel- 

(1) Circa li tractati contro la persona del Papa ... fatta ogni 
diligencia e inquisicione , non s’è trovato fin a qui altro che parole 
pazeevane. — Pastor, Geschichte derPàpste } etc. tome il. liv. n c.2. 


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— 293 — 


lement, et depuis longtemps, dans les écoles ; qu'on y 
mettait les plus grandes vérités en discussion, pour les 
mieux démontror ; quon peut aimer Platon, à la suite des 
Saints-Pères ; et l’antiquité profane, à l’imitation du Pape 
lui-même, que l’on voyait ramasser de tous côtés, des statues 
antiques, pour en décorer le palais qu’il faisait alors élever 
au pied du Capitole. Ils protestèrent, .d’une manière géné¬ 
rale, qu’ils étaient fidèles à la discipline de l’église; soumis 
à ses enseignements ; et qu’il n’y avait rien à leur repro¬ 
cher qui sentit l’impiété ni l’hérésie. 

Tel e3t, dans ses traits essentiels, le récit de Platina. Les 
événements qui suivirent, et qui sont de notoriété publique, 
viennent le confirmer. 

Les prisonniers furent gardés un an au château Saint- 
Ange. Quand l’oubli sembla s être fait sur cette affaire, on 
les relâcha. « 

Le temps n’avait point manqué, ni la volonté, ni les 
moyens pour les examiner, les presser, les convaincre. 
Cependant, ils ne furent point condamnés, point jugés; et 
c’est sans conditions qu’il fallut, à la fin, leur rendre la 
liberté. 

Pomponius continua de se consacrer, pendant près de 
trente ans encore, à l’éducation de la jeunesse; et son 
académie dispersée put se retrouver et se rétablir. Quant 
à Platina, il vécut en paix, pendant les dix années que dura 
encore le pontificat de Paul II ; puis, comme si une répa¬ 
ration était due à ses longues et douloureuses épreuves, il 
fut comblé de bienfaits par son successeur. 

En faut-il davantage pour démontrer que l’Académie 
romaine n’avait point été convaincue d’hérésie, ni de paga¬ 
nisme; et que ses membres n'étaient point des conspirateurs. 

Platina, quand il écrivit la vie de Paul II, devait se tenir 
dans son rôle d’historien et oublier ce que ce pape lui avait 
fait souffrir. Il ne sut pa3 être généreux ; et n’ayant pu 


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— 294 — 


s’attaquer au Pontife vivant, il se vengea sur sa mémoire (l). 
Tel est le sort des hommes puissants. Bien des princes, pour 
avoir cultivé l'amitié des gens d’esprit, auront eu plus 
d’éloges qu’ils n'en méritaient ; Paul II, par une raison con¬ 
traire, faillit passer aux yeux de la postérité pour un esprit 
vulgaire, étroit et faible ; pour un ennemi des lettres et des 
arts. Il faut être juste. S'il n'eut pas un goût prononcé pour 
les lettres et les lettrés, ce noble vénitien, élevé, depuis 
son enfance, au milieu de tant de belles choses, n’en fut pas 
moins, pour tout le reste, un vrai pape de la Renaissance, 
digne d’avoir sa place dans cette longue suite de pontifes 
éclairés, artistes ou savants, qui occupe tout un siècle, 
depuis Martin Y jusqu’à Léon X. 

C’est lui qui fit restaurer les colosses du Monte Cavallo; 
et au Forum les arcs de Titus et de Septime-Sévère. Il 
aimait à bâtir; et nous lui devons un des plus curieux 
monuments du XV e siècle : ce palais Saint-Marc, que l'on 
peut voir encore, et qui fut donné plus tard à la république 
de Venise. C'est là qu’il se plaisait à réunir les trésors 
d'une collection incomparable, où les tapisseries, les bro¬ 
deries, les riches étoffes se mêlaient aux marbres, aux 
bronzes, aux mosaïques, aux peintures, aux camées, aux 
médailles et aux manuscrits précieux. Loin d'avoir été 
l’ennemi de la Renaissance, il eut peut-être le tort, fort excu¬ 
sable alors, de trop partager, jusque dans ses excès, l'en¬ 
thousiasme de ses contemporains. 

Un jour que les Romains voulurent, en reconnaissance 
de ses bienfaits, célébrer en son honneur la pompe d'un 
triomphe antique, il leur donna 400 écus d’or, pour les y 
aider. Onvoyait d’abord s’avancer des géants; puis venait 
l’amour avec son carquois et ses ailes ; Diane, à cheval, 

(1) Platinà, Vita Pauli II. C’est dans les éditions du xv e et du xvi* 
siècle qu’il faut la lire : dans la suite, on y a tait des retranchements. 
Cf. Canesiüs, Vita Pauli II ap . Muratori , t. ni, 2 a part. 


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— 295 — 


accompagnée d’une troupe de nymphes; cent soixante jeunes 
gens; à leur suite, les rois et les chefs des états vaincus, 
parmieuxCléopâtre; derrière eux, Mars, Bacchûs, les Faunes 
et une foule de divinités ; puis les plébiscites et les sénatus 
consultes, écrits sur des étoffes de soie ; les étendards et les 
autres signes militaires des romains; les consuls, le sénat, 
et tous les magistrats autour d’eux. Quatre grands chars, 
admirablement décorés, fermaient la marche ; et des chœurs, 
portés sur ces chars, chantaient les louanges du pontife, 
du véritable père de la patrie, du fondateur de la paix, de 
celui dont la main libérale répandait de si abondantes lar¬ 
gesses. Le pape, caché dans l’embrasure d’une fenêtre, en 
compagnie de plusieurs cardinaux, suivait, sans en rien 
perdre, tous les détails de la fête ; et il y prenait un grand 
plaisir (1). 

Ce n’est point de Platina que nous tenons «ette histoire ; 
mais il en a raconté d’autres, qui l’ont amené à faire une 
remarque où il entre, semble-t-il, plus de malignité que 
d’injustice : c’est que le pape, après cela, n’était guère auto¬ 
risé à reprocher aux chrétiens leur amour de l’antiquité 
profane; et que lui-même ne laissait pas que de s’égarer un 
peu, dans des sentiers que n’avait pas tracés Saint-Pierre. 

Le cardinal de Pavie y apporta plus de sévérité ; car il 
osa représenter au pape que ces jeux sentaient le paga¬ 
nisme, et qu’ils déshonoraient le pontife romain (2). Nous 
voyons se manifester ici les préoccupations diverses qui 
agitaient les esprits, même au Vatican, à l’époque de la 
Renaissance. 

(1) Ludos aspexit assidue ac festive, ex abdita fcnestrœ , parte , 
nonnullis sacri senatuspatribus una commorantibus. — Canesius, 
in Vit a Pauli II, 

(2) Fleury, hist. eccl. adann. 1467. Jacques, cardinal de Pavie, avait 
été secrétaire de Pie II; il jouit plus tard de la faveur de Sixte IV. 


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— 296 — 


m 

Avec Sixte IV, successeur immédiat de Paul II, semblaient 
renaître les temps, heureux pour les lettres, de Pie II et de 
Nicolas Y. Aussi l’Académie romaine ne tarda-t-elle guère 
à devenir plus nombreuse et plus florissante que jamais. 
Elle avait perdu un de ses fondateurs, Callimaque, celui qui 
avait passé pour le chef du complot, sous le dernier ponti¬ 
ficat. Son’véritable nom était Filippo Buonacorsi. Il était de 
ceux qui avaient pu, au moment des emprisonnements, 
s’enfuir de Rome. Il ne voulut pas y entrer. On le voit 
parcourir la Grèce, l’Egypte, les iles de l’Archipel, la 
Thrace, la Macédoine; et se réfugier en Pologne, où il devint 
secrétaire du roi Casimir et précepteur de son fils. Il publia 
des travaux d'histoire très estimés de son temps (1). 

D’autres esprits fort distingués, quelques-uns même 
d’une haute valeur, restaient à l’Académie, ouy entrèrent. 
Citons seulement ici André Fulvio, qui nous a laissé une 
description, en vers héroïques, des monuments de Rome (2) ; 
Conrad Peutinger, dont le nom reste attaché à une carte 
fameuse du monde romain, dont il était possesseur ; et qui 
avait été dressée, croit-on, du temps de l’empereur Théo¬ 
dore. Venu de l’Allemagne, il y retourna, après avoir passé 
par l’école de Pomponius; et contribua puissamment à ré¬ 
pandre dans sa patrie l’étude de la langue latine. 

Giovanni Antonio Campano devint évêque de Fermo, et 
présida aux premières productions de l’imprimerie à Rome. 
Professeur à Bologne dans sa jeunesse, il y avait prononcé, 
à l’ouverture de son cours, devant un auditoire de plus de 
trois mille personnes, une éloquente harangue, qui dura 


(1) Tiraboschi, Steria dclla litt. ital . T. vi, I p. p. 81. 

(2) lmp. à Rome en 1513, in-4®. 


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— 297 — 


trois heures au moins. Est-ce l’orateur, ou l'auditoire qu’il 
faut ici le plus admirer ! 

Mais le plus illustre des membres de l'Académie romaine, 
et l’un des plus jeunes, ce fut Alexandre Farnèse. Jamais 
il n’oublia les leçons de son vieux maître, ni les antiquités, 
ni la poésie, ni les arts Devenu cardinal, il restait en cor¬ 
respondance avec Erasme et Sadolet ; et faisait bâtir ce 
palais Farnèse, un des plus beau! monuments de l’archi¬ 
tecture moderne en Italie. Plus tard, quand il fut pape, 
sous le nom de Paul III, nous le voyons porter ses regards 
sur le Palatin, abandonné depuis la chute de l’empire; et 
se construire un petit palais et des jardins, dans cet endroit, 
le plus célèbre et le plus beau de Rome; sur l'emplacement 
même des maisons do Cicéron et de César. C'est lui encore 
qui, le premier, fit pratiquer des fouilles au forum; dessiner 
par Michel-Ange la place et l’escalier du Capitole ; et dres¬ 
ser, à l’endroit où elle est aujourd’hui, la statue équestre 
de Marc-Aurèle. 

Les arts lui rendirent un suprême hommage dans ce ma¬ 
gnifique tombeau, qui se voit au sanctuaire même de 
Saint-Pierre, à gauche de l’autel ; et dans lequel on a cru 
reconnaître les inspirations de Michel-Ange. La statue du 
pape est un des plus beaux bronzes de la Renaissance ; et 
celle de la Justice, en marbre blanc, sur un des côtés du 
tombeau, attachait tellement les regards, que l'on finit par 
s’en émouvoir et par la trouver trop belle : Bernin fut 
chargé de jeter sur ce beau marbre une draperie de bronze 
peinte en blanc (1). 

Pomponius ne devait pas être témoin des belles actions 
et de la gloire de son disciple; mais il vécut assez longtemps 
pour rendre les derniers devoirs à un autre de ses amis, 
Platina, qui tient une si grande place dans l'histoire dé 

(1) Sur ce tombeau, œuvre de Guillaume délia Porta Y. Cicognara, 
Storia délia Scultura % et l'atlas pl. 80. 

20 


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— 298 - 


l’Académie Romaine, est aussi l’un de ceux qui lui ont fait 
le plus d’honneur. C’est lui qui introduisit le critique dans 
l’histoire ; il fut un des premiers écrivains de son temps, et 
nous lui devons entre autres ouvrages, la Vie des papes. 
Il était entré fort avant dans la faveur de Sixte IV, qui le 
nomma conservateur de la bibliothèque vaticane. On voit 
encore au Vatican une fresque de Melozzo de Forli, où il 
est représenté devant le pape, qui lui donne audience, 
entouré de ses neveux, dont l’un devait, sous le nom de 
Jules II, jeter tant d’éclat sous le trône pontifical (1), 

Platina mourut de la peste, le 21 septembre 1481, laissant 
par testament à Pomponius Lætus sa petite maison, qu’il 
avait fait bâtir sur le Quirinal. Pomponius en indique 
l’emplacement, d’une manière suffisante, dans un passage 
qui ne semble pas avoir été remarqué. Elle était située au 
bas du Quirinal, au midi de la place où sont, dit-il, les 
chevaux et les statues de marbre ; c’est-à- dire au midi du 
monte Cavallo (2). M. de Rossi, sur des indications diffé¬ 
rentes, est arrivé à plus de précision : la maison de Pom¬ 
ponius était contiguë à l’église du Sauveur ; et cette église 
était située en face de l’entrée actuelle de la ville Colonna. 
Cette recherche, on va le voir, n’était pas sans intérêt. 

La maison de Platina était entourée d’un bosquet, où l’on 
allait cueillir les lauriers nécessaires aux solennités de 
l’Académie. Quand elle appartint à Pomponius, les acadé¬ 
miciens y tinrent leurs séances ; et comme elle était dans 
un endroit où les limites du Quirinal et de l’Esquilin sont 
assez incertaines, il en résulta que l’association fut souvent 
désignée sous le nom d r Académie de VEsquilin Paul 


(1) Cette fresque est gravée dans la Storia délia pitt. ital. de Rosini, 
pl. 48. On peut y remarquer l’énergie des traits de Platina. 

(2) Exeundo a domo Pomponii , per dorsum montis Quirinalis , 
versus septentrionem , sunt equi cum statuis marmoreis (Pomponii 
Lœti de antiquitatibus urbis Romœ Libellus.) 


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— 299 — 


Manuce, un siècle après, put encore lire sur la maison de 
Pomponius l'inscription suivante : 

POMPONI LÆTl ET 80CI1 
TATIS ESCUL1NÀI (1) 

L’Académie avait ses fêtes. Elle célébra le jeudi 18 avril 
1482 l'anniversaire de la mort de Platina. Tiraboschi ne 
s’explique pas cette date du 18 avril, puisque Platina était 
mort le 21 septembre : nous pourrons peut-être en donner 
la raison. Le récit de la fête nous a été laissé par Volater- 
rano, dans son journal (2). La cérémonie eut lieu dans 
l’église de Sainte-Marie-Majeure ; presque tous les lettrés 
de Rome y assistèrent; parmi eux, plusieurs prélats. 
L’évêque de Vintimille dit la messe ; et quand elle lut ter¬ 
minée, Pomponius Lætus monta en chaire, et prononça 
l'éloge du défunt. Après lui, ce fut un poète, Astreo de 
Pérouse, qui récita une élégie. Les vers furent trouvés 
élégants; mais on n’en fut pas moins blessé, même en 
Italie, et à cette époque, de voir un séculier monter en 
chaire, pour y réciter des vers profanes, aussitôt après la 
messe, dans l'église de la mère de Dieu. Le discours de 
Pomponius, grave et religieux, n’avait pas été critiqué, 

De l’église, on passa au banquet, préparé dans la maison 
même de Platina, pour tous ceux qui avaient assisté à la 
cérémonie. On y lut, à la louange du défunt, plusieurs 
pièces de vers, qui furent ensuite réunies en volume, et qui 
se trouvent communément à la suite de3 œuvres de Pla¬ 
tina. Elles sont signées du nom de douze auteurs, tous 
membres de l’Académie de Rome. 

L’année suivante, la fête eut lieu sur l'Esquilin, près de 
la maison de Pomponius. On y célébra, cette fois, le diman- 

(1) Bullettino di archeologia cristiana 1890 n 0> 1, 2, p. 87. 

(2) Jacobt Volaterrani diarium romanum ap . Muratori % t. xxm, 


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— 300 — 


che 20 avril, l’anniversaire de la' fondation de Rome, 
Romance urbis natale . Une messe solennelle fut dite dans^ 
la chapelle du Sauveur, par Demitrius de Lucques, l’élève 
de Platina, et son succeseur à la bibliothèque vaticane (1) ; 
Paul Marso, chanoine de Saint-Laurent in Damaso (2), pro¬ 
nonça un discours; puis un élégant festin fut servi par 
l’Académie romaine, auquel prirent part six évêques, avec 
un grand nombre de savants et de jeunes nobles. Des pièces 
de vers furent récitées de mémoire, et on lut à table le pri¬ 
vilège accordé à l’Académie par l’Empereur Frédéric. Ce 
privilège, le nombre, la qualité des assistants montrent la 
faveur dont jouissait à cette époque l’Académie de Pompo- 
nius. En même temps, la présence du bibliothécaire du 
Vatican et de six évêques atteste suffisamment que sa reli¬ 
gion n’était pas suspectée. Enfin le récit de la fête nous 
apprend que la Société décernait des couronnes : Actum 
etiam de laurea danda Fausto Foroliviensi , quœ non 
tam ei negata est, quam inaliud tempus dilata ceri- 
monia (3). 

Pomponius Lætus resta jusqu’à sa mort le chef et l’ame 
de l’association qu’il avait fondée. Il y apportait sa vaste 
érudition, sa bonté, son ardeur ; et aussi sa gaieté, chose si 
désirable et si précieuse, dans une société de savants. Il 
était, en même temps, d’une simplicité extrême, et très 
modeste ; parlant peu de lui-même, et ne laissant jamais 
passer l’occasion de faire valoir ses amis. Sa vie était 
sobre, ses vêtements grossiers ; car il tenait à n’avoir pas 
besoin d être riche : c’est dans le travail qu’il mettait son 
bonheur. 11 avait renfermé ses études dans le cercle de la 

(1) Müntz et Fabre. La Bibliothèque vaticane au XV e siècle , 
p. 299. 

(2) On lui doit Comment, in Ovidii fastos Venetiis 1520 — Rossi, 
Bullet. 1890. 

(3) Jacobi Volaterrani Diarium romanum , ab anno 1472, ad, 1484. . 


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— 301 — 


République romaine et de l’Empire. Tout ce qui était en 
dehors, Ecriture, Pères de l'Eglise, écrivains de la déca¬ 
dence, lui était étranger. On dit même qu’ilne voulut jamais 
apprendre le grec, crainte de faire tort à son latin (l). 

Ce qui l’attacha plus que tout le reste, fut l’étude atten¬ 
tive et approfondie des monuments de Rome, et en particu¬ 
lier des inscriptions. On jugera de son habileté et de son 
savoir, si l’on songe que c’est de son école que sortirent 
Sabellicus (2), André Fulvius et Pentinger, sans nommer 
les autres. Mais au jugement de ses contemporains, il les 
surpassait tous (3). On n’aurait pu citer, dans aucun coin 
de Rome, aucun reste d’antiquité qu’il ne connut et ne fut 
en état d’expliquer. Ses études topographiques et épigra¬ 
phiques ont été plusieurs fois signalées par M. de Rossi et 
par les éditeurs du Corpus. On le voyait souvent errer seul 
à travers les ruines; et si quelque chose de nouveau venait 
à frapper ses regards, il s’arrêtait, restait là comme en 
extase, quelquefois tellement ému que les larmes lui 
venaient aux yeux (4). Sa petite maison du Quirinal était 
toute remplie de manuscrits, d’inscriptions, de marbres, 
de bronzes, de monnaies : C’était sa richesse. Et non seu¬ 
lement il recueillait pour lui-même les objets antiques ; 
mais il aimait à en envoyer à ceux qui partageaient ses 
goûts, notamment à Laurent de Médicis. 

M. de Nolhac, dans une publication récente, nous a 
donné d’intéressants détails sur la bibliothèque de Pom- 
ponius et sur les ouvrages manuscrits qu’il a laissés. * 

(1) Niceron Mém. pour servir à Thial, des hom. ill. delà rep. 
des lettres, t. vu. 

(2) C'est un nom qu’il se donna, à l’exemple de Pomponius. Il s’ap¬ 
pelait Marcus Antonius Coceius. Le Sénat de Venise lui confia en 
1486 la bibliothèque de Saint-Marc. On lui doit une Histoire univer¬ 
selle et une Histoire de la République de Venise . 

(3) Tiraboschi, Sloria délia lett. ital , t. vi p. 182. 

(4) Tiràboschi, Storia etc., Napoli 1781, t. vi,2® p. p. 13. . 


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— 302 — 


Les journées d’un tel homme se ressemblent, et c’est à 
peine si Ton trouve dans sa vie quelque incident à signaler. 
Il était pourtant réservé à une douloureuse épreuve. Dans 
une sédition qui eut lieu sous le pontificat de Sixte IV*, 
(1484) toutes les maisons du Monte Cavallo furent pillées, 
dévastées ; ainsi que l'église du Sauveur, qui perdit ses 
missels, ses ornements d'autel, ses reliques. Pomponius ne 
fut pas épargné : on lui enleva tous ses livres, tout ce qui! 
avait, jusqu'à ses vêtements. On le vit, le lendemain, s’en 
aller dans les rues de Rome morne, à peine vêtu, un bâton 
à la main (1). Mais il était tant aimé que ses disciples et 
ses amis lui envoyèrent ou lui portèrent à l'envi tout ce qui 
pouvait lui manquer : il trouva bientôt dans sa maison une 
abondance qu’il n'avait pas encore connue. 

Les ouvrages de Pomponius imprimés ou inédits sont 
assez nombreux. Ils ont généralement pour objet l’histoire 
de Rome, de ses monuments, de ses lois, de ses magistra¬ 
tures, de ses sacerdoces. C’est par lui que furent revues et 
comparées aux manuscrits les premières éditions de Sal- 
luste ; il donna les mêmes soins aux œuvres de Térence et 
de Columelle ; et commenta Virgile et Quintilien (2). 

On lui doit encore le rétablissement des représentations 
théâtrales, dont Rome avait, depuis si longtemps, perdu 
le souvenir. 

C'est dans le palais des plus illustres' prélats qu’il fit 
jouer, pour la première fois, les comédies de Plante et de 
Térence, avec quelques pièces modernes. Le cardinal Ria- 
rio, neveu de Sixte IV, en particulier, goûtait beaucoup 
ces divertissements ; et il fit donner des représentations 

(1) Diario délia citta di Roma da Stefano lnfessura ap. Müràtori 
t. ni, 2 e p. p. 1163. 

(2) Les œuvres de Pomponius Lœtus ont été recueillies dans uu 
volume devenu très rare : Opéra Pomponii Lœti varia Moguntice 1821 
in-8«. 


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■— 303 — 


par les membres de l’Académie romaine, tantôt au château 
Saint-Ange, d'autres fois au milieu du Forum, ou bien 
dans sa propre maison. Vers le même temps, au carnaval 
de 1684, un drame, dont le sujet était emprunté à la vie 
de Constantin, fut joué au Vatican, en présence des cardi¬ 
naux et du Souverain Pontife, qui s’y divertit beaucoup. 

Après une existence ainsi remplie, Pomponius Lætus 
mourut à l’âge de 73 ans, le 9 juin 1498, laissant pour tout 
héritage un petit domaine et quelques livres. Ses funérail¬ 
les furent célébrées avec magnificence, et la douleur pu¬ 
blique l’accompagna jusqu’à son tombeau. Deux jours 
après, Michel Ferno publiait son éloge (1). Sa vie fut 
écrite un peu plus tard, par un autre de ses disciples, 
Sabellicus (2). 


IV 

Quelques jours avant Pomponius, le 23 mai 1498, mou¬ 
rait à Florence l’adversaire déclaré des tendances de 
l’Académie romaine, Jérôme Savonarole. 

Ce fut sans doute un incomparable bienfait que de révé¬ 
ler à un monde qui ne les connaissait plus, Cicéron, Vir¬ 
gile, Démosthène, Homère et Platon : la poésie, la philo¬ 
sophie et l’éloquence ; avec les monuments de Rome, en 
attendant ceux de la Grèce ; et d’étaler les beaux mar¬ 
bres du jardin des Médicis à des regards éblouis, qui 
n’avaient pas vu ceux d’Athènes. 

Pourquoi faut-il que tout soit mélangé, dans le monde 
moral, comme dans la nature, et que les meilleures cho¬ 
ses semblent condamnées à laisser toujours quelques regrets 
après elles? Avec sa sève abondante et généreuse, son éclat, 


(1) Ap. Fabriciu.m, Bibliot. mediœ et infim. latinitatil, ed. Mansi , 
t. vi. Append. 

(2) Sabellicus, Vita Pomponii Lceti. Strasbourg, 1510. 


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— 304 — 

sès parfums, tant d’enchantements et d’espérances; ce beau 
printemps apportait aussi sur ses ailes, des nuées épaisses, 
des frimas, et des insectes dévorants, qui allaient flétrir sa 
couronne et ravager nos espérances. 

C’est que tout n’était pas également bienfaisant et pur dans 
les traditions de la Grèce et de Rome : il eut fallu distinguer 
et choisir. En même temps, il fallait se dire que l’antiquité 
n’avait pu ni tout savoir, ni tout sentir, ni par conséquent 
tout exprimer dans son admirable langage; que l’on avait 
marché ; qu’un grand mouvement d’idées s’était fait, de¬ 
puis les temps de Périclès et ceux d’Auguste ; et que le 
Christianisme, par ses croyances et ses vertus, avait 
régénéré le monde. En recueillant avec amour le riche héri¬ 
tage des arts et des lettres antiques, il eut été sage de ne 
rien laisser perdre de tant de trésors, que les âges sui¬ 
vants avaient amassés : ce sera la gloire de notre gran/i 
siècle littéraire, de Corneille et de Racine, et de Bossuet. 
Mais, à l’époque de la Renaissance italienne, les esprits, 
dans leur enthousiasme, passant indifféremment à travers 
tout le reste, coururent droit à l’antiquité et s’y renfer¬ 
mèrent : c’est à se reporter à quinze siècles en arrière que 
l’on fît consister le progrès. Aristote et Platon rempla¬ 
cèrent ainsi l’Evangile : on en vint à tourner en dérision 
ce que l’on ne comprenait plus. 

En même temps, l’étude des théories variées et contra¬ 
dictoires de la philosophie grecque conduisait au scepti¬ 
cisme ; le culte exclusif de la forme amenait le natura¬ 
lisme dans l’art ; la poésie de son côté, avec ses fictions 
enchanteresses et ses chants d’amour ; d’autres produc¬ 
tions, autrement malsaines, faisaient pénétrer, dans les 
esprits et dans les mœurs, cet épicurisme délicat ou ce 
sensualisme grossier, qui tiennent une si grande place dans 
la vie du xv® et du xvi e siècle, en Italie. 

Tel est, dans ses traits lès plus généraux, ce paganisme 


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- 305 — 


de la Renaissance, dont furent atteints, dans des propor¬ 
tions variées, la plupart des esprits éclairés de cette bril¬ 
lante époque; et contre lequel s élevait, dans la cathédrale 
de Florence, avec tant de force et d’éclat, l’éloquence de 
Savonarole. 

A Rome, avec les papes, le mal fut assurément moins 
grand qu’il ne fut à Florence sous les Médicis. On l'y 
rencontre cependant ; et cette circonstance nous amène à 
rechercher si l’Académie romaine fut entachée de paga¬ 
nisme; et jusqu’à quel point. La question, on l’a déjà vu, 
n’est pas nouvelle ; mais elle vient d’être, tout récemment, 
reprise et rajeunie : ce qui fait qu’il n’est pas sans intérêt 
de la soumettre à un nouvel examen. Les détails dans 
lesquels nous sommes précédemment entrés permettront, 
peut-être, de répandre quelque lumière sur la discussion. 

* Il est certain d’abord que Pomponius et ses amis furent 
soupçonnés de paganisme ; c’est pour cette raison, en effet, 
qu’ils furent si longtemps retenus au château Saint-Ange, 
sous le pontificat de Paul IL 

Il n’est pas moins certain, qu’il fut impossible de les 
convaincre: ni le temps cependant n’avait manqué, ni la 
volonté, ni les moyens ; mais faute d’aveux, faute de 
preuves, il fallut à la fin les mettre en liberté. 

N’avoir pas été condamné, cela peut être une présomp¬ 
tion, mais n'est pas toujours une démonstration d’inno¬ 
cence. Que de fois la justice de l’histoire, permanente, 
indépendante et incorruptible, n’a-t-elle pas eu à poursuivre 
et à flétrir ceux que la justice ordinaire n’avait pas atteints, 
n’ayant pas su, pas pu, ou pas voulu les atteindre ! 

La première question à poser ici est donc celle de savoir, 
quelle fut, en matière de paganisme, le jugement des con¬ 
temporains, sur Pomponius et ses amis. Je crois pouvoir 
affirmer que l'opinion publique ne leur fut jamais défavo¬ 
rable. Les preuves, les voici : 


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— 306 — 


Si l'académie romaine eut été, au jugement des contem¬ 
porains, convaincue de paganisme, comment les évêques 
et les prélats auraient-ils pu assister, comme ils l’ont fait, 
et présider à ses fêtes? Comment eût-il été permis à Platina, 
le bibliothécaire du Vatican, de rester, jusqu’à sa mort, 
membre de cette académie, et l’intime ami de Pomponius? 
Comment surtout, après la mort de Platina, le pape aurait- 
il pu même avoir la pensée de choisir, pour le remplacer, 
un autre membre de l’Académie romaine ? 

Peut-être objectera-t-on ce petit autel de Romulus, que 
Pomponius avait dans sa maison ; et cette fête de la fondation 
de Rome que célébrait, tous les ans, l’Académie. Ces choses 
en restant matériellement les mêmes, peuvent complè¬ 
tement changer de nature, suivant la pensée qui s’y 
attache. Il peut y avoir là des actes positifs de paganisme ; 
ou bien simplement des souvenirs historiques, des jeux 
d’imagination, des reproductions savantes du passé, aux¬ 
quelles l’esprit du temps et l’habitude avaient fait perdre 
leur signification primitive, et enlevé tout caractère 
véritablement religieux. Que de fois, et avec quelle 
innocence, ne nous est-il pas arrivé d’invoquer Apollon et 
les Muses, quand nous faisions des vers latins ! Ces fêtes, 
enfin, n'étaient point secrètes : des jeunes gens de nobles 
familles, des savants, des évêques y assistaient, Vola- 
terrano les consignait dans son journal, le public en avait 
connaissance ; et jamais on ne vit là des fêtes véritablement 
païennes ; jamais, depuis Paul U, l'autorité religieuse ne 
crut avoir à intervenir. 

Allons jusqu’au bout, car il est possible d'insister encore 
et de dire : Il est vrai que tout semble correct au dehors ; 
mais n’était-ce pas l’effet d’une grande habileté chez les 
Pomponiens, qui cachaient avec soin leur pensée intime, et 
donnaient ainsi le change au public ? Peut-on dire, en un 
mot, quels furent, en réalité, les sentiments religieux de 
l’académie^romaine ? 

m 


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— 307 — 


Ainsi présentée, la question devient aussi délicate qu’elle 
est intéressante. Il faudrait, poury répondre, des documents 
intimes, indiscutables et précis : nous ne les avons pas. 
Seulement Sabellicus, disciple de Pomponius et son bio¬ 
graphe, dit de lui qu’il méprisait la religion, et qu’il ne s'en 
rapprocha que dans sa vieillesse : Fuit comtemptor reli - 
gionis , sed ingravescente œtate cœpit res ipsa , ut mihi 
dicitur 9 curœ esse . Très-insuffisant, quant à la question du 
paganisme, ce témoignage ne laisse pas que d’ètre assez 
compromettant ; mais en voici un autre, qui a tout au 
moins la même valeur, et qui dit absolument le contraire. 
Ferno, autre disciple de Pomponius. et de plus son confident 
intime, assure qu’il ne mérita jamais les reproches qu’on 
lui fit, et qu’après avoir pieusement vécu, il mourut dans 
les sentiments dune dévotion singulière (1). 

Voilà donc où nous en sommes par rapport au chef de 
l’Académie ; sur ses amis, nous n’avons rien. Mais arriva-t- 
on à connaître, pour quelques-uns d’entre eux, quelle fut, 
dans un sens ou dans l’autre, leur pensée intime, que l’on 
n’en pourrait rien conclure, relativement aux doctrines 
religieuses de l’Académie prise en corps. Unis par des 
goûts communs et par l’objet déterminé de leurs études, 
les membres des associations savantes ont toujours entendu 
conserver, quant au reste, leur entière liberté. 

C’est ainsi que les sentiments de Pomponius et de ses 
amis, semblaient enveloppés dans une sorte de mystère, 
qu’on désespérait de pénétrer, quand, au bout de quatre 
siècles, une découverte inattendue sembla tout à coup dé¬ 
chirer les voiles. 

(1) Assicura che ei fu sempre lungi da tal delitto , e che dopo aver 
piamente vissuto , mori ancora con sentimenti di singolar divozione . 
— Tiraboschi. 


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— 308 — 


y 

Rome avait, depuis longtemps, oublié ses catacombes. 
Elles furent, pour ainsi dire, fortuitement découvertes, 
le 31 mai 1578, par des ouvriers qui tiraient du sable sur 
la voie Salaria. On accourut aussitôt de tous côtés, pour 
visiter à la lueur des torches, ces longues galeries, étroites 
et noires, qui s’étendaient, s’infléchissaient, se croisaient 
dans tous les sens, avec leurs peintures, leurs inscriptions 
grecques et latines, leurs autels et leurs tombeaux. Bozio 
devait commencer, cinquante ans plus tard, la description 
de cette ville souterraine (1) ; et M. de Rossi y consacrer, 
de nos jours, la meilleure part de son travail et de sa vie. 

Mais on avait déjà, dés le xv e siècle, reconnu des sou¬ 
terrains, à une autre extrémité de la ville ; et cette partie 
des catacombes était visitée par des pèlerins et des curieux. 
Ils écrivaient leurs noms sur les murs, et y joignaient 
quelquefois leurs titres et qualités, avec la date de leur 
visite. C’est ce que firent à Saint-Calixte, à Saint-Priscille 
et dans le cimetière de Prétextât, sur la voie Appienne, 
Pomponius et ses amis. Leurs noms y sont accompagnés 
parfois de cette mention : unanimes anliquitatis amatores 
et perscrutatores. C’est M. de Rossi qui, le premier, lut 
ces inscriptions, il y a une quarantaine d’années ; il les 
publia en 1864, dans le premier volume de sa Rome sou¬ 
terraine (2). Cette révélation fit grand bruit dans le monde 
sa* ant, à raison de la vive lumière qu’elle paraissait jeter 
sur l’Académie romaine. . , 

Pomponius en effet, est qualifié, dans une de ces inscrip¬ 
tions, du titre de souverain pontife : Pontifex maximus ; 
ailleurs, la yisite, qui est datée de 1475, est rattachée à son 

(1) Bozio, Roma sotterranea, 2 vol. in-folio, Rome, 1639. 

(?) Roma sotterranca } 1.1. p. 3, 8 ; t. ni p. 254 et 255. 


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pontificat: RégnantePomponio, ponlifice maximo. Dans 
un autre endroit, un prêtre est associé au pontife: Panla •' 
gathus , sacerdos academiœ romance . Enfin, a-t-on dit, la 
lumière est faite. Voilà bien cette secte antichrétienne, 
dont on avait parlé, avec son sacerdoce païen et sa hiérar¬ 
chie païenne ; voilà un prétendu pontife, qui s'oppose au 
pontife romain, avec l’intention, sans doute, de le rem¬ 
placer ; n'est-ce pas, mise en évidence, cette fameuse 
conspiration du temps de Paul II, à laquelle on avait fini 
par ne plus croire (1). 

' C’étiit aller vite et loin. Il n'est pas impossible, en effet,, 
que les inscriptions aient véritablement le sens qu'on leur 
donne ici ; mais n’est-il pas possible aussi de n’y voir 
autre chose que des métaphores et des jeux d’esprit ? Cette 
observation, M. de Rossi l’avait faite au début, au moment 
même où il publiait sa découverte. Une autre remarque, 
que je ne crois pas avoir été faite, c’est que l’on aurait tort , 
de croire que l’on se trouvât mis tout à coup en possession 
de quelque document secret. Les inscriptions récemment 
découvertes, n'avaient pas toujours été enterrées et sous¬ 
traites à tous les regards. Au temps même où les acadé¬ 
miciens visitaient les catacombes et traçaient au charbon 
à la lueur des torches, des graffiti sur les murs; d’autres 
venaient visiter, et écrire ; et lire, s’il leur plaisait, les 
inscriptions tracées avant eux. 

Comment supposer, alors, que Pomponius et ses amis 
soient allés ainsi se perdre de gaîté de cœur, en révélant 
par écrit des choses qu’ils avaient refusé d'avouer au milieu 
des tortures, et que personne n’avait pu découvrir? 

Evidemment, cette qualification de souverain pontife ne 
peut point être prise, ici, dan? sa signification naturelle, r 
rigoureuse et compromettante. Ce n’était qu'un titre 

(1) Lumbrozo, NelVArch ., A rchivio délia societ. rom di storia pair ici 


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emphatique, donné à leur chef par les membres de l’Aca¬ 
démie romaine. C’était du reste dans les usages du temps. 
Pomponius est appelé Dictateur perpétuel et Empereur, 
dans une lettre qui lui est écrite ; et ne l’avons-nous pas 
vu donner lui-même à Platina le titre de Très Saint-Père , 
dans cette lettre intime qui fut saisie, au temps de l’affaire 
du complot, sous Paul II ? 

Si quelque doute pouvait rester encore, il disparaîtrait 
à la lecture d’un texte publié par M. Pierre de Nolhac, en 
1886, dans les Mélanges d'archéologie et d'histoire de 
l’école française de Ro:ne (1). Antoine Parthenius, de 
Vérone, publia à Brescia, en 1486, un commentaire de 
Catulle ; il le dédia à Pomponius Lætus ; et dans sa dédicace, 
il appelle Pomponius Bonarum artium oraculum, sin- 
gularis camænarum autistes , et Pontifex maximus. Ce 
n’est plus dans les ténèbres des catacombes, c’est en plein 
jour, ici, et en public, que Pomponius est appelé souverain 
pontife. Il fallait, c'est de toute évidence, que ce titre fut 
bien inoffensif dans l’esprit de ceux qui le donnaient, de 
celui qui l’acceptait, et de tout le monde autour d’eux. 

C’est ainsi que le problème agité depuis quatre cents 
ans, ne se trouvait aucunement résolu par les inscriptions 
des catacombes : il restait toujours à savoir quelles étaient 
les idées et les pratiques religieuses de l’Académie de 
Pomponius. 

M. de Rossi, toujours en éveil, se livra donc à de nou¬ 
velles recherches : il vient de les publier (2). Un vieux 
livre, très rare, imprimé à Rome en 1490, et dont un exem¬ 
plaire se trouve au Vatican, lui apprit que l’Académie 
romaine s’était mise, au temps de Sixte IV, sous le patro¬ 
nage de saint Victor et de ses compagnons. Même, à partir 


(1) Mélanges d'archéologie et d'histoire , 1886, p. 141. 

(2) Bulletino diarchiologie christiana i890 } n <i %-3 ) p. 6415. 


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311 — 


de cette époque, on la trouve quelquefois désignée sous le 
nom de Société des gens de lettres de saint Victor : Societas 
literatoi'um s . Vietoris in Esquiliis (1). La fête des mar¬ 
tyrs fut d’abord célébrée dans la petite église du Sauveur, 
près de la maison de Pomponius ; mais la cérémonie deve¬ 
nant plus solennelle, et l’assistance se faisant plus nom¬ 
breuse et plus belle, on fit choix de l'église d’Ara-Cœli, au 
Capitole. On voit en 1501 un évêque y chanter la messe ; 
un banquet eut lieu à la suite, dans le palais même des 
conservateurs; où Ton ne but pas, paraît-il, de bon vin, 
sine bono vino , est-il dit dans le journal de Burcard (2j. 
En tout cela, il n’y a pas trace de paganisme. 

Voici où les doutes et l'obscurité commencent : 

La fête de saint Victor tombe le 21 juillet ; on la célébrait 
le 20 avril. J'ai déjà remarqué que par une singularité du 
même genre, que Tiraboschi ne s’explique pas, c’est le 
18 avril que l’on avait fait, en 1483, l'anniversaire de Pla- 
tina, mort le 21 septembre 1482. 

En voici, je crois, la raison. L’Académie avait dès lors, 
et probablement depuis son origine, une autre fête qui lui 
était chère, et dont nous avons parlé, celle de la fondation 
de Rome. Cette tête avait lieu le 11 des calendes de mai, 
le 20 avril, conformément à la tradition romaine (3). Quand 
les académiciens se mirent dans la suite sous le patronage 
de saint Victor, ils auront voulu, pour les célébrer avec plus 
de solennité, réunir les deux fêtes ; et dans le choix du 

(1) Inscription lue en 1568 dans la maison de Pomponius Lætus. 

(2) Burcardi diarium ap. P. Casimiro, Mem. délia Chiesa d’Ara - 
Cœli. 

(3) On l’appelait Palilia , la fête de Paies. Paies était la déesse des 
troupeaux et des pâturages. Les bergers, depuis la plus haute antiquité, 
lui offraient des sacrifices, le 11 des calendes de mai. Comme c’est le 
11 des calendes de mai que furent jetés, croyait-on, les fondements de 
Rome, on célébra, dans la suite, le même jour et sous le même nom, 
l’anniversaire de la fondation de la ville Natale Urbis , et la fête de 
Palès. 


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jour, comme la fête de la fondation de Rome avait depuis 
longtemps sa place dans les traditions de l'Académie, il 
sembla naturel de sacrifier saint Victor. 

C’est pour le même motif, selon toute apparence, que fut 
antidaté, en 1483, l'anniversaire de Platina. 

Autre détail, et remarquable. Les compagnons de saint 
Victor sont, dans le martyrologe, au nombre de trois: 
Alexandre, Félicien et Longin. L’Académie n’en prend que 
deux; elle les baptise Fortunalus et Genesius, formant 
ainsi un triumvirat de martyrs, que l’on ne trouve nulle 
part dans l’histoire. M. de Rossi soupçonne que ces noms 
de fantaisie ne furent point pris et associés au hasard ; mais 
qu’ils couvrent quelque symbole : Genesius représenterait 
la naissance (Genesis) de la ville ; Fortunatus et Victor, la 
Fortune et la Victoire : les deux divinités tutélaires do Rome. 

C’est une opinion que l’on peut soutenir. 

Mais voici des renseignements qui paraissent au premier 
abord, autrement clairs et décisifs. On lit» dans un 
manuscrit du Vatican, des discours en prose et en vers 
faits par Tamira, noble romain, à l'occasion de la saint Vic¬ 
tor, et des couronnes poétiques que l’on y décernait à plu¬ 
sieurs membres de l’Académie. Quel était ce Tamira ? Quel 
était son vrai nom ? On ne sait. Ce qui importe, c’est ce 
qu'il dit. Il invite, dans ses vers, le Pontife, à répandre sur 
les assistants l'eau lustrale ; et les académiciens à sauter, 
comme on faisait à Rome, sur des feux ae paille et 
d’étoupe ; et à offrir à Palès des gâteaux de mil, de fro¬ 
ment et de lait. Il termine en exprimant l'espérance de voir 
renaître les beaux jours de la ville éternelle, et engage le 
plus jeune des lauréats à écrire des poésies amoureuses, à 
l’exemple des anciens (1). 

(1) Appel superflu : on a remarqué chez les disciples de Pomponiue 
un goût particulier pour les élégiaques latins. (V. Tiraboschi, t. VI, 
Ip.,p. 81. 


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— 313 — 


Ne dirait-on pas que nous voici en plein paganisme ? 
Défions-nous des apparences. El d'abord il ne faut pas voir 
dans les vers de Tamira une description des fêtes de l'Aca¬ 
démie : c’est tout simplement une pièce de circonstance, 
composée pour une séance littéraire, et remplie, selon 
l’usage, des inspirations et des souvenirs de l’antiquité. 
Nous ne savons pas, jusqu’ici, de quelle manière l'Académie 
de Pomponius célébrait la fête de la fondation de Rome. 
Fut-il prouvé qu’elle y introduisit des rites païens et des 
divinités païennes, qu’il ne faudrait point se hâter de crier 
au paganisme ; car il resterait à savoir s'il y avait là un 
véritable culte; ou simplement un jeu d’esprit, une page 
d’histoire en action, pour ainsi dire; une représentation 
plus ou moins savante, plus ou moins fidèle des pratiques 
religieuses de l’antiquité. Le pape Paul II ne fut pas un 
païen, pour avoir fait figurer dans ses fêtes Diane et ses 
nymphes, et Bacchus, et l’Amour. 

Mais pourquoi cette fête religieuse de saint Victor, ajoutée 
à la solennité profane, et célébrée le même jour? Faut-il 
y voir uniquement un acte désintéressé de foi religieuse ; 
ou bien une mesure de prudence, imaginée par l’Académie, 
pour écarter les soupçons, et n’ètre plus exposée à se voir 
emprisonner au château Saint-Ange ; ou bien encore un 
acte d’hypocrisie, une sorte de vernis religieux répandu, 
pour donner le change, sur des sentiments qui ne l’étaient 
pas? 

Il faudrait, pour répondre à ces questions, savoir, ce que 
les faits ne nous ont pas jusqu’ici fait connaître, quelles 
étaient, en réalité, les croyances religieuses des amis de 
Pomponius. Dans quelque voie que la discussion s’engage, 
c'est à ce point qu’elle aboutit toujours. 

Il est vrai que M. Passor n’hésite pas : les tendances anti¬ 
chrétiennes de Pomponius Lætus et de son école lui semblent 
manifestes ; et les témoignages contemporains, unanimes. 

21 


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- 314 — 


J'ignore où le savant historien a pu rencontrer cette una¬ 
nimité des témoignages et ces tendances manifestement 
antichrétiennes. Je crois m'être suffisamment étendu sur 
ce point ; et n'ai pas à y revenir. Pendant plus de quatre 
cents ans, la question est restée douteuse ; on l’a de nou¬ 
veau soulevée de nos jours, sans arriver à l'éclaircir. 
Aussi, M. de Rossi, qui réunit en lui, à une science si éten¬ 
due et si profonde, tant de netteté, de réserve et de probité 
historique, avoue-t-il modestement qu'il nose pas se pro¬ 
noncer sur la véritable pensée et les tendances religieuses 
de l’école Je Pomponius (1). 

Sera-ce le dernier mot ; et valait-il le travail qu'il a 
coûté ? Sans doute. Toutes les fois qu’une question s’agite, 
il est utile d'en suivre la discussion, de constater les résul¬ 
tats obtenus, et d’appeler sur les points obscurs l'attention 
de ceux qui travaillent. 

Ce qui n’est pas connu aujourd'hui le sera demain peut- 
être. Dut, après tout, la découverte se dérober ou se faire 
attendre, qu'il ne faudrait pas s'en émouvoir. Ne rien savoir 
au début, et peu de chose à la fin, n'est-ce pas trop sou¬ 
vent, et dans toutes les branches des connaissances hu¬ 
maines, le sort commun des travailleurs ? Rendons hom¬ 
mage à la sincérité de ceux qui en conviennent ; mais ne 
les plaignons pas. Car, quels que soient les résultats, la 
recherche de la vérité, par elle-même, a son prix. N’est- 
elle pas le plus généreux emploi du temps et le plus noble 
exercice de la pensée? Et n'est-il pas vrai qu'elle ne 
manque jamais d'apporter à ceux qui s'y livrent avec les 
joies austères du travail, mille plaisirs délicats, et les 
encouragements toujours renaissants de l'espérance? On 
se promène dans l’histoire, à travers les évènements et 
les idées, comme on le fait dans la nature. Le but risque- 

(1) Bullettino , p. 93. 


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— 315 — 


t-il de n’être pas atteint ; qu’importe ? Est-ce qu’il n’y aura 
pas eu les agréments du voyage, de l’ombre sur la route et 
des fontaine?, des effets de lumière au ciel et sur les eaux, 
des échappées de vuo sur de beaux horizons, des monu¬ 
ments, des fleurs, des chants, des parfums et des sourires; 
des émotions inattendues et des jouissances, qui valent 
mieux, bien souvent, que ce que l’on avait cherché ? 


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RAPPORT 


SUR LE 

MEMOIRE QXTX IF’JR/ÉJOIÈÜDIE! 

Par M. l'abbé DESNOYERS. 


Séance du 4 décembre 1891 


Messieurs, 

Je dois vous avouer de suite, que notre président de la 
section des Belles-Lettres, en me donnant le manuscrit de 
M. Guerrier, pour faire le rapport sur un littérateur de 
l'époque de la Renaissance, me fit éprouver un certain 
frisson, et que j'ai dû faire appel à mon respect pour le titre 
présidentiel et mon estime pour l'auteur du travail, afin 
d’accepter la mission de rapporteur. Ce n’est pas, Mes¬ 
sieurs, le jugement sur le travail de l’auteur qui me 
troublait, car je dis de suite qu’il est très bon et digne di*s 
Annales, mais il y a longtemps que l’époque de la Renais¬ 
sance m'inspire fort peu d'attrait, et que parmi les salles 
de notre musée historique, celle qui porte le nom de 
Renaissance , est dans mon jugement, placé, malgré ses 
élégantes richesses, après toutes les autres, j’ai donc 
éprouvé la crainte d'être un juge intéressé et partial, par 
conséquent, aveugle : mais encore une fois, Messieurs, j*ai 
recueilli toutes mes forces et je serai, je l'espère, éclairé 
et loyal dans ce rapport. 


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- 317 — 


Vous me demanderez, peut-être, Messieurs pourquoi 
j’aime si peu cette Renaissance ? n’est elle pas l’époque du 
goût épuré, de l’élégance dans toutes les branches de l’art? 
ses littérateurs, ses architectes, ses artistes, ne sont-ils 
pas des maîtres sans pareils et quand il faudra chercher 
des modèles de délicate simplicité, de richesse sans luxe, 
ne faut-il pas recourir à eux et se rappeler les noms impé¬ 
rissables de Ducerceau, Philibert, Delorme, Palissy, 
Cellini, Briot et autres célèbres artistes? Cela est vrai, 
Messieurs, très vrai, je me joins sincèrement à ce concert 
de louanges méritées; mais ce que je reproche à la Renais¬ 
sance, c’est d’avoir affecté le mépris pour les siècles qui 
l’ont précédé, condamné à un silence volontaire les remar¬ 
quables architectes de nos merveilleuses églises, de nos 
fiers châteaux, de notre puissante et délicate sculpture, 
c’est d’y avoir substitué avec une audacieuse réflexion et 
un ingrat dédain pour un glorieux passé, la sèche beauté 
des lignes grecques et romaines, l’élégance énervée à la 
force majestueuse, si majestueuse que les monuments et 
les restes eux-mêmes de cette puissante architecture nous 
saisissent et contraignent les admirateurs de la Renais¬ 
sance à leur rendre respect. 

Ce que je reproche à cette Renaissance, c’est d’avoir dans 
son orgueilleux mépris, inventé contre mille ans de science 
et de force, le mot de Gothique , pour ensevelir sous le 
ridicule les grands siècles qui offusquaient sa jalouse ambi¬ 
tion : c’est d’avoir voulu placer sous les pieds de la 
Grèce et de Rome les mille années que nos ancêtres avaient 
traversé en couvrant l’Europe entière des robustes œuvres 
de leur génie. 

Est-ce tout, Messieurs, ce que j'ai à reprocher à la 
Renaissance ? Non ! et puisque la Renaissance a trouvé 
un mot pour abaisser le Moyen-Age, je lui reproche celui 
qu’il s’est audacieusement donné, le nom de Renaissance , 


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il est menteur, parce qu’il est faux. Est-ce que la vie ne 
circule pas avec abondance dans ces églises des xii*, xin' et 
xiv* siècle, dont les unes expriment la force de l’intelli¬ 
gence, et l’élancement de l’âme vers Dieu, les autres rap¬ 
pellent les charmes de la végétation et les délicatesses de la 
dentelle ? Quand on travaille de cette façon, la mort n’est 
pas dans le cerveau et dans la main : les temples de la 
Grèce et de l’Italie ont de la dignité, mais les basiliques du 
xvi* siècle, Saint-Pierre de Rome, Saint-Paul de Londres, 
Sainte-Genièvre de Paris, ces chefs d’œuvre de l’école 
moderne avec leur grandiose et leur somptuosité sont loin 
de rivaliser avec les églises de Chartres, Rouen, Amiens et 
autres, et ne produiront jamais par la beauté sèche et 
froide de leur construction, cette indéfinissable émotion 
qui saisit l’àme quand elle contemple l’intérieur de nos 
vieilles basiliques : un mystérieux sentiment s’empare du 
visiteur, il sent que c’est la maison de la prière, la maison 
de Dieu et de l’homme tout à la fois, ce qu’il n’éprouve pas 
dans les autres temples, où la lumière, par son abondance 
fatigue son attention, où son regard se promène avec trop 
de liberté, où rien n’entraîne sa prière et ne le jette dans 
les bras de Dieu. 

Ce n’est pas tout encore. Que dirai-je dumépris si visible 
de la Renaissance pour la philosophie du Moyen-Age? 
j’entends ici les accusations de nos modernes docteurs 
tomber sans pitié sur les anciens maîtres, les frapper du 
reproche de despotisme intellectuel, de tyrannie de la 
liberté de l’àme : la dialectique, s’écrient-ils, emprissonnait 
l’esprit humain, ses lourdes formules lui ôtaient cette allure 
souple et ferme qui seule permet de penser et de dire faci¬ 
lement : je ne prétends pas, Messieurs, que la scolastique 
n’emploie pas des formes embarrassantes, des pesanteurs 
d’argumentation, je ne nie même pas qu’on peut trouver 
dans l’école philosophique du Moyen-Age une certaine 


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t 


— 319 — 

pédagogie lourde, sèche, hautaine ; il faut être loyal et je 
le suis hautement, mais il sera toujours vrai de dire que la 
scolastique, et c’est un honneur pour elle, est comme 
science de raisonnement, le moyen tout puissant et peut 
être unique de saisir l’erreur malgré ses replis, d’éclairer 
ses pièges et de la forcer, en la faisant venir au grand jour, 
de disparaître devant la simple vérité : Mais voici un 
reproche beaucoup plus sérieux, le xvi* siècle devait, après 
avoir renversé les habitudes de l’art ancien, vouloir 
également détruire celles de l’esprit humain tel que de longs 
siècles l’avaient formé avec tant de soin et conduit avec tant 
de sagesse et il l’a fait : il avait audacieusement brisé les 
ciseaux des artistes, il fut conduit à briser les lois du rai¬ 
sonnement. Albert le Grand, Thomas d’Aquin, ces grands 
génies, ces illustres penseurs, qui avaient éclairé tant de 
générations ne furent olus que de médiocres docteurs bons 
à jeter dans l’oubli. Ce fut alors que le xvi 8 siècle après 
avoir fait ces ruines, ouvrit dans les âmes de la Société 
l’entrée aux sophistes, aux rhéteurs, à ceux qu’un homme 
qui fut un grand capitaine et quelquefois un exact penseur 
appelait avec mépris des idéologues : l’expression de 
Napoléon était juste, car après avoir lu Labéotie, Montai¬ 
gne, Charon, Bodin, Duvair, ces chefs de la philosophie 
nouvelle, on aperçoit malgré les incontestables qualités de 
ces écrivains, que l’âme humaine est laissée à sa dangereuse 
souveraineté, elle marche à la suite de ces maîtres insuf¬ 
fisants, dans la voie glissante d’une fausse liberté que ne 
contiennent plus les froids mais vigoureux raisonnements 
de la logique et les lumineuses discussions de l’ancienne 
école. 

Mais là ne se bornent pas encore les déréglements de la 
renaissance : après avoir voulu étouffer le moyen âge sous 
le ridicule, elle tomba et c’était juste châtiment, sous la 
même dérision. Les maîtres de la nouvelle école ne virent 


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* 


— 320 — 

rien de plus beau que de renoncer à leur nom de naissance 
et de patrie, pour eux la Grèce et Rome étaient les seuls 
pays qui eussent le droit de nommer les hommes : se dire 
Français, Italiens, fi donc! S’appeler Laramée, Dupont, 
Dupuis, Pierre, quel goût détestable ! Quand on vaut quel¬ 
que chose, il faut puiser à la seule bonne source, il faut 
porter le nom de Ramus , Pomponius, Pontanus , Pm- 
teanus , Minucius , Glaucus , Papirus , Callimachus , 
Parthenius , Gallus , Asclepiades , est-ce assez de ridicule 
Messieurs et ce pédantisme le fut tellement, qu'il a été 
flétri par le bon sens d’un proverbe vengeur, nous disons 
encore de certains savants, ce personnage et ridicule est 
un savant en us ! Le coup de fouet restera, car il est 
vigoureusement cinglé. 

Mais il y a plus encore Messieurs ces maîtres de science 
tout gonflés de grec et de latin, ont voulu et c’est le dernier, 
mais amer reproche que je leur adresse. Faire revivre le 
paganisme. Aveuglés par un amour idolâtrique pour les 
sociétés antiques, ils en ont professé le culte, ainsi que M. 
Guerrier vous l'ajsprend dans son curieux travail. Pompo¬ 
nius lœtus avait dressé dans sa maison un autel en l’hon¬ 
neur de Romulus, fondateur de Rome et l’Académie romaine 
que Pomponius avait établie et qu’il présidait, célébrait, 
tous les ans avec pompe les grands événements de la 
Rome antique : la conséquence de ces honneurs rendus à la 
Rome des consuls et des tribuns fut inévitable, un atmos¬ 
phère de paganisme et d’indépendance se glissa dans ces 
académiciens, ils furent accusés de conspiration contre la 
royauté pontificale, l’un deux, Platina fut emprisonné et ne 
dut son élargissement qu’à l’absence de preuves certaines 
de sa culpabilité, ma>s il conserva toujours ses goûts d’in¬ 
dépendance et quand il mourut, l’Académie fondée par 
Pomponius entoura sa mémoire des honneurs pareils à 
ceux des illustres personnages de la vieille Rome : Le culte 


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— 321 — 


de la forme qui était le fond de la religion payenne, sortit 
de ses ruines et disputa la place à celui de la pensée, établi 
parle christianisme, le paganisme renaissant avec sa tur¬ 
bulente indépendance envers le pouvoir, livra la guerre à 
la religion chrétienne si respectueuse envers l’autorité, tout 
fut soumis à la liberté sans mesure de la raison, et remis en 
examen et les choses devaient arriver ainsi, comme le re¬ 
marque judicieusement M. Guerrier qui, malgré ses recher¬ 
ches, n’a pu laver Pomponius du soupçon de renoncement 
secret à la foi chrétienne, le doute reste encore, et sera tou¬ 
jours une ombre déshonorante sur la mémoire, malgré sa 
haute science, de Pomponius: Voilà pourquoi, Messieurs 
en ne voulant pas jetter le xvi e siècle aux gémonies, je pro¬ 
teste contre son usurpation dans le royaume des arts et de 
la philosophie, je veux bien lui donner quelques lauriers, 
mais je lui conteste la royauté qu’on lui accorde et la res¬ 
titue à ses devanciers. 

Maintenant, Messieurs, ce n’est plus le juge sévère qui va 
parler, c’est le collègue, très heureux d’avoir examiné le 
travail de son confrère : j’en avais entendu la lecture avec 
plaisir, j’en ai lu les pages avec un avide intérêt, le récit 
piquant et sérieux, nourri de citations irréfutables, l’histo¬ 
rien et le littérateur y méritent tous nos éloges. 

Il me pardonnera donc d’être entré plus longuement que 
lui dans le champ de la critique de la fausse Renaissance, 
car il m’a donné l’occasion de protester contre ce que je 
vois trop fréquemment se passer dans le musée historique, 
le vôtre, Messieurs: lorsque les visiteurs parcourent la salle 
des Antiques et du Moyen-Age, le parcours est rapide, et 
la parole muette, mais quand ils pénètrent dans la salle 
dite de la Renaissance, un long cri d’admiration s’échappe 
des lèvres et on ne veut plus sortir : je sais bien que cet 
enthousiasme est jeté surtout par les visiteurs que la poli¬ 
tesse m’ordonne d’appeler dans une langue qui brave tout. 


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gens muliebris, mais hélas ! Cette gens n’est pas le seul 
admirateur et je vois la Virorum partager et le mutisme 
et l’émerveillement de sa compagne... 

Je remercie donc de nouveau M. Guerrier de m’avoir, par 
son excellent travail, fourni le moyen de rendre à chacun 
ce qui lui appartient : 

Au Moyen-Age la puissance, le génie, la connaissance 
de ce qu’il y a de plus élevé, Dieu et l’homme : 

A la Renaissance, le charme de l’élégance, la beauté de 
la forme, mais sans regard vers le Ciel et avec le culte seul 
de la forme. 

Donnons au premier notre préférence, il est admirable : 
c’est un géant. 

Donnons à la seconde notre sourire, c’est une charmeuse. 


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PROCES-VERBAUX DES SEANCES 


Année 1890 . 


Séance du 3 janvier 1890. 


Présidence de M. Paulmier, Vice-Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le D r Patay, en l’absence du Secrétaire général, donne connais¬ 
sance à la Société des ouvrages reçus dans la dernière quinzaine. 

Le nombre des membres présents étant insuffisant, la séance admi¬ 
nistrative annoncée ne peut être tenue. 

M. le Vice-Président donne lecture d’une lettre de M. Bimbenet, 
Président, donnant sa démission motivée par son grand âge. 

La décision à prendre est remise à quinzaine. 

M. le Vice-Président donne lecture d’une lettre de M. Loiseleur, 
Secrétaire général, recommandant à la Société une lettre de la Société 
scientifique Flammarion de Marseille. 

Cette lettre demande à la Société d'émettre un vœu, afin que l’usage 
d'une heure nationale soit adopté pour toute la France, et pour que 
toutes les horloges publiques soient réglées sur le temps moyen de 
Paris. 

Cette communication est renvoyée à la section des Sciences. 

M. Loiseleur, dans sa lettre, fait une autre communication relative 
à la nomination de notre collègue, M. Bailly, comme membre corres¬ 
pondant de l’Institut, par l’Académie des Inscriptions et Belles- 
Lettres. 

M. le Président propose à la Société, en présence de l’honneur qui 
lui est fait en la personne d’un de ses membres les plus distingués, 
d’écrire en son nom à notre collègue M. Bailly, pour lui adresser 
toutes nos félicitations. 

Cette proposition est adoptée. 


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— 324 — 


Bien que la Société ne soit pas en séance administrative, M. le Pré¬ 
sident donne connaissance des lettres suivantes relatives à des candi¬ 
datures posées pour les vacances ouvertes: 

1° Lettre de M. le D r Fauchon, candidat à la place vacante dans la 
section de Médecine ; 

2° Une lettre de M. Anselmier, ancien agriculteur, ancien directeur 
des fermes écoles de Montberneaume et de Chambeaudoin, candidat à 
la place vacante dans la section d’Agriculture ; 

3° Une lettre de M. Denizet, candidat à la place vacante dans la 
section d*Agriculture. 

M. l'abbé Cochard continue la lecture de son travail sur la Juiveriê 
d*Orléans. Il commence le chapitre II. 

La séance est levée à neuf heures un quart 

Etaient présents : 17 membres. 


Séance du 17 janvier 1890 


Présidence de M. Paulmur, Vice-Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. Bailly exprime à la Société les sentiments de reconnaissance 
que lui inspirent los témoignages d'estime et de sympathie dont il a 
été l'objet, de la part de M. le Président de la Société et de M. le * 
Secrétaire général, au nom de la Société tout entière, à la suite de 
son élection, par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, comme 
correspondant de l’Institut. 

M. Sainjon se fait l’interprète de la Société, en félicitant de vive 
voix, au nom de tous ses collègues, M. Bailly. 

M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des 
ouvrages reçus et de la correspondance de la quinzaine. 

Parmi ces envois, il convient de signaler : 

1° Une circulaire de M. le Ministre de l’Instruction publique rela¬ 
tive à la quatorzième réunion annuelle des Sociétés des Beaux-Arts 
des départements, en 1890. 

M. le Vice-Président lit deux notices nécrologiques. La première, 


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sur M. Colin, inspecteur général des ponts et chaussées, membre de 
la section des Sciences ; la seconde, sur M. le docteur Lorraine, 
membre de la section de Médecine, décédés depuis la dernière séance. 

Ces deux communications seront insérées dans les Mémoires. 

M. le Vice-Président annonce à la Société que notre collègue, M. le 
D r Deshaies, vient d’être élevé à la dignité d’officier d’Académie. 

La Société adresse ses félicitations à M. le D r Deshaies. 

SÉANCE ADMINISTRATIVE 

M. le Vice-Président donne lecture des lettres suivantes : 1® de 
M. Bimbenet, Président de la Société, donnant sa démission de Prési¬ 
dent de la Société en raison de son grand âge ; 

2° De M. Anselmier, ancien agriculteur, posant sa candidature à la 
place vacante dans la section d’Agriculture ; 

3° Une lettre de M. Denizet, Secrétaire général du Syndicat des 
agriculteurs du Loiret, ayant le même objet ; 

4® Une lettre de M. le D r Fauchon, posant sa candidature à la place 
vacante dans la section de médecine. 

M. le Président propose à la Société, suivant les termes du règle¬ 
ment, de dresser la liste des candidats au scrutin secret. 

1° Section d’Agriculture. — MM. Anselmier et Deaizet sont inscrits 
sur la liste ; 

2° Section de Médecine. — M. Fauchon est inscrit sur la liste. 

Ces candidatures, approuvées par la Société, sont renvoyées aux 
sections. 

ÉLECTIONS 

Renouvellement du bureau : 

MM. Bimbenet est réélu Président. 

Paulmier est réélu Vice-Président. 

Loiseleur est réélu Secrétaire général. 

Jullien est réélu Bibliothécaire. 

La séance est levée à dix heures moins un quart. 

Etaient présents : 30 membres. 


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326 - 


Séance du 7 février 1890. 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est la et adopté. 

M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des 
ouvrages reçus dans la quinzaine et de la correspondance. 

11 convient de signaler : 

1° Le Loir-et-Cher, journal hebdomadaire, historique, archéolo¬ 
gique, etc.* accompagné d'une invitation à souscrire à l’abonnement. 

Renvoyé à la section des Lettres, pour avoir son avis. 

2 e Une lettre de M. Loiseleur, Secrétaire général, remerciant la 
Société de l’avoir réélu comme Secrétaire général. 

M. le Président remercie la Société de l’avoir maintenu dans ses 
fonctions de Président, et s’exprime en ces termes : 

« Messieurs, 

a La sagesse des temps passés fixe à l’âge de soixante ans la der¬ 
nière limite de la participation de l’homme aux actes de la vie sociale, 
elle l’invite à ne plus s’occuper, alors, que de ce qui l’intéresse per¬ 
sonnellement. 

a Quod humanœ vitœ spatium , si quis excesserit , ah omni officio 
vacuus , suum fundendo habebit usum . 

9 Cette maxime, empruntée au Digestum sapientiœ , est conforme 
à celle de l’Ecriture-Sainte, qui la reproduit dans plusieurs de ses 
textes : Dispone domui tuœ quia morieris . 

« L’illustre Guillaume Prousteau l’a placée en tête du grand et der¬ 
nier acte de sa vie, celui par lequel il fondait notre bibliothèque 
publique. 

« La sagesse de ce conseil est justifiée par l’expérience de chaque 
jour. 

c Aussi, suis-je d’autant (plus disposé à le suivre, que j’ai dépassé 
dans une grande proportion cette époque de la vieillesse. 

c Et cependant, après l’expression du vif désir de me retirer dans 
le silence de mon âge, je me retrouve encore à ce siège, oû votre 
bienveillance m’a fait asseoir. 


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« J'ai cédé, par une double considération, à l’invitation que vous 
avez bien voulu renouveler. 

« L’un de nos collègues, qui à de nombreux et considérables succès 
dans la carrière des lettres, réunit de nombreux et importants ser¬ 
vices, qu’il rend depuis longtemps et chaque jour à notre Société, 
avait l’intention de m’accompagner dans ma retraite ; je n’ai pae voulu 
vous priver de son concours ; il devait se retirer avec moi, je n’ai pas 
hésité à rester au milieu de vous, avec lui. 

» J’aurais commis un acte d’ingratitude si j’avais répondu à votre 
persistante bonté par un refus de m’y conformer ; je m'en remets à 
votre indulgence pour l’accomplissement de la tâche que vous me 
continuez, cette indulgence me sera nécessaire, mais elle me rappelle 
ces mots d’une poésie populaire que j'entendais dans ma jeunesse : 

« Soutenez le vieillard fatigué du chemin. 

« Et, d’ailleurs, ce service me sera rendu, comme il l’a été jus¬ 
qu’ici, par la dignité et le calme qui n’ont jamais manqué à la tenue 
de nos séances, fruit de la mutuelle estime qui unit les membres de 
chacune de nos sections entre eux, et ces sections entre elles. 

c Je trouverai aussi ce soutien vivifiant dans le sentiment de recon¬ 
naissance que votre dernière élection m’inspire. 

« Je vous en dois l’hommage, je vous l’offre du fond du cœur, je 
le conserverai inaltérable et comme une précieuse couronne que vous 
déposez, par avance, sur ma tombe. » 

SÉANCE ADMINISTRATIVE 

M. le D r Patay, trésorier, soumet à l'approbation de la Société les 
comptes de l'exercice 1889. 

Ces comptes sont adoptés à l'unanimité. 

Des remerciements sont votés à M. le Trésorier. 

M. le Président fait observer, à la suite de cette lecture, que les 
arrérages échus du legs Perrot, sont supérieurs de 600 fr. Il propose, 
en conséquence, d’ouvrir un concours, en 1890, dans l’arrondissement 
* de Pithiviers, suivant l'ordre du roulement établi. 

Cette proposition est adoptée. 

ÉLECTIONS 

11 est passé à l'élection d’un membre à la section d’Agriculture. 

M. Denizet et M. Anselmier, candidats, n'ayant obtenu, ni l’un ni 


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l’autre, après trois tours de scrutin, la majorité fixée par le règle¬ 
ment, l’élection est ajournée et remise à deux mois. 

La section de médecine s’est réunie. M. le D r Arqué a été nommé 
président en remplacement de M. le D r Lorraine, décédé, et M Rocher, 
secrétaire. 

La section de médecine propose, en outre, la candidature de M. le 
le l) r Fauchon. 

M. le D r Fauchon est élu membre de la Société dans la section de 
Médecine. 

SÉANCE ORDINAIRE 

La section des Sciences et Arts s’est réunie. 

M. Sainjon, président, au nom de cette section, propose à la Société 
d’émettre un vœu favorable au projet d’unification de l’heure natio¬ 
nale en France et en Algérie, s’associant aux termes de la circulaire 
de la Société Flammarion, de Marseille, et de transmettre ce vœu à 
M. le Ministre de l’Instruction publique. 

Cette proposition est adoptée. 

De plus, la section des Sciences a entendu le rapport sur les articles 
de M. de Quatrefages, demandé par la Société et présenté par 
M. Sainjon. 

M. le D r Brechemier lit une notice nécrologique sur M. le D r Lor¬ 
raine, décédé membre de la Société. 

Cette notice sera insérée dans les Mémoires de la Société. 

M. Emile Davoust lit le premier chapitre d’un mémoire intitulé : le 
comte de Bizemont , graveur Orléanais , sa vie , ses procédés , son 
œuvre . 

La séance est levée à 10 heures. 

Etaient présents : 35 membres. 


Séance du 21 février 1890 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des 
ouvrages reçus. 


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Parmi la correspondance, il convient de signaler : 

1° Une circulaire de 1*Association nationale de la meunerie fran¬ 
çaise ; 

2° Notice sur M. Boussion, par M. Basseville, extrait du Bulletin 
du Comité central de la Sologne (hommage de Fauteur) ; 

Des remerciements sont votés à M. Basseville. 

3° Journal de Fontainebleau , par M. Domet (hommage de Fauteur) 

Des remerciements sont votés à M. Domet, et le volume est renvoyé 
à la section des Lettres. 

4° Histoire de Marie-Antoinette, par M. Max. de la Rocheterie, 
2 vol. in-8° (hommage de Fauteur). 

Des remerciements sont votés à M. de la Rocheterie. 

L’ouvrage est renvoyé à la section des Lettres pour faire l’dbjet 
d’un rapport. 

M. le Président fait connaître à la Société que des publications 
seront faites dans les journaux à l’occasion du concours pour le prix 
Perrol, en 1890. 

La section des Lettres s’est réunie pour statuer sur deux prospectus 
qui lui ont été envoyés : 

1° La vraie Jeanne d*Arc, documents nouveaux, par le P. Ayrolles, 
prospectus accompagné d’une demande de souscription. 

La section propose l’ajournement jusqu’à la publication de l’ouvrage. 
Cette proposition est adoptée. 

2® Le Loir-et-Cher , archéologique, historique. 

La section propose l’abonnement pour un an, à titre d’essai. Cette 
proposition est repoussée. 

La section des Sciences s’est réunie, et a autorisé M. Davoust à 
lire, à la prochaine séance générale des trois Sociétés, son mémoire 
intitulé : Le comte de Bizemont, graveur Orléanais , notice biblio¬ 
graphique. 

M. l’abbé Desnoyers lit un mémoire intitulé: Le tableau de Sainte- 
Cécile, au Musée £ Orléans, 

Le travail de M. l’abbé Desnoyers, destiné à être communiqué à la 
séance générale des trois Sociétés, est renvoyé à la section des 
Sciences et Arts. 

M. Sainjon, au nom de la section des Sciences et Arts, lit un rap¬ 
port sur les articles de M. de Quatrefages, dans le Journal du 
Savant . 

L’impression de ce rapport, mise aux voix, est votée par la Société. 

La séance est levée à dix heures. 

Etaient présents : 19 membres. 

22 


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Séance du 7 mars 1890 


Présidence de M. Rimbinkt, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est la et adopté. 

Le Secrétaire général donne connaissance à la Société des ouvrages 
reçus. 

M. le Président souhaite la bienvenue à M. Fauchon, membre nou¬ 
vellement élu de la section de Médecine. 

M. le Président fait lecture à la Société d'une lettre de M. Loise¬ 
leur, Secrétaire général, relative à la date de la première séance 
d'avril, qui devrait, régulièrement, tomber le Vendredi-Saint, à la 
date des élections, et à la date de la réunion des trois Sociétés 
d'Orléans. 

La Société décide : 

1° Que la réunion des trois Sociétés, dans la salle des séances de la 
Société d'agriculture, et sur l'invitation de son Président, aura lieu le 
21 mars ; 

2° Que la première séance d’avril, à cause du Vendredi-Saint, serait 
avancée au mardi l* r avril ; 

3° Que la séance des élections aurait lieu le vendredi 18 avril. 

La section des Sciences et Arts s'est réunie. 

M. Emile Davoust, rapporteur, lit un rapport sur le mémoire de 
M. l’abbé Desnoyers, intitulé : le Tableau de Sainte-Cécile, au Musée 
d'Orléans , par M. de Richemont. Il conclut à l'impression du travail 
de M. Desnoyers dans les Annales. 

La section propose également l'impression du rapport. 

Ces deux propositions, successivement mises aux voix, sont adoptées. 

M. l’abbé Cochard continue la lecture de son mémoire intitulé : la 
Juiverie d'Orléans . 

M. l'abbé Desnoyers, directeur du Musée historique, annonce à la 
Société les découvertes faites à la Cathédrale, au cours des fouilles 
exécutées pour l’établissement d'un calorifère, au mois de décembre 
1889: 

1. — Une tombe en pierre, avec couvercle, contenant les restes de 
Guillaume de Bussy, évêque d’Orléans, sacré en 1238, mort en 1258, 


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— 331 — 

conseiller de saint Louis, qu'il accompagna dans sa croisade en Terres 
Sainte. 

Elle renfermait, avec les ossements de l'évêque : 

1° La volute de sa crosse, en cui?re doré et émaillé, d’un travail 
riche et délicat, avec la partie supérieure et le pied de la tige en bois ; 

2° Une bague en or, dont le chaton est formé d'un gros saphir ; 

3° Un calice en plomb, détérioré ; 

4* Une patène en plomb, légèrement détériorée ; 

5° Une grande quantité de détritus de vêtement épiscopal, en soie, 
brochée d’or, galonnée en or ; 

6° Des restes de chaussures en cuir, et les galons d'or qui les bor¬ 
daient ; 

7° Une plaque carrée en plomb, portant le nom de Guillaume de 
Bussy, son titre, l’année et le jour de sa mort ; 

8° Une boucle en cuivre. 

II. — Un tombeau en pierre, sans couvercle, et, à côté, les osse¬ 
ments de Ferrie de Lorraine, évêque d’Orléans, sacré en 1296, mort 
en 1299, et de plus : 

1° Une plaque carrée en plomb, percée de trois trous, et portant 
les nom et titre de l’évêque, avec l’année et le jour de sa mort ; 

2° Une grande boucle de fer ; 

3° Le sommet et le bas de la tige d’une crosse, en bois, avec les 
deux goupilles qui attachaient le métal de la crosse et la monture ; 

4° Des détritus de vêtement épiscopal, en soie brochée et galonnée 
d'or; 

5° Le nœud d'un calice en plomb ; 

6° Un gros clou en fer et des fragments de plusieurs autres. 

III. — Une cuve en pierre ornée de personnages sculptés. 

IV. — Une mosaïque, par fragments, portant des figures d'anges, et 
une inscription incomplète, qui n’a point encore été déchiffrée. 

V. — Des fragments d’architecture des différentes époques de la 
cathédrale, depuis l’âge gallo-romain. 

Il informe alors la Société que tous ces objets ont été déposés au 
Musée historique. 

M. l'abbé Desnoyers donne ensuite l’énumération des 20 évêques 
d'Orléans, sur 117, qui ont reçu la sépulture dans la Cathédrale: 

1° Philippe de Jouy, xhi® siècle ; 

2° Guillaume de Bussy, xm e siècle ; 

3° Berthold de Saint-Denis, xm® siècle ; 

4° Ferrie de Lorraine, xm® siècle ; 


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332 — 


5° Foulques de Chenac, xiv® siècle ; 

6° Guy de Prunelé, xiv* siècle ; 

7° Mathurin d6 la Saussaie, xvi* siècle ; 

8* Jean de Laubespine, xvi« siècle ; 

9® Nicolas de Netz, xvi« siècle ; 

10° Alphonse Delbenne, xvii* siècle : 

11° Cardinal de Coislin, xvn® siècle ; 

12° Louis-Gaston Fleuriau, xvn* siècle ; 

< 13° Nicolas-Joseph de Paris, xyiii® siècle ; 

14° Louis-Sextius de Jarente, xvm« siècle ; 

15° Bernier, xix® siècle ; 

16° Rousseau, xix« siècle ; 

17° De Varicourt, xix« siècle ; 

18° De Beauregard, xix® siècle ; 

19° Fayet, xix« siècle ; 

20° Dupanloup, xix« siècle. 

La Société se joint à M. Desnoyers pour offrir ses remerciemc 
toutes les personnes qui ont contribué à ce résultat, dû au con 
dévoué de MM. les Sénateurs et Députés du Loiret, de M. le P) 
de M. le Maire d’Orléans et de M. l’Architecte diocésain. 

La séance est levée à neuf heures et demie. 

Etaient présents : 24 membres. 


Séance solennelle du 21 mars 1890 


Réunion des trois Sociétés savantes d’Orléans 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


M. le Président fait asseoir à sa droite M. de la Taille, présid< 
F Académie de Sainte-Croix, et à sa gauche, M. Basseville, pré 
de la Société archéologique. 

M. le Président ouvre la séance en souhaitant la bienvenu 
membres de la Société archéologique et de l’Académie de S 
Cioix qui ont répondu à l’adresse qui leur a été adressée. 


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— 333 — 


Il s'exprime en ces termes : 
c Messieurs, 

c Avant de donner la parole à ceux de nos collègues que vous 
devez entendre, permettez-moi de vous exprimer le sentiment que 
m'inspire cette réunion. 

<c Plus nous avançons dans le temps, depuis l'adoption et la mise en 
pratique de cette bienveillante pensée, plus nous sommes heureux 
d’en apprécier les résultats. 

t Au rapprochement des personnes, à ces rapports trop passagers, 
mais intimes et confraternels, vient se réunir la concentration de 
forces qui, pour agir séparément, n’en constitue pas moins l’unité 
dans tous ses effets, et la communication réciproque d’un sentiment 
de mutualité qui, pour être inconscient et insaisissable, n'en est pas 
moins réel. 

a On s’aperçoit que les travaux auxquels chacune Je nos associa¬ 
tions se livre ont un but unique, malgré les diverses parties qui les 
distinguent. 

c Alors, ces études, ces travaux perdent leur caractère individuel, 
ils s’accordent entre eux pour concourir plus spécialement, et avec 
plus d’énergie, non plus seulement à un succès, à une satisfaction 
personnels, ou intéressant une seule association, mais de concourir à 
l'obtention d’avantages d’un ordre plus élevé. 

a Le but, en effet, que nous devons nous proposer, est de main¬ 
tenir l’existence des centres d’études fondés par nos prédécesseurs, ou 
que nous avons fondés nous-mêmes, tels que la Société archéologique 
et l'Académie de Sainte-Croix, d’y entretenir le foyer qui chauffe 
l’âme, d'y tenir toujours allumé le flambeau qui éclaire et lui permet 
de porter le regard dans les profondeurs les plus mystérieuses de la 
création, et ainsi que les progrès delà science nous l’apprennent, d’en 
pénétrer les plus invisibles éléments, et de leur faire produire des 
effets d'une telle puissance, qu'ils en viendront à opérer la transfor¬ 
mation des conditions de la vie humaine. 

c Dans un ordre d’idées plus modestes, ces associations, surtout 
dans les villes de province, attirent l’attention sur la contrée dans 
laquelle elles ont leur siège. 

« A ce point de vue, quelle contrée, quelle ville sont plus riches en 
souvenirs historiques que la province apanagère de 1 Orléanais, que 
l’antique Qenabum % Carnutum , Y Ombilicus Ligeris , Y Aurélia des 
Romains, l'Orléans de la Monarchie. 


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— 334 — 


< Quelle contrée, quelle ville plus riches en souvenirs et en monu¬ 
ments laissés par le passage de l’administration, ou plutôt par l'auto¬ 
rité romaine, dont on retrouve les voies stratégiques de communica¬ 
tion, les établissements balnéaires, les théâtres, les basiliques, les 
monnaies et même les armes. 

« En souvenirs et en monuments que nous a laissés le Moyen âge et 
la Renaissance, le premier entourant l’enceinte des villes de puissantes 
murailles flanquées de tours, les formant de portes accompagnées de 
forteresses et de bastilles ; la seconde, répandant ça et là ses regret¬ 
tables et gracieuses fantaisies. 

« Quelle ville fut plus célèbre par l’antiquité et l’éclat de son épis¬ 
copat, de ses nombreuses et savantes collégiales, ses établissements 
consacrés, dès le commencement de la Monarchie, à l’étude des lettres, 
où elles étaient flori*santés dès les vu* et vni® siècles ; par sa légis¬ 
lation, la coutume d’Orléans étant, avec celle de Paris, la régulatrice 
de toutes les autres, ce qu’elle dut à l’abondance de ses dispositions, 
à leur prévoyance, lui permettant de suppléer à leur obscurité et à 
leur insuffisance par sa glorieuse Université, dont l’opiniâtreté dans 
l’enseignement du droit romain, par la plume de son plus illustre 
interprète, a inspiré les plus sages dispositions de notre droit civil. 

« Aussi est-elle celle qui offre la liste la plus nombreuse de savants 
et célèbres jurisconsultes, liste close par les Prévost de la Janès, les 
Guillaume Prousteau, Joseph-Robert Pothier, Robert de Massy, son 
successeur dans la chaire de droit français, Guyot de Grand-Maison, 
l’éditeur digne de l’auteur des œuvres posthumes de Pothier. 

a Enfin, nos associations savantes doivent entretenir le sentiment 
littéraire dont la culture est le délassement, la douce récréation, le 
charme de l’esprit et du cœur, trop souvent fatigués et troublés par 
les luttes et les préoccupations de la vie sociale. 

« Je ne puis examiner, en ce moment, les travaux de chacune de 
nos Sociétés, qui se trouvent si dignement représentés dans cette 
séance, mais il me sera facile de signaler, en général, les justifica¬ 
tions de leurs travaux et de leurs succès. 

« Si on me permet de parler, en premier lieu, comme étant l’aînée 
de toutes les autres, de celle qui a l’honneur de les recevoir, je rap¬ 
pellerai les immenses services, résumés dans un remarquable mémoire 
dû à la plume exercée de notre collègue M. Loiseleur, qu’elle a rendus 
à l’agriculture, par de persévérants travaux théoriques et pratiques, 
eu traitant de savantes questions économiques, par l’étude experi¬ 
mentale encore, alors peu avancée de la chimie ; enfin, dans tous le* 


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— 335 — 


temps, par des travaux appartenant à ces divers sujets, à la science 
du médecin, aux progrès de l'art du chirurgien, et dans tous les 
temps par de nombreux et intéressants essais littéraires et archéolo¬ 
giques. 

« Cette Société a eu ses bienfaiteurs, MM. le baron de Morogues 
et Perrault, qui ont fondé des prix accordés à la meilleure tenue des 
fermes et la meilleure exploitation des terres, et l’un de nos collègues, 
M. Didier, a payé son tribut, à notre section des Arts, par l’hommage 
du buste de M. le baron de Morogues, aussitôt après qu’il lui fut 
rendu par la Commission de l’exposition des Beaux-Arts, où il avait 
été admis, et la Société, en reconnaissance do cet acte de générosité 
qui honore et son auteur et la Société elle-même, a placé cet objet, 
qui perpétue le souvenir de celui qui fut un de ses membres les plus 
éminents. 

« Vient ensuite, dans l’ordre de l’appréciation de ces travaux, la 
Société archéologique, qui ne compte plus que deux de ses fondateurs, 
le vénérable abbé Desnoyers, et celui qui a l’insigne honneur de pré¬ 
sider cette séance, l’un encore dans l'ardeur de ses premiers travaux, 
l’autre accomplissant une œuvre de profonde gratitudo envers ses 
collègues, qui ont honoré ses derniers jours en le maintenant au fau¬ 
teuil qu’il occupe en ce moment. 

« 11 est inutile de parler du dévouement à la science qui anime les 
membres de la savante Société, et qui lui a fait conquérir une place 
des plus distinguées parmi les Sociétés savantes des départements, et 
qui lui ont valu, à plusieurs reprises, l’association, à ses travaux, 
d’illustres membres de l’Intitut : Egger, dont la remarquable nécro¬ 
logie a été l’occasion de l'institution, en exécution de laquelle nous 
sommes réunis, et bientôt celle de M. Léopold Delille qui, à l'imita¬ 
tion de son regretté collègue présidera, le 8 mai, la séance de la 
distribution d’un prix fondé pour son honorable membre, M. Boucher 
de Molandon. 

< Enfin, si j’exprime les sentiments que doivent inspirer les travaux 
de l’Académie de Sainte-Croix, je m’empresserai de rappeler un sou¬ 
venir récent. 

« La dernière réunion générale a eu lieu au palais épiscopal, la 
séance a été présidée par Mgr l’Evêque, Président d'honneur, auprès 
duquel était le Président titulaire, M. de la Taille. 

« Deux mémoires ont été lus : l'un par son auteur, M. Baguenault 
de Puchesse, traitant de la biographie de deux anciens poètes Orléa¬ 
nais, Jean et Jacques de la Taille ; l’autre étant une notice d’un 


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336 — 


Voyage à Jérusalem , lu par M. le l) r Arqué, en l'absence de M. le 
D r Pilate, son auteur. 

« Enfin, M. de la Taille a adressé une trop courte allocution à 
l'assemblée. 

« Tous ceux qui ont assisté à cette séance en ont certes gardé le 
profond souvenir, provoqué et entretenu par le goût littéraire le plus 
délicat, et par le sentiment religieux et humanitaire exprimé dans le 
style le plus pur et le plus touchant. 

« Ces observations, suggérées par des relations nouvelles, n’ont été 
jusqu’ici que des espérances, mais ce qui s’est passé jusqu'ici nous 
autorise à penser qu’elles sont déjà devenues une réalité. 

« Le temps les fortifiera, et l’accord, les communications entre 
toutes nos Sociétés porteront les heureux fruits qu’on en attendait, i 

Sur l’invitation de M. le Président, M. l’abbé Cochard donne lecture, 
d’un extrait de son mémoire intitulé : la Juiverie d'Orléans . 

M. Emile Davoust fait ensuite la lecture d’une notice biographique 
sur M. le comte André-Gaspard-Parfait de Bizemont, graveur 
Orléanais. 

Enfin, M. l’abbé Desnoyers communique une étude sur le Tableau 
de Sainte-Cécile , par M. de Richemont, au Musée d’Orléans. 

M. le Président remercie les membres des autres Sociétés qui ont 
assisté à la séance. 

La séance est levée à neuf heures et demie. 

Etaient présents : 45 membres ou invités. 


Séance du 1" avril 1890 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


Les procès-verbaux des séances du 1 et du 21 mars sont lus et 
adoptés. 

M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des 
ouvrages reçus durant le mois qui vient de s’écouler. 

Parmi les envois, il convient de signaler : 

l 6 Histoire de Louis XVI, par Lenormand des Varannes {hommage 
de l'auteur) ; 


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— 337 — 


2° Lettre du Ministre de l'Agriculture, relative à la nomination 
d'un délégué pour assister au concours régional agricole ; 

3° Lettre de M. le Ministre de l'Instruction publique et des Beaux- 
Arts relative à la quatorzième réunion annuelle des Sociétés des 
Beaux-Arts des départements, en 1890 ; 

4 e Lettre de M. Le Roy de Méricourt, président de la section médi¬ 
cale au Congrès des Sociétés savantes, insistant près des médecins, 
membres des Sociétés savantes des départements, pour les engager à 
communiquer leurs observations sur l'épidémie qui a sévi au cours de 
l'hiver dernier. 

M. le Président donne lecture à la Société de la lettre d'invitation 
adressée au nom de la Municipalité d'Orléans, pour assister aux 
obsèques publiques de M. G. Colas des Francs, décédé maire d'Or¬ 
léans le 31 mars 1890 

M. Louis Jarry lit le chapitre I fr d’un travail de M. Loiseleur, 
Secrétaire général, absent et excusé, intitulé : Etude théorique sur 
VEistoire de la formation des bibliothèques . 

La séance est levée à neuf heures et demie. 

Etaient présents : 12 membres. 


Séance administrative du 18 avril 1890 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des envois 
de la quinzaine. 

Parmi ces ouvrages, il convient de signaler : 

La Cathédrale de Sainte-Croix d'Orléans , par M, l'abbé Cochard, 
hommage de l'auteur. 

Des remerciements sont votés à M. l’abbé Cochard. 

M. le Président annonce à la Société que Y Histoire de Marie-Antoi - 
nette, par M. Max. de la Rocheterie, notre collègue, a été couronné 
par l'Académie française. 

La Société accueille cette communication par des applaudissements 

unanimes. 


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— 338 


M. de la Rocheterîe remercie la Société da témoignage de sympa¬ 
thie qu'elle vient de lui témoigner. 

M. le Président donne lecture d’une lettre de M. Boucher de 
Molandon, auteur d’une proposition de la Société archéologique, 
ayant pour but de faire nommer, au sein des Sociétés dont M. Collin 
faisait partie, une Commission de patronage, à l’effet de veiller à la 
bonne exécution du portrait projeté de M. Collin, de donner ses soins 
à la rédaction de la légende, et chargée en même temps de recueillir 
les cotisations qui devront concourir à former la petite somme néces¬ 
saire à la réalisation de ce projet. 

Sont nommés membres de cette Commission : MM. Bimbenet et 
Sainjon. 

M. Boucher de Molandon fait hommage à la Société d’une brochure 
intitulée : Pierre du Lys . 

Des remerciements sont votés à M. de Molandon. 

ÉLECTIONS 

Il est passé au scrutin pour l’élection à la place vacante dans la 
section d’Agriculture. 

Après trois tours de scrutin, à la suite desquels MM. Anselmior et 
Denizet n’ont obtenu ni l’un ni l’autre la majorité fixée par le règle¬ 
ment, l’élection est une deuxième fois remise à deux mois. 

SÉANCE ORDINAIRE 

La section des I lettres s’est réunie. 

M. Louis Jarry lit un rapport sur le travail offert à la Société par 
M. Domet, intitulé : Journal de Fontainebleau , 1789-94. 

Il s’exprime en ces termes : 

a A notre Société, 

« M. Paul Domet s’est fait recevoir dans la section d’Agriculture, 
mais la place qu’il occupe d’ordinaire est si voisine de la section des 
Lettres, que toutes les deux peuvent espérer profiter de ses communi¬ 
cations. L’offre de la deuxième partie du Journal de Fontainebleau 
nous permet du moins d’en exprimer le vœu. 

€ La lecture des procès verbaux d’un club établi dans cette ville 
pendant la Révolution est le point de départ de la publication de notre 
collègue. Une fois sa curiosité excitée, il a recherché, pour la satis- 
• faire, des documents analogues ou complémentaires dans les archives 


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— 339 — 

municipales et départementales. C’est l’étude comparative des actes 
des diverses autorités qui se partagèrent le pouvoir, à Fontainebleau, 
de 1789 à 1799, qu’il nous présente dans ses deux opuscules. 

« Par exemple, nous ne savons pourquoi l’auteur se défend si vive¬ 
ment d'avoir fait acte d’historien. « Les rapprochements, dit-il, les 
a vues d’ensemble, les considérations générales, le style même que 
« l’histoire exige, auraient excédé mes forces, et je ne serais parvenu 
a qu’à être banal et ennuyeux. » Nous pourrions peut-être chicaner 
sur ce point ; mais puisque nous avons affaire à un simple chroni¬ 
queur, disons-lui bien vite que sa chronique n’est ni banale ni 
ennuyeuse. 

a Le récit de petits faits qui se passèrent à Fontainebleau pendant 
cette période agitée est, au contraire, très attachant ; l'emploi des 
documents originaux en garantit la sincérité, et la manière dont ils 
sont reliés entre eux et commentés, en augmente singulièrement 
l’intérêt. 

a Qui empêcherait M. Domet d’entreprendre une pareille tâche pour 
Orléans, devenu son pays d’adoption ? Il retrouvera, dans notre ville, 
des rivalités, des discordes, des dénonciations, des infâmies comme à 
Fontainebleau, et, comme là aussi, des actes de courageuse protesta¬ 
tion et de dévouement. 

« Sans doute, il n’y aura plus rien à dire sur la Fuite à Yavenues 
et sur la Eaute-Cour y habilement traités par nos collègues, MM. Bim¬ 
benet et Cochard, mais les sujets ne manqueront pas ; car, dans nos 
archives départementales et municipales, c’est peut-être la série révo¬ 
lutionnaire qui ee trouve encore la plus riche en documents, et en 
documents inédits. Souhaitons que M. Domet y fasse une abondante 
moisson et de curieuses découvertes, s 

PRIX PERROT 

Sur la proposition de M. Paulmier, des insertions seront faites à 
nouveau dans les journaux de l’arrondissement de Pithiviers, pour 
annoncer l’ouverture du concours pour ce prix, parmi les agriculteurs 
de cet arrondissement, en 1890. 

La séance est levée à neuf heures et demie. 

Etaient présents : 42 membres. 


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340 


Séance du 2 mai 1890 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est la et adopté. 

Le Secrétaire général donne connaissance à la Société des ouvrages 
reçus. 

M. Emile Davoust communique des notes complémentaires relatives 
au chapitre I er de son mémoire intitulé : le comte de Bùemont , gra t 
yeur Orléanais . 

M. l’abbé Cochard continue la lecture de son travail sur la Juiverie 
d'Orléans. 

La séance est levée à neuf heures. 

Etaient présents : 18 membres. 


Séance du 16 mai 1890 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des 
ouvrages reçus. 

M. Guerrier, au nom de hf. Loiseleur, absent et excusé, continue la 
lecture de son mémoire intitulé : Etude théorique sur Vhistoire de la 
formation des Bibliothèques . 

PRIX PERROT 

M. le Président de la Commission du prix Perrot fait connaître à la 
Société qu’un seul candidat s’est présenté pour le concours. Le délai 
étant expiré du 15 mai dernier, la date de clôture des inscriptions est 
prorogée jusqu’au 15 juin, et de nouvelles însertiors seront faites 


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341 


dans les journaux d’Orléans et dans ceux de l’arrondissement de 
Pithiviers. 

La séance est levée à neuf heures. 

Etaient présents : 20 membres. 


Séance du 6 juin 1890 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

Le Secrétaire général donne connaissance à la Société des ouvrages 
reçus. * 

Pour la correspondance, il convient de signaler : 

1° Une lettre de M. le Président de l’Association française pour 
l’avancement des sciences, priant la Société de se faire représenter au 
Congrès qui sera tenu à Limoges du 7 au 14 août 1890 ; 

2© Catalogue des plantes vasculaires du département du Loiret , 
par M. Jullien-Crosnier, hommage de l’auteur. 

Des remerciements sont votés à M. Jullien-Crosnier. 

M. le Président, au nom de la Société, adresse ses plus chaleu¬ 
reuses félicitations à M. l’abbé Desnoyers, récemment promu chevalier 
de la Légion d’honneur. Des applaudissements unanimes accueillent 
les paroles de M. Bimbenet. 

M. le Président souhaite la bienvenue à M. Dumuys, à l’occasion de 
son heureux retour du voyage qu’il vient d’entreprendre en Terre- 
Sainte. 

M. le D r Patay communique une note sur une pierre néphrétique 
ayant appartenu à Desfriches. 

M. l’abbé Cochard continue la lecture de son mémoire intitulé : la 
Juiverie d'Orléans. 

M. Guerrier, au nom de M. Loiseleur, continue la lecture du 
mémoire intitulé : Etude théorique sur l'histoire de la formation des 
Bibliothèques. 

Etaient présents : 20 membres. 


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— 342 — 

Séance du 20 juin 1890 


Présidence de M. Bimbenit, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

Le Secrétaire général donne connaissance à la Société des ouvrages 
reçus : 

SEANCE ADMINISTRATIVE 

Élections. — M. Denizet, candidat lors des précédents scrutins à la 
place vacante dans la section d'Agriculture, écrit à M. le Président 
une lettre par laquelle il retire sa candidature. 

M» Anselmier reste ainsi Beul candidat. 

Il est alors passé au scrutin. 

M. Anselmier est élu membre de la Société pour la section d*Agri¬ 
culture. 

SÉANCE ORDINAIRE 

La section des lettres s’est réunie. Elle a entendu la lecture d'un 
rapport par M. Guillon, sur Y Histoire de Marie-Antoinette, par M. de 
la Rocheterie. 

M. Guillon donne lecture de ce rapport à la Société. 

La section des Lettres propose l’impression de ce rapport dans les 
Annales . 

L’impression est votée. 

M. Jarry, au nom de M. Loiseleur, absent, continue et termine la 
lecture de son mémoire intitulé : Histoire de la formation des Biblio¬ 
thèques, 

Ce mémoire est renvoyé à la section des Lettres. 

M. Davoust termine la communication des notes supplémentaires 
relatives à son mémoire intitulé : Le comte de Bizemont , graveur 
Orléanais . 

Ce mémoire est renvoyé à la section des Arts. 

La séance est levée à neuf heures et demie. 

Etaient présents : 29 membres. 


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— 343 — 


Séance du 4 juillet 1890 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

Le Secrétaire général donne connaissance à la Société des ouvrages 
reçus. 

M. le Président donne lecture d'une lettre de M. Anselmier, remer¬ 
ciant la Société de l'avoir admis au nombre de ses membres titulaires 
dans la section d’Agriculture. 

La section des Arts s'est réunie. 

M. Léon Dumuys, rapporteur, communique un rapport verbal, au 
nom de la section deB Arts, sur un mémoire intitulé : André-Gaspard- 
Parfait de Bisemont, graveur Orléanais , par M. E. Davoust. 

L’honorable rapporteur signale quelques longueurs au sujet du récit 
des fêtes de la Fédération, et engage l’auteur à revoir ce chapitre. Il 
conclut en proposant l'impression du mémoire de M. Davoust dans les 
Annales. 

M. Davoust répond au rapporteur qu’il se conformera aux observa¬ 
tions de la section. 

Il est alors passé au scrutin. 

Le mémoire de M. Davoust sera imprimé dans les Annales . 

M. l'abbé Cochard continue la lecture de son mémoire intitulé : la 
Juiverie dé Orléans. 

M. Jarry, au nom de M. Loiseleur, absent, communique deux docu¬ 
ments relatifs à son mémoire intitulé : Formation des bibliothèques • 

Ces documents sont renvoyés à la section des Lettres. 

La séance est levée à neuf heures un quart. 

Etaient présents : 16 membres. 


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— 344 — 


Séance du 18 juillet 1890 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des 
ouvrages reçus. 

Parmi ces envois, il convient de signaler : 

1° Une brochure intitulée : Jeanne éCArc à Nancy et la Chronique 
lorraine , par M. Mougenot, hommage de l’auteur. 

Des remerciements sont votés à M. Léon Mougenot. 

Sur la proposition de M. Sainjon, la Société décide de ne pas ren¬ 
voyer devant la section des Sciences les derniers articles de M. de 
Quatrefages, publiés dans le Journal des Savants. 

M. le Président, à l’occasion de l'inauguration des nouvelles salles 
du Musée historique, s’exprime en ces termes : 

c Messieurs, 

c Vous savez tous que, depuis notre dernière séance, le Musée 
historique a été inauguré dans les nouvelles distributions qu’il a 
reçues. 

< Je ne rappelle ce souvenir récent que par mesure d’ordre; le plus 
grand nombre d’entre nous a eu le bonheur d’assister à cette solen¬ 
nité, et tous, nous sommes encore sous l’impression des sentiments 
qu’elle nous a inspirés. 

« L’éloquence a été à la hauteur de la magnificence offerte à tous 
les regards, par l’abondance, la diversité, la richesse des pièces dont 
cette collection est composée. 

« Ce remarquable monument, inspiré par la science, l’amour de 
l’art, du pays natal, œuvre d’un long travail poursuivi sans relâche 
et du plus noble désintéressement, accueilli avec la plus vive recon¬ 
naissance par les contemporains, perpétuera ce sentiment et le nom 
vénéré de son auteur dans les générations à venir. 

c Veuillez me permettre d’en déposer, en votre nom, l’expression 
dans le procès-verbal de cette séance. » 

M. Paulmier, Président de la Commission du prix Perrot, fait con¬ 
naître à la Société que la Commission s’est réunie pour visiter l’ex- 


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— 345 — 


ploitation de M. Lesage, à la ferme de Presae, près Pithiviers. Elle 
a nommé M. Pinçon rapporteur. 

Sur la proposition de M. Basseville, la Société s’inscrit pour 60 fr. 
sur la lettre de souscription ouverte par la Société archéologique 
pour le portrait de M. Collin. 

M. Charoy, rapporteur, donne lecture de son rapport sur le mémoire 
intitulé : Histoire de la formation des Bibliothèques , par M. Loi¬ 
seleur. 

Ce rapport conclut à l'impression du mémoire de M. Loiseleur. 

Le Président de la section propose l’impression du rapport. 

Ces deux propositions, successivement mises aux voix, sont 
adoptées. 

La séance est levée à neuf heures un quart. 

Etaient présents : 21 membres. 


Séance du 3 octobre 1890 


Présidence de M. Bimbrnit, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Président prend ensuite la parole et s'exprime en ces termes ; 

« M. Anselmier m'a fait l’honneur de me venir visiter pour poser 
sa candidature à la place vacante dans la section vl'Agriculture, il 
m'offrit avec modestie de rappeler à la Société les lettres par lesquelles 
il croyait pouvoir justifier cette demande. Je m'empressai de lui dire 
que son nom seul suffirait. 

« Je suis heureux de lui renouveler ce que je lui disais alors : ce 
nom ajoutera à ceux qui, dans le passé et dans le présent, ont honoré 
et honorent le plus cette section, et en saluant sa première entrée 
parmi nous, je l'invite à nous donner son précieux concours. » 

Depuis notre séparation, M. l’abbé Cochard a été élevé à la dignité 
de chanoine titulaire de la Cathédrale, et appelé au remplacement du 
regretté M. l'abbé Gelot, à la direction des Annales religieuses et 
littéraires du diocèse d'Orlêar.s. 

M. l'abbé Cochard doit ces distinctions à son amour de l'étude, à 
ses travaux d'érudition, et je crois devoir à cette première séance de 

23 


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— 346 — 


notre Société, et quoiqu'il soit absent, lui adresser nos félicitations, 
et les reporter même au Chapitre et à la rédaction des Annales diocé¬ 
saines, 

M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des nom¬ 
breux ouvrages reçus pendant les vacances. Il communique une lettre, 
jointe par M. le Secrétaire général à la dernière livraison de la 
Bibliographie des travaux historiques et archéologiques . 

Cette lettre est ainsi conçue : 

c On trouvera dans cette livraison, pages 136 à 158, les titres de 
tous les Mémoires publiés par les trois Sociétés savantes d’Orléans, 
depuis leur fondation jusqu’en 1685. 

« Un pareil travail ne manque pas d’utilité, mais comme il com¬ 
prend toutes les Sociétés savantes de France, les recherches n’y sont 
pas faciles. 

« Pour qu’il portât ses fruits, il y faudrait joindre une table métho¬ 
dique générale, pareille à celle qui accompagne le catalogue d’Otto 
Lorenz. Ce serait un travail aussi long que le premier, mais plus 
difficile, et surtout plus utile. Je doute qu’on le fasse. 

c Mais chaque Société pourrait s’y livrer pour ce qui la concerne, 
si un de ses membres voulait s’y donner. Celui qui s’occuperait d’Or¬ 
léans, par exemple, pourrait faire la table méthodique des divers 
sujets traités soit par la Société des sciences et arts seule, soit par 
les trois Sociétés orléanaises. 

« Ainsi, sous les mots églises , université, fouilles , on trouverait 
tout de Buite ce qui a été publié chez nous, les églises de l’Orléanais, 
l’Université d’Orléans, les fouilles faites dans notre département, etc. 

« Cela serait plus utile que la table qui se fait en ce moment, et à 
laquelle ne préside aucune idée de synthèse. » 

Parmi les communications parvenues pendant les vacances, M. le 
Secrétaire général signale une lettre de M. Baudrillart, accompagnée 
d'un questionnaire sur la question économique de notre contrée, au 
point de vue agricole. L’honorable savant demande à être mis en 
rapport direct avec plusieurs membres de la Société, afin de recueillir 
les renseignements nécessaires pour l’important ouvrage qu’il prépare 
sur les Populations agricoles de la France . 

Sur la proposition de MM. Arqué et Pinçon, la Société décide le 
renvoi de la demande de M. Baudrillart à la section d’Agriculture. 
M. le Secrétaire général devait, d’accord avec M. le Président de cette 
section, correspondre avec M. Baudrillart, et s’entendre avec lui sur 
la date de son voyage projeté à Orléans. 


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— 347 — 


La séance est levée à neuf heures. 
Etaient présents : 15 membres. 


Séance du 17 octobre 1890 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des 
ouvrages reçus. 

M. le Président lit ensuite la première partie d'une Notice sur notre 
regretté collègue, M. Collin. 

La séance est levée à neuf heures un quart. 

Etaient présents : 14 membres. 


Séance du 7 novembre 1890 


Présidence de M. Bimbenet, Président 


Le procès-v9rbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des 
ouvrages reçus : 

M. le Président prend ensuite la parole et s'exprime en ces termes : 

< Aujourd’hui, nous avons eu la douleur d'apprendre la mort de 
M. Eudoxe Marcille. 

a Depuis quelque temps, il est vrai, sa santé semblait affaiblie, sans 
que, cependant, son zèle dans l'accomplissement des devoirs qu'il 
s'était imposés en fût ralenti, et que la douce bienveillance de son 
langage se montrât altérée. 

a Mercredi soir, avec le sentiment affectueux qu’il portait particu¬ 
lièrement à cette utile, gracieuse et féconde institution qu'il avait 
créée, il a présidé la séance de la Société des Amis des arts. 


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— 348 — 


c Hier encore, au milieu de quelques membres de sa famille, et 
jusqu’au moment de se retirer dans sa chambre; il avait montré la 
même gaieté qui lui était familière. 

« Ce matin, en allant, comme à l'ordinaire, lui donner les premiers 
soins au réveil, on Ta trouvé dormant le dernier Sommeil. 

< Cette perte sera vivement sentie dans le monde des arts, dont un 
des organes les plus autorisés, il y a quelques jours seulement, traçait 
de cette famille d'artistes, de savants et passionnés collectionneurs, et 
parliculièrement de notre cher concitoyen, un tableau aussi intéres¬ 
sant que fidèle, et qui, après-avoir-semblé l'annonce d’une entrée 
universellement applaudie à l’Institut, s’est si malheureusement trans¬ 
formé en une oraison funèbre. 

c Cette perte sera vivement sentie encore dans cette ville de sa 
naissance, à laquelle il est constamment resté fidèle, lui consacrant 
sén cœur d’artiste comme il lui avait consacré son cœur filial. 

c J’arrête ici ce cri de tristesse, il n’est qu'un faible écho de l'ex¬ 
pression du sentiment unanime répandu dans toutes les classes de la 
cité, où son souvenir se perpétuera entouré d’un affectueux respect et 
d'une profonde reconnaissance. » 

La réunion s’associe unanimement aux sentiments si bien exprimés 
par M. le Président, et vote l'insertion de ses paroles au procès- 
verbal. 

M. le Président donne ensuite à la Société communication de diffé¬ 
rentes lettres qu’il a reçues : de M. le Préfet, invitant les membres de 
la Société à la distribution des récompenses de viticulture et vinifica¬ 
tion, qui auront lieu à la Pépinière départementale le 15 novembre ; 
de M. Loiseleur, relative à l’enquête que poursuit actuellement 
M. Baudrillart, sur la situation des classes agricoles en France. 
M. Baudrillart propose d’instituer, pour le Loiret, une Commission 
spéciale, pour laquelle on lui a déjà indiqué les noms de MM. Maxime 
de .la Rocheterie et Ànselmier; il demande à la Société de désigner 
quelques-uns de ses membres qu’on pourrait lui adjoindre, la Société 
désigne, à l’unanimité, MM. Pinçon, Jullien et Paulmier. 

M. le D r Deshayes, au nom de M. le D r Pilate, absent, donne lecture 
de son mémoire sur Dix cas nouveaux d’Oratiotomie observés dans 
son service à Orléans. 

Le Mémoire est renvoyé à la séction de Médecine. 

M. le Président continue la lecture de la seconde partie d’une 
Notice sur notre regretté collègue M. Collin. 

La séance est levée à neuf heures et demie. 

Etaient présents : 18 membres. 


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— 349 — 


Séance du 21 novembre 1890 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Président donne lecture à la Société d’une lettre de M. le 
Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, relative au pro¬ 
gramme du Congrès des Sociétés savantes à la Sorbonne, pour 1891. 

La lettre et le programme y annexés seront déposés sur le bureau 
de la Société, à la disposition des membres qui voudront les con¬ 
sulter. 

M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des 
ouvrages reçus. 

M. le Président termine la dernière partie de sa Notice sur notre 
regretté collègue M. Collin. 

Sur la proposition de M. Paulmier, la Société vote, à l’unanimité, 
l'impression* de cette notice dans les Annales . 

La séance est levée à huit heures et demie. 

Étaient présents : 16 membres. 


Séance du 5 décembre 1890 


Présidence de M. Padlmikr, Vice-Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des 
ouvrages reçus. 

• La séance est levée à huit heures et demie. 

Étaient présents : 14 membres. 


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— 350 — 


Séance du 19 décembre 1890 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire général donne connaissance à la Société des 
ouvrages reçus. 

M. le Président lit une lettre adressée à la Société pour lui annoncer 
le décès de M. Davoust, arrivé le 13 décembre, puis, prenant la parole, 
il s'exprime en ces termes : 

c Depuis notre dernière séance, la Société a perdu un de ses 
membres. 

« Il n’est rien qui puisse être ajouté à l'expression des sentiments 
douloureux causés par cette mort prématurée. 

« Cependant, il en est un qui a dominé tous les autres, en s’élevant 
jusqu’au dévouement le plus affectueux et le plus absolu. 

« Dès les premiers jours d’une longue et cruelle agonie, Emile 
Davoust a été entouré de ses plus anciens et de ses plus chers amis. 

« Tous, dans le courant de la journée lui prodiguaient les plus 
délicates distractions, et tous, chacun à son tour, et quelquefois s’en- 
tr'aidant, abandonnaient, dans cette saison rigoureuse, la paix de la 
famille et de la demeure, et veillaDt jusqu'au lendemain, lui rendaient 
tous les soins que sa faiblesse exigeait. 

« L’un d’eux, venu d’une contrée lointaine, qui, après avoir accompli 
ce pieux de>oir prononça sur sa tombe un dernier adieu avec une 
émotion partagée jusqu’aux larmes par la nombreuse assistance dont 
il était entouré, lui avait donné une marque d’affection allant jusqu’à 
l’oubli de soi même. 

c Les effets de ces actes ne s’arrêteront pas en même temps que sa 
vie ; ils prolongeront leur influence jusque dans l’avenir, comme un 
témoignage des précieuses qualités qui recommandaient notre collègue 
à l’estime de tous, et le rendaient digne de si nobles et si touchantes 
amitiés. » 

La réunion s’associe unanimement aux sentiments si bien exprimés 
par M. le Président, et vote l’insertion de ses paroles au procès- 
verbal. 


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- 351 


M. le Président communique à la Société une lettre qui lui est 
adressée par M. le Ministre de l'Instruction publique et des Beaux- 
Arts ; cette lettre s'occupe de la réunion des Sociétés des beaux-arts 
des départements, qui aura lieu en 1891, à la Sorbonne, au moment 
de la réunion des Sociétés savantes. La lettre de M. lo Ministre est 
déposée sur le bureau, à la disposition des membres de la Société qui 
désireront la consulter. 

M. l’abbé Desnoyers lit ensuite une Notice Bur notre regretté col¬ 
lègue M. Eudoxe Marcille ; il termine sa lecture en disant en quelques 
mots la perte cruelle que la Société a faite en la personne de M. Emile 
Davoust, son secrétaire particulier. 

La Société vote, à l’unanimité, l’impression de cette notice dans les 
Annales . 

M. Domet lit un mémoire sur les Incendies dans la Forêt d'Orléans 
et leurs causes probables. 

Le mémoire est renvoyé à la section d’Agriculture. 

M. le Président fait observer que la date réglementaire de la pro¬ 
chaine réunion de la Société tombe le vendredi 2 janvier ; cette date 
si rapprochée du jour de l’An et des réunions que les vacances sco¬ 
laires provoquent à cette occasion, pourraient rendre difficile la pré¬ 
sence de bien des membres de la Société à une réunion fixée à un 
pareil jour. En conséquence, il est décidé que les convocations de 
janvier seront faites pour les troisième et cinquième vendredis de 
janvier, au lieu des premier et troisième. 

La séance est levée à neuf heures. 

Etaient présents : 19 membres. 


>»»*«««< 


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PROCÈS-VERBAUX DES SEANCES 

Année 1801 


Séance du 16 janvier 1891. 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire-Général donne connaissance à la Société, des 
ouvrages reçus. 

M. le Président communique une lettre de M® Gillet, notaire; 
M* Gillet écrit à M. le Président, que dans son testament reçu par 
M" Desbois et Paillat, notaires, M. Davoust lègue à la Société une 
somme de cinq mille francs dont les intérêts seront accumulés pour 
servir à la fondation d’un prix qui sera distribué tous les cinq ans 
par la Société, pour un objet d’art pur ou artistique. 

La Société accepte le legs, et charge son Président d’exprimer à 
M m ® Davoust tous Bes remerciements. Le souvenir de notre bon et 
regretté collègue vivra dans la mémoire de nouB tous qui avons connu 
sa bienveillance et son mérite, et nous sommes heureux de penser 
que son legs perpétuera, après nous, ce nom si cher, dans les annales 
de notre Société. 

M. le President propose de décider rétablissement dans la salle de 
nos séances, d’une plaque commémorative sur laquelle seront inscrits 
les noms des bienfaiteurs de la Société ; les noms de MM. Perrot et 
Davoust seront les premiers inscrits sur cette plaque. Celle de M. de 
Morogues qui existe déjà sera conservée. Cette proposition est adoptée 
à l’unanimité. 

M. le Président communique une lettre de M. Loiseleur, demandant 
à l’Assemblée de fixer la date d’une séance administrative pour recevoir 
les comptes du Trésorier et arrêter le nombre des places vocantes 
dans les différentes sections. 


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— 353 — 


Cette séance administrative est fixée an 30 janvier. 

La section d'agriculture demande à la Société d'entendre le rapport 
de M. Pinçon pour décerner le prix Perrot ; la Société estime que ses 
-membres ne sont pas en nombre suffisant ponr décerner le prix et 
propose d'ajourner à une autre réunion la lecture du rapport. 

M. Pbulmier lit son rapport sur le mémoire de M. Domet: Les 
Incendies dans la forêt (T Orléans. La Société vote à l’unanimité 
l’impression du Mémoire de M. Domet et du rapport de M. Paulmier. 
i Le D r Qeffrier fait à la Société une communication verbale de l'ob¬ 
servation quil a faite sur le Glou-glou stomacal produit par la cons¬ 
truction du Corset. Certaines personnes produisent à chaque mouve¬ 
ment de leur respiration un bruit qui a manifestement son siège dans 
l'estomac, bruit analogue aux borborygmes intestinaux, du au conflit 
des gaz et des liquides contenus dans la cavité stomacale. On peut 
même s’assurer par une observation attentive, que le bruit qui accom¬ 
pagne l'inspiration a son siège plus à gauche que celui qui se produit 
pendant l’expiration. 

N'ayant observé que chez la femme ce bruit de glou-glou isochrône 
à la respiration, et ayant constaté que celles chez lesquelles ils se 
produisaient étaient toutes passablement serrées dans leur corset, j'ai 
recherché en quoi le corset pourrait être incriminé et par quel méca¬ 
nisme se produisait le bruit en question. 

L’estomac peut être grossièrement comparé à un sac qui serait sus¬ 
pendu par Bes deux extrémités, la partie intermédiaire de son bord 
supérieur étant soutenue plus lâchement. Si par une cause quelconque 
l’extrémité gauche ou cardiaque, se rapproche de l'extrémité droite ou 
pylorique, la partie moyenne comprise entre ces deux extrémités 
s'abaissera .et pourra venir se mettre en contact avec la surface :du 
liquide stomacal, interceptant ainsi la communication entre deux 
çavités contenant de l'air plus ou moins mélangé à des gaz résultant 
de la fermentation stomacale. Ces gaz devenant pluB absorbants quand 
il y a dyspepsie, et dans ce cas l’estomac étant souvent flasque et 
dilaté, les conditions nécessaires pour la production du bruit de glou¬ 
glou sont donc favorisées par la dyspepsie atonique. 

Mais pourquoi le synchronisme entre le bruit et les mouvements 
respiratoires ? C’est que le diaphragme qui repose sur la face supé-. 
rjeure de l’estomac a son centre qui appuie sur l’extrémité droite ou, 
pylorique, à peu près fixe, tandis que ces parties latérales s’abaissent 
pendant l’inspiration ; la moitié gauche du diaphragme vient donc 
pendant l'inspiration comprimer l’extrémité gauche cardiaque de 


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— 354 — 


l'estomac, le gaz contenu dans cette extrémité tendra à passer dans 
l’extrémité pylorique non comprimée, il ne pourra le faire qu’en 
refoulant le liquide dans lequel trempe comme nous l’avons vu la 
paroi supérieure sous l’influence de la contraction exagérée delà taille 
qui rapproche l’une de l'autre les deux extrémités de l’estomac. Pen¬ 
dant l’expiration, la région gauche de l'estomac cessant d’être com¬ 
primée, par suite de l’élasticité des parois de l’estomac et de l'abdomen, 
le gaz déplacé revient prendre la place qu'il occupait précédemment, 
ce va et vient de gaz produit à chaque fois un bruit qui s’entend à 
distance. 

La constatation de ce fait est donc encore un nouveau motif, plus 
tangible en quelque sorte que les autres de déconseiller aux femmes 
4e comprimer d’une façon exagérée leur taille dans un corset trop 
serré. 

La séance est levée à neuf heures. 

Etaient présents 14 membres. 


Séance du 30 janvier 1891. 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


Le procès- verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire-Général donne connaissance à la Société des 
ouvrages reçus. 

M. le Président fait aussitôt remarquer que les membres présents 
ne sont pas en nombre suffisant pour permettre de tenir une séance 
administrative ainsi que le comportait l'ordre du jour. 

Les sections successivement interrogées font cependant connaître 
le nombre des vacances existantes dans leur sein. 

La section de médecine compte deux places libres, celle «les sciences 
et arts a perdu trois de ses membres ; toutefois, M. Sainjon, président- 
demande à la Société c de rendre hommage à la mémoire de MM. Mar- 
cille et Davoust très récemment décédés, en remettant à une date 
ultérieure la question de leur iemplacement. » Cette proposition est 
acceptée à l’unanimité. La parole est ensuite accordée à M. Pinçon 
pour donner lecture de son rapport sur le Prix Perrot . 


» 


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— 355 — 


Après avoir exposé les travaux de la Bection d’agriculture, et ensuite 
les conclusions émises par les commissaires-examinateurs, notre hono¬ 
rable collègue propose de décerner le prix dont il s’agit à M. Lesage, 
cultivateur à Fresne, fermier de M. le vicomte d'Orléans. 

La Compagnie entière accepte cette conclusion de M. le Rapporteur 
et décide en même temps l’impression de son mémoire. 

M. l’abbé Desnoyers demande à son tour la parole et commence la 
lecture d’une biographie de M. Lucien Davesiès de Pontés, ancien 
officier de marine, ancien sous-préfet, etc., né et mort à Orléans dans 
le courant de ce siècle. 

La séance est levée à neuf heures un quart. 

Etaient présents 19 membres. 


Séance du 6 février 1891. 


Présidence de M. Bimbenet, Président# 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire-Général donne connaissance à la Société des 
ouvrages reçus. 

M. le D r Patay soumet à la réunion les comptes de l’année 1890. 

Les comptes sont approuvés à l’unanimité ; des remerciements sont 
votés à M. le D r Patay. 

Election <Tun Secrétaire particulier. — Il y a lieu de combler la 
vacance que la mort de notre regretté collègue M. Davoust à si inopi¬ 
nément ouverte. 

M. le D r Patay fait observer que M. Davoust représentait au Bureau 
la section des sciences et arts ; qu’il sera conforme aux convenances 
et aux traditions de la Société de le remplacer par un membre de la 
fnême section. 

Il est procédé au vote au bulletin secret. 

M. Léon Dumuys est élu Secrétaire particulier. 

Fixation du nombre de places vacantes dont on disposera . — Les 
registres de la Société révèlent les vacances suivantes : Dans la 
section de médecine, deux vacances ; dans la section des sciences 


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et arts, quatre ; mais Tune d’elles revient de droit à la section de 
médecine. 

M. Sainjon, président de la section des sciences et arts, fait observer 
que les souvenirs de MM. Marcille et Davoust sont trop précieux, et 
leur départ trop récent pour qu'on puisse les remplacer aussi tôt, il 
propose de n’ouvrir cette année qu’une seule vacance dans la section 
des sciences. 

Cette proposition est mise aux voix et adoptée à l’unanimité, 

M. le D r Arqué, président de la section de médecine, déclare ac¬ 
cepter le chiffre de trois vacances pour la section ; parBuite du retour 
que lui fait la vacance déclarée par la section des arts, ce nombre 
se trouve porté à trois. 

La Société arrête à ces chiffres le nombre des places vacantes dont 
on disposera. 

Fixation du jour ou sera dressée la liste des candidats. 

La date de la prochaine séance est adoptée. 

Il n’y a point de’lecture à l’ordre du jour. 

La séance est levée à neuf heures. 

Etaient présents 24 membres. 


Séance du 20 février 1891. 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire-Général donne connaissance à la Société des 
ouvrages reçus. 

M. le Président donne lecture des lettres de demande adressées à 
la Société par MM. les D r# Lepage, Vacher et Cœur, et M. Bissauge, 
vétérinaire à Orléans, candidats de la section de médecine. 

M. l’abbé Maillard, professeur de sciences au petit séminaire de 
Sainte-Croix d’Orléans se présente seul pour occuper la place vacante 
à la section des sciences et arts. . - 

M. le Président donne ensuite lecture d’une lettre adressée A la 
Société par M. le Bibliothécaire du Grand Séminaire sollicitant de ta 
Compagnie les bulletins nécessaires pour compléter la collection de 


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— 357 — 


nos publications appartenant à cet établissement. La Compagnie auto¬ 
rise M. PArchiviste à fournir gratuitement et dans les limites qu'il 
jugera utile les livres demandés^ 

La liste des candidats aux prochaines élections est ensuite arrêtée 
conformément à l'article 22 du règlement, c'est-à-dire: au scrutin 
secret. ^ . _ 

Cette liste comprend les cinq noms qui ont été énoncés plus haut. 
Les sections sont invités à porter leur attention sur les candidats de 
manière à faire leur présentation dans une prochaine séance. 

Le Bureau fait connaître par l’organe de son Président qu'il a étu¬ 
dié la question a du legs Davoust. » 

' Il est décidé que la Société prélèvera sur le capital légué par notre 
regretté collègue la somme nécessaire pour payer les droits réclamés 
par le fisc. C’est ainsi que la Société a procédé à l'occasion « du legs 
Perrot. » 

M. Bimbenet demande ensuite à ses collègues s'ils agréeraient la 
pensée de perpétuer le souvenir du généreux donateur en faisant 
exécuter son portrait. Il demande également à quel mode d'exécution 
la Société entendrait avoir recours dans le cas ou sa réponse serait 
affirmative. 

Tous les membres présents déclarent que le portrait de M. Davoust 
doit être exécuté ; considérant en outre qu’il existe un buste en 
bronze du défunt modelé par notre collègue M. Didier, auteur du 
portrait de M. le baron de Morogues, ils demandent qu'une reproduc¬ 
tion en soit faite sous la surveillance de l’artiste et placée dans notre 
salle de réunion. 

Cette proposition rallie bientôt l'unanimité des suffrages. M. Louis 
Jarry fait d'ailleurs observer aux membres qui manifestent quelques 
regrets de ne pouvoir conserver ainsi un souvenir personnel de notre 
syinpathique secrétaire disparu, que M 1 "® Davoust se propose de faire 
graver un portrait de Bon mari, d’après les très insuffisants documents 
qu’elle possède. 

kl. le Président procède à l'interrogation des sections, aucune 
n’ayant eu de réunion, la parole est donnée à M. Desnoyers pour 
continuer la lecture de sa biographie de M. Lucien Davesiès de 
Pontés. 

Ce mémoire est renvoyé à la section des lettres pour être examiné. 

La séance est levée à neuf heures et demie. 

Étaient présents 28 membres. 


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358 -- 


Séance du 6 mars 1891. 


Présidence de M. Bimbenit, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire-Général donne connaissance des lettres et des 
ouvrages reçus. 

Il lit une lettre de M. le Président de la Société d’Agriculture, 
Sciences! Belles-Lettres et Arts du département d'Indre-et-Loire, 
demandant à la Société de répondre à un questionnaire relatif aux 
résultats obtenus jusqu’à ce iour en vue de la reconstitution des 
vignobles phylloxérés. 

M. Pons, chimiste, adresse à la Société une brochure sur le traite¬ 
ment de la chlorose des plantes. 

j Ües deux mémoires sont renvoyés à la section d'agriculture. 

La Commission d'initiative et d’organisation du Congrès géolo¬ 
gique international de Washington (Etats-Unis) adresse une invitation 
aüx membres de la Société les engageant à prendre part aux travaux 
dû Congrès, soit en se rendant en Amérique pour assister à ses 
séances, soit en souscrivant au volume de mémoires qu'elle compte 
publier. 

! M. Bimbenet donne lecture d'une note relative au legs de M. Da- 
voust. La Société décide qu’elle sera transcrite au procès-verbal 
mais qu'elle ne sera pas imprimée dans le bulletin. 

M. le Président procède ensuite à l’interrogation des diverses sec¬ 
tions. Les sections des sciences et de médecine ont eu leur réunion 
pour se prononcer sur la présentation de leurs candidats. 

La section de médecine déclare qu’elle présente aux trois places 
vacantes les quatre candidats suivants, dans l’ordre que voici : 
MÛ. les docteurs Vacher, Cœur, Lepage et M. Bissauge, vétéri¬ 
naire. 

La section des sciences et arts met en avant le nom de M. l'abbé 
Maillard pour l’élection qui va avoir lieu. 

La Société procède ensuite aux élections. 

M. le Président proclame MM. les docteurs Vacher, Cœur et Lepage 
élus membres de la Société et attachés à la section de médecine. 


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- 359 — 

M. l’abbé Maillard est également proclamé membre de la Société et 
attaché à la section des sciences et arts. 

La parole est ensuite donnée à M. le D r Deshayes. 

Notre honorable collègue donne lecture d’un savant mémoire inti¬ 
tulé : De Vemploi de l'hydrate de chloral en injections sous-cutanées 
dans les maladies convulsives , et particulièrement dans VEclampsie 
puerpérale. 

Ce travail est renvoyé à l’examen de la section de médecine, 

La séance est levée à neuf heures et demie. 

Etaient présents 40 membres. 


Séance du 20 mars 1891. 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


Le procès-verbal de la dernière Béance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire-Général donne lecture des lettres de remerciement 
adressées à la Société par MM. Cœur, Vacher, Lepage et Maillard, 
récemment élus. 

M. Guerrier donne ensuite communication d’une circulaire de 
M. le Ministre de l’Instruction publique relative au prochain Congrès 
de la Sorbonne, qui aura lieu le 15 mai 1891. 

La Société émet le vœu que l’énumération des voix obtenues au 
cours des élections par les candidats ne soit plus faite désormais dans 
les bulletins imprimés chaque trimestre. 

M. le Président annonce qu’il a rempli toutes les formalités exigées 
pour être autorisé à accepter le legs Davoust, auprès des autorités 
départementale et municipale. 

M. Dumuys donne lecture d’une nouvelle archéologique intitulée : 
Souvenir d'Orient ; Une chasse à l'émail. Ce mémoire est renvoyé à 
la section des Lettres. 

M. Emile Huet annonce qu’il prépare une Bibliographie musicale 
de Jeanne d’Arc. 

Notre collègue donne de très curieux détails sur une cantate origi¬ 
nale qu’il a découverte à la Bibliothèque d’Orléans. Cette composition 
est l’œuvre de M e Chaligny de Plesse, chanoine de Verdun ; elle date 


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— 360 


du commencement du siècle, comporte plusieurs petits poèmes et un 
hymne en vers latins, de seize couplets. 

« Un des poèmes, dit l'auteur, doit être chanté sur l'air de : Je suis 
Lindor , du Barbier de Séville. » 

M, Huet demande si quelqu’un de ses collègues pourrait le rensei¬ 
gner sur le point de Bavoir à qui doit être attribué l’air en question 
Aucun des membres présents ne se sent en état de répondre séance 
tenante à cette question d’une manière positive, mais l'opinion géné¬ 
rale semble être conforme à celle émise par M. Huet, à savoir que 
Beaumarchais serait l’auteur de la musique appliquée sur ses paroles, 
La séance est levée à neuf heures un quart. 

Etaient présents : 16 membres. 


Séance du 3 avril 1891, 


Présidence de M- Bimbenit, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire-général donne lecture d’une circulaire de M. le 
Ministre de l’Agriculture, relative aux concours régionaux agricoles 
de 1891. 

M. Guerrier communique ensuite à la Société le règlement du 
Congrès international d’agriculture qui se tiendra à La Haye en 1891. 
Les membres de la Société sont invités, par les organisateurs, à prêter 
leur concours à cette réunion. 

M. A. Bouvier, zoologiste, fait hommage à la Société d’un volume 
dont il est l’auteur, consacré à l’étude les mammifères en France. 

Des remerciements sont adressés au donateur. 

M. Loiseleur signale, dans une lettre qu’il adresse à ses collègues, 
des articles de M de Quatrefages, insérés dans 1 * Journal des savants , 
sur les Théories transformistes. 

Cette étude, signalée à l’attention des spécialistes, est renvoyée à 
M. Sainjon, président de la section des Sciences et Arts. 

M. le Président souhaite en ces termes la bienvenue à nos nou¬ 
veaux collègues, élus dans une séance précédente : 


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— 361 — 


\ 


« Je m’empresse de saluer nos nouveaux collègues à leur première 
entrée parmi nous. 

c Chez eux, comme chez leurs prédécesseurs dans cette enceinte, et 
chez ceux auxquels ils s’y réunissent, la science n’a d’autre rival que 
l'ardent désir de s’appliquer au soulagement des souffrances de l’hu¬ 
manité. Comme eux, ils se présentent avec des titres théoriques et 
pratiques qui les recommandent à la confiance publique, comme ils 
leur ont assuré l’unanimité des suffrages. 

« Celui-ci, entre autres parties de l’art de médecin et de l’opéra¬ 
teur, cultive avec la plus rare habileté le précieux et grand art de 
rendre la vue à qui en est privé, et nous en avons ici même un 
éclatant témoignage, que tous nous avons accueilli avec reconnais¬ 
sance. 

« Ses succès sont persévérants à ce point, qu’il lui est permis 
d’adopter pour devise ce texte du Livre saint : Fiat lux et facta 
est lux 1 

c Ceux-là par de fortes études résumées dans de savantes thèses ont 
préparé l’estime dont ils jouissent déjà, l’un d’eux représentera digne¬ 
ment, à la place qu’il occupera, un père et un aïeul, qui ont laissé 
dans l’exercice de leur profession et dans nos Annales, un très hono¬ 
rable souvenir. 

« Plus que jamais, notre section de Médecine qui, dans tous les 
temps a compté parmi ses membres des hommes considérables par la 
science et le sentiment du devoir, offre une réunion dont notre 
Société tout entière a lé droit de se glorifier. 

« La section des Sciences et Arts reçoit en ce moment son nouvel 
élu, jeune professeur dans une importante institution dépendante de 
l’Evêché. 

« Ce sera avec un vif intérêt que nous l'entendrons nous faire part 
du fruit de ses études, et nous devons considérer comme le plus heu¬ 
reux augure la coïncidence de son entrée au milieu de nous, avec 
l’accentuation du mouvement scientifique et littéraire qui se manifeste 
dans les rangs du clergé, auquel il appartient. En effet, ces produc¬ 
tions savantes sont aussi remarquables par les fortes études donc 
elles sont le témoignage, que par le goût et la valeur oratoire qui les 
distingue. » 

La séance est levée à huit heures trente-cinq minutes. 

Etaient présents : 21 membres. 


24 


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— 362 - 


Séance du 10 avril 1891. 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire-général donne connaissance des ouvrages reçus. 

M. Bimbenet donne lecture d’une lettre de M le Président de la 
Société archéologique, invitant les membres de la Société à assister à 
la séance générale de3 trois Sociétés, fixée à la date du 
24 avril 1891. 

M. le Président donne ensuite lecture des lignes qui suivent : 

a Un douloureux devoir m’est encore imposé, celui de rappeler la 
perte que la Société vient de faire en la personne de M. Albert 
Pinçon. 

« Il a suivi de bien près notre jeune et regretté collègue, Emile 
Davoust. 

« Comme lui, il était à cette époque de la vie où le cœur et Pintel- 
ligence peuvent jeter un regard sur un heureux passé, jouir d’un 
heureux présent, et croire à un long et heureux avenir. 

c La force de l’âge, les douceurs de la famille, la fortune, mieux 
encore, les travaux les plus utiles couronnés par le suffrage et la 
reconnaissance publics, tous ces éléments de bonheur réunis ont 
disparu, laissant la famille dans l’abattement, l’amitié dans l’affiiction, 
et les relations scientifiques en présence d’un vide inquiétant et 
pSnible, tant il semble difficile à combler. 

« Ce n'est pas le moment d’entrer dans l’examen et l’analyse d’une 
existence si bien remplie, quoique si soudainement et si prématuré¬ 
ment éteinte. Cette tâche exige une étendue digne de son importance. 
Je dois me réduire à signaler la modestie de notre collègue, la 
précision de son langage, révélant la précision de son intelligence et 
de son jugement 

< Les services précieux, par l'observation, qu'il a rendus à la 
science théorique, et par ses nombreux essais à la Bcience pratique de 
l’agriculture, les communications qu’il nous a faites dans un style 
tout à la fois rapide, saisissant et châtié, attestent un esprit profon¬ 
dément méditatif et la persévérance des études auxquelles il s'est 
consacré. 


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- 363 — 


c La tristesse que l'événement de sa mort a causée à ceux qui 
vivaient dans ses rapports journaliers en termes touchants, par les 
nombreux employés et ouvriers attachés à la double industrie qu'il 
concourait à diriger, attestent la bienveillance dont il était animé et 
le calme qui réglait les actes de sa vie laborieuse. 

« Pour nous, Messieurs, nous garderons et honorerons sa mémoire, 
que ses travaux transmettront à la haute estime des économistes à 
venir, à tous ceux qui suivront le bel exemple qu’il leur a laissé avec 
tant de zèle et de succès. » 

La Société décide que ces paroles seront iusérées au procès verbal. 

La remise du prix Perrot est fixée au 15 mai prochain. 

M. Emile Huet donne lecture de la fin du travail de M. l'abbé 
Cochard sur les Juifs d'Orléans. 

L'auteur laissant entrevoir en fin de son mémoire qu’il a l'intention 
d'écrire une deuxième partie, la Société décide qu’il y a lieu de sur¬ 
seoir au rapport, jusqu’au moment où l’auteur aura fait connaître ses 
désirs à cet égard. 

La séance est levée à neuf heures. 

Etaient présents : 24 membres. 


Sêanoe du 1" mai 1891. 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire-général donne connaissance des ouvrages reçus. 

M. Denizet fait hommage à la Société de son Histoire des dernières 
journées de Varmée de l’Est , le 7 3* mobile (. Loiret-Isère ), campagne 
de 1870 . 

Le Bulletin de la Société Dunoise renferme un travail de M ,u de 
Villaret, notre compatriote, intitulé : A propos de deux Chartes iné¬ 
dites des lépreux de Bonneval . 

M. le Président donne connaissance d'une invitation de M. le 
Préfet du Loiret, adressée à la Société, en vue d'assister à l'entrée à 
Orléans, de M. Carnot, Président de la République, le 7 mai 
prochain. 


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— 364 — 


La Société décide que M. le Président, les membres du bureau 
disponibles et les chefs des diverses sections iront présenter les hom¬ 
mages de la Société au Chef de l'Etat. 

Attendu que plusieurs de ces Messieurs appartiennent déjà à divers 
groupes, en raison d'autres fonctions, l'Administration municipale a 
décidé que toutes les Sociétés savantes seraient réunies pour la visite 
qui sera faite à M. Carnot. 

La section de Médecine ayant confié à M. Arqué, sou président, le 
soin de faire un rapport sur le mémoire de M. Deshayes, M. le rap¬ 
porteur donne lecture de son travail, et conclut à l’impression des 
observations et conclusions de son collègue. 

La Société sanctionne cette décision par son vote et se prononce 
également en faveur de l’impression du rapport de ty. Arqué. 

M. l’abbé Desnoyers fait un rapport verbal sur une nouvelle archéo¬ 
logique présentée par M. Dumuys et renvoyée à l’appréciation de la 
section des Lettres. 

L’impression de la nouvelle présentée par M. Dumuys est votée 
par la Société. 

M. Emile Huet présente un rapport, au nom de la section des 
Lettres, sur Davesibs de Pontbs. 

La Société décide que le mémoire et le rapport seront tous deux 
insérés dans son Bulletin. 

M. le Président de la section des Lettres annonce à M. le Président 
de la Société que ses collègues réunis, ont fprocédé à la réélection de 
leur bureau particulier. Les mêmes dignitaires ont été acclamés. 

M. le Président fait observer que les autres sections devront, avant 
peu, songer à la réélection de leurs présidents et secrétaires, confor¬ 
mément au règlement. 

M. Dumuys. au nom du V le Charles de Gastines, fait hommage à la 
Société de Yex-libris armorié de son ancien secrétaire particulier et 
perpétuel: M. Huet de Froberville. 

Le cuivre de cette petite planche est entre les mains de M. Ch de 
Gastines. 

Des remerciements sont votés au donateur. 

La séance est levée à huit heures vingt minutes. 

Etaient présents ; 30 membres. 


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— 365 — 


Séance du 15 mai 1891. 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


M. le Secrétaire général donne avis du changement signalé par 
M. le Ministre dans la date de l’ouverture de la session du 29 e Con¬ 
grès des Sociétés savantes. Les réunions des délégués commenceront 
le 22 mai prochain à la Sorbonne. 

M. le Président déclare qu’il lui a été impossible d’organiser à la 
date d’aujourd’hui la séance solennelle au cours de laquelle M. Lesage, 
lauréat du prix* Perrot, devait recevoir la récompense qui lui était 
accordée, le rapport de M. Pinçon, décédé, semblait tout d’abord 
introuvable; la famille vient cependant de le faire tenir à la Société. 

En conséquence, les membres appelés à statuer sur la date prochaine 
de la réunion, décident qu’elle sera fixée au premier vendredi de 
juin. 

Sur la proposition de M. Anselmier, la Société décide que M. le 
Sous-Préfet de Pithiviers, ami personnel de M. Lesage, pourra être 
invité à cette réunion. 

Les présidents d’honneur seront conviés à cette solennité, confor- 
mément au règlement. 

M. Bimbenet donne lecture d’un mémoire intitulé : Les deux 
Reines. Il s’agit d’une étude historique sur la reine Brunehault et la 
reine Marie-Antoinette. 

La suite de la lecture est remise à une prochaine réunion. 

La séance est levée à neuf heures un quart. 

Etaient présents : 22 membres. 


Séance du 5 juin 1891. 


Présidence de M. Bimbenet, Président. 


M. Lesage, titulaire du prix Perrot, assiste à la séance 
M. le Président ouvre la réunion par le discours suivant * 


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366 — 


« Les fondations d’un intérêt public, dont les effets se reproduisent 
à des époques déterminées, imposent surtout à ceux qui furent leurs 
contemporains, l’obligation de rappeler le souvenir des fondateurs et 
de leur rendre l'hommage de la reconnaissance à laquelle ils ont 
droit. 

« Cette tâche devient ainsi de plus en plus redoutable, on comprend 
qu’une longue existence comme celle, par exemple, dont il s’agit en 
ce moment, passée dans l’exercice des fonctions de la magistrature, 
dans l’étude théorique et pratique de l’agriculture, couronnée par la 
fondation d’un prix d’encouragement à ses progrès ait été, sinon 
autant de fois que ces périodes se sont présentées, au riioins à 
quelques-unes d’elles, le texte d’un examen particulier et respec¬ 
tueux. # 

« Cependant, si l’espace parcouru depuis la création d’un acte de 
cette nature peut expliquer le silence qui serait gardé à cet égard, on 
ne pourrait, sans se rendre coupable d’uno indifférence approchant de 
l’ingratitude, laisser tomber son auteur dans un entier oubli au moment 
même où l’acte de sa générosité est accompli. 

« D’autres considérations se réunissent pour autoriser le retour sur 
un semblable sujet. 

« Le premier est que le temps, dans sa marche, renouvelle ceux 
auxquels ces notices sont exposées, la seconde est que l’espace écoulé 
entre celles qui se succèdent, peut révéler quelques particularités 
inconnues jusque-là, intéressant le fondateur et offrant quelque point 
de vue auquel il est nécessaire de se placer pour le mieux faire con¬ 
naître. 

« Afin de justifier cette proposition, mon premier soin est de 
résumer une partie considérable de la vie de M. Perrot, négligée à 
ce point jusqu’ici, qu’elle n’a été mentionnée que transitoirement 
avec une grande indifférence. On semble môme avoir ignoré qu'il a 
été membre d’une magistrature de premier ordre; il faut enfin que ce 
vide soit comblé. 

c M. Alexandre-Henri-Jean Perrot, né à Margerie, département de 
la Marne, au cours de l’année 1790, n’est apparu à Orléans qu’au cours 
de l’année 1814, où, le 31 août, il a été présenté par M. le Président, 
qui était M. Sezeur, au Ministre de la Justice, comme candidat à la 
fonction de Conseiller auditeur, ayant voix consultative. 

« Il a, en effet, été nommé à cette fonction le 2 novembre, et 
installé le 20 décembre de cette même année 1814. 

« Le retour de l’île d’Elbe donna lieu à une nouvelle Constitution, 
M. Perrot lui refusa son adhésion ; il se retira de l’ordre judiciaire, 


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— 367 — 


dans lequel il ne reprit son siège, à la Cour d’Orléans, que le 
22 février de l’année 1816. 

a Après avoir été élevé à l'état de Conseiller auditeur, ayant voix 
délibérative, su cours de l'année 1817, il tut nommé Conseiller, et 
installé en cette qualité le 24 février et le 5 mars 1819, il prêta le 
serment exigé par la Constitution de 1830, et donna sa démission le 
12 avril de l’année 1848. 

a Pendant ce long exercice de la magistrature, M. Perrot fut membre 
de plusieurs Commissions, à l’occasion d’avis sur des projets de lois 
demandés aux Cours d’appel par le Gouvernement, entre autres, de la 
Commission qui a délibéré sur la réforme hypothécaire, et il a été 
nommé membre de l’ordre de la Légion d’honneur au cours de 
l’année 1841. 

a II a été souvent appelé à présider les sessions des Cours d’assises 
des trois départements du ressort de la Cour, et dans l’ordre civil, 
comme dans l’ordre criminel, il s’est montré à la hauteur de ses 
honorables fonctions. 

« Cependant, il faut reconnaître que dans les derniers temps de sa 
vie active, le cultivateur effaçait le magistrat ; l’amour des études et 
des pratiques agricoles avaient pris chez lui un tel empire, qu’elles 
étaient devenues le sujet presque exclusif de ses préoccupations. 

« C’est qu’alors M. Perrot était devenu propriétaire de domaines 
assez considérables, et qu’il commençait la nouvelle vie à laquelle il 
se consacrait sans réserve. 

« Dès l’année 1841, il était membre du Comice agricole, que bientôt 
il devait présider, il fonda le Congrès central de l’Agriculture, et il 
entra dans la composition du Jury des concours régionaux, ce fut 
alors qu’il devint membre de la section d’Agriculture de notre 
Société. 

« En cette dernière qualité, il prit part à plusieurs visites de 
domaines îuraux, notamment en l’année 1865 et 1870, pour préparer 
la délivrance du prix fondé par M. de Morogues, de respectable 
mémoire. 

« Enfin, il devint Président de la Chambre d’agriculture d’Orléans 
et du Comice agricole de la Sologne. 

« Chaque année, il prononçait un discours dans le genre di lac¬ 
tique, à toutes les séances dos concours cantonaux. 

« Tant de zèle, un tel dévouement à un élément social aussi consi¬ 
dérable devaient avoir leur récompense. En l’année 1841, il fut élevé 
au grade d’officier de la Légion d’honneur. 


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368 — 


« M. Perrot était d’une haute stature, d’un tempérament sec et 
nerveux, sa santé, même à l’âge avancé qu’il avait atteint, était resiée 
inébranlable, il est mort subitement, et malgré quelques indisposi¬ 
tions qui manifestement préparaient sa fin, personne de ceux qui 
l’approchaient n’aurait pu soupçonner qu'elle fût si soudaine. Cet 
événement arriva le 5 décembre 1871, il était âgé de 81 ans. 

« M. Perrot aimait la solitude et la retraite, il n’a jamais reçu 
personne et n’a jamais accepté d’invitation, pas même les invitations 
officielles ; on m’a raconté, au Palais, qu’ayant refusé celle d’un 
premier président, à l’insistance que celui-ci adressait verbalement 
et avec quelque hauteur, il avait répondu que : « Pour lui, il n’y 
« avait de premier président que dans la salle d’audience ou à la 
« Chambre du Conseil. » 

< Il se plaisait aux longues marches à pied, et ne montait en voi¬ 
ture que le plus rarement possible ; sa sobriété était telle, que pour 
ses plus intimes amis et ses collègues, la prolongation de sa santé et 
môme de sa vie, était presque à l’état de problème, de l’eau et quel¬ 
ques légumes composaient toute son alimentation. 

< Jamais la vigne n’a été l’objet de l’attention de cet attentif culti¬ 
vateur; il considérait cette plante comme inutile, et Bon produit 
comme dangeroux pour la santé et les mœurs. 

« M. Perrot a voulu se survivre à lui-même, et par son testament 
du 12 janvier 1871, il a fondé le prix que nous remettons aujourd'hui 
au cultivateur distingué désigné par notre section d’Agriculture, et on 
a dit déjà que, voulant prolonger ses relations avec ses collègues au 
delà même de la vie, il a prescrit, par cet acte, qu’un jeton de 
présence fût donné à chacun de ceux d'entre eux qui assisteraient à 
ses funérailles. 

c Et maintenant que notre dette de souvenir est payée à la mémoire 
de notre digne et à plus d’un titre remarquable collègue, il me sera 
permis de jeter un rapide regard sur cette institution des prix d’en¬ 
couragement à décerner par notre association. 

« La première inspiration de créer cet élément d’émulation remonte 
à l’année 1765, époque à laquelle l’Intendant d’Orléans mit à la dis¬ 
position de la Société royale d’agriculture, établie en l’année 1762, 
une somme de 600 livres destinée à l’auteur du meilleur mémoire sur 
La liberté entière du commerce. 

« Un second prix, ayant la même provenance administrative, fut 
décerné par cette Société au cours de l’année 1816 à l’auteur qui 
aurait le mieux indiqué les moyens de supprimer la mendicité. 

« Il est inutile de s’arrêter à toutes les périodes observées pour la 


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369 — 


mise à exécution de cet osage protecteur des travaux scientifiques, il 
suffit de faire remarquer la différence existante entre le caractère des 
sujets qui fout l'objet des prix d’encouragement à la nôtre. 

« Dans la première, les questions à résoudre appartenaient à des 
études métaphysiques et abstraites, dans le moment présent, nos 
exigences, plus modestes, mais plus positives, se contentent d’une 
science pratique. 

c Les premières étaient l’œuvre des penseurs, les secondes sont 
l’œuvre des travailleurs. 

a De nos jours, les rapports de la pensée et du travail n’ont lieu 
-qu’à une condition, celle que de cette union devront naitre des fruits 
actuels, qui profiteront non seulement aux classes savantes, mais aussi 
et surtout à celles qui ne le sont pas. 

« Cette Société royale d’agriculture marcha parallèlement avec celle 
fondée en l’année 1781 sous le titre d’Académie deB Sciences, Arts et 
Belles-Lettres, et toutes les deux disparurent au cours de l’année 
1793, un décret de la Convention ayant supprimé, sans distinction, 
toutes les Académies de la République. 

« Avec le calme revint le culte des lettres, des sciences et des arts, 
-et de toutes les recherches qui charment, développent et honorent 
l’esprit humain, l’agriculture devait entrer dans l’immense programme 
de cette renaissance ; provisoirement, le Préfet du département, le 
18 avril 1809, prenait un arreté qui instituait une Société des sciences 
physiques et médicales, à laquelle se joignirent quelques grands pro¬ 
priétaires, grands protecteurs de l'agriculture. 

« Mais les guerres de l’Empire, sa chute et les troubles politiques 
qui en furent la suite, arrêtèrent cet essor, et ce ne fut qu’en 1818 
.que notre Société fut rétablie suus le titre des Sciences, Belles-Lettres 
et Arts, bientôt converti en celui qu’elle porte aujourd’hui. 

« Il n’a plus été question pour elle de fondation de prix d’encoura¬ 
gement donnés à aucun genre de ses travaux, la section d’Agriculture 
fut la seule en considération de laquelle la Société reçut une subven¬ 
tion départementale. 

Cette concentration de la bienveillance administrative a bientôt 
inspiré à deux membres delà section d’Agriculture la pensée d’ajouter 
à la somme accordée un supplément dans la forme d’un prix d’encou¬ 
ragement et de récompense, et par là un témoignage de protection et 
d’intérêt ; les trois autres sections, jusqu’ici, n’ont pas eu cet avan¬ 
tage. Mais, aujourd’hui, nos vœux viennent, à cet égard, d’être 
accomplis; désormais, la section des arts aura son concours, comme 


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— 370 — 

la section d’Agrieulture, elle n’aura recours qu’à elle-môme pour juger 
les essais qui lui seront présentés. 

« Son appréciation sera d’autant plus sûre, qu’elle possède au 
nombre de ses membres de savants amis des arts, amateurs ou artistes 
et particulièrement notre collègue, l’éminent aquarelliste Chouppe et 
l’auteur d’œuvres admises dans les expositions nationales, et par con¬ 
séquent les plus solennelles et les plus sévères. 

« Bientôt, nous placerons à côté du buste de M. de Morogues le 
buste d’Emile Davoust, tous les deux sont dus à l’habile ciseau de 
notre collègue M. Didier, et bientôt, grâce à lui, nous pourrons placer 
à côté de ce premier ornement de cette salle do nos séances, le fon¬ 
dateur du prix que nous aurons à distribuer en son nom. 

t Véritable, mais bien triste consolation ; le deuil est dans cette 
enceinte, od y déplore, en présence du bienfait, l’absence du bienfai¬ 
teur, et surtout au moment où va se faire entendre une autre voix 
que celle de l’auteur du rapport de la Commission chargée de pré¬ 
parer la modeste solennité que nous accomplissons. 

a Je m’arrête, une vraie émotion navre le cœur de celui qui, arrivé 
à la dernière limite de l'âge, doit accomplir son devoir de rappeler le 
souvenir de deux hommes distingués, tous les deux dans la force de 
la seconde jeunesse, pleins de vie et d’ardeur, tous deux doués des 
dons de la fortune, dont ils faisaient un si noble usage, faits par 
l’éducation et l’étude., animés de l’amour du bien, du beau et de l’utile ; 
tous les deux chers à la famille, à l’amitié, à la cité, à la science, aux 
lettres et aux arts, et qui tous les deux, en même temps, ont disparu 
pour ne plus vivre que dans la mémoire de ceux qui les ont connus, 
et laissant une longue suite des plus vifs regrets. » 

« Après avoir achevé son discours, M. le Président donne connais¬ 
sance d’une lettre par laquelle M. le Sous-Préfet de Pithiviers s’ex¬ 
cuse de n’avoir pu répondre à l’appel de la Société qui l’avait invité à 
prendre part à cette réunion conformément au désir exprimé par 
M. Lesage. 

La Société décide que le discours de M. Bimbenet sera copié sur le 
registre des procès-verbaux et imprimé dans le Bulletin. 

M. le Vice-Président Paulmier donne lecture du mémoire présenté 
à la Société par notre honorable rogretté collègue, M. Pinçon, rappor¬ 
teur de la Commission dite du Prix Perrot. 

Le Prix est ensuite remis à M. Lesage par M. le Président qui pro¬ 
nonce ces paroles : 

« Je ne devais pas devancer la section d’Agriculture dans la 


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— 371 


communication des motifs qui ont déterminé sa proposition adoptée 
à l’unanimité par toutes les questions de vous décerner le prix que 
j'ai l’honneur de vous remettre. 

« Je ne saurais rien y ajouter et je dois me borner à me rendre 
l'interprète de tous en vous exprimant les sentiments de haute estime 
que ce rapport nous a inspirés, en vous félicitant de vos succès et de 
l’exemple que vous avez donné à tous ceux qui comme vous suivent 
la carrière que vous parcourez d’une manière aussi fructueuse et aussi 
honorable. » 

M. Lesage adresse en quelques mots ses remerciements à la Société 
tout entière et à M. le Président. 

M. le Secrétaire-Général donne lecture d’une lettre adressée par 
l’Association Française pour l’avancement des sciences. 

Cette Société invite les membres de la Société à prendre part au 
Congrès de Marseille qui s’ouvrira le 17 septembre prochain et sera 
clos le 24 du même mois. 

La Société des Agriculteurs de France adresse à la Société d’Orléans 
un questionnaire relatif à la culture industrielle de la pomme de terre, 
et du blé, ainsi qu’au prix de revient desdites cultures. 

Ce questionnaire est renvoyé à la section d’Agriculture. 

M. le Secrétaire-Général signale au nombre des ouvrages reçus : 
1° une brochure de M. Fournier, jeune, membre de la Société Archéo¬ 
logique de l’Orléanais, architecte à Orléans ; 2° un nouveau fascicule 
des promenades pittoresques dans le Loiret, de notre collègue 
M. Emile Huet ; 3° un ouvrage de M. L. Jarry sur le Bâtard d'Orléans; 
4° enfin deux brochures de M. Dumuys l’une intitulée : Document sur 
la Fête du 8 Mai i89\ à Orléans et l’autre intitulée : Le Drame de 
la rue des Murlins , nouvelle Orléanaise, cette dernière est signée du 
pseudonyme Noël Guépin. 

Des remerciraent8 sont adressés aux donateurs. 

M. Loiseleur signale à l’attention de ses collègues : 1° dans les 
mémoires des antiquaires du Centre un travail intitulé : Les Monnaies 
de Bourges aux IX e et X e siècles ; de l’immobilisation des monnaies ; 
2° dans les mémoires de l’Académie Royale des Lyncei une autre dis¬ 
sertation sur les levées établis le long des fleuves chez les Romains, 

Ce travail est renvoyé à M. Guillon, qui se charge de le résumer et 
de l’apprécier. 

La séance est levée à neuf heures un quart. 

Etaient présents 22 membres. 


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Séance du 19 juin 1891 . 


Présidence de M. Bimbenet, président. 


M. le directeur du Musée Guymet adresse à la société un ouvrage 
intitulé : Les symboles, les emblèmes , lis accessoires du culte chez 
les Annamites , par G. Dumoutier. 

Le portrait gravé de M. Collin notre regretté collègue est déposé sur 
le bureau. 

M. Bimbenet continue la lecture de son mémoiro intitulé : Brune - 
hault et Marie Antoinette . (Les deux reines). 

Le mémoire est renvoyé à la section des lettres. 

La séance esc levée à neuf heures un quart. 

Etaient présents : 15 membres. 


Séance du 3 juillet 1891 . 


Présidence de M. Bimbenet, président. 


M. le Secrétaire-Général donne connaissance des ouvrages. Il lit une 
lettre adressée par le Bureau de la société des Agriculteurs de France 
relative à la fondation d’un hôtel de la Société, rue d’Athènes, à 
Paris. 

M. le D r Lepage donne lecture d’un mémoire intitulé ; Statistique 
médicale d'Orléans aucouisdes années 1887,1838,1889,1890. 

Ce travail est renvoyé à la section de Médecine. 

M. le Président donne connaissance de l’envoi d’un volume de M. 
Ch. Ploix intitulé : Le surnaturel dans les contes populaires. 

11 lit une lettre de M. Lesage, titulaire du prix Perrot, réclamant le 
diplôme auquel il croit avoir droit. La société n’ayant pas l’habitude 
de délivrer de semblables pièces, se trouve dans l’impossibilité de 
donner satisfaction au désir de M. Lesage. 

Des portraits de M. Collin (petit format) sont donnés aux membres 
présents de la société. 

La séance est levée à neuf heures un quart. 

Etaient présents : 15 membres. 


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373 — 


Séance du 17 juillet 1891 . 


Présidence de M. Bimbenet, président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire-Général donne connaissance des ouvrages reçus 
depuis la dernière réunion. Il signale dans l'Académie des Lyncei de 
Rome des travaux faits en vue de dresser la carte archéologique de 
Tltalie. 

Le Ministre invite l’Académie à publier au plutôt cette carte. 

L’Académie des Lyncei mentionne la découverte de 14 nouveaux 
fragments d’un plan gigantesque de la ville de Rome dressé et gravé 
sur marbre sous le règne de Septime-Sévère. 

Deux cents fragments de ce même plan avaient été entièrement 
recueillis. 

La section de médecine s’est réunie pour examiner le travail de 
M. le D r Lepage intitulé : Statistique médicale de la ville d’Orléans 
pour les années 1887, 1888, 1889, 1890; M. le D r Patay lit un rapport 
sur le mémoire de son collègue. 

M. le D r Arqué, président de la section, demande à la société de 
voter l’impression de la statistique conformément aux conclusions 
du rapporteur. 

La société se prononce en faveur de l’impresion du travail de M. le 
D r Lepage et de celle du rapport du D r Patay. 

M. le Président, à l’occasion de la dernière séance de l’année adresse 
les quelques mots suivants dont l’insertion au procès-verbal est votée. 

« L’année réglementaire est terminée, elle recommencera le 2 oc¬ 
tobre prochain. Dans l’espace qui s’ouvre devant nous, je prends donc 
la liberté de souhaiter à tous de doux loisirs, une heureuse santé et au 
retour, des communications scientifiques et littéraires aussi intéres¬ 
santes et aussi importantes que celles qui ont signalé l’année qui vient 
de s’écouler. » 

La séance est levée à huit heures trois quarts. 

Etaient présents : 23 membres. 


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374 


Séance du 2 octobre 1891 , 


Présidence de M. Pàulmier, vice- président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est la et adopté. 

M. le Président dépose sur le bureau la carte de visite que Mgr. 
l’évêque d’Orléans vient d’adresser à la société à l’occasion de la 
mort de M. Bimbenet, son président. 

M. le Secrétaire-Général donne connaissance des nombreux ou¬ 
vrages reçus pendant les vacancos de la société. 

Nous devons noter : une lettre du secrétaire-général de la société des 
sciences naturelles de l'ouest de la France exprimant le désir de 
compter notre société au nombre des correspondantes de la sienne et 
d’obtenir l’échange de nos publications. 

Cette proposition mise aux voix est adoptée. 

A signaler : le programme du congrès des sociétés savantes à la 
Sorbonne en 1892, envoyé par M. le Ministre de l’Instruction publi¬ 
que et des Beaux-Arts. 

M. Pàulmier lit une notice nécrologique sur le regretté M. Bim¬ 
benet. Cette lecture écoutée dans un religieux silence provoque d'una¬ 
nimes applaudissements. 

La société décide que cette notice sera publiée dans ses mémoires. 

La séance est levée à neuf heures. 

Etaient présents : 14 membres. 


Séance du 15 octobre 1891 . 


Présidence de M. Pàulmier, vice-président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le secrétaire-Général donne connaissance des ouvrages reçus 
depuis la dernière réunion. Il signale entre autres les dons faits à la 
société: par M. l’abbé Desnoyers d’un ouvrage intitule: de l’Icono- 


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- 375 — 


graphie de Jeanne d’Arc et par M. Huet, d'un mémoire, intitulé : 
Jeanne d’Arc et la musique à Orléans. Des remercîments sont votés à 
leurs auteurs. 

M. Guerrier donne lecture de la première partie d'un mémoire inti¬ 
tulé : Pomponius Lœtus et VAcadémie Romaine. 

Sur la proposition de M. Desnoyers* la société décide à l’unanimité 
qu’il y a lieu de faire graver le portrait de M. Bimbenet, son regretté 
Président, à l’aide d’une photographie fort ressemblante que possède 
la famille et qui a été faite il y a fort peu de temps. 

Sur la proposition de M. Basseville, la Société pourra s’entendre à 
ce sujet avec la société archéologique qui a la même intention. Cette 
gravure sera faite à frais communs. 

La séance est levée à 9 heures. 

Etaient présents : 17 membres. 


Séance du 6 novembre 1891 . 


Présidence de Paulmier, vice-président. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire-Général tout en donnant connaissance des ouvrages 
reçus depuis la dernière réunion signale à la société quelques faits 
intéressants rapportés dans les mémoires « de l’Académie des Lyncei » 
de Home. 

Il s’agit de découvertes récenment faites dans les eaux du Tifre, au 
bas du c Ponte-Sixto. » 

M. Guerrier continue la lecture de son travail intitulé : « Pompo¬ 
nius Lœtus et VAcadémie de Rome. » 

Ce mémoire est renvoyé à la section des lettres. 

La séance est levée à neuf heures. 

Etaient présents : 15 membres. 


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— 376 — 

Séance du 20 'novembre 1891 . 


Présidence de M. Paulmier, vice-président. 


Le procés-verb&l de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Secrétaire-Général donne connaissance des ouvrages reçus 
depuis la dernière réunion. Il signale notamment le discours de ren¬ 
trée prononcé par M. Escoffier substitut du procureur-général, devant 
la Cour d’Orléans à la date du 16 novembre 1891; ce discours traite 
« des crimes passionnels, t» 

Des remercîments sont votés au donateur. 

M. l’abbé Cochard continue la lecture de son étude sur les Juifs 
d Orléans. 

La séance est levée à huit heures trois quarts. 

Etaient présents : 22 membres. 


Séance du 4 décembre 1891 . 


Présidence de M. Paulmier, vice-président. 


Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. 

M. le Secrétaire-Général donne connaissance dos ouvrages reçus 
depuis la dernière réunion. 

M. le Président fait observer que le premier jour de l’année 1892 
sera un vendredi. Il propose en conséquence de remettre la séance de 
ce jour au 5 e vendredi dudit mois de janvier. Cette proposition est 
acceptée. 

Sur la proposition du chef du bureau, la société décide que la pro¬ 
chaine séance de décembre prendra un caractère administratif. De 
cette manière, la société pourra procéder à l’élection du successeur de 
l'honorable M. Bimbenet décédé, attendu qu’à cette date sera passé 
le délai de trois mois qu’il est d’usage de laisser écouler entre la mort 
d'un membre du bureau et l’élection de son remplaçant. 


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— 377 — 


M. l'abbé Desnoyers fait au nom de la section des lettres un rapport 
sur le mémoire de M. Guerrier intitulé : Pomjjonins Lœtus et l'Aca¬ 
démie Romaine . » 

La société sanctionne par son vote les conclusions de la section 
favorables à l’impression du mémoire et du rapport. 

M. l’abbé Coohard continue la lecture de son mémoire intitulé ; 
Histoire des Juifs d'Orléans . 

La séance est levée à neuf heures. 

Etaient présents : 24 membres. 


Séance du 18 décembre 1891 


Présidence de M. Pàulmier, vice-président 


Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. 

M. le Secrétaire-général donne connaissance des ouvrages reçus 
depuis la dernière réunion. 

11 mentionne également les communications écrites adressées à la 
Société et notamment : 

I e Une pétition rédigée par la Société des agriculteurs de France, 
relative aux produits de Fapiculture et destinés à être signée par les 
membres de la société. 

(Cette pièce est renvoyée à l’examen de la Commission d’agri¬ 
culture. 

2° Une note émanant de la Préfecture du Loiret et annonçant une 
distribution à prix d’argent de vignes américaines. 

M. Bouchet de Molandon fait hommage à la Société de deux 
brochures dont il est l’auteur. 

L’une contient la Biographie de M. Henry de Courmont, directeur 
honoraire des Beaux-Arts. 

L’autre est intitulée : « Un oncle de Jeanne d'Arc depuis quatre 
siècles oublié. (Mangin de Vouthon). 

Des remerciments sont votés au donateur. 

M. le Préfet du Loiret fait hommage à la Société de son 
rapport annuel présenté au Conseil général du département du Loiret 
A la session d’août. 

25 


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— 378 — 


M. Durauys fait hommage à la Société d’un petit volume récemment 
édité, par lui, sous le pseudonyme de Noël Guépiu et tiré à 100 exem 
plaires seulement. 

Cette publication intitulée c Esquisses orlêanaises » est renvoyée à 
l’examen d'un membre de la section des lettres qui sera chargée de 
présenter sur elle un rapport analytique. 

M. le Président déclare alors que la séance administrative est 
ouverte et la Société procède à l’élection de son président en rempla¬ 
cement de M. Bimbenet décédé. 

M. Paulmier vice-président est appelé à cette haute fonction. 

Le nouveau titulaire remercie aussitôt en ces termes la Compagnie 
de l’honneur qu’elle daigne lui faire. 

« Messieurs, 

c C’est avec une profonde émotion que je vous remercie de l’hon¬ 
neur que vous me faites en me nommant président de votre société. 

c C’est nn grand honneur dont j’ai lieu d’être fier, mais, comme 
dans toutes les médailles il y a un revers, c’est un bien périlleux 
honneur. 

c Périlléux honneur, quand je me rappelle ceux qui ont occupé 
ce fauteuil avec tant de distinction, MM. de Sainte-Marie, Bague- 
nault de Viéville et Bimbenet, dont les souvenirs sont gravés dans 
toutes leB mémoires et qui ont laissé, dans notre société une répu¬ 
tation do capacité, de lettrés, de travailleurs que je ne puis vous 
offrir. 

« Périlleux honneur, surtout quand je vois à côté et en face de moi, 
de si nombreux et de si savants collègues, dont beaucoup sont plus 
anciens que moi dans cette enceinte ; tous s’étant distingués par des 
travaux remarquables et qui auraient occupé avec l’autorité du savoir 
cette haute situation. 

c C’est une lourde charge que vous m’avez imposée ; mais cette 
charge jo l’accepte, parce que je connais votre bienveillance habi¬ 
tuelle, et que je compte sur elle pour m’en rendre le fardeau bien 
léger. 

c Si nous sommes divisés en plusieurs sections, l’union est parfaite 
entre les sections et entre tous les membres de la société. Tous nous 
sommes réunis dans un même sentiment d’affabilité qui rend les 
rapports agréables et les discussions toujours courtoises. Il semble 
que nous sommes membres d’une même famille et cette harmonie 
constitue un des grands charmes qu’on éprouve, quand on devient 


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— 379 — 


membre de la Société des Sciencss, Belles-Lettres et arts et rend bien 
facile le rôle du président. 

« Je me rassure, quand je vois que la foudre présidentielle consiste 
dans une petite sonnette, dont le son ne peut dominer une voix un 
peu forte. Je l'ai toujours vue et je suis persuadé qu’il n’y aura pas 
nécessité d'imposer à notre cher trésorier l’acquisition d’une grosse 
cloche pour dominer les orages, parce que ce n’est ni dans vos 
précédents, ni dans vos habitudes, ni dans vos goûts. 

« Je compte sur votre bienveillance, et en échange, je vous assure 
de mon dévouement tout entier. 

c J’aurais fini ; mais je pense que cette séance est la dernière de 
l'année. Permettez à votre président de profiter de ce que vous êtes 
Téunis en si grand nombre, pour vous offrir à tous ses vœux et ses 
souhaits les plus sincères pour vous, les vôtres et pour la prospérité 
de notre société. 

« Depuis la rentrée, chacune de nos séances a été utilement employée 
et nous avons eu le plaisir d’entendre des lectures qui feront le plus 
grand honneur à notre société. Puisse-t-il toujours en être ainsil 

« Hélas 1 l’année qui vient de s’écouler a été pour notre société 
une année douloureuse. Nous avons perdu quatre des nôtres, qui 
comptaient parmi les plus distingués et les plus vaillants. Dans 
quelques temps, vos sections de l’agriculture, des lettres et des 
sciences, vous présenteront des candidats pour combler les vides que 
la mort a faits parmi nous. 

< Que l’année 1892, ne renouvelle pas nos deuils, qu’elle donne à 
tous la santé, et qu’elle rétablisse ceux qui sont éloignés de nous par 
la maladie. Je souhaite que nous nous retrouvions longtemps ensemble. 
C’est mon vœu le plus cher, » 

Ces paroles étant prononcées, la Société procède à l’élection de son 
vice-président. 

M. l’abbé Desnoyers est appelé à remplacer M. Paulmier. 

M. Desnoyers remercie à son tour la société de l’honneur qu’elle 
vient de lui faire et s’excuse, pour ainsi dire, d’accepter ses nouvelles 
fonctions. 

< Virgile n’a-t-il pas dès longtemps donné sous une forme poétique, 
aux humains chargés d’années, le conseil de rentrer dans le calme et 
le repos, c lie domum stature venit , hesperus , ite capellœ ! » 

« Mais non, son attachement à la société, son dévouement l’empor¬ 
tent dans son cœur sur la raison même, le nouveau titulaire acceptera 
ses fonctions, dût-il répéter à l’instar du gladiateur passant sous le 
podium du Colisée, aux pieds de l’empereur: Moriturus vossalutat . » 


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— 380 — 


11 n’aura qu’un regret en prenant place au bureau, c’est de n’y plus 
trouver le sympathique secrétaire qui fut son jeune ami, Emile 
Davoust, cet artiste ploin de talent que la mort implacable a brus¬ 
quement enlevé à l’affection de tous ceux qui l’ont connu. % 

Ces paroles sont accueillies avec émotion et reconnaissance par tous 
les membres présents, ceux-ci refusent toutefois de croire aux funestes 
pronostics de leur nouveau vice-président et manifestent l'espoir 
de le voir nommé o ad multos annos ! » 

Les élections étant achevées, la séance administrative est close et 
la séance ordinaire est reprise, en vertu de la déclaration qui en est 
faite parM. le Président. 

M. Edouard de Laage de Meux donne lecture d’un mémoire 
intitulé: a M . de Saint-Venant et le service spècial des Ponts - 
et Chaussées en Sologne. » 

Ce travail est renvoyé à la section d’agriculture. 

La séance est levée à neuf heures et demie. 


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TABLE DU TRENTIEME VOLUME. 


Pages 

André-Gaspard-Parfait de Bizemont-Prunelé , graveur à 
Orléans, et soc œuvre, par M. Émile Davoust. 5 

Rapport de M. Quillon sur l'histoire de Marie-Antoinette, par 
M. Maxime delà Rocheterie. 59 

Notice nécrologique sur M. Collin, par M. E. Bimbenet.... (55 

Les incendies de la porét d'Orléans, par M. Domet. 103 

Rapport sur ce Mémoire, par M. Paulmier. 112 

Souvenirs d’Orient. — Chasse a l’émail, par M. Léon Dumuvs. 123 

L'éclampsie puerpérale, par M. le D r Deshayes. 149 

Rapport sur ce Mémoire, par M. le D r Arqué. 174 

Rapport sur le prix Perrot, par M. Albert Pinçon. 183 

Remise du prix. — Allocution de M. le Président. 191 

Davesiès de Pontés. — Notice biographique, par M. l'abbé 

Dssnoyers. 199 

Rapport de M. Km. Huet sur cette notice. 217 

Statistique médicale de la ville d’Orléans. Années 1887; 

1888,1889, 1890, par M. le D r Lepage. 224 

Rapport sur le Mémoire qui précède, par M. le D r Patay. 267 

Note sur une pierre néphrétique, par M. le D* Patay. 273 

M. Eugène Bimbenet. —Notice nécrologique, par M. Paulmier. 275 
Pomponius Lætus et l'Académib romaine, par M. L. Guerrier. 282 
Rapport sur le Mémoire qui précède, par M. l'abbé Desnoyers. 317 

ProcÉ8-verbaux des séances. Année 1890 . 323 

Procès-verbaux des séances. Année 1891. 352 


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